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Dossier pour la Marche des Vivants Livret pédagogique du guide

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Yad Vashem | Institut commémoratif de <strong>la</strong> Shoah et de l’ Héroisme,<br />

Ecole Internationale <strong>pour</strong> l’ Etude de <strong>la</strong> Shoah<br />

<strong>Dossier</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>Marche</strong> <strong>des</strong> <strong>Vivants</strong><br />

<strong>Livret</strong> <strong>pédagogique</strong> <strong>du</strong> <strong>guide</strong>


<strong>Dossier</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>Marche</strong> <strong>des</strong> <strong>Vivants</strong><br />

<strong>Livret</strong> <strong>pédagogique</strong> <strong>du</strong> <strong>guide</strong>


avec le soutien de <strong>la</strong> Fondation <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Mémoire de <strong>la</strong> Shoah<br />

Rédaction | Osnat Dadon,Yaakov Yaniv, Section de <strong>la</strong> Formation <strong>des</strong> Gui<strong>des</strong>,<br />

Ecole Internationale <strong>pour</strong> l’Etude de <strong>la</strong> Shoah<br />

Tra<strong>du</strong>ction | Esther Vento<br />

Edition | Valérie Ben Or<br />

Pro<strong>du</strong>ction | Ami Sternschuss<br />

Conception Graphique | Eran Zirman<br />

© 2005<br />

Tous droits réservés à l’Ecole Internationale <strong>pour</strong> l’ étude de <strong>la</strong> shoah,<br />

Yad Vashem, tous droits de tra<strong>du</strong>ction, de repro<strong>du</strong>ction et d’ adaptation<br />

réservés <strong>pour</strong> tous pays.<br />

Toute représentation integrale ou partielle faite par quelque procedé que<br />

ce soit sans autorisation de l’ éditeur est illicite<br />

Yad vashem | Institut commémoratif de <strong>la</strong> Shoah et de l’ Héroisme,<br />

Ecole Internationale <strong>pour</strong> l’ Etude de <strong>la</strong> Shoah


Table <strong>des</strong> matières<br />

5 Varsovie<br />

7 Le rabbin Shlomo Zalman Lifshitz<br />

8 Meir Balban<br />

9 Les Fosses Communes<br />

10 Adam Czerniakow<br />

12 Zamenhof<br />

13 Le Bund<br />

14 Y.L. Peretz, Ansky Dinezon<br />

16 La synagogue de Nozick<br />

17 L’église <strong>des</strong> convertis<br />

19 La synagogue de <strong>la</strong> rue Tlomackie<br />

21 L’Institut juif d’histoire – ZIH<br />

22 L’orphelinat de Janusz Korczak<br />

24 Histoire <strong>du</strong> ghetto de Varsovie-le mur, Zlota<br />

26 Témoignages<br />

29 La seconde déportation le 18 janvier 1943<br />

30 Le soulèvement<br />

32 Le 20 de <strong>la</strong> rue Chlodna et le pont en bois<br />

34 Le parcours de l’héroïsme<br />

45 L’organisation Zegota<br />

48 Tikochin<br />

53 Lublin<br />

57 Cracovie<br />

74 Les camps<br />

77 Témoignages Convoi <strong>pour</strong> Treblinka<br />

91 Témoignages Les ’actions’ contre les enfants<br />

92 Auschwitz<br />

95 Témoignages Auschwitz- Birkenau


Varsovie<br />

LE CIMETIERE JUIF DE VARSOVIE ( OKOPOWA)<br />

Le cimetière juif de Varsovie, situé rue Okopowa et existant depuis le début<br />

<strong>du</strong> XIX0 siècle, (les premières tombes datent de 1807), est l’un <strong>des</strong> plus grands<br />

cimetières d’Europe. Il est devenu, après <strong>la</strong> Seconde Guerre mondiale un<br />

monument à <strong>la</strong> mémoire de <strong>la</strong> communauté juive de Pologne, détruite par<br />

les nazis.<br />

Le cimetière est entretenu par <strong>la</strong> communauté juive de Varsovie. Dans ce<br />

but une fondation <strong>du</strong> cimetière Juif Gésia a été établi en 1992.<br />

Varsovie Pologne, Le cimetière sous <strong>la</strong> neige<br />

5


Au temps <strong>du</strong> ghetto<br />

Pendant <strong>la</strong> période <strong>du</strong> ghetto, on y enterrait les juifs. Au début, les personnes<br />

qui mourraient au ghetto étaient inhumées dans <strong>des</strong> tombes indivi<strong>du</strong>elles,<br />

ce qui ne sera bientôt plus possible car, plus tard, quand les morts se<br />

multiplièrent à cause <strong>des</strong> conditions de vie au ghetto, c’est seulement dans<br />

<strong>des</strong> fosses communes que l’on enterrait les corps chaque fois plus nombreux.<br />

Mais c’était un chemin que les juifs enfermés au ghetto empruntaient <strong>pour</strong><br />

en sortir ou <strong>pour</strong> y pénétrer. Comme il était situé à l’extérieur <strong>des</strong> murs <strong>du</strong><br />

ghetto, tout en faisant partie <strong>du</strong> ghetto, à proximité <strong>du</strong> cimetière local, et<br />

c’était secrètement bien sûr que par là était infiltré au ghetto de <strong>la</strong> nourriture<br />

et <strong>des</strong> armes c<strong>la</strong>n<strong>des</strong>tinement.<br />

Roman Vishniac:<br />

“Soudain, tous les lieux où <strong>des</strong> Juifs avaient vécu pendant <strong>des</strong> centaines d’années,<br />

avaient disparu.<br />

Et je pensais que dans les années à venir, longtemps après <strong>la</strong> Shoah, les Juifs<br />

voudraient que leur soient racontés ces endroits qui avaient disparu, et <strong>la</strong> vie qui<br />

fut qui ne serait plus”.<br />

6


Le rabbin Shlomo Zalman Lifshitz 1765-1839<br />

“Ohel hemdat Shlomo”<br />

Le rabbin Shlomo Zalman Lifshitz est né à Poznan en 1765 où il grandit et<br />

suivit <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> rabbiniques. Il y fut même rabbin de sa communauté. Mais<br />

le mouvement hassidique ne lui p<strong>la</strong>isait pas et quand il fut convié à se rendre<br />

dans <strong>la</strong> ville de Poznan, en 1819, où on lui proposait de devenir rabbin <strong>du</strong><br />

quartier Praga à Varsovie.<br />

Deux ans plus tard il sera nommé rabbin de Varsovie. Pendant une vingtaine<br />

d’années, il sera confronté aux diverses tendances <strong>du</strong> judaïsme local. D’un côté<br />

le mouvement de <strong>la</strong> haska<strong>la</strong> prend de l’ampleur, face aux hassi<strong>des</strong> de Gour.<br />

Dans son ouvrage Hemdat Shlomo, il débat <strong>des</strong> différents problèmes de<br />

son époque et son nom est rapidement connu dans <strong>la</strong> Diaspora. L’un <strong>des</strong><br />

sujets qui le préoccupaient était le nouveau style de vie qu’avaient adopté<br />

certains jeunes juifs de sa communauté. Il n’hésite pas à utiliser les autorités<br />

de l’ordre locales.<br />

Et à ce propos,il écrit <strong>la</strong> lettre suivante:<br />

“ces derniers temps, les jeunes juifs, en particuliers les servantes et les servants ont<br />

tendance à négliger leurs devoirs religieux. Ils ne respectent ni le shabbat ni les<br />

fêtes juives, ils ne vont ni à <strong>la</strong> synagogue, et passent leur temps à <strong>des</strong> divertissements,<br />

à danser et passent leurs soirées dans les lieux où l’on boit et se promènent dans<br />

les jardins. Et chacun sait que l’on ne peut se fier à une personne qui ne respecte<br />

pas les règles religieuses <strong>pour</strong> être un bon citoyen de son pays. Dans cette logique,<br />

le rabbin demandait aux autorités municipales d’envoyer <strong>des</strong> policiers <strong>pour</strong> aider les<br />

shamash à mettre fin à ces comportements odieux.”<br />

La municipalité accéda à sa requête.<br />

Il avait un style de vie mo<strong>des</strong>te et devint un modèle <strong>pour</strong> sa communauté.<br />

C’était un chef spirituel à l’âme d’é<strong>du</strong>cateur. On raconte qu’un jour, un mendiant<br />

qui était chez lui vo<strong>la</strong> le manteau de <strong>la</strong> femme <strong>du</strong> rabbin, et, quand on l’attrapa,<br />

le rabbin demanda au shamash de se rendre chez l’homme et de lui fournir ce<br />

dont il avait besoin sans attendre qu’il vienne demander de l’aide, car il aurait<br />

sûrement honte de venir après avoir été pris en f<strong>la</strong>grant délit de vol.<br />

On raconte encore à son propos que lorsqu’il rentrait chez lui <strong>du</strong> mikve,<br />

il n’en revenait jamais avec deux chemises, car il donnait <strong>la</strong> chemise usagée<br />

à un pauvre.<br />

7


Meir Balban (1877-1942)<br />

Sa biographie<br />

Meir Balban est né en 1877 à Lwow dans une<br />

famille très respectable et cultivée. Il reçut une<br />

é<strong>du</strong>cation juive traditionnelle et enseigna<br />

d’abord dans un lycée et ensuite dans <strong>des</strong><br />

établissements d’enseignement supérieur. Puis<br />

enfin dirigea le séminaire de rabbins ’Tarkemoni’<br />

à Varsovie.<br />

En 1936, il obtint <strong>la</strong> chaire d’Histoire juive à<br />

l’Université de Varsovie<br />

Il sera l’un <strong>des</strong> fondateurs de l’Institut<br />

d’Etu<strong>des</strong> Juives à l’université et il en est ensuite<br />

recteur pendant plusieurs années.<br />

Il était très rare qu’un juif polonais occupe<br />

un poste aussi prestigieux, ce qui donne une indication de l’estime dans<br />

<strong>la</strong>quelle le tenaient les Polonais. Sa contribution fut importante dans le domaine<br />

de l’histoire de <strong>la</strong> communauté juive. Ses écrits consignaient les résultats<br />

d’une étude approfondie et minutieuse. Deux de ses livres les plus importants<br />

qui ont été publiés avant <strong>la</strong> Première Guerre Mondiale sont consacrés à<br />

l’histoire <strong>des</strong> Juifs de Lwow et <strong>des</strong> juifs de Cracovie. Il fut l’un <strong>des</strong> précurseurs<br />

de <strong>la</strong> recherche de l’historie <strong>des</strong> Juifs de Pologne. Par ailleurs, ses oeuvres<br />

littéraires dans le domaine de <strong>la</strong> pédagogie connurent un grand succès entre<br />

les deux guerres mondiales, c’est d’ailleurs à cette époque que <strong>la</strong> Pologne<br />

prend une p<strong>la</strong>ce centrale dans <strong>la</strong> vie juive Europe. Il restera à Varsovie jusqu’à<br />

<strong>la</strong> fin de ses jours et continuera à travailler même dans les conditions extrêmes<br />

qui étaient celles <strong>du</strong> ghetto. Il fut un historien prolifique, publiant <strong>des</strong> centaines<br />

d’articles et de livres en Polonais, en Russe, en Allemand, en Yiddish et en<br />

Hébreu et ses úuvres furent consacrées à l’histoire <strong>des</strong> juifs de Pologne depuis<br />

leur imp<strong>la</strong>ntation initiale dans le pays et jusqu’au XIX∞ siècle. Son travail<br />

consistera en grande partie à collecter <strong>des</strong> documents sur les juifs de Pologne<br />

et leur histoire, l’histoire <strong>des</strong> synagogues historiques importantes en Pologne<br />

et leurs caractéristiques. Un papier particulièrement remarquable qu’il écrivit<br />

à <strong>la</strong> demande de <strong>la</strong> communauté de Cracovie était consacré à l’histoire <strong>des</strong><br />

juifs de Cracovie et Kuzimitz. De cette façon il établit une nouvelle école <strong>pour</strong><br />

l’étude de l’historiographie <strong>des</strong> juifs de Pologne.<br />

Meir B<strong>la</strong>ban Historien <strong>des</strong><br />

Juifs de Pologne<br />

8


Les Fosses Communes<br />

La surpopu<strong>la</strong>tion au ghetto, <strong>la</strong> famine et les conditions sanitaires déplorables<br />

créèrent <strong>des</strong> conditions de vie extrêmement difficiles et par conséquent, les<br />

juifs mouraient nombreux. Les morts se multipliaient, <strong>pour</strong> dans <strong>la</strong> pire<br />

période atteindre les 5000 morts par mois. Dans ces conditions, il était<br />

évidemment impossible d’enterrer les morts indivi<strong>du</strong>ellement. La solution<br />

était de les inhumer dans <strong>des</strong> fosses communes. La famille <strong>du</strong> défunt déposait<br />

le cadavre dans <strong>la</strong> rue <strong>pour</strong> que les membres <strong>du</strong> judenrat s’en chargent et<br />

l’enterrent dans une fosse commune au cimetière. Rachel Orbach écrit dans<br />

son journal<br />

Dans le cimetière il y avait 4 fosses communes.<br />

Et dans tous les sens circu<strong>la</strong>ient les chariots de <strong>la</strong> mort débordants de leur triste<br />

fardeau. Et les morts étaient rapidement acheminés et tous les passages et toutes<br />

les rues étaient comme <strong>des</strong> affluents qui venaient rejoindre un fleuve énorme qui<br />

ava<strong>la</strong>it tout sur son passage.<br />

Juifs <strong>du</strong> ghetto poussant un chariot plein de corps en direction <strong>du</strong> cimétiere<br />

9


Adam Czerniakow 1880-1942<br />

Le chef <strong>du</strong> judenrat à Varsovie, natif de cette ville est né en 1880 dans une<br />

famille juive assimilée de <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse moyenne. Il avait étudié à l’école<br />

Polytechnique dont il avait obtenu un diplôme d’ingénieur en Chimie. Il était<br />

professeur dans un lycée professionnel juif de <strong>la</strong> ville. Il n’appartenait à aucun<br />

mouvement politique défini, mais il faisait partie de <strong>la</strong> commission de l’Agence<br />

juive de Varsovie comme représentant <strong>des</strong> juifs anti sionistes. Il fut aussi<br />

conseiller municipal entre 1927 et 1934.<br />

Au début <strong>du</strong> mois de septembre 1939, il fut nommé par le maire de Varsovie,<br />

à <strong>la</strong> tête de <strong>la</strong> communauté juive religieuse de Varsovie. Le 4 octobre, après<br />

que <strong>la</strong> ville se fut ren<strong>du</strong>e, il est nommé chef <strong>du</strong> judenrat par <strong>la</strong> Gestapo. Sous<br />

l’occupation et dans le ghetto, les domaines d’activités de <strong>la</strong> communauté<br />

juive se sont é<strong>la</strong>rgis de beaucoup et le judenrat doit s’occuper de<br />

l’approvisionnement en nourriture, <strong>du</strong> travail, de <strong>la</strong> santé, <strong>du</strong> logement, <strong>du</strong><br />

nettoyage…<br />

La structure <strong>du</strong> judenrat s’était de beaucoup é<strong>la</strong>rgie. De 530 personnes qui<br />

constituaient le judenrat leur nombre parviendra à 6000. Pendant les premières<br />

années de son mandat il maintenait un contact quotidien avec <strong>la</strong> police allemande<br />

et les délégués civils. Il espérait faire fléchir les Allemands en tentant d’éveiller<br />

en eux un sentiment humain, <strong>pour</strong> tenter d’obtenir <strong>des</strong> conditions meilleures<br />

dans le ghetto. Ce fut peine per<strong>du</strong>e bien sûr. Les Allemands lui infligèrent <strong>des</strong><br />

mauvais traitements verbaux et physiques. Sa personnalité, son caractère et ses<br />

qualités apparaissent différents selon les personnes qui ont parlé de lui, que ce<br />

soit dans le journal qu’ils tenaient ou <strong>des</strong> chroniqueurs. Dans les milieux<br />

résistants, il était dénigré comme assimilé et vivement critiqué, car on voyait<br />

en lui une personne imbue de sa personne qui aimait à se donner de l’importance<br />

et qui tenait à <strong>des</strong> cérémonies publiques qui paraissaient ridicules dans le<br />

contexte <strong>du</strong> ghetto. Mais, vu par ceux qui travail<strong>la</strong>ient avec lui, il était digne<br />

d’éloges et possédait de nombreuses qualités. Sur un point, cependant tous<br />

étaient d’accord, il était d’une droiture irréprochable et les bonnes intentions<br />

sous-tendaient toutes ses actions. Mais, le 23 juillet 1942, il se suicide, refusant<br />

de livrer <strong>des</strong> juifs aux Allemands. Son décès fut interprété comme <strong>la</strong> protestation<br />

d’un homme qui était parvenu à <strong>la</strong> limite entre ses fonctions officielles au ghetto<br />

et <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration avec les ennemis. D’ailleurs, dans le cadre de ses activités,<br />

il avait également adopté une politique économique libérale grâce à <strong>la</strong>quelle,<br />

il fermait les yeux sur <strong>des</strong> activités c<strong>la</strong>n<strong>des</strong>tines. Mais les plus démunis en<br />

10


pâtissaient et dans une certaine mesure ce<strong>la</strong> accentua <strong>des</strong> écarts sociaux entre<br />

les pauvres et <strong>la</strong> petite élite <strong>du</strong> ghetto.<br />

De façon générale, Czerniakow était considéré comme un homme honnête<br />

qui tentait d’agir de son mieux, compte tenu <strong>des</strong> circonstances, et qui se refusa,<br />

le moment venu, à transgresser les limites dernières qui consistaient à livrer<br />

<strong>des</strong> coreligionnaires à <strong>la</strong> mort. Il n’y a aucune preuve qu’il ait profité de sa<br />

position à <strong>des</strong> fins malhonnêtes ou <strong>pour</strong> accepter tout avantage personnel.<br />

A partir <strong>du</strong> 6 octobre il se faisait un devoir de consigner tous les jours le<br />

compte-ren<strong>du</strong> de ses activités dans le cadre de son poste de président <strong>du</strong><br />

judenrat de Varsovie. Ce journal est parvenu à Yad Vashem au milieu <strong>des</strong><br />

années soixante, a été publié en 1968 et il nous fournit un <strong>des</strong> témoignages<br />

les plus marquants de <strong>la</strong> période de <strong>la</strong> Shoah. Le journal éc<strong>la</strong>ire <strong>la</strong> personnalité<br />

de l’homme à <strong>la</strong> tête <strong>du</strong> judenrat de <strong>la</strong> communauté juive <strong>la</strong> plus grande<br />

d’Europe. Voici ce que rapporte dans son journal Kap<strong>la</strong>n, trois jours après le<br />

suicide de Czerniakow. “Par sa mort, il a honoré son nom plus que dans sa<br />

vie… après <strong>la</strong> mort <strong>du</strong> président (Czerniakow) nous avons su qu’il avait<br />

refusé de signer une autorisation de livrer <strong>des</strong> juifs. Sa vie n’a pas été belle,<br />

mais sa mort a été belle…<strong>pour</strong> certains, une heure suffit <strong>pour</strong> se racheter.<br />

Pour le président Czerniakow une seconde aura suffi.”<br />

L’une <strong>des</strong> dirigeantes <strong>du</strong> soulèvement, Tsvia Lubetkin, écrit à propos <strong>du</strong><br />

suicide de Czerniakow:<br />

” Il s’est racheté en devenant fou et ce<strong>la</strong> ne saurait faire pardonner ses actions<br />

passées. Pourquoi n’a-t-il pas prévenu les juifs, <strong>pour</strong>quoi ne les a-t-il pas mis en<br />

garde contre ce qui les attendait?” Sur sa tombe on peut lire:<br />

«L’important n’est pas où se trouvent tes os, un jour ils réouvrirons ta tombe et<br />

jugerons tes actes à travers une nouvelle lumière»<br />

11


Zamenhof (1859-1917)<br />

Ludwik Lejzer Zamenhof est né en 1859 à Bialystok où il vécut jusqu’à l’âge<br />

de 15 ans. Il a grandi dans une famille non religieuse où l’é<strong>du</strong>cation était<br />

primordiale, son grand –père et son père étaient <strong>des</strong> linguistes et on y discutait<br />

librement d’idées diverses. La ville de Bialystok à cette époque avait une<br />

popu<strong>la</strong>tion dont 70 <strong>pour</strong> cent étaient juifs, avec de nombreuses minorités car<br />

elle se trouvait à un carrefour.<br />

Il al<strong>la</strong> à Moscou <strong>pour</strong> y étudier <strong>la</strong> médecine. Il travail<strong>la</strong> ensuite dans un<br />

hôpital local. Et mourut en 1917 <strong>des</strong> suites d’une ma<strong>la</strong>die. Mais surtout, il<br />

reste dans l’histoire de l’humanité comme celui qui a inventé une <strong>la</strong>ngue<br />

nouvelle internationale, l’Espéranto par <strong>la</strong>quelle il espérait que tous les peuples<br />

<strong>pour</strong>raient communiquer. Sur les origines de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue il dit:<br />

“Mon é<strong>du</strong>cation a fait de moi un homme avec certaines aspirations et certains<br />

idéaux et j’ai appris que tous les hommes sont frères. Mais <strong>la</strong> réalité m’a montré<br />

partout, non pas <strong>des</strong> personnes, mais <strong>des</strong> Russes, <strong>des</strong> Polonais, <strong>des</strong> Allemands,<br />

<strong>des</strong> Juifs…<br />

Dans mon enfance j’ai beaucoup souffert de cet état de choses…dans les rues<br />

de ma pauvre ville natale, <strong>des</strong> hommes se jetaient avec <strong>des</strong> matraques sur <strong>des</strong><br />

hommes dont le seul péché était <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue qu’ils par<strong>la</strong>ient, une <strong>la</strong>ngue étrangère,<br />

le yiddish”.<br />

Si je n’étais pas juif <strong>du</strong> ghetto je n’aurais jamais eu l’idée de tenter de réunir les<br />

hommes. Seul un juif <strong>du</strong> ghetto qui prie dans une <strong>la</strong>ngue, morte depuis longtemps,<br />

qui étudie dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de son oppresseur, qui a <strong>des</strong> frères dans le monde entier<br />

qui souffrent <strong>la</strong> même douleur, mais avec lesquels il ne peut parler, peut sentir de<br />

façon aussi cuisante le malheur dans ce manque de communication entre les<br />

hommes.”<br />

12


Le Bund<br />

Le parti socialiste <strong>des</strong> ouvriers juifs a été fondé en 1897 à Vilnius. Au début,<br />

c’est en Russie et en Pologne en particulier qu’il s’est épanoui. Rejetant en<br />

bloc le sionisme, <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue hébraïque et <strong>la</strong> culture juive, le bund considérait<br />

que le yiddish était <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue nationale <strong>du</strong> peuple juif dans ces pays d’Europe<br />

de l’Est. Son combat visait à obtenir l’égalité <strong>des</strong> droits <strong>pour</strong> les juifs dans le<br />

cadre d’un Etat socialiste et démocratique où les juifs, comme les autres<br />

minorités, <strong>pour</strong>raient jouir d’une autonomie culturelle. Le slogan <strong>du</strong><br />

mouvement était: “Pour notre liberté et votre liberté”<br />

Entre les deux guerres mondiales, c’est dans une Pologne indépendante<br />

que le Bund installe son siège, y développant une structure importante<br />

comportant <strong>des</strong> organisations <strong>pour</strong> les jeunes et les enfants, une association<br />

sportive et <strong>des</strong> associations de femmes. Le Bund était l’organisation politique<br />

<strong>la</strong> plus importante entre les organisations de travailleurs juifs et devint une<br />

force centrale au sein de <strong>la</strong> communauté juive de Pologne. Dès que <strong>la</strong> guerre<br />

éc<strong>la</strong>ta, ses dirigeants <strong>pour</strong> <strong>la</strong> plupart quittèrent <strong>la</strong> Pologne. La direction <strong>du</strong><br />

parti à Varsovie refusait toute coopération politique avec les partis et<br />

mouvements de jeunesse sionistes et, plus tard au ghetto de Varsovie, refusèrent<br />

dans un premier temps de se joindre à l’organisation juive de résistance. Ce<br />

n’est qu’en octobre ou novembre 1942, après <strong>la</strong> ’grande action’ menée par les<br />

nazis au ghetto de Varsovie, qu’ils révisent leur position et acceptent de se<br />

coopérer avec les autres organisations juives. Le Bund prend alors part<br />

activement au soulèvement <strong>du</strong> ghetto de Varsovie. D’ailleurs, en 1943, l’un<br />

<strong>des</strong> chefs de l’insurrection était Marc Idelman, <strong>du</strong> Bund.<br />

13


Y.L.Peretz, Ansky, Dinezon<br />

1. (1915-1859) Yitzhak Lev Peretz<br />

L’un <strong>des</strong> grands écrivains en Yiddish et en Hébreu, Peretz, reçu une é<strong>du</strong>cation<br />

traditionnelle et thoranique dans sa ville natale, Zamosc. Il étudia <strong>la</strong> linguistique<br />

hébraïque, le Russe et l’Allemand. Il avait lu dans sa jeunesse de nombreux<br />

ouvrages consacrés à <strong>la</strong> pensée juive et à <strong>la</strong> philosophie et avait hésité entre<br />

les Arts et <strong>la</strong> Philosophie. Il commença à écrire très jeune et l’influence de <strong>la</strong><br />

Haska<strong>la</strong> se fait sentir. En 1886 il visita Varsovie où il rencontra <strong>des</strong> écrivains<br />

juifs et se remit à écrire. En 1888, il publia un premier ouvrage en Yiddish,<br />

dans un style sentimental et ironique, qui marqua l’histoire de <strong>la</strong> littérature<br />

yiddish. En 1890, il s’installe définitivement à Varsovie où il travaille <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

communauté juive locale.<br />

Il écrivit de façon intensive en Yiddish marquant de <strong>la</strong> sorte un tournant<br />

de sa vie. Suite aux pogroms <strong>du</strong> début <strong>des</strong> années quatre-vingt, il se sentit<br />

plus proche <strong>du</strong> peuple juif, de son esprit et de sa <strong>la</strong>ngue, le yiddish.<br />

Toute sa vie il s’est engagé <strong>pour</strong> <strong>la</strong> cause <strong>des</strong> défavorisés et leur style de<br />

vie l’intéressait, ainsi que leur tradition et leur <strong>la</strong>ngue et il ne cessera d’úuvrer<br />

<strong>pour</strong> améliorer leur situation. Toutes ces activités trouvent écho dans son<br />

úuvre littéraire en yiddish. Il contribua à porter cette <strong>la</strong>ngue alors popu<strong>la</strong>ire<br />

au rang de <strong>la</strong>ngue littéraire, en <strong>la</strong> reliant au monde hassidique. Ses contacts<br />

avec les couches défavorisées ont contribué à son engagement social qui<br />

prépara indéniablement <strong>la</strong> naissance <strong>du</strong> mouvement socialiste juif.<br />

En 1894, Peretz continua à écrire, cette fois en Hébreu, composant au début<br />

<strong>des</strong> poèmes d’amour et tra<strong>du</strong>isant ses écrits <strong>du</strong> yiddish. Il a <strong>la</strong>rgement participé<br />

au développement <strong>du</strong> théâtre yiddish et à <strong>la</strong> fin de sa vie, il s’est engagé<br />

d’avantage dans <strong>la</strong> vie culturelle juive en Pologne. Son salon à son domicile<br />

de Varsovie était ouvert aux jeunes écrivains qui écrivaient en Hébreu et en<br />

Yiddish. Il prenait volontiers sous son aile les plus bril<strong>la</strong>nts.<br />

Peretz était un grand artiste et surtout un innovateur de <strong>la</strong> littérature en<br />

yiddish et en hébreu. Il est à juste titre considéré comme l’un <strong>des</strong> grands noms<br />

de <strong>la</strong> littérature yiddish moderne.<br />

2. Shmuel Ansky 1863-1920<br />

Shmuel Ansky, (né Shloyme-Zanvl ben Aaron Hacohen Rappoport) est lui<br />

aussi écrivain. Il a reçu une é<strong>du</strong>cation traditionnelle religieuse au heder et à<br />

14


16 ans il rejette tout <strong>pour</strong> aller étudier le Russe et <strong>des</strong> disciplines générales.<br />

Il subira l’influence <strong>des</strong> livres engagés à <strong>la</strong> suite <strong>des</strong>quels il décide d’aller<br />

vivre parmi les paysans au Sud de <strong>la</strong> Russie. Ses premières oeuvres seront<br />

surtout en Russe mais à partir de 1904, il écrit surtout en Yiddish. Il était<br />

socialiste engagé, révolutionnaire et ce thème était devenu le centre de nombre<br />

de ses écrits. Peretz le rapprochera <strong>du</strong> judaïsme et de <strong>la</strong> culture juive. En<br />

outre, il est l’auteur de <strong>la</strong> célèbre pièce, “Dibbouk”, comme d’ailleurs de<br />

l’hymne <strong>du</strong> Bund, “le Serment”. Par ailleurs il a l’occasion de participer à<br />

plusieurs ’expéditions ethnographiques’ dans les communautés juives. Il<br />

collecte ainsi de nombreux trésors culturels popu<strong>la</strong>ires juifs qu’il c<strong>la</strong>sse.<br />

3. Yaakov Dinezon 1856-1919<br />

Yaakov Dinezon est un écrivain juif qui a reçu une é<strong>du</strong>cation juive traditionnelle,<br />

mais déjà dans sa jeunesse, il se rapproche de <strong>la</strong> Haska<strong>la</strong> et commence à<br />

publier <strong>des</strong> articles et <strong>des</strong> romans, mais ils seront interdits par <strong>la</strong> censure<br />

tsariste. Ses romans sont souvent un reflet, à touches sensibles, de <strong>la</strong> vie <strong>des</strong><br />

juifs de son époque. Il est d’ailleurs considéré comme le père <strong>du</strong> roman<br />

sentimental yiddish. Il publie en outre <strong>des</strong> nouvelles et tra<strong>du</strong>it en yiddish <strong>des</strong><br />

úuvres scientifiques popu<strong>la</strong>ires. Il vit à Varsovie à partir <strong>du</strong> milieu <strong>des</strong> années<br />

80 où il s’engage dans <strong>la</strong> vie publique et littéraire et il devient le col<strong>la</strong>borateur<br />

et ami proche de l’écrivain Y.L.Peretz.<br />

Ces écrivains étaient amis et ont débuté tous les trois comme écrivains<br />

appartenant à <strong>la</strong> haska<strong>la</strong>. Ils portaient un regard critique sur <strong>la</strong> société<br />

traditionnelle dans les petites villes d’Europe de l’Est. Mais quand ils comprirent<br />

que ce serait bientôt <strong>la</strong> fin de ce style de vie, ils révisèrent d’approche et se<br />

firent un devoir de noter et de décrire en détail <strong>la</strong> vie de ces communautés<br />

en Pologne.<br />

15


La synagogue de Nozick<br />

Zalman Nozick, issu d’une famille très pieuse, avait fait don <strong>des</strong> fonds <strong>pour</strong><br />

<strong>la</strong> construction de <strong>la</strong> synagogue et comme il n’avait pas d’enfants il fit don<br />

de tous ses biens <strong>pour</strong> que soit érigée une synagogue. Sa seule demande était<br />

que <strong>la</strong> synagogue porte son nom et que soit dit le kaddish <strong>pour</strong> lui le jour<br />

anniversaire de son décès, (dans un coin, on peut encore voir le calendrier<br />

avec les dates de décès, le sien et celui de sa femme.)<br />

La construction de <strong>la</strong> synagogue <strong>du</strong>ra quatre ans et en 1902, <strong>la</strong> veille de<br />

Lag ba’omer, le premier service y fut célébré. Les habitants <strong>des</strong> environs qui<br />

étaient en général <strong>des</strong> tailleurs, étaient le public qui s’y rendait. Elle pouvait<br />

contenir 600 personnes. La synagogue donnait sur une cour et non pas sur<br />

<strong>la</strong> rue, <strong>pour</strong> <strong>la</strong> dérober aux yeux malveil<strong>la</strong>nts. C’est d’ailleurs <strong>la</strong> seule synagogue<br />

qui a subsisté à Varsovie et qui est toujours ouverte et utilisée de nos jours.<br />

Pendant <strong>la</strong> guerre elle est transformée en siège <strong>du</strong> département <strong>du</strong> travail <strong>du</strong><br />

judenrat, puis les nazis <strong>la</strong> transforment en entrepôts et en écuries, causant<br />

ainsi de graves dégâts. Elle était connue <strong>pour</strong> sa chorale et son école de hazan<br />

(chantres), dirigée par le fameux chantre A. Davidovitch. Elle était un centre<br />

<strong>pour</strong> <strong>la</strong> musique juive religieuse et les chants de synagogue.<br />

La réfection de <strong>la</strong> synagogue.<br />

Les travaux de réfection furent effectués par le gouvernement polonais avec<br />

<strong>des</strong> fonds de <strong>la</strong> Joint dans les années 80. Une cérémonie au cours de <strong>la</strong>quelle<br />

tous les objets de culte ont été remp<strong>la</strong>cés, fut organisée <strong>pour</strong> remettre <strong>la</strong><br />

synagogue à <strong>la</strong> communauté juive.<br />

16


L’église <strong>des</strong> convertis<br />

Les Allemands, suivant leur définition selon <strong>la</strong>quelle un juif converti au<br />

christianisme reste juif jusqu’à trois générations plus tard, ordonnèrent que<br />

les juifs convertis soient enfermés au ghetto. A un moment donné, parmi les<br />

380,000 habitants <strong>du</strong> ghetto, il y avait 1 700 convertis. Pour eux, trois églises<br />

de convertis fonctionnaient, l’une sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Grzybobska, et les autres à <strong>la</strong><br />

rue Leszno et entre les rues Dzielna et <strong>la</strong> Nablosky. Ces convertis se trouvaient<br />

dans une position particulièrement délicate au ghetto et ils vivaient dans une<br />

tension compréhensible, car ils considéraient injuste de devoir partager le<br />

sort <strong>des</strong> juifs. Certains d’entre eux occupèrent tout de même <strong>des</strong> postes<br />

importants au judenrat comme Yosef Shérinsky, commandant de <strong>la</strong> police<br />

juive. Marie Berg écrit dans son journal:<br />

“Les enfants <strong>des</strong> convertis juifs de naissance vivent une tragédie double. Leur<br />

monde s’est écroulé sous leurs yeux. Dans leur entourage les cas de folie sont<br />

nombreux, alors que parmi les jeunes juifs il n’y aucun cas simi<strong>la</strong>ire”.<br />

Varsovie , Pologne, Rue Lazno , Eglise <strong>des</strong> convertis<br />

17


Et encore sur <strong>la</strong> tragédie <strong>des</strong> convertis, Martin Grey écrit dans “Au nom de<br />

tous les miens”.<br />

”Je suis allé parler à mon père, je savais où le trouver car tous les jours il recevait<br />

les juifs que les Allemands nous envoyaient de tous les coins d’Europe…Mon père<br />

était là au centre d’accueil de <strong>la</strong> rue Prosta au numéro 14. Il recevait cette fois <strong>des</strong><br />

déportés de Danzig.<br />

Quand je suis entré, il y en avait un avec une belle canne qui criait qu’il était<br />

catholique, qu’il haïssait les juifs et il vou<strong>la</strong>it savoir s’il y avait là une église. J’ai<br />

eu envie de lui envoyer mon poing au visage mais mon père a répon<strong>du</strong> avec calme<br />

qu’à <strong>la</strong> rue Grzybobska il trouverait l’église <strong>des</strong> convertis”.<br />

On ne peut pas échapper au judaïsme<br />

Ils vivaient au ghetto, ignorant leur religion<br />

Ces gens qui étaient en dissension avec leur judéité,<br />

Ces gens qui croyaient qu’ils faisaient partie de <strong>la</strong> communauté chrétienne<br />

Jusqu’au décret qui disait qu’un homme né de mère juif,<br />

Subit le <strong>des</strong>tin <strong>des</strong> juifs, il est <strong>des</strong>tiné à être exterminé<br />

Ils n’avaient aucun moyen d’y échapper<br />

Ils ont été envoyés à <strong>la</strong> mort avec leurs frères juifs<br />

Qu’ont-ils ressenti alors en al<strong>la</strong>nt à leur mort,<br />

Qu’ils étaient chrétiens? Ou à <strong>la</strong> fin ont –ils accepté qu’ils étaient juifs?<br />

C’est un secret qu’ils ont emporté avec eux dans <strong>la</strong> tombe<br />

Fany Engelrad: Moshav Bet Hanan<br />

18


La synagogue de <strong>la</strong> rue Tlomackie<br />

Cette synagogue somptueuse a été inaugurée en 1878 <strong>pour</strong> <strong>la</strong> communauté<br />

de Varsovie. Elle est à <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> XIX∞ siècle, l’une <strong>des</strong> plus belles synagogues<br />

de Varsovie et peut contenir plus de 1000 personnes. La congrégation qui s’y<br />

réunissait été formée d’intellectuels, de riches et de personnes qui détenaient<br />

<strong>des</strong> positions importantes.<br />

Dans <strong>la</strong> synagogue, ou «synagoga» comme les juifs modernes l’appe<strong>la</strong>ient<br />

<strong>la</strong> prière suivait un rite moderne, qui ne pouvait cependant pas être considéré<br />

comme ‘réformé’. Les plus grands chantres de l’époque y officiaient, et les<br />

dirigeants de <strong>la</strong> chorale étaient <strong>des</strong> musiciens connus. Puis suite à l’invasion<br />

allemande, <strong>la</strong> synagogue ferma ses portes à cause de l’interdiction de prier<br />

qu’imposèrent les Allemands. Les juifs se réunirent alors dans <strong>des</strong> maisons<br />

<strong>pour</strong> y prier avec le minyan requis, malgré l’interdiction.<br />

La synagogue disparaît en même temps que toute <strong>la</strong> communauté juive<br />

de Varsovie en mai 1943. Après le soulèvement et <strong>la</strong> mise à feu <strong>du</strong> ghetto, le<br />

Varsovie, Pologne, Synagogue de <strong>la</strong> rue de Tlomackie, avant <strong>la</strong> guerre<br />

19


général Stroop, qui avait démantelé le ghetto, donna l’ordre de brûler <strong>la</strong><br />

synagogue <strong>pour</strong> marquer <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> soulèvement <strong>du</strong> ghetto. La <strong>des</strong>truction de<br />

<strong>la</strong> synagogue était son cadeau à Hitler et signifiait l’éradication totale <strong>du</strong><br />

ghetto de Varsovie. Dans son dernier rapport de guerre à Berlin il écrit: «<br />

aujourd’hui 180 juifs ont été exterminés aussi bien <strong>des</strong> hommes forts que <strong>des</strong><br />

faibles, <strong>la</strong> plus grande partie <strong>des</strong> endroits où vivaient <strong>des</strong> juifs n’existe plus.<br />

La grande campagne vient de s’achever à 20 heures 30 avec <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction de<br />

<strong>la</strong> synagogue de Varsovie. Il n’y a plus de juifs à Varsovie.<br />

20


L’Institut juif d’histoire – ZIH<br />

En polonais Zydowski Instytut Historyczny.<br />

Il a été construit par <strong>la</strong> communauté juive entre 1928 et 1936 avec l’objectif<br />

d’en faire une bibliothèque hébraïque.<br />

La collection comptaint 30,000 ouvrages.<br />

En 1947 juste après <strong>la</strong> guerre, il devient le siège de <strong>la</strong> commission juive<br />

centrale créée juste après <strong>la</strong> guerre dans le but de recueillir <strong>des</strong> témoignages<br />

contre les nazis. A <strong>la</strong> fin de 1948 il devient un institut chargé de re<strong>la</strong>ter l’histoire<br />

<strong>des</strong> juifs de Pologne pendant <strong>la</strong> Shoah, en collectant livres, úuvres d’art et<br />

témoignages de rescapés. Ces témoignages ont servi entre autres dans les<br />

procès qui se sont déroulés en Pologne contre les Nazis. S’y trouve aussi une<br />

partie <strong>des</strong> archives de «Oneg Shabbat» avec les boîtes dans lesquelles ces<br />

documents avaient été scellés <strong>pour</strong> les cacher.<br />

Les archives «Oneg Shabbat»<br />

Les archives c<strong>la</strong>n<strong>des</strong>tines, «Oneg shabbat», sont une compi<strong>la</strong>tion de documents<br />

qui a commencé dans les premiers mois de <strong>la</strong> guerre. Au début, il sert à<br />

regrouper les témoignages et <strong>la</strong> <strong>des</strong>cription de ce que subirent les juifs qui<br />

avaient été amenés à Varsovie.<br />

Avec l’élimination <strong>du</strong> ghetto de Varsovie, un chapitre nouveau s’ouvrit.<br />

Nombreux furent ceux qui participèrent activement à <strong>la</strong> collecte d’information<br />

et de récits sur ce qui c’était passé au ghetto. Ils encourageaient les gens <strong>du</strong><br />

ghetto à écrire et analyser une grande variété de sujets touchant à leur vie au<br />

ghetto, car ils vou<strong>la</strong>ient décrire <strong>la</strong> vie sous le troisième Reich.<br />

Vers <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> ghetto, les documents et tout ce qui se trouvait dans les<br />

archives fut caché dans 10 caisses en fer et dans deux pots à <strong>la</strong>it. Après <strong>la</strong><br />

guerre on retrouva les deux tiers <strong>des</strong> archives. Quant au reste il ne fut jamais<br />

retrouvé. Cette partie concernait l’insurrection. Le directeur et fondateur de<br />

ces archives, le Dr Emmanuel Ringelblum disait qu’il fal<strong>la</strong>it considérer cette<br />

oeuvre comme un acte d’opposition.<br />

21


L’orphelinat de Janusz Korczak 1878/9-1942<br />

Janusz Korczak était le nom de plume de Henryk GOLDSZMIT médecin,<br />

écrivain et pédagogue réputé, né à Varsovie dans une famille juive assimilée.<br />

Il a étudié <strong>la</strong> médecine à l’université de Varsovie et était proche <strong>des</strong> cercles<br />

d’é<strong>du</strong>cateurs et écrivains libéraux en Pologne. Médecin de grande réputation,<br />

il écrivait également. En 1901, son premier ouvrage sera publié. Par sa<br />

profession, il était proche <strong>des</strong> enfants, travail<strong>la</strong>nt dans un hôpital <strong>pour</strong> enfants<br />

juifs. Il était connu dans toute <strong>la</strong> Pologne sous le nom <strong>du</strong> «vieux docteur de<br />

<strong>la</strong> radio» car il avait un programme à <strong>la</strong> radio polonaise, où il par<strong>la</strong>it aux<br />

enfants et sur les enfants. En 1912, il sera nommé directeur <strong>du</strong> nouvel et vaste<br />

orphelinat juif qui venait de s’ouvrir. Ses métho<strong>des</strong> y étaient appliquées,<br />

suivant sa théorie selon <strong>la</strong>quelle, il fal<strong>la</strong>it comprendre le monde de l’enfant<br />

et respecter les enfants. L’âme de l’enfant, disait-il, est riche d’idées dignes<br />

d’être prises au sérieux. Il faut s’attacher à comprendre l’enfant dans son<br />

contexte de vie, prendre en considération ses aspirations naturelles. Dans un<br />

très célèbre de ses ouvrages, Le roi Mathias premier il écrit:<br />

“Il faut dire <strong>la</strong> vérité, tout le monde aimait Mathias. Les a<strong>du</strong>ltes avaient pitié de ce<br />

petit enfant qui avait per<strong>du</strong> sa mère et son père. Les enfants étaient contents<br />

d’avoir un camarade de plus. Tous lui obéissaient, <strong>des</strong> ministres aux soldats…quand<br />

il pleuvait, les petits orphelins restaient jouer dans leur chambre, le désordre <strong>des</strong><br />

chambres, ils étaient ensuite responsables de le ranger.<br />

«Il fut le grand promoteur précurseur <strong>des</strong> droits de l’enfant et il créa ‘un tribunal’<br />

dans l’orphelinat où les enfants jugeaient. Chacun pouvait être juge, à condition<br />

qu’aucune p<strong>la</strong>inte n’ait été déposée contre lui pendant <strong>la</strong> semaine en cours. Les<br />

enfants faisaient <strong>des</strong> procès à d’autres enfants ou à eux-mêmes, où ils avouaient<br />

<strong>des</strong> méfaits. Il leur était possible de juger <strong>des</strong> a<strong>du</strong>ltes également. Car selon sa<br />

théorie tous sont égaux face à <strong>la</strong> loi. Korczak lui-même passa en jugement cinq<br />

fois. Un code de lois avait été compilé qui comprenait 1000 articles. Les articles<br />

1 à 99 étaient <strong>des</strong> articles d’innocence. L’article 100 dit: le tribunal déc<strong>la</strong>re que<br />

l’accusé ne s’est pas comporté selon les normes.<br />

L’article 200. Que l’accusé s’est mal con<strong>du</strong>it<br />

L’article 400 que l’accusé s’est con<strong>du</strong>it très mal.<br />

L’article 500. que l’accusé s’est con<strong>du</strong>it très mal et <strong>la</strong> décision <strong>du</strong> tribunal sera<br />

publiée dans le journal (le journal de l’institution). Et ainsi de suite jusqu’à l’article<br />

1000 où le condamné est renvoyé de l’institution. Pendant <strong>la</strong> seconde moitié <strong>des</strong><br />

22


années vingt, il avait institué un journal <strong>pour</strong> les enfants. Non pas écrit par les<br />

a<strong>du</strong>ltes, mais écrit par <strong>des</strong> enfants. Il se rendit plusieurs fois en Palestine, en 1934<br />

et 1936. Avec le début de <strong>la</strong> guerre il s’occupa d’enfants orphelins juifs. Puis après<br />

<strong>la</strong> création <strong>du</strong> ghetto il fit tout ce qui était en son pouvoir <strong>pour</strong> assurer aux enfants<br />

<strong>des</strong> conditions de vie supportables, les règles de vie dans son institution restaient<br />

les mêmes. Il refusa <strong>la</strong> proposition d’amis non juifs qui lui proposaient de passer<br />

<strong>du</strong> côté polonais. En août 1942 il est envoyé avec les orphelins vers <strong>la</strong> Umshelp<strong>la</strong>tz<br />

<strong>pour</strong> être déporté à Treblinka. ‘C’était non pas une marche vers <strong>la</strong> mort, mais une<br />

sorte de manifestation silencieuse contre l’assassinat’ dira Emmanuel Ringelblum…<br />

Tous les enfants avançaient par rangs de quatre, avec Korczak à leur tête, tenant<br />

les enfants par <strong>la</strong> main à ses côtés …”.<br />

Après <strong>la</strong> guerre, <strong>des</strong> associations nombreuses se sont créées dans le monde<br />

entier à sa mémoire, <strong>pour</strong> continuer son oeuvre.<br />

23


Histoire <strong>du</strong> ghetto de Varsovie-le mur, Zlota<br />

Le ghetto de Varsovie, créé au centre <strong>du</strong> quartier juif en novembre 1940, était<br />

situé au nord de <strong>la</strong> ville. Le mur entourant le ghetto a fait l’objet de mois de<br />

travaux de construction et a été financé par le judenrat.<br />

Le ghetto était composé de 2.7 <strong>pour</strong> cent de <strong>la</strong> surface de <strong>la</strong> ville et c’est<br />

dans l’enceinte de ses murs que furent concentrés les 30 <strong>pour</strong> cent de <strong>la</strong><br />

popu<strong>la</strong>tion de <strong>la</strong> ville. Le surpeuplement était insupportable, les familles<br />

vivaient à 6 ou 7 personnes par chambre. Les maisons <strong>du</strong> ghetto étaient en<br />

outre souvent anciennes et en mauvais état, sans aucun espace de ver<strong>du</strong>re.<br />

Le mur d’enceinte faisait 18 mètres de long et 3 mètres de haut avec un barbelé<br />

au <strong>des</strong>sus. Les Nazis appe<strong>la</strong>ient le ghetto le “quartier juif”. Le judenrat <strong>du</strong><br />

ghetto comptait dans ses rangs 6000 personnes et il y avait également une<br />

police juive dont l’effectif atteignit à un point 2000 hommes. La nourriture<br />

était rationnée par les Allemands qui comptaient 184 calories par personnes<br />

par jour. Donc, très vite <strong>la</strong> nourriture vint à manquer et <strong>la</strong> famine s’instal<strong>la</strong>,<br />

faisant de nombreuses victimes. Le ghetto était fermé et coupé <strong>du</strong> reste <strong>du</strong><br />

Varsovie, Pologne, Vue d’ une rue <strong>du</strong> Ghetto<br />

24


monde. C’est seulement grâce au trafic c<strong>la</strong>n<strong>des</strong>tin de nourriture que les juifs<br />

pouvaient continuer à survivre. Les habitants enfermés dans le ghetto vendaient<br />

tous les biens qui leur restaient, ils réalisaient tous les petits travaux possibles<br />

et certains donc travail<strong>la</strong>ient <strong>pour</strong> <strong>des</strong> usines et d’autres <strong>pour</strong> le judenrat.<br />

Pour <strong>la</strong> plus grande partie <strong>des</strong> juifs <strong>du</strong> ghetto, une fois fermées les portes, ils<br />

ne ressortirent jamais, depuis novembre 1940 et jusqu’à juillet 1942, dans les<br />

conditions que l’on sait. Mais malgré ses murs, le ghetto de Varsovie ne fut<br />

jamais totalement hermétique. Quelques centaines de juifs en sortaient chaque<br />

jour en files surveillées <strong>pour</strong> se rendre au travail forcé. Beaucoup d’autres<br />

faisaient passer c<strong>la</strong>n<strong>des</strong>tinement de <strong>la</strong> nourriture et d’autres marchandises.<br />

Ce trafic de nourriture constitua un moyen de communication important<br />

entre les deux côtés <strong>des</strong> remparts <strong>du</strong> ghetto. Ces activités, inutile de le préciser<br />

étaient extrêmement dangereuses et passibles de mort.<br />

25


Témoignages<br />

Le 29 mai 1942<br />

Le brassard! Comment peut-on porter ce<strong>la</strong> ? J’ai senti qu’il me brû<strong>la</strong>it le bras.<br />

C’est comme si j’avais mis un collier autour de mon cou. J’étais saisi par<br />

l’angoisse. Des dizaines de milliers de passants portaient ce morceau de tissu<br />

b<strong>la</strong>nc souvent souillé au bras. A quoi ce<strong>la</strong> sert-il ? <strong>pour</strong> bien différencier les<br />

races. Personne n’est exempté de l’”étoile sioniste” (l’étoile de David). Tous<br />

doivent porter l’étoile de David en public, <strong>pour</strong> que tout le monde puisse <strong>la</strong><br />

voir. [2]<br />

Yitzhak Zuckerman:<br />

Qui aurait pu croire dans ces premiers temps que <strong>des</strong> brassards bleu et b<strong>la</strong>nc<br />

avec l’étoile de David – que à partir de ce signe honteux – une ligne droite serait<br />

tracée qui mènerait directement à Treblinka?... Nous avons été humiliés quand<br />

on a décrété que nous devions retirer notre couvre chef en présence <strong>des</strong><br />

commandants allemands…. Nous nous sommes battus quand les Allemands<br />

nous ont attrapés <strong>pour</strong> nous faire faire <strong>des</strong> travaux forcés…. Nous nous sommes<br />

habitués à ne pas manger, à mourir <strong>du</strong> typhus, à mourir de faim. Il y avait une<br />

certaine force qui nous empêchait de voir <strong>la</strong> réalité telle qu’elle était.<br />

Le 11 mars 1941<br />

En réalité nous n’avons pas un ghetto mais plutôt un asile d’aliénés. Nous<br />

sommes emprisonnés entre <strong>des</strong> murs et coupés <strong>du</strong> monde entier à l’extérieur.<br />

Pratiquement personne ne sort <strong>du</strong> ghetto mais on ne pas dire que personne<br />

n’y pénètre. Au contraire. Les gens n’arrêtent pas de venir. Quand les exilés<br />

<strong>du</strong> district de Varsovie ont arrêté de venir, de nouveaux sont arrivés, ceuxlà<br />

de Norvège, de Hol<strong>la</strong>nde et de Tchécoslovaquie. J’ai vu de mes propres<br />

yeux, une foule immense de quelques centaines de personnes menées par les<br />

gendarmes Nazis de <strong>la</strong> gare de Danzig à <strong>la</strong> prison, au 109 de <strong>la</strong> rue Leszno.<br />

Le 5 février, 1941<br />

Par une vitrine dans une boutique, je peux voir le reflet <strong>des</strong> gens. C’est un<br />

spectacle désormais habituel: un vieil homme entre <strong>pour</strong> acheter une livre de<br />

26


pain et ressort. Dans <strong>la</strong> rue, il arrache avec avidité un morceau de mie et <strong>la</strong><br />

met dans <strong>la</strong> bouche. Alors une expression de satisfaction se peint sur son<br />

visage, et je sais que, dans un instant toute <strong>la</strong> miche de pain aura disparu.<br />

Son visage maintenant exprime <strong>la</strong> déception. Il fouille dans ses poches et en<br />

sort ses dernières pièces de cuivre. Il n’y en a pas assez <strong>pour</strong> acheter quoi que<br />

ce soit. Il ne lui reste plus qu’à s’étendre dans <strong>la</strong> neige et attendre <strong>la</strong> mort. Ou<br />

alors peut-être se rendre dans un centre de <strong>la</strong> communauté? Inutile, <strong>des</strong><br />

centaines de personnes comme lui s’y trouvent déjà. La femme qui derrière<br />

le comptoir les reçoit et écoute leur histoire est sympathique; elle sourit<br />

poliment et leur dit de revenir dans une semaine. Chacun doit attendre son<br />

tour mais peu d’entre eux survivront jusqu’à <strong>la</strong> semaine prochaine. La faim<br />

aura raison d’eux et un matin, ce sera un autre cadavre de vieil homme qui<br />

sera retrouvé couché dans <strong>la</strong> neige, le visage bleui, les poings serrés.<br />

La grande déportation: <strong>du</strong> 22 juillet 42 au 12 septembre 42. Le lendemain<br />

<strong>du</strong> suicide <strong>du</strong> chef <strong>du</strong> judenrat Adam Czerniakow, son second, Marc<br />

Lichtenbaum, prit sa p<strong>la</strong>ce. Les Allemands utilisent <strong>la</strong> police juive <strong>pour</strong><br />

organiser <strong>la</strong> déportation <strong>des</strong> juifs qui étaient menés à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Umsch<strong>la</strong>gp<strong>la</strong>tz<br />

d’où ils montaient dans <strong>des</strong> trains qui les emmenaient à Treblinka <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

plupart. A partir de <strong>la</strong> mi-août, les personnes qui avaient réussi à s’enfuir de<br />

Treblinka cachés dans <strong>des</strong> wagons transportant les vêtements, revenaient,<br />

rapportant déjà alors <strong>des</strong> rumeurs inquiétantes sur ce qui se passait en réalité.<br />

Il restait au ghetto 60,000 personnes. Le ghetto fut divisé en trois parties,<br />

<strong>la</strong> zone centrale, où se trouvaient les usines alleman<strong>des</strong> et les bureaux <strong>du</strong><br />

judenrat. Le deuxième ghetto était plus petit et il y avait là deux usines Tabens<br />

et Schultz, le troisième ghetto était une petite enc<strong>la</strong>ve. Les trois usines étaient<br />

séparées et de fait le ghetto se transforma en camp de travail. Avec le début<br />

<strong>des</strong> déportations, le 28 juillet 1942, les délégués <strong>des</strong> mouvements de jeunesse<br />

se réunirent regroupant les délégués <strong>du</strong> Shomer hatsair, <strong>du</strong> Dror,d’ Akiva. Ils<br />

décidèrent de fonder une organisation combattante juive, (Z.O.B). Parmi les<br />

fondateurs, on citera Tzukerman, Kap<strong>la</strong>n, Lubetkin, Tenenbaum etc. L’une<br />

<strong>des</strong> premières activités de cette organisation fut d’envoyer <strong>des</strong> émissaires<br />

chargés de deux missions, faire publier <strong>des</strong> informations sur Treblinka, et<br />

rapporter <strong>des</strong> armes. Mais <strong>la</strong> résistance n’était pas soutenue par les habitants<br />

<strong>du</strong> ghetto. Au début 1943 le ZZW, organisation militaire juive se joignit aux<br />

résistants à son tour.<br />

27


Le 27 juillet 1942<br />

Tout témoin <strong>des</strong> déportations de Varsovie aurait eu le coeur brisé. Le ghetto<br />

était devenu un enfer. Les hommes étaient devenus <strong>des</strong> bêtes sauvages. Tous<br />

se savaient sur le point d’être déportés, ils étaient <strong>pour</strong>chassés dans les rues,<br />

comme <strong>des</strong> animaux que l’on chasse dans <strong>la</strong> forêt….<br />

Les enfants en particulier remplissaient le ciel de leurs pleurs. Les vieil<strong>la</strong>rds<br />

et les jeunes acceptaient leur sort en silence et soumission et se tenaient là,<br />

avec leurs paquets sous les bras. Mais il n’y avait pas de limite à <strong>la</strong> tristesse<br />

et aux <strong>la</strong>rmes <strong>des</strong> jeunes femmes ; et parfois l’une d’entre elles tentait de<br />

s’échapper de ses tortionnaires et alors, une lutte terrible s’ensuivait. Dans<br />

ces moments là, l’horreur atteignait son paroxysme. Ils se battaient, d’un côté<br />

une femme les cheveux ébouriffés, le chemisier déchiré qui de toutes ses<br />

forces se battait essayant d’échapper <strong>des</strong> mains de ses geôliers. Elle criait de<br />

rage et ressemb<strong>la</strong>it à une lionne prête à tuer. En face d’elle, deux policiers, ses<br />

frères de malheur qui <strong>la</strong> tiraient vers <strong>la</strong> mort. Evidemment les policiers<br />

gagnaient mais pendant <strong>la</strong> bataille, les pleurs de <strong>la</strong> captive augmentaient et<br />

emplissaient <strong>la</strong> rue et toute <strong>la</strong> rue pleurait avec elle….<br />

La vie au ghetto a été bouleversée, <strong>la</strong> panique envahit les rues et le peur<br />

se lit sur tous les visages….d’où viendra notre salut? Nous sommes per<strong>du</strong>s!<br />

Nous sommes per<strong>du</strong>s!<br />

28


La seconde déportation le 18 janvier 1943<br />

Les juifs qui avaient reçu une convocation <strong>pour</strong> partir se cachaient et refusaient<br />

de sortir. La déportation <strong>du</strong>ra 4 jours dans une lutte permanente avec les<br />

Allemands. 6000 personnes seront déportées. Ce genre d’événement marquait<br />

profondément <strong>la</strong> vie <strong>du</strong> ghetto. A partir de ce moment 1. La police et le<br />

judenrat perdront tout contrôle, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion suivra désormais les ordres<br />

<strong>des</strong> organisations de résistance .2. Les rumeurs de soulèvement encouragèrent<br />

les organisations polonaises à augmenter leur soutien. Les mois suivants<br />

furent utilisés à s’organiser, à chercher <strong>des</strong> armes et à préparer <strong>des</strong> p<strong>la</strong>ns.<br />

La popu<strong>la</strong>tion civile locale préparait <strong>des</strong> ’bunkers’, <strong>des</strong> cachettes souterraines.<br />

Nombreux considéraient ce<strong>la</strong> comme une voie de sauvetage et une lueur<br />

d’espoir. Mais les combattants n’avaient pas d’illusion et savaient que ce<br />

combat ne les sauverait pas. Ce qui explique qu’ils ne préparèrent pas <strong>des</strong><br />

routes de fuite <strong>pour</strong> échapper.<br />

Varsovie, Pologne, un groupe de Juifs arrêté en sortant <strong>du</strong> bunker pendant <strong>la</strong> révolte<br />

<strong>du</strong> Ghetto de Varsovie<br />

29


Le soulèvement<br />

L’’action allemande’ commence le 19 avril 1943. Les résistants s’y étaient<br />

depuis longtemps préparés. Les Allemands concentrèrent <strong>des</strong> forces<br />

importantes mais ils ne s’attendaient pas à une résistance ni à opposition<br />

armée dans les rues.<br />

Ils furent surpris et appelèrent à <strong>la</strong> rescousse le général Jurgen Stroop qui<br />

avait une riche expérience de combats urbains qui avait déjà fait ses preuves<br />

dans <strong>des</strong> actions contre les partisans. Les Allemands entrèrent au ghetto à trois<br />

heures <strong>du</strong> matin mais ils rencontrèrent une opposition qui les força à se retirer.<br />

Pendant les trois premiers jours, ce fut <strong>des</strong> combats de rue en rue, les Allemands<br />

brû<strong>la</strong>nt les maisons au fur et à mesure de leur progression. Toute <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

se trouvait dans les bunkers. Pour <strong>la</strong> première fois <strong>des</strong> juifs se battaient contre<br />

<strong>des</strong> nazis. Une chaleur intense régnait dans les bunkers, et l’air y était irrespirable<br />

mais les juifs n’en sortirent pas. Dans <strong>la</strong> bataille contre les bunkers, qui se<br />

dérou<strong>la</strong> <strong>la</strong> seconde semaine <strong>du</strong> soulèvement, les Allemands entreprirent de<br />

débusquer les juifs dans tous les bunkers, les uns après les autres, tout en brû<strong>la</strong>nt<br />

les maisons sur leur passage. Ils jetaient <strong>des</strong> grena<strong>des</strong> <strong>la</strong>crymogènes <strong>pour</strong> obliger<br />

les résistants à se rendre. Le 8 mai le bunker <strong>du</strong> commandement de <strong>la</strong> résistance<br />

tomba, il était situé à <strong>la</strong> rue Mi<strong>la</strong> au numéro 18.<br />

Le 16 mai, Stroop déc<strong>la</strong>ra <strong>la</strong> ’grande action’ et <strong>pour</strong> fêter sa victoire, il fit<br />

exploser <strong>la</strong> grande synagogue Tlomackie qui était à l’extérieur <strong>du</strong> ghetto.<br />

Le petit contrebandier – Henryka Lazawert1<br />

Par-<strong>des</strong>sus le mur, par <strong>des</strong> trous et sous le nez <strong>des</strong> gar<strong>des</strong>,<br />

A travers les barbelés, dans les ruines, et par les barrières,<br />

Courageux, affamé et déterminé<br />

Je me glisse, et je file comme une flèche, comme un chat.<br />

Le midi, <strong>la</strong> nuit, à l’aube,<br />

Dans les tempêtes de neige, dans le froid, dans <strong>la</strong> chaleur.<br />

J’ai risqué ma vie cent fois,<br />

Et me suis mis en danger.<br />

Sous mon bras un vi<strong>la</strong>in sac,<br />

Des guenilles sur les épaules,<br />

Sur mes petits pieds agiles,<br />

Toujours <strong>la</strong> peur au coeur.<br />

30


Mais il faut tout supporter.<br />

Il faut tout subir,<br />

Pour que demain matin<br />

Mes amis puissent manger.<br />

Par-<strong>des</strong>sus le mur, par <strong>des</strong> trous et <strong>des</strong> briques,<br />

Le midi, <strong>la</strong> nuit, à l’aube,<br />

Courageux, affamé et ingénieux<br />

Je me dép<strong>la</strong>ce silencieux comme une ombre<br />

Et si <strong>la</strong> main <strong>du</strong> <strong>des</strong>tin<br />

M’attrape à ce jeu,<br />

Ce<strong>la</strong> arrive souvent dans <strong>la</strong> vie,<br />

Toi, maman, ne m’attends pas.<br />

Je ne reviendrai plus vers toi,<br />

On n’entendra plus ma voix de loin<br />

La poussière de <strong>la</strong> rue recouvrira<br />

Le <strong>des</strong>tin per<strong>du</strong> d’un enfant<br />

Mais j’ai une seule question<br />

Sur mes lèvres fermées:<br />

Qui, ma mère, qui<br />

T’apportera <strong>du</strong> pain demain?<br />

31


Le 20 de <strong>la</strong> rue Chlodna et le pont en bois<br />

La rue Chlodna était <strong>la</strong> rue qui séparait le grand ghetto au nord, <strong>du</strong> petit<br />

ghetto au sud <strong>du</strong> ghetto de Varsovie. La rue était habitée par <strong>des</strong> Polonais et<br />

<strong>des</strong> Juifs dont <strong>la</strong> plus grande partie n’étaient pas pratiquants et appartenaient<br />

à <strong>la</strong> couche moyenne.<br />

Au numéro 33 de cette même rue, il y avait un lycée où les enfants de ces<br />

familles juives <strong>la</strong>ïques ou assimilées étudiaient. La bibliothèque municipale<br />

publique au numéro 34 fonctionna jusqu’en avril 1941. Adam Czerniakow,<br />

le chef <strong>du</strong> judenrat de Varsovie, habitait au numéro 20 et Sherinsky le chef<br />

de <strong>la</strong> police juive également. L’emp<strong>la</strong>cement de cette rue aurait <strong>du</strong> l’inclure<br />

dans le ghetto, comme le tramway y passait et que c’était une rue centrale,<br />

elle fut donc exclue de l’enceinte <strong>du</strong> ghetto. Pour que les juifs puissent passer<br />

d’une partie <strong>du</strong> ghetto à l’autre, deux portes furent percées. Puis par <strong>la</strong> suite,<br />

un pont <strong>pour</strong> les passants sera construit.<br />

Varsovie, Pologne , Le pont reliant le grand et le petit Ghetto<br />

32


Le passage d’une partie à l’autre <strong>du</strong> ghetto est racontée par Shpilman dans son<br />

livre ”le pianiste”: ” En passant par <strong>la</strong> rue Ze<strong>la</strong>sna, on pouvait voir de loin <strong>du</strong> monde<br />

au coin de <strong>la</strong> rue Chlodna, ceux qui étaient pressés piétinaient le sol d’impatience,<br />

et attendaient que les policiers veuillent bien se décider à stopper le flux <strong>des</strong><br />

voitures <strong>pour</strong> leur permettre de passer.<br />

Lorsque ce moment était enfin arrivé, les gar<strong>des</strong> se mettaient sur le côté et une<br />

foule dense et impatiente se jetait vers l’autre trottoir, <strong>des</strong> deux côtés, les personnes<br />

se heurtant les une les autres, tombant parfois par terre. Et ceux qui étaient au<br />

sol, étaient piétinés car il fal<strong>la</strong>it quitter le plus vite possible cet endroit trop près<br />

<strong>des</strong> Allemands, donc dangereux, <strong>pour</strong> rentrer dans les deux ghettos. La chaîne<br />

<strong>des</strong> gar<strong>des</strong> se refermait et l’attente recommençait.”<br />

Mary Berg raconte dans son journal le 8 mai 1842, les Allemands filment:<br />

”nous étions étrangers désormais dans <strong>la</strong> rue Chlodna, une rue qui était particulière<br />

et compliquée. La circu<strong>la</strong>tion y était <strong>des</strong> plus étrange avec un grand nombre de<br />

personnes groupées au coin de <strong>la</strong> rue Zelnaza. Non loin <strong>du</strong> pont en bois qui reliait<br />

les deux trottoirs, il semb<strong>la</strong>it que <strong>la</strong> rue était entourée de deux murs et devenait<br />

un couloir où s’écou<strong>la</strong>it une foule d’aryens et où passaient <strong>des</strong> tramways…au<br />

milieu de <strong>la</strong> rue entre les deux rues, se trouve l’église, puis le” capitole ” <strong>du</strong> ghetto:<br />

<strong>la</strong> maison au numéro 20 de <strong>la</strong> rue Chlodna, qui était le siège <strong>du</strong> président<br />

Czerniakow, <strong>du</strong> colonel Cherinsky, le commandant de <strong>la</strong> police juive et les hauts<br />

fonctionnaires <strong>des</strong> institutions juives diverses. La boutique <strong>du</strong> photographe Baum<br />

avec depuis quelques jours un portrait géant <strong>du</strong> président. Les personnes nanties,<br />

qui avaient donc les moyens de corrompre les hauts fonctionnaires <strong>du</strong> département<br />

de l’habitat reçurent les meilleures maisons de notre rue. Sur cette rue en effet il<br />

y avait de belles maisons modernes.<br />

33


Le parcours de l’héroïsme<br />

La p<strong>la</strong>ce Umsch<strong>la</strong>p<strong>la</strong>tz, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>des</strong> déportations.<br />

La p<strong>la</strong>ce Umsch<strong>la</strong>p<strong>la</strong>tz est située à <strong>la</strong> frontière <strong>du</strong> ghetto, <strong>du</strong> côté polonais.<br />

Avant <strong>la</strong> guerre, elle servait comme voie de passage <strong>des</strong> marchandises et de<br />

pro<strong>du</strong>its vers <strong>la</strong> ville. Le chemin de fer y arrivait et autour il y avait <strong>des</strong> entrepôts.<br />

Dès les premières déportations, ce lieu sera choisi par les Allemands <strong>pour</strong> y<br />

regrouper les juifs <strong>pour</strong> les convois vers les camps. Elle était désormais entourée<br />

d’une barrière élevée. On pouvait y voir <strong>des</strong> forces de police polonaises, juives<br />

et <strong>des</strong> SS. C’étaient <strong>des</strong> personnes torturées par <strong>la</strong> faim et d’autres maux infligés<br />

par les nazis qui partaient de là vers leur ultime <strong>des</strong>tination.<br />

Le monument<br />

Une p<strong>la</strong>ce fermée sans issue, qui ressemble à une pierre tombale, de marbre<br />

de différentes couleurs, qui ressemb<strong>la</strong>it peut-être à un châle de prière. Sur les<br />

murs sont inscrits 400 prénoms juifs comme Abraham, Abner, Yanucz, Yora,<br />

C<strong>la</strong>ra Elisa, Henry et Youdah.<br />

Le monument comporte une fente par <strong>la</strong>quelle on aperçoit un arbre qui a<br />

été p<strong>la</strong>nté de l’autre côté en symbole d’espoir<br />

Helena Birnbaum y est arrivée avec sa famille et elle raconte:<br />

“Finalement ils nous ont tous arrêtés aussi. C’était vers le soir, après une campagne<br />

qui avait <strong>du</strong>ré toute <strong>la</strong> journée.<br />

Nous avions quitté le grenier, comme tous les soirs, <strong>pour</strong> respirer un peu d’air frais<br />

dans les rues, <strong>pour</strong> parler à d’autres personnes et nous informer de ce qui s’était<br />

passé sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce ce jour-là….<br />

D’un geste, ils nous ont ordonné de nous p<strong>la</strong>cer au milieu de <strong>la</strong> rue. Nous étions<br />

les quatre premiers d’une colonne qui grandissait de minute en minute….<br />

Ils nous ont menés à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Umsch<strong>la</strong>gp<strong>la</strong>tz…. Puis nous avons vu les nazis<br />

installer une mitrailleuse au centre de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce, visant <strong>la</strong> foule énorme, de <strong>la</strong>quelle<br />

s’élevait un murmure de terreur…. Nous nous sommes en<strong>la</strong>cés tous, ma mère,<br />

mon père, Hilek et moi ; nous nous sommes regardés comme <strong>des</strong> gens qui se<br />

regardent povr <strong>la</strong> dernière fois… <strong>pour</strong> emporter avec nous l’image <strong>des</strong> êtres aimés<br />

avant de passer dans l’obscurité totale…”.<br />

Ma mère était sereine, comme toujours. Elle m’a même souri.<br />

“Ne crains rien,” a-t-elle murmuré dans mon oreille, “ tout le monde<br />

34


meurt à un moment donné et on ne meurt qu’une fois…. Et nous allons<br />

mourir ensemble, alors n’aie pas peur, ce ne sera pas si terrible….”<br />

“Non, je n’avais pas peur. Et je ne pouvais pas le croire….<br />

Soudain, le sifflet d’un train se fit entendre.<br />

Les wagons de marchandises se rapprochaient de nous….<br />

Des wagons à bestiaux <strong>pour</strong> nous, le type de wagon que les Nazis utilisaient <strong>pour</strong><br />

déporter <strong>des</strong> juifs de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Umsch<strong>la</strong>gp<strong>la</strong>tz. Ils se sont précipités comme un<br />

troupeau d’animaux sauvages à l’intérieur de l’école, comme <strong>des</strong> bêtes enragées<br />

frappant les gens avec <strong>des</strong> fouets, <strong>des</strong> canons de fusil, faisant feu dans toutes<br />

les directions dans <strong>la</strong> foule qui devenait folle de terreur. C’était <strong>la</strong> façon habituelle<br />

<strong>des</strong> Nazis de pousser les gens dans ces wagons. Dans <strong>la</strong> panique et <strong>la</strong> confusion<br />

quelqu’un a crié, pleuré avec <strong>des</strong> sanglots, appe<strong>la</strong>nt Dieu à l’aide, d’autres priaient<br />

avec ferveur, et d’autres criaient fort en cherchant leurs enfants égarés. Tous se<br />

poussaient jusqu’à remplir les salles de c<strong>la</strong>sse, les couloirs, et les escaliers ; tous<br />

vou<strong>la</strong>ient s’enfuir de ce bâtiment aussi vite que possible <strong>pour</strong> éviter les balles et<br />

les fouets <strong>des</strong> SS. Le chemin jusqu’aux wagons était jonché de cadavres. Il nous<br />

fal<strong>la</strong>it piétiner <strong>des</strong> corps de mourants ou de morts <strong>pour</strong> avancer. Finalement nous<br />

avons atteint les wagons en essayant de rester ensemble dans cette foule immense.<br />

Le wagon était surchargé. Nous ne pouvions que nous tenir debout. Les SS avaient<br />

de <strong>la</strong> peine à fermer les portes….<br />

Finalement nous nous trouvions dans <strong>la</strong> situation que nous avions essayé de fuir<br />

pendant plusieurs mois, que nos amis et proches avait déjà vécu et que <strong>des</strong><br />

centaines de milliers de juifs inconnus avait vécu aussi. Notre tour était arrivé….<br />

Le train démarra avec <strong>des</strong> grincements stridents qui n’en finissaient plus, au milieu<br />

<strong>des</strong> pleurs et <strong>des</strong> coups de feu. Nous étions en train de quitter Varsovie ! Notre<br />

voyage infernal avait commencé” [43]<br />

35


l’ écrivain Yitzhak Katzenelson<br />

Yitzhak Katzenelson<br />

Il est né en 1886 à Minsk<br />

Auteur d’ouvrages et de poèmes en yiddish, il a<br />

aussi écrit <strong>des</strong> pièces qui ont été jouées sur les<br />

p<strong>la</strong>nches <strong>des</strong> théâtres de Pologne, <strong>des</strong> Etats-Unis<br />

et en Israël.<br />

Pendant <strong>la</strong> guerre il se rend à Varsovie où il<br />

apporte son soutien aux résistants. En septembre<br />

1944, il est déporté à Auschwitz.<br />

Janusz Korczak<br />

Henrik Goldschmidt est né en 1878 dans une famille assimilée<br />

Il était médecin. Il se porta volontaire <strong>pour</strong> travailler dans les camps de<br />

vacances <strong>pour</strong> les enfants. En 1911 il sera nommé directeur de l’orphelinat de<br />

Varsovie, il se consacre alors à l’é<strong>du</strong>cation <strong>des</strong> enfants et développa un système<br />

<strong>pédagogique</strong> dont le point principal est le respect que méritent les enfants.<br />

L’enfant est une personnalité à part entière méritant toute notre attention.<br />

Sa méthode est devenue célèbre dans le monde entier, il a rédigé <strong>des</strong> ouvrages,<br />

fondé un journal <strong>pour</strong> les enfants, et écrit par <strong>des</strong> enfants et il diffuse à <strong>la</strong><br />

radio <strong>des</strong> programmes <strong>pour</strong> enfants. Il visite <strong>la</strong> Palestine. En 1940, l’orphelinat<br />

sous sa direction est transféré au ghetto où il continuera à fonctionner avec<br />

les mêmes métho<strong>des</strong>. En août 1942 on donna l’ordre de déporter les enfants.<br />

Korczak leur cache <strong>la</strong> vérité et les accompagna vers leur mort.<br />

Le rabbin Nisbaum Yitzhak<br />

Né en 1868, il était proche <strong>du</strong> mouvement Hovévé Tsion et devint le secrétaire<br />

<strong>du</strong> parti Hamizrahi à Bialystok<br />

En 1910, il al<strong>la</strong> à Varsovie, et dans ses sermons, il attaquait les courants<br />

hassidiques et anti-sionistes.<br />

Il mourra au ghetto dans <strong>des</strong> conditions inconnues. Dans le ghetto il par<strong>la</strong>it<br />

de <strong>la</strong> ”sainteté de <strong>la</strong> vie” ce qui signifiait à ses yeux qu’il fal<strong>la</strong>it rester en vie<br />

par tous les moyens et ne pas suivre les traditions juives qui prônaient qu’on<br />

pouvait se sacrifier au nom de Dieu.<br />

36


Frumke Plotnicka<br />

Elle est née en1914 à côté de Minsk .<br />

Avant <strong>la</strong> guerre, elle faisait partie <strong>du</strong> mouvement Dror. Pendant <strong>la</strong> guerre elle<br />

fut passeuse et elle fut envoyée à Vilnius et à Bialystok, entre autres.<br />

Les passeuses pénétraient dans les différents ghettos, <strong>pour</strong> y apporter <strong>des</strong><br />

messages, <strong>des</strong> objets et <strong>des</strong> armes aux membres <strong>des</strong> mouvements de jeunesse,<br />

reliant ainsi les ghettos. Elles devaient <strong>pour</strong> ce<strong>la</strong> avant tout avoir l’air aryen,<br />

parler le polonais à <strong>la</strong> perfection <strong>pour</strong> se fondre dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion locale,<br />

être capable d’improviser dans <strong>des</strong> situations inatten<strong>du</strong>es et surtout beaucoup<br />

de courage, bien sûr<br />

“Ces filles étaient <strong>des</strong> véritables héroïnes, elles s’appe<strong>la</strong>ient Chajka [Grosman],<br />

Frumke [Plotnicka] et leur histoire est digne d’être connue. Elles étaient courageuses,<br />

se dép<strong>la</strong>çant à travers toute <strong>la</strong> Pologne de ville en ville, de vil<strong>la</strong>ge en vil<strong>la</strong>ge. Elles<br />

étaient polonaises ou ukrainiennes. L’une d’elle portait une croix en permanence,<br />

et ne <strong>la</strong> cachait que quand elle était dans un ghetto. Elles évoluaient dans <strong>des</strong><br />

situations extrêmement dangereuses, se reposant entièrement sur leur apparence<br />

d’aryennes de pure race et leurs fou<strong>la</strong>rds sur leur tête. Elles n’hésitaient pas à se<br />

charger <strong>des</strong> missions les plus ar<strong>du</strong>es, les remplissant sans jamais se p<strong>la</strong>indre,<br />

sans <strong>la</strong> moindre hésitation. S’il fal<strong>la</strong>it envoyer quelqu’un à Vilnius,<br />

Bialystok, Lemberg, Kowel, Lublin, Czestochowa, ou Radom <strong>pour</strong><br />

transporter <strong>des</strong> publications illégales, <strong>des</strong> objets interdits, de l’argent,<br />

elles le faisaient avec le plus grand naturel. S’il y avait <strong>des</strong><br />

camara<strong>des</strong> à sauver de Vilnius, Lublin, ou d’autres villes, elles<br />

faisaient le travail. Rien ne pouvait les dissuader, rien ne pouvait<br />

les arrêter…”.<br />

Frumka Plotnicka, membre <strong>du</strong> Dror et de l’organisation<br />

juive de combat au Ghetto de Varsovie<br />

37


Mordechaj Anielewicz<br />

Il est né en 1919 à Varsovie dans une famille pauvre où il reçoit une é<strong>du</strong>cation<br />

juive et sioniste. Bril<strong>la</strong>nt élève méritant il reçut plusieurs bourses <strong>pour</strong><br />

<strong>pour</strong>suivre ses étu<strong>des</strong>. Il devient membre <strong>du</strong> Shomer Hatsair. Dès le début<br />

de <strong>la</strong> guerre il partit à l’Est et arriva à Vilnius. Plus tard, à Varsovie, il devint<br />

le chef de l’organisatrion militaire juive et participe au soulèvement de janvier.<br />

Tous ses jeunes camara<strong>des</strong> seront tués sauf lui.<br />

Il tombe dans le bunker central le 8 mais 1943 (un bunker assez grand <strong>pour</strong>100<br />

combattants) Stoop trouve le bunker dans lequel les SS envoient <strong>des</strong> gaz.<br />

Zigelbaum Shmuel Mordehaï Artur<br />

Né en 1895 dans <strong>la</strong> région de Lublin dans une famille nombreuse pauvre, il<br />

arrête ses étu<strong>des</strong> à 11 ans car il faut qu’il aide à <strong>la</strong> subsistance de <strong>la</strong> famille.<br />

Plus tard, il est membre <strong>du</strong> Bund, à partir de 1926. Il devient membre <strong>du</strong><br />

conseil municipal de Varsovie <strong>pour</strong> le Bund. Au début de l’invasion allemande<br />

il était membre <strong>du</strong> judenrat. Il était anti sioniste refusant donc d’analyser les<br />

problèmes juifs <strong>du</strong> point de vue sioniste. Il souhaitait se battre <strong>pour</strong> une<br />

Pologne où tous les citoyens auraient <strong>des</strong> droits égaux et où règnerait <strong>la</strong><br />

justice, ce qui <strong>pour</strong>rait éliminer l’antisémitisme. Il tenta d’organiser une<br />

opposition d’ouvriers au début de <strong>la</strong> guerre. Recherché par <strong>la</strong> police, il s’enfuira<br />

<strong>du</strong> pays, et s’établira en Belgique, puis après <strong>la</strong> chute de ce pays, il parvient<br />

à se réfugier à New York, <strong>pour</strong> plus tard se rendre à Londres. Il y sera délégué<br />

au conseil national <strong>du</strong> gouvernement polonais en exil. Il sera l’un <strong>des</strong> premiers<br />

à fournir <strong>des</strong> rapports sur l’extermination <strong>des</strong> juifs en Pologne. Le 12 mai<br />

1943, il se suicide en entendant les nouvelles <strong>du</strong> soulèvement et le décès de<br />

sa femme Mania et de son fils Touvia âgé de 16 ans, geste de désespoir d’un<br />

homme qui vou<strong>la</strong>it crier sa<br />

douleur au monde à un monde<br />

complètement indifférent au<br />

génocide <strong>des</strong> juifs. Avant de se<br />

suicider, il envoie une lettre au<br />

gouvernement polonais.<br />

Varsovie, Pologne, Samuel Mordeh’ai<br />

Artur Zygelboim<br />

38


Ringelblum<br />

Il est né en 1900 et quitta jeune son vil<strong>la</strong>ge natal. Il est formé aux disciplines<br />

religieuses. Il se rendra à Varsovie <strong>pour</strong> y enseigner l’histoire. A partir de<br />

1933, il travailler avec l’organisation <strong>du</strong> ”Joint”. En novembre 1938 il arrive<br />

à Zolenshein aider les déportés juifs d’Allemagne qui étaient d’origine<br />

polonaise. Avec <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration de guerre on lui propose de s’enfuir mais il<br />

revient à Varsovie et prend <strong>la</strong> tête de l’organisation ”ezra atsmit”. Il entreprendra<br />

au ghetto de rédiger son journal <strong>pour</strong> y consigner l’histoire de son époque.<br />

En mai 1940 il crée les archives qu’il appelle en code, ”oneg shabbat”. Après<br />

avoir rencontré un jeune rabbin qui s’appe<strong>la</strong>it Shimon Huberband, qui était<br />

arrivé à Varsovie comme exilé. Il engage <strong>des</strong> dizaines de personnes de<br />

professions diverses <strong>pour</strong> décrire en détails <strong>la</strong> vie au ghetto et <strong>pour</strong> se charger<br />

de collecter tous les renseignements et les documents possibles <strong>pour</strong> les<br />

conserver dans les archives. Ringelblum, était l’âme de ces archives. Pour lui<br />

ce travail était un geste de protestation. Plus tard, lorsque quand il entend<br />

<strong>des</strong> témoignages sur <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction de Chelm, il prend une part active à <strong>la</strong><br />

résistance armée contre les Allemands. Le groupe Oneg Shabbat devient une<br />

branche civile de l’organisation militaire dirigée par Mordehaj Anielewicz.<br />

Avant le soulèvement, sa famille trouve à se cacher dans une famille <strong>du</strong> côté<br />

aryen, Ringelblum revient au ghetto, se fait prendre, est transféré à Trebniky<br />

et avec l’aide de l’organisation ”Zegota”, il parvient à fuir et revient à Varsovie<br />

en juillet 1943. En mars 1944, il est découvert sur dénonciation. Il sera arrêté<br />

avec son fils à Fabiak, et au bout de quelques jours ils seront exécutés dans<br />

les ruines Varsovie et on ne sait pas où ils ont enterrés.<br />

39


L’organisation militaire juive.<br />

L’organisation militaire juive a été créée lors d’une réunion <strong>du</strong> commandement<br />

<strong>du</strong> Beitar en été 1940. En hiver 1941, Favel Frenkel fonda l’organisation militaire<br />

et en prend <strong>la</strong> tête. La plus grande partie <strong>des</strong> membres de cette organisation<br />

avaient reçu une formation militaire. Les autres furent formés par leurs camara<strong>des</strong><br />

<strong>du</strong> Beitar. Entre juillet 1942 et avril 1943, deux compagnies de cent combattants<br />

ont été mises sur pied. Pendant les préparatifs <strong>du</strong> soulèvement, les résistants<br />

creusent <strong>des</strong> tunnels souterrains en faisant communiquer les maisons entre<br />

elles et fabriquent <strong>des</strong> ”bunkers” en renforçant les caves. Le tunnel principal<br />

avait été creusé dans <strong>la</strong> rue Moranovska entre le numéro 6 et 7, sous le bâtiment<br />

<strong>du</strong> siège de l’organisation: le 6 se trouvait <strong>du</strong> côté polonais de <strong>la</strong> ville qui passait<br />

sous une artère très animée. L’organisation possédait beaucoup d’armes<br />

(Ringelblum le raconte) et de très bonnes re<strong>la</strong>tions avec <strong>la</strong> résistance polonaise.<br />

Peu avant le soulèvement, on décida de diviser le ghetto en sections. A un<br />

moment <strong>des</strong> combats, on vit même le drapeau juif (bleu et b<strong>la</strong>nc) flotter au<br />

<strong>des</strong>sus <strong>du</strong> bâtiment <strong>du</strong> commandement et un peu plus tard le drapeau polonais<br />

sera hissé également à côté. Pendant les batailles, <strong>la</strong> majorité <strong>des</strong> membres de<br />

l’organisation tombèrent.<br />

Mi<strong>la</strong> 18<br />

En juillet 1942, c’est le début d’une grande campagne au ghetto. Les<br />

mouvements de jeunesse reçoivent <strong>des</strong> informations sur ce qui se pro<strong>du</strong>isait<br />

à l’”Est” et essayent de prévenir <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion que Treblinka signifie <strong>la</strong> mort.<br />

Anielevitch revient au ghetto et fonde l’organisation militaire. Yitzhak<br />

Tzukerman est son second. Et malgré ce<strong>la</strong>, beaucoup au ghetto s’opposent<br />

à <strong>la</strong> création d’un mouvement de résistance.<br />

Le 18 janvier 1943, <strong>la</strong> petite campagne: les nazis avaient prévu de déporter<br />

8,000 juifs, et appellent au regroupement <strong>des</strong> juifs mais parmi eux se cachent<br />

<strong>des</strong> résistants qui ouvrent le feu sur les Allemands. Il y eut de nombreux<br />

morts, mais les Allemands surpris, ne parviennent à emmener ce jour-là que<br />

5,000 juifs, puis se retirent. Cette victoire incite les habitants <strong>du</strong> ghetto qui<br />

étaient opposés à <strong>la</strong> lutte armée à changer d’avis et à soutenir les résistants.<br />

L’organisation militaire prend alors <strong>la</strong> direction <strong>des</strong> opérations au ghetto,<br />

regroupant en outre maintenant, le groupe Oneg Shabbbat, et tous unirent<br />

leurs efforts <strong>pour</strong> les préparatifs. Ainsi, à partir de ce moment, jusqu’en juillet,<br />

les juifs au ghetto, avaient deux adresses, l’adresse de leur logement au ghetto<br />

40


et une autre adresse dans le ghetto qui s’était construit sous terre et qui<br />

s’organisait c<strong>la</strong>n<strong>des</strong>tinement bien sûr (dans les bunkers, les cachettes, les<br />

caves secrètes, les tunnels et les passages secrets). Les ordres sont donnés à<br />

<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de ne pas se rendre à l’appel <strong>des</strong> nazis, <strong>pour</strong> le prochain<br />

regroupement <strong>pour</strong> un convoi.<br />

Le 19 avril 1943, c’était <strong>la</strong> date de l’ ”action” allemande suivante, c’était le<br />

premier soir de <strong>la</strong> pâque (les nazis aimaient à choisir <strong>des</strong> dates de fêtes<br />

religieuses juives <strong>pour</strong> leurs opérations contre <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion) les Allemands<br />

pénétrèrent dans le ghetto avec <strong>des</strong> renforts et prêts à ”nettoyer le ghetto” de<br />

juifs. Ils avaient décidé qu’il était temps de conclure l’évacuation <strong>du</strong> ghetto<br />

et accomplir le programme d’Himmler. Ils <strong>pour</strong>raient ainsi offrir à Hitler en<br />

cadeau d’anniversaire <strong>la</strong> nouvelle <strong>du</strong> génocide <strong>des</strong> juifs <strong>du</strong> ghetto, le 20 avril.<br />

A ce moment là tout le ghetto était dans <strong>la</strong> résistance. Des combats très <strong>du</strong>rs<br />

se déroulèrent dans toute l’enceinte <strong>du</strong> ghetto et les Allemands subissant de<br />

lour<strong>des</strong> pertes, se retirent. Le commandant SS Jurgen Stroop donne l’ordre<br />

de détruire de façon systématique le ghetto et d’en éliminer tous les juifs qui<br />

s’y cachent en intro<strong>du</strong>isant dans les bunkers <strong>des</strong> gaz asphyxiants, et en<br />

incendiant tout.<br />

Le 8 mai, c’est <strong>la</strong> chute <strong>du</strong> bunker au 18 de <strong>la</strong> rue Mi<strong>la</strong>, et un groupe de<br />

résistants réussit à s’enfuir par les égouts. Tous leurs camara<strong>des</strong> étaient tombés<br />

dans <strong>la</strong> bataille.<br />

Le 16 mai, c’est <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction de <strong>la</strong> synagogue Tlomackie qui est le symbole<br />

de <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction finale <strong>du</strong> ghetto de Varsovie.<br />

L’importance <strong>du</strong> soulèvement <strong>du</strong> ghetto de Varsovie.<br />

C’était <strong>la</strong> première fois que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion se soulevait dans l’Europe occupée<br />

par les nazis. Cette insurrection était menée quasiment sans organisation<br />

stratégique militaire, sans effectifs militaires et qui se savait vouée à l’échec<br />

face à <strong>la</strong> puissante machine d’extermination nazie: (pendant quelques semaines<br />

quelques centaines de combattants armés tiraient sporadiquement et envoyaient<br />

<strong>des</strong> grena<strong>des</strong>). Comme l’avait dit Matskevitch cent ans auparavant, il fal<strong>la</strong>it<br />

recruter les forces en fonction <strong>des</strong> objectifs et non définir les objectifs en<br />

fonction <strong>des</strong> forces disponibles.<br />

C’était <strong>des</strong> jeunes dirigeants, <strong>des</strong> garçons, <strong>des</strong> filles, sionistes qui vou<strong>la</strong>ient<br />

se battre <strong>pour</strong> leur cause. Et ce sera ce groupe de jeunes gens, qui prendra<br />

avec courage et détermination <strong>la</strong> responsabilité <strong>des</strong> 70,000 juifs qui avaient<br />

41


survécu à <strong>la</strong> première ”action”. Ils avaient été les premiers à comprendre<br />

qu’aucun juif ne sortirait vivant <strong>du</strong> ghetto car ils avaient enten<strong>du</strong> les rumeurs<br />

qui venaient de l’Est sur l’extermination <strong>des</strong> juifs. A ce point, quand les<br />

résistants polonais eux-mêmes ne sont pas encore organisés <strong>pour</strong> un<br />

soulèvement général ou <strong>du</strong> côté polonais de Varsovie, ces combattants juifs<br />

comprennent que l’histoire leur demande de jouer un rôle <strong>pour</strong> lequel ils<br />

n’avaient nullement été préparés. C’est ce que nous ne saurions oublier quand<br />

nous faisons une analyse de caractère d’Anielewitcz et de ses jeunes camara<strong>des</strong>,<br />

chefs de l’insurrection.<br />

La date <strong>du</strong> soulèvement <strong>du</strong> ghetto de Varsovie.<br />

En juillet 1942, les Allemands <strong>la</strong>ncent <strong>la</strong> ’grande action’. Les juifs qui étaient<br />

encore au ghetto étaient en très mauvais état physique. La grande ”action” avait<br />

<strong>la</strong>issé cette popu<strong>la</strong>tion brisée, impuissante et surtout choquée. Dans ce chaos,<br />

ceux qui restent commencent à réaliser que les mois suivants, ils ne <strong>pour</strong>ront<br />

échapper à leur tour et c’est le moment où les juifs réalisent qu’il s’agit <strong>du</strong><br />

génocide <strong>des</strong> juifs de Pologne. En janvier 1943, les Allemands reprennent leur<br />

opération visant à déporter les juifs. Mais avec une opération spontanée non<br />

organisée, non p<strong>la</strong>nifiée, <strong>la</strong> résistance crée une petite insurrection. On entend<br />

quelques coups de feu, et les Allemands, surpris, interrompent les déportations.<br />

Et à partir de là <strong>la</strong> résistance reçoit le plus important soutien qu’elle pouvait<br />

espérer. Car <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>du</strong> ghetto a compris qu’elle n’a plus le choix, qu’elle<br />

va aller à <strong>la</strong> mort inévitablement, <strong>la</strong> seule question est de savoir comment, ce<br />

qui comme nous l’avons dit, <strong>la</strong> rallie au mouvement de résistance. Les rumeurs<br />

<strong>du</strong> succès obtenu par les résistants <strong>du</strong> ghetto parviennent aux autres ghettos,<br />

ceux de Bialystok, Vilnius, Bendin et Sosnovitch et prend <strong>des</strong> allures de symbole.<br />

La popu<strong>la</strong>tion au ghetto était consciente de vivre un moment historique et les<br />

60,000 personnes, de toutes les tendances se joignent aux opérations de<br />

préparation, sachant qu’ils n’ont plus rien à perdre.<br />

42


Qui participe au soulèvement<br />

Les insurgés<br />

L’organisation militaire, qui a été fondée le 28 juillet 1942 regroupe divers<br />

groupes comme le Haloutz, Dror, le Shomer hatsair, Gordonia, Poalé Tsion, et les<br />

Sionistes généraux. Le “Bund” aussi se joignit eux, bien que tardivement et en<br />

tenant à préciser que <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration était limitée à Varsovie. Mais le<br />

mouvement Beitar qui avait fondé une autre organisation combattante refusa<br />

cette coalition à cause de <strong>la</strong> présence <strong>des</strong> bondistes qui s’étaient alliés avec<br />

les résistants polonais dont beaucoup étaient antisémites. Il y avait en outre<br />

<strong>des</strong> jeunes qui n’appartenaient à aucun mouvement et qui participaient<br />

indivi<strong>du</strong>ellement. Une trentaine de jeunes étudiants religieux de yéchiva se<br />

mêlèrent également aux préparatifs. Ils étaient armés et se cachèrent dans le<br />

bunker de <strong>la</strong> rue Mi<strong>la</strong> au 17. Ils participèrent aux combats. A <strong>la</strong> tête de<br />

l’organisation militaire, se trouvait Mordehaj Anielewicz, chef <strong>du</strong> shomer<br />

hatsair. Son second était Yitzhak Antke Tzukerman.<br />

La dernière lettre de Mordechai Anielewicz, le commandant de <strong>la</strong> révolte<br />

<strong>du</strong> ghetto de Varsovie, le 23 avril 1943<br />

”Il est impossible de raconter ce que nous avons vécu. Une chose est c<strong>la</strong>ire, ce<br />

qui s’est passé dépasse les rêves les plus fous. Les Allemands ont été par deux<br />

fois forcés de se retirer <strong>du</strong> ghetto. Une de nos compagnies a tenu 40 minutes et<br />

une autre pendant plus de six heures. Une mine que nous avons posée a explosé.<br />

Plusieurs de nos compagnies ont attaqué les Allemands qui se dispersaient. Nos<br />

pertes en hommes sont minimes. C’est encore un succès <strong>pour</strong> nos hommes. Y<br />

[Yechiel] est tombé. Il est tombé en héro à <strong>la</strong> mitrailleuse. Je sens que de gran<strong>des</strong><br />

choses sont en train de se pro<strong>du</strong>ire et ce que nous avons osé faire est grand, et<br />

d’une énorme importance….<br />

A partir d’aujourd’hui, nous allons adopter <strong>des</strong> tactiques de partisans. Trois<br />

compagnies vont partir cette nuit avec deux missions, l’une de rapporter <strong>des</strong><br />

armes, et l’autre de faire <strong>des</strong> reconnaissances. Souvenez-vous, les armes de<br />

courte portée ne nous sont pas utiles. Nous utilisons ces armes rarement. Ce dont<br />

nous avons urgemment besoin ce sont <strong>des</strong> grena<strong>des</strong>, <strong>des</strong> fusils, <strong>des</strong> mitrailleuses<br />

et <strong>des</strong> explosifs.<br />

Il est impossible de décrire les conditions dans lesquelles les juifs vivent au ghetto.<br />

Seuls quelques juifs <strong>pour</strong>ront tenir. Les autres vont mourir tôt ou tard. Leur sort<br />

a été tranché. Dans presque toutes les cachettes, dans lesquelles <strong>des</strong> milliers de<br />

43


personnes sont cachées, il est impossible d’allumer une <strong>la</strong>mpe car il n’y a pas<br />

d’air. A l’aide de notre transmetteur, nous avons pu entendre le rapport sur nos<br />

combats à <strong>la</strong> station radio “Shavit”, nous étions ravis. Le fait qu’on parle de nous<br />

en dehors <strong>du</strong> ghetto est encourageant <strong>pour</strong> notre combat. La paix soit avec vous,<br />

mon ami ! Peut-être nous rencontrerons-nous encore! Le rêve de ma vie est<br />

devenu réalité. L’auto-défense dans le ghetto aura été une réalité. Une résistance<br />

juive armée et une vengeance sont un fait maintenant. J’ai été témoin de ce<br />

spectacle magnifique et héroïque de jeunes hommes juifs qui se battent”.<br />

Le monument Rappaport<br />

Il a été érigé en 1948, cinq ans après le soulèvement. Sur l’endroit même où<br />

se trouvait l’agence <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> judenrat, <strong>la</strong> police juive, et où se trouvait<br />

également <strong>la</strong> prison... Le marbre qui a servi à sa construction avait été apporté<br />

<strong>pour</strong> construire un monument de <strong>la</strong> victoire par les nazis ce monument se<br />

trouve aujourd’hui à Yad Vachem fait de bronze sur pierres rouges en fond<br />

qui rappellent le mur <strong>du</strong> ghetto de Varsovie<br />

(Sur le monument on voit une femme levant le bras et qui brûle, <strong>la</strong> poitrine<br />

découverte (A Yad Vashem, <strong>la</strong> poitrine est couverte). Cette sculpture est<br />

disposée à Yad Vachem avec ses deux parties juxtaposées .<br />

Le monument Bereschit<br />

Le monument est installé à l’endroit où se trouvait l’une <strong>des</strong> entrées <strong>du</strong> ghetto<br />

par où les forces alleman<strong>des</strong> ont pénétré avec leurs tanks <strong>pour</strong> mater<br />

l’insurrection. Le monument a été érigé le 19 juin 1946, trois ans après<br />

l’insurrection. Il porte l’inscription: “à <strong>la</strong> mémoire <strong>des</strong> héros qui sont tombés<br />

dans leur guerre gigantesque <strong>pour</strong> le respect et <strong>la</strong> liberté <strong>du</strong> peuple juif, <strong>pour</strong><br />

<strong>la</strong> libération de <strong>la</strong> Pologne et <strong>la</strong> rédemption <strong>du</strong> peuple juif polonais”.<br />

Les symboles sur le monument et leur signification:<br />

Il y a à côté <strong>du</strong> monument un couvercle d’égout qui symbolise <strong>la</strong> voie<br />

empruntée par les résistants qui passaient par les égouts.<br />

Sur le couvercle, se trouve une branche, <strong>des</strong> couronnes de <strong>la</strong>uriers qui<br />

symbolisent <strong>la</strong> victoire. La lettre B, <strong>la</strong> première lettre <strong>du</strong> monument Bereschit<br />

(au commencement) qui symbolise l’espoir d’un renouveau.<br />

44


L’organisation Zegota<br />

C’est une organisation composée par les intellectuels polonais démocrates,<br />

qui regroupe tous les partis qui col<strong>la</strong>borent contre l’occupation nazie, mais<br />

elle n’avait pas <strong>pour</strong> objectif initial d’aider à sauver <strong>des</strong> juifs. A <strong>la</strong> tête de cette<br />

organisation se trouvait Sofia Kwak une catholique pratiquante, auteur connue<br />

et membre <strong>du</strong> front catholique polonais, à <strong>la</strong> réputation établie d’antisémite<br />

avant <strong>la</strong> guerre. Mais pendant <strong>la</strong> guerre elle prend parti contre les occupants<br />

et décide de se consacrer à sauver <strong>des</strong> juifs. La Gestapo <strong>la</strong> recherche en<br />

permanence. Elle se fait appeler Véronica dans <strong>la</strong> résistance. Elle déc<strong>la</strong>rait<br />

qu’elle le faisait <strong>pour</strong> <strong>des</strong> raisons humanitaires et c’était sa façon de combattre<br />

les nazis. En été 1942, quand les ’actions ’ de l’armée allemande commencent<br />

au ghetto, elle publia une harangue aux Polonais, tirée à 5,000 exemp<strong>la</strong>ires<br />

où leur demandait d’aider les juifs, et de <strong>la</strong>isser leurs disputes contre les juifs<br />

<strong>pour</strong> plus tard, quand <strong>la</strong> guerre serait finie. La résistance s’appe<strong>la</strong>it “Conrad<br />

Zegota” et ce nom servait de nom de code <strong>pour</strong> les opérations d’aide aux<br />

juifs. Avant tout, ses membres ont réalisé un état <strong>des</strong> lieux sur p<strong>la</strong>ce, <strong>pour</strong><br />

déterminer les problèmes les plus urgents de façon à p<strong>la</strong>nifier leurs opérations<br />

au mieux. Ensuite, <strong>des</strong> sections ont été mises sur pied, chacune se consacrant<br />

à un domaine particulier: il y avait celle qui se chargeait de faire passer <strong>des</strong><br />

vêtements et de charbon au ghetto, <strong>la</strong> section qui se chargeait <strong>des</strong> faux papiers,<br />

celle qui devait trouver <strong>des</strong> cachettes en dehors <strong>des</strong> limites <strong>du</strong> ghetto, et<br />

d’autres qui étaient responsables d’autres opérations comme chercher et<br />

rapporter de l’argent, de l’aide médicale, trouver <strong>des</strong> voies de fuite, acheter<br />

<strong>des</strong> armes et les faire passer au ghetto, et surtout prendre en charge <strong>des</strong> enfants<br />

et les cacher de l’autre côté. Cette organisation travail<strong>la</strong>it au début seulement<br />

à Varsovie, puis ensuite aussi Cracovie, Lwow, Lublin et Zamosk.<br />

Cette organisation polonaise, reçut <strong>la</strong> distinction de Yad Vachem, en tant<br />

que groupe de résistance et ses membres reçurent <strong>la</strong> distinction <strong>des</strong> Justes<br />

parmi les nations indivi<strong>du</strong>ellement. L’une <strong>des</strong> plus connues était Irena Sandler,<br />

qui était le chef de <strong>la</strong> section chargée de sauver les enfants au sein de<br />

l’organisation. Elle al<strong>la</strong>it au ghetto <strong>pour</strong> persuader les juifs que leurs enfants<br />

n’avaient aucune chance de survivre au ghetto et qu’il fal<strong>la</strong>it les <strong>la</strong>isser partir<br />

de l’autre côté, où elle leur trouvait où se cacher dans <strong>des</strong> familles polonaises<br />

ou dans <strong>des</strong> couvents. Quand elle avait réussi à les persuader, et quand un<br />

enfant lui était remis, elle notait scrupuleusement tous les renseignements<br />

45


concernant l’enfant sur un petit papier qu’elle mettait dans un pot qu’elle<br />

enterrait ensuite dans un jardin, <strong>pour</strong> que les enfants puissent connaître après<br />

<strong>la</strong> guerre leur véritable identité.<br />

Juste parmi les Nations – Haim Hefer<br />

J’entends l’expression “Juste parmi les Nations” et j’essaye,<br />

J’essaye de penser aux personnes qui m’ont donné un endroit où me cacher<br />

et un abri<br />

J’essaye d’imaginer et j’écoute et je me demande: si j’avais été à leur p<strong>la</strong>ce,<br />

qu’est-ce que j’aurais fait ?<br />

Est-ce que j’aurais, au milieu de l’océan de haine, dans un monde qui partait<br />

en f<strong>la</strong>mmes<br />

Est-ce que j’aurais pu donner un abri à un fils d’un autre peuple que le mien?<br />

Est-ce que j’aurais pu m’endormir, est-ce que les membres de ma famille<br />

auraient pu dormir <strong>la</strong> nuit en pensant aux bourreaux.<br />

Etre prêt à marcher au milieu <strong>des</strong> salves de tirs et au milieu de couteaux<br />

aiguisés,<br />

Au milieu <strong>des</strong> murmures et rumeurs et <strong>des</strong> informateurs qui attendaient,<br />

Et tout ceci non pas <strong>pour</strong> une seule nuit ou même un seul mois mais pendant<br />

<strong>des</strong> années<br />

Et tout ceci sans demander aucune compensation <strong>des</strong> victimes, juste une<br />

poignée de main<br />

Et tout ceci parce que c’est ainsi qu’un être humain doit se comporter ainsi<br />

envers un autre être humain.<br />

Et je me demande, toujours, ici et maintenant,<br />

Est-ce que j’aurais pu le faire, moi?<br />

Au milieu de cette terrible guerre – ce sont eux qui ont vécu <strong>la</strong> bataille de <strong>la</strong><br />

survie au jour le jour.<br />

Ils sont les justes de Sodom, grâce auxquels le monde n’a pas été détruit.<br />

Eux, dans l’histoire de mon peuple – les morts, égorgés, exécutés et les morts<br />

étaient les piliers de <strong>la</strong> justice et de <strong>la</strong> miséricorde sur lesquels reposent le<br />

monde.–<br />

Et devant eux, <strong>pour</strong> leur courage qui est encore une énigme <strong>pour</strong> nous,<br />

Nous le peuple juif baissons <strong>la</strong> tête dans un geste de gratitude éternelle.<br />

46


La vieille ville de Varsovie<br />

Aux XIVe et XVe siecles, Varsovie joua le rôle de capitale <strong>du</strong> Duché de Mazovie,<br />

qui en 1526 fut incorporé au royaume de Pologne. Grâce à son emp<strong>la</strong>cement<br />

favorable, Varsovie connut un épanouissement rapide et au cours <strong>du</strong> XVIe<br />

siecle devint <strong>la</strong> plus grande ville de Pologne. L’essor de <strong>la</strong> ville fut interrompu<br />

par l’invasion suédoise vers <strong>la</strong> moitié <strong>du</strong> XVIIe siècle.<br />

Mais c’est ensuite une ville surpeuplée et pauvre. En 1906, commence <strong>la</strong><br />

conservation historique de <strong>la</strong> ville et <strong>la</strong> plus gros travaux de rénovation se<br />

dérouleront entre les deux guerres. En 1944, pendant l’insurrection polonaise,<br />

<strong>la</strong> Vieille ville connut les combats les plus violents. La <strong>des</strong>truction était massive,<br />

à cause <strong>des</strong> combats bien sûr mais aussi à cause <strong>des</strong> bombardements par les<br />

Allemands, après <strong>la</strong> répression de l’insurrection où 90 <strong>pour</strong> cent de <strong>la</strong> ville<br />

fut détruite. La reconstruction débuta après <strong>la</strong> guerre et s’acheva en 1953. Les<br />

murailles et l’entrée de <strong>la</strong> ville, furent complètement remises à neuf. En 1981,<br />

<strong>la</strong> commission de l’UNESCO <strong>pour</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>du</strong> patrimoine inscrit<br />

Varsovie dans <strong>la</strong> liste de sites protégés historiques protégés.<br />

La p<strong>la</strong>ce <strong>du</strong> marché<br />

C’était le centre économique, social et politique de <strong>la</strong> vieille ville de Varsovie.<br />

Les habitants étaient <strong>des</strong> riches et <strong>des</strong> personnalités influentes. Sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />

et par les ruelles, il y a de nombreuses constructions que décore l’insigne <strong>des</strong><br />

professions auxquelles appartenaient les propriétaires.<br />

47


Tikochin<br />

La petite ville de Tikochin, Tikotin comme l’appe<strong>la</strong>ient les juifs, se trouve<br />

dans le district de Bialystock au nord-est de <strong>la</strong> Pologne, à 6 km de Varsovie,<br />

à <strong>la</strong> frontière naturelle avec <strong>la</strong> Lituanie. La popu<strong>la</strong>tion juive s’y était installée<br />

avec dix familles, le XVI0 siècle. Elles reçurent l’autorisation de construire <strong>des</strong><br />

maisons, <strong>des</strong> magasins, une synagogue, un cimetière et former une<br />

communauté juive autonome. Au XVII0 <strong>la</strong> ville se développe et prend de<br />

l’importance dans <strong>la</strong> région. Au XIX0 siècle, 70 <strong>pour</strong> cent de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

sont <strong>des</strong> juifs. A cette période <strong>la</strong> communauté possède ses propres institutions<br />

publiques et <strong>des</strong> oevres de bienfaisance. Dans les années vingt <strong>du</strong> XX0, il y<br />

avait dans <strong>la</strong> ville un mouvement sioniste et nombreux sont les jeunes qui<br />

allèrent s’installer en Palestine. En 1807, une ligne ferroviaire est construite<br />

vers Bialystok (les dirigeants locaux s’étaient opposés à ce que les voies ferrée<br />

traversent <strong>la</strong> ville). Une route reliant Varsovie à Vilnius sera construite, Vilnius<br />

est proche de Tikochin. Le fleuve perdit alors de son importance au profit de<br />

<strong>la</strong> voie ferrée. Bialystok qui était à <strong>la</strong> croisée <strong>des</strong> routes se développe alors et<br />

Tikochin déclina.<br />

La synagogue: elle a été construite en 1642. Elle était de style baroque.<br />

L’entrée est en contrebas <strong>pour</strong> que en <strong>des</strong>cendant les marches on se souvienne<br />

<strong>du</strong> verset “je T’ai appelé <strong>des</strong> profondeurs”. Mais il fal<strong>la</strong>it aussi qu’elle soit<br />

plus basse que le niveau de l’église. Au centre de <strong>la</strong> synagogue, il y a <strong>la</strong> bima<br />

entourée de quatre piliers dans le style <strong>des</strong> synagogues de Pologne à cette<br />

époque. Les murs sont décorés de prières, de chants liturgiques et de<br />

bénédictions. Une <strong>des</strong> raisons était que de cette façon une personne qui n’avait<br />

pas de livre de prière pouvait suivre le service. Entre les XVI et XVII0 siècles,<br />

l’autonomie juive fut à son apogée et <strong>la</strong> synagogue remplissait divers rôles<br />

<strong>pour</strong> <strong>la</strong> communauté: on y organise <strong>des</strong> réunions, <strong>des</strong> élections <strong>pour</strong> le comité<br />

de <strong>la</strong> communauté, <strong>des</strong> collectes de fonds, mariages… Le tribunal rabbinique<br />

y siégeait aussi. La synagogue sera aussi l’endroit où se retrouvent les membres<br />

<strong>du</strong> Bund et les sionistes. Les samedis et les jours de fête, <strong>la</strong> synagogue se<br />

remplissait de 1,000 personnes qui venaient prier et les autres jours de <strong>la</strong><br />

semaine, ils se réunissaient dans <strong>la</strong> salle d’étu<strong>des</strong> <strong>pour</strong> les prières. À Tikochin,<br />

il y avait une usine importante qui fabriquait les châles de prière. Ces pro<strong>du</strong>its<br />

étaient réputés dans tout le monde juif grâce à ces broderies exceptionnelles.<br />

Pendant <strong>la</strong> Shoah, les nazis transformèrent <strong>la</strong> fabrique en écuries ce qui assura<br />

que <strong>la</strong> synagogue ne soit pas détruite.<br />

48


La p<strong>la</strong>ce <strong>du</strong> marché<br />

Deux fois par semaine, se tenait le marché. La p<strong>la</strong>ce était vibrante d’activité,<br />

les vendeurs s’interpel<strong>la</strong>ient quand ils ne vantaient pas leur marchandise, le<br />

marieur se promenait parmi <strong>la</strong> foule <strong>pour</strong> faire ses affaires de marieur…Voici<br />

une <strong>des</strong>cription <strong>du</strong> marieur par Haïm Shapira, habitant de <strong>la</strong> ville:<br />

“Le rav Hona est très consciencieux dans son travail. Il avait <strong>des</strong> centaines de<br />

noms de clients. Il connaissait <strong>des</strong> gens <strong>des</strong> vil<strong>la</strong>ges voisins, tout le long de <strong>la</strong><br />

route qui menait à Bialystok. Souvent, il lui arrivait de se rendre jusqu’à Varsovie<br />

<strong>pour</strong> régler un bon mariage; il avait <strong>pour</strong> principe de ne jamais mettre en rapport<br />

deux familles de <strong>la</strong> même rue, ou <strong>du</strong> même vil<strong>la</strong>ge, parce qu’elles se connaissaient<br />

trop bien. Pour les gens de son vil<strong>la</strong>ge il préférait choisir <strong>des</strong> familles d’autres<br />

villes, il avait l’habitude de dire:” <strong>pour</strong>quoi les juifs ont-ils fabriqué le veau d’or?<br />

Ils croyaient que Moïse était mort et qu’il leur fal<strong>la</strong>it un chef nouveau, alors <strong>pour</strong>quoi<br />

n’ont –ils pas choisi Aaron? Pourquoi justement un veau? Et à ce<strong>la</strong> ils répondaient:<br />

mieux vaut un veau étranger, qu’une personne que l’on connaît.”<br />

Les forêts voisines fournissaient de gran<strong>des</strong> quantités de bois et étaient une<br />

source de revenus et de commerce, particulièrement <strong>pour</strong> les juifs qui étaient<br />

surtout commerçants de bois. Le vil<strong>la</strong>ge comptait 10 moulins de grande taille.<br />

Cinq entrepôts à blé et à grains et un certain nombre de boutiques d’artisans<br />

qui se trouvaient <strong>pour</strong> <strong>la</strong> plupart au centre <strong>du</strong> vil<strong>la</strong>ge. Hormis les jours de<br />

marché régulier il y avait 6 jours de grand marché par an en plus. Tous les<br />

paysans de <strong>la</strong> région y venaient <strong>pour</strong> s’approvisionner. Pendant les deux<br />

guerres, les juifs vivaient de commerce et d’artisanat. Ils possédaient <strong>des</strong><br />

usines textiles fins, une brasserie de bière et une tannerie.<br />

Notre ville brûle – Mordechai Gebirtig<br />

Notre ville brûle, mes frères, elle brûle,<br />

Notre pauvre petit vil<strong>la</strong>ge brûle.<br />

Des vents furieux soufflent plus haut<br />

Les <strong>la</strong>ngues de feu,<br />

Les vents diaboliques soufflent !<br />

Toute <strong>la</strong> ville est en feu!<br />

Et, nous restons là les bras croisés à regarder,<br />

En hochant <strong>la</strong> tête.<br />

Vous restez là à regarder les bras croisés<br />

Et le feu embrase tout<br />

49


Notre ville brûle, mes frères, elle brûle,<br />

Notre pauvre petit vil<strong>la</strong>ge brûle<br />

Des <strong>la</strong>ngues de feu lèchent tout,<br />

Le feu s’étend par <strong>la</strong> ville<br />

Par les toits, et les fenêtres.<br />

Tout autour de nous, tout brûle.<br />

Et vous restez là à regarder, les bras croisés,<br />

Et vous hochez <strong>la</strong> tête.<br />

Vous restez là à regarder les bras croisés<br />

Et le feu embrase tout !<br />

Notre ville brûle, mes frères, elle brûle<br />

A tout moment le feu va<br />

Ré<strong>du</strong>ire en cendre notre ville,<br />

Des cendres grises et noires,<br />

La vie après <strong>la</strong> bataille là où s’élèvent les murs morts,<br />

Cassés et en ruine, dans une terre désolée.<br />

Et vous restez là à regarder, les bras croisés,<br />

En hochant <strong>la</strong> tête.<br />

Vous restez là à regarder les bras croisés<br />

Alors que le feu embrase tout !<br />

Notre ville brûle, mes frères, elle brûle,<br />

Tout dépend de vous maintenant.<br />

Notre seul aide est ce que vous faites.<br />

Vous pouvez encore éteindre ce feu<br />

Avec votre sang, si vous le voulez.<br />

Ne regardez pas les bras croisés,<br />

En hochant <strong>la</strong> tête.<br />

Ne regardez pas les bras croisés<br />

Pendant que le feu embrase tout !<br />

Écrite en 1938 après le pogrom de Pshitic, <strong>la</strong> chanson comportait un avertissement de l’holocauste<br />

imminent et fut reprise à Cracovie et dans d’autres ghettos. L’auteur, un menuisier né à<br />

Cracovie, Mordechai Gebirtig, était un poète et compositeur connu <strong>pour</strong> ses nombreuses<br />

chansons en Yiddish. Elles sont devenues très popu<strong>la</strong>ires dans les communautés juives d’Europe<br />

de l’Est et sont entrées dans le répertoire <strong>des</strong> chansons folkloriques. Mordechai Gebirtig a été<br />

tué par les Allemands en 1942.<br />

50


En septembre 1939, quand <strong>la</strong> guerre éc<strong>la</strong>te, Tikochin était un territoire qui<br />

selon l’accord Ribbentrop - Molotov revenait à l’Union soviétique. Les<br />

Allemands l’ont occupée puis, au bout de quelques jours, ils se retirent. Les<br />

Polonais ont reconquis <strong>la</strong> ville et persécuté les juifs en les dépouil<strong>la</strong>nt de leurs<br />

biens. Un juif sera tué puis lorsque les soviétiques arrivent les juifs les reçoivent<br />

comme les libérateurs. Ils participent aux affaires municipales, occupant <strong>des</strong><br />

postes clé, ce qui augmenta encore l’animosité de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion locale. Puis<br />

c’est l’invasion allemande avec <strong>la</strong> campagne Barbarossa, et l’armée rouge se<br />

retire à son tour <strong>du</strong> vil<strong>la</strong>ge. En août 1941, les Allemands pénètrent dans le<br />

vil<strong>la</strong>ge. Mais lorsque les Allemands arrivent, les juifs sont persuadés que les<br />

Allemands fidèles à leur tradition d’occupation éc<strong>la</strong>irée, apporteront <strong>des</strong><br />

valeurs culturelles européennes et civilisatrices, comme pendant <strong>la</strong> première<br />

guerre mondiale. Mais, les premiers Allemands qui arrivèrent et réquisitionnent<br />

<strong>des</strong> hauts dignitaires juifs <strong>pour</strong> nettoyer les bureaux de <strong>la</strong> mairie. Les juifs<br />

sont ensuite relâchés et rentrent chez eux, geste rassurant <strong>pour</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

et qui augmente <strong>la</strong> confiance en l’occupant. Mais le 24 août 1941, à 18 heures,<br />

on entendit à travers <strong>la</strong> ville le message suivant “ tous les juifs, hommes,<br />

femmes et enfants, à l’exception <strong>des</strong> ma<strong>la</strong><strong>des</strong> et <strong>des</strong> infirmes devront se<br />

présenter le 25 août à 6 heures <strong>du</strong> matin sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>du</strong> marché”.<br />

Immédiatement le conseil local juif se réunit chez le rabbin. La question était<br />

de savoir comment répondre. Certains penchaient <strong>pour</strong> <strong>la</strong> fuite, mais <strong>pour</strong><br />

<strong>la</strong> plupart, ils ne croyaient pas cette solution possible car on ne pouvait pas<br />

compter sur l’aide <strong>des</strong> Polonais et ce<strong>la</strong> pouvait aussi entraîner <strong>la</strong> colère <strong>des</strong><br />

Allemands qui réagiraient avec <strong>des</strong> punitions, certainement, <strong>pour</strong> ceux qui<br />

resteraient sur p<strong>la</strong>ce. On décida finalement à l’unanimité de se rendre à l’appel.<br />

A 21 heures, au moment ou était instauré le couvre feu, on vit <strong>des</strong> patrouilles<br />

circuler autour <strong>des</strong> murs <strong>pour</strong> que les juifs ne puissent pas communiquer<br />

entre eux ni fuir. Dès l’aube, les juifs se rendent, vêtus de vêtements chauds<br />

sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce. A côté de tables qui avaient été p<strong>la</strong>cées sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce se trouvaient<br />

<strong>des</strong> gendarmes allemands qui inscrivaient le nom de ceux qui se présentaient.<br />

Les gens ne cessaient d’arriver, mis quand <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce fut pleine de monde, les<br />

Allemands arrêtèrent de faire <strong>des</strong> listes et encerclèrent complètement <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce.<br />

A 7 heures <strong>du</strong> matin, exactement <strong>des</strong> camions arrivèrent avec <strong>des</strong> gens de <strong>la</strong><br />

gestapo. Avec violence, les juifs sont divisés en deux groupes, l’un composé<br />

de femmes, d’enfants et de personnes âgées, l’autre <strong>des</strong> hommes.<br />

51


La forêt de Lopohova<br />

Les hommes furent mis en rangs par quatre, avec les plus grands en tête. Ils<br />

reçurent l’ordre de marcher aux sons de <strong>la</strong> Tikva jouée par <strong>des</strong> musiciens juifs,<br />

les klezmer. Puis ensuite ce fut le tour d’une chanson contre les juifs et de<br />

louange à Hitler qui leur avait appris l’allemand. Tous ceux qui restaient sur<br />

<strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>du</strong>rent monter dans les camions qui se dirigèrent vers <strong>la</strong> même<br />

direction. Dans les bois, trois fossés furent creusés. Au fur et à mesure que les<br />

gens arrivaient, ils étaient poussés dans les trous et <strong>des</strong> mitrailleuses les<br />

exécutaient. Toutes les dix minutes arrivait un camion avec son chargement.<br />

Tous les habitants <strong>du</strong> vil<strong>la</strong>ge périrent sans exception.<br />

Les Polonais qui avaient été réquisitionnés <strong>pour</strong> recouvrir les fosses<br />

racontèrent que <strong>des</strong> heures après le carnage <strong>la</strong> terre au <strong>des</strong>sus <strong>des</strong> fosses<br />

bougeait encore. Le lendemain, les Polonais célébrèrent et les gendarmes<br />

passèrent de maison en maison <strong>pour</strong> y chercher ceux qui avaient pu échapper<br />

au massacre, les ma<strong>la</strong><strong>des</strong> et handicapés. Plus de 700 personnes furent emmenées<br />

dans <strong>des</strong> camions et emmenés dans <strong>la</strong> forêt où ils furent jetés dans le second<br />

trou. A 2 heures de l’après midi, le 26 août le massacre était total, effaçant à<br />

jamais cette communauté juive de <strong>la</strong> terre.<br />

52


Lublin<br />

La yéchiva <strong>des</strong> sages de Lublin.<br />

A <strong>la</strong>g ba’omer 1924, c’est en présence de rabbins et de personnalités connues<br />

que sera posée <strong>la</strong> première pierre de <strong>la</strong> Yéchiva <strong>des</strong> sages de Lublin. Six ans<br />

plus tard, en 1930, ce bâtiment luxueux est inauguré.<br />

Le rabbin Meir Shapira (1887-1939) avait conçu ce projet et avait réussi à<br />

le mener à bien, est nommé directeur de <strong>la</strong> yéchiva. Il était le rabbin de Lublin.<br />

Il avait une personnalité riche: a. il était un érudit en étu<strong>des</strong> thoraniques, un<br />

sage exceptionnel. b. il était un visionnaire. c. il était un homme d’action, un<br />

homme à l’esprit pratique. Il avait souhaité créer une yéchiva de qualité <strong>pour</strong><br />

que <strong>la</strong> tradition <strong>du</strong> judaïsme de Lublin puisse se perpétuer avec le rabbin<br />

Shalom Shahna, (le “Marshal”) à sa tête.<br />

Cette yéchiva avait été créée <strong>pour</strong> y accueillir les étudiants les plus doués,<br />

<strong>pour</strong> y être parfaire leur é<strong>du</strong>cation <strong>pour</strong> devenir les futurs chefs de <strong>la</strong><br />

communauté. Seuls pouvaient s’y inscrire les étudiants qui pouvaient démontrer<br />

qu’ils connaissaient par coeur et à fond 400 pages de Guemara. Une autre<br />

nouveauté, c’était aussi <strong>la</strong> possibilité qui leur était offerte de se consacrer<br />

entièrement aux étu<strong>des</strong> sans se soucier <strong>des</strong> aspects matériels de leur vie. Les<br />

élèves <strong>des</strong> yéchiva en Pologne, étaient en fait pris en charge économiquement<br />

par les juifs riches, et consacraient tout leur temps à l’étude. Le rabbin Shapira<br />

avis décidé de changer les choses, avec une yéchiva qui ressemb<strong>la</strong>it à un internat,<br />

avec <strong>des</strong> chambres meublées, un réfectoire, <strong>des</strong> salles d’étude vastes et équipées,<br />

et tout ce<strong>la</strong> <strong>pour</strong> que les étudiants puissent se consacrer sans aucun autre souci<br />

que les étu<strong>des</strong> à leur devoir. Il était allé lui-même dans divers pays d’Europe<br />

et aux Etats-Unis <strong>pour</strong> collecter les fonds nécessaires qui viendraient s’ajouter<br />

aux fonds collectés en Pologne même. A l’inauguration de cette yéchiva, il se<br />

rendit sur <strong>la</strong> tombe <strong>du</strong> “Maarshal” <strong>pour</strong> lui dire qu’il avait enfin honoré sa<br />

mémoire. Il mourut après une ma<strong>la</strong>die en 1933, il avait 46 ans. Le 18 septembre<br />

1939, Lublin fut occupée à son tour. Cette yéchiva qui était réputée dans tout<br />

le monde juif était une cible de choix <strong>pour</strong> les Allemands. Ils pénétrèrent dans<br />

<strong>la</strong> yéchiva et décrirent ce moment dans le journal <strong>pour</strong> les jeunesses hitlériennes<br />

en février 1940 dans <strong>des</strong> termes plus qu’enthousiastes. Ils racontèrent comment<br />

ils avaient mis le feu à <strong>la</strong> bibliothèque qu’elle renfermait.<br />

”Quelle fierté <strong>pour</strong> nous de détruite ce centre d’étude <strong>des</strong> juifs si réputé<br />

dans le monde. Nous avons sorti tous les livres saints <strong>des</strong> juifs et les avons<br />

53


ûlés. Le feu a brûlé pendant 20 heures entières ! Les juifs de Lublin étaient<br />

dehors et pleuraient, ils nous ont presque assourdis de leurs cris. Nous avons<br />

appelé un orchestre militaire et ils ont joué une musique militaire joyeuse qui<br />

a enfin couvert les pleurs <strong>des</strong> juifs”. Pendant de nombreuses années ce bâtiment<br />

sera utilisé par l’université de Lublin. Il vient d’être ren<strong>du</strong> récemment à <strong>la</strong><br />

communauté juive.<br />

Le monument aux héros <strong>du</strong> ghetto.<br />

Historique<br />

Les juifs vivaient à Lublin déjà au XIV0 siècle. A <strong>la</strong> veille de <strong>la</strong> Seconde guerre<br />

mondiale, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion juive s’élevait à 40,000 personnes. La ville est conquise<br />

en septembre 1939 par les Allemands, qui dès qu’ils y pénètrent commencèrent<br />

à envoyer <strong>des</strong> juifs aux travaux forcés, à martyriser physiquement les juifs et<br />

à confisquer leurs biens. Ils avaient prévu de créer là une enc<strong>la</strong>ve <strong>pour</strong> y<br />

regrouper les juifs de toute <strong>la</strong> zone sous leur contrôle, et <strong>des</strong> zones polonaises<br />

qui ont été annexées à l’Allemagne. Les nazis accordaient à cette région de<br />

Lublin une importance stratégique à cause de <strong>la</strong> proximité avec <strong>la</strong> frontière<br />

de <strong>la</strong> Russie et <strong>des</strong> voies ferrées et <strong>des</strong> routes proches (<strong>la</strong> voie principale de<br />

Varsovie à Lwow, Kiev et O<strong>des</strong>sa.), elle était en outre éloignée d’Europe<br />

Occidentale et était une région agricole (montrer l’emp<strong>la</strong>cement de Lublin<br />

sur <strong>la</strong> carte). Cette région servait de passage <strong>pour</strong> l’armée allemande vers<br />

l’Est. Lublin était le quartier général de Odélio Golbotsnik, commandant de<br />

<strong>la</strong> région de Lublin et commandant “de <strong>la</strong> campagne de Reinhardt” dans le<br />

cadre de <strong>la</strong>quelle, les camps de Belzetz, Sobibor et Treblinka ont été construits.<br />

A <strong>la</strong> fin de mars 41, le ghetto de Lublin est créé.<br />

Il y avait dans ce ghetto 34,000 juifs et ils seront parmi les premières victimes<br />

qui ont été envoyées vers les chambres à gaz, au camp d’extermination de<br />

Belzetz. La déportation débuta le 17 mars 1942 et en un mois <strong>la</strong> plus grande<br />

partie de <strong>la</strong> communauté juive fut anéantie, excepté 4,000 personnes qui<br />

avaient été envoyées au camp de travail dans les environs de <strong>la</strong> ville. Mais<br />

jusqu’à <strong>la</strong> fin octobre 1942, ceux-là aussi furent exterminés.<br />

Le monument<br />

Au centre de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce, a été dressé un monument en forme de pierre tombale<br />

sur <strong>la</strong>quelle sont inscrits les mots suivants: “en l’honneur <strong>des</strong> citoyens polonais<br />

<strong>du</strong> peuple juif <strong>du</strong> district de Lublin, qui ont été exterminés sauvagement par<br />

54


les fascistes hitlériens pendant <strong>la</strong> seconde guerre mondiale. Les citoyens <strong>du</strong><br />

district de Lublin”. De l’autre côté <strong>du</strong> monument, est écrit en yiddish un vers<br />

<strong>du</strong> poète juif Yitzhak Katzenelson. Dans chaque poignée de poussière, je<br />

recherche mes proches”.<br />

Le monument <strong>du</strong> ghetto a été érigé en 1963 à Lublin avec l’aide <strong>des</strong> juifs<br />

de Pologne. Non loin de là se trouve un bâtiment qui avait recueilli à <strong>la</strong> fin<br />

de <strong>la</strong> guerre en 1944 <strong>des</strong> rescapés qui s’y rendaient avec l’espoir de retrouver<br />

<strong>des</strong> membres de leurs familles. On leur donnait sur p<strong>la</strong>ce <strong>des</strong> soins d’urgence.<br />

Le siège <strong>du</strong> comité de sauvetage<br />

La libération. Jour de rédemption, certes, mais aussi le jour de l’amère<br />

constatation de <strong>la</strong> taille de <strong>la</strong> catastrophe qui s’était pro<strong>du</strong>ite et le début de<br />

l’effort de recoller les morceaux de vies brisées <strong>pour</strong> recommencer à vivre. Le<br />

jour de <strong>la</strong> victoire arriva au peuple juif avec un grand retard. Des communautés<br />

entières venaient d’être exterminées de <strong>la</strong> face de <strong>la</strong> terre. Il n’y a pas de mots<br />

<strong>pour</strong> décrire l’horreur et <strong>la</strong> souffrance.<br />

Les réfugiés - il restait en Europe un million deux cents mille juifs rescapés<br />

brisés et réfugiés, à qui il faudra faire <strong>des</strong> efforts surhumains <strong>pour</strong> recommencer<br />

à vivre. En Pologne, il resta 250,000 juifs. Ils vécurent un autre cauchemar en<br />

revenant dans leur vil<strong>la</strong>ge ou ville natal, en découvrant <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction terrible<br />

et <strong>la</strong> disparition de leurs proches. Ce pays qui avait été leur patrie pendant<br />

<strong>des</strong> siècles était devenue un cimetière. Le retour au sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

locale fut encore un choc terrible, car leurs biens avaient été usurpés par <strong>des</strong><br />

voisins qui n’avaient jamais songé à les voir revenir. Le retour était une<br />

menace, et certains n’hésitèrent pas à assassiner ces revenants. 500 juifs<br />

perdirent <strong>la</strong> vie entre novembre 44 et octobre 45, dans ces conditions, après<br />

avoir survécu les horreurs de <strong>la</strong> Shoah. Mais les réfugiés avaient une soif de<br />

vivre incomparable et peu à peu ils recommencèrent à se grouper. Mais il<br />

fal<strong>la</strong>it les aider à reprendre leur vie en main, il fal<strong>la</strong>it leur apporter une aide<br />

médicale, il fal<strong>la</strong>it aller chercher les enfants qui avaient été cachés par <strong>des</strong><br />

catholiques, dans <strong>des</strong> familles ou <strong>des</strong> couvents, il fal<strong>la</strong>it s’occuper <strong>des</strong> orphelins,<br />

il fal<strong>la</strong>it créer <strong>des</strong> écoles, et les aider à retrouver <strong>des</strong> proches éventuellement.<br />

Ceci sera le noyau qui servira à reconstruire les communautés. Lublin fut<br />

libérée en premier par les forces soviétiques et peu à peu quelques rescapés<br />

entendant qu’ils peuvent y trouver un abri temporaire, s’y rendent. En janvier<br />

1945, les derniers combattants <strong>du</strong> ghetto de Varsovie qui avaient réussi à<br />

55


ester en vie arrivèrent aussi. Il y avait parmi eux Antke Tzukerman, Tsvia<br />

Lubetkin entre autres. Les derniers survivants de tous les mouvements de<br />

jeunesse sionistes se regroupaient. Pendant <strong>la</strong> guerre, ces jeunes avaient pris<br />

<strong>des</strong> initiatives et qui avaient assuré le leadership de <strong>la</strong> communauté.<br />

La fuite<br />

Après le pogrom de Kielce en 1946, où avaient trouvé <strong>la</strong> mort 70 juifs rescapés<br />

<strong>des</strong> camps, les centaines de milliers de réfugiés comprirent que les juifs ne<br />

pouvaient plus nourrir l’espoir de se réinstaller en Pologne, et qu’ils devaient<br />

aller en Palestine ou dans d’autres pays d’Europe ou aux Etats-Unis mais les<br />

portes de ces pays leur étaient souvent fermées. Les réfugiés commencèrent<br />

alors à se diriger de façon spontanée avant que les mouvements de jeunesse<br />

ne prennent <strong>la</strong> direction de ces activités. Yitzhak Tzukerman et Abba Kovner,<br />

n’étaient pas d’accord sur ce point le second vou<strong>la</strong>it diriger ces réfugiés vers<br />

<strong>la</strong> Palestine, alors que le premier pensait que les chefs <strong>des</strong> mouvements<br />

devaient rester sur p<strong>la</strong>ce <strong>pour</strong> organiser le départ et les routes que devaient<br />

emprunter les juifs <strong>pour</strong> partir car selon lui il était impossible de <strong>la</strong>isser <strong>la</strong><br />

communauté juive polonaise sans dirigeants capables Kovner et ses partisans<br />

partirent vers <strong>la</strong> Roumanie, puis de là en Italie puis vers <strong>la</strong> Palestine alors que<br />

Tzukerman resta en Pologne.<br />

56


Cracovie<br />

Le quartier juif<br />

La synagogue Altschul – La vielle Synagogue<br />

La synagogue a été construite par <strong>des</strong> juifs venus de Prague, fuyant le terrible<br />

pogrom de 1389. Le mur oriental fait partie <strong>des</strong> remparts de <strong>la</strong> ville, qui <strong>la</strong><br />

cachaient totalement. Elle était de style gothique comme toutes les synagogues<br />

construites à <strong>la</strong> même époque. Au XVI0 siècle, <strong>des</strong> annexes furent ajoutées<br />

avec <strong>des</strong> couloirs et une salle de prière <strong>pour</strong> les femmes <strong>du</strong> côté oriental. Puis<br />

en 1570, suite à un incendie, <strong>la</strong> synagogue fut reconstruite, les murs cette fois<br />

étaient plus élevés, et le tabernacle et l’entrée ont été refaits dans le style<br />

renaissance. Deux salles de prières furent construites <strong>pour</strong> les femmes au sud<br />

et au nord à <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> XVI0. Puis au XVII0 une entrée séparée <strong>pour</strong> les femmes<br />

avec vue sur <strong>la</strong> salle de prières <strong>des</strong> hommes par <strong>des</strong> fers forgés, avec une<br />

pièce au <strong>des</strong>sus <strong>du</strong> couloir où se réunissait le conseil de <strong>la</strong> communauté juive<br />

contre le mur occidental. Comme tout était concentre sous le même toit, <strong>la</strong><br />

synagogue et le conseil de <strong>la</strong> communauté, ce bâtiment devint le centre de <strong>la</strong><br />

vie juive locale, jusqu’en 1888 où <strong>la</strong> partie conseil municipal fut détruite.<br />

Avant et après <strong>la</strong> seconde guerre mondiale, <strong>la</strong> synagogue sera rénovée, le<br />

niveau sera restitué à <strong>la</strong> hauteur qui avait été construite au XVI0 siècle et une<br />

clôture décorative sera ajoutée. Elle a été le témoin de faits historiques<br />

nombreux. Les plus grands rabbins de <strong>la</strong> communauté y avaient dit leur<br />

sermon, les décisions <strong>du</strong> conseil de <strong>la</strong> communauté, les décrets royaux, et les<br />

décisions juridiques étaient lus dans <strong>la</strong> synagogue. En 1794, le chef suprême<br />

<strong>des</strong> forces révolutionnaires contre les russes s’adressa aux juifs de Cracovie<br />

dans <strong>la</strong> synagogue, les encourageant à prendre les armes <strong>pour</strong> se joindre aux<br />

résistants. Il y a aujourd’hui une p<strong>la</strong>que dans l’entrée:”les juifs ont montré<br />

que s’il y a un combat <strong>pour</strong> l’humanité, ils n’hésitent pas à risquer leur vie.<br />

Ici dans <strong>la</strong> synagogue Altschul, pendant le soulèvement de 1794, contre les<br />

russes, Tadeus Koustchochko a fait appel aux juifs <strong>pour</strong> lutter <strong>pour</strong><br />

l’indépendance <strong>du</strong> pays.”<br />

Pendant <strong>la</strong> Shoah, les Allemands exigèrent que leur soient remis les objets<br />

en argent et en or de <strong>la</strong> synagogue, mais heureusement, les juifs avaient eu<br />

le temps de cacher les rouleaux de <strong>la</strong> Torah, ainsi que les objets de culte en<br />

argent et en or au cimetière Palchov. Bientôt le cimetière se transforma en<br />

57


camp de travail nazi et tous les objets furent découverts et les rouleaux détruits.<br />

Après <strong>la</strong> déportation <strong>des</strong> juifs, en mars 1941, les Allemands transformèrent<br />

<strong>la</strong> synagogue en dépôt et en maison d’arrêt de <strong>la</strong> Gestapo. En 1943, 30 Polonais<br />

ont été exécutés à cet endroit. En leur souvenir, un monument en forme de<br />

cube a été p<strong>la</strong>cé là. Il y a une légende selon <strong>la</strong>quelle ( on raconte <strong>la</strong> même<br />

légende à propos d’autres synagogues) qu’à <strong>la</strong> suite <strong>du</strong> pogrom à Simhat<br />

Torah une année, il fut décidé de dire <strong>des</strong> kinot de deuil, chaque année pendant<br />

les festivités de Simhat Torah en mémoire de ceux qui avaient été tués.<br />

La légende<br />

On raconte que le roi Casimir le grand, avait une grande amitié <strong>pour</strong> les<br />

juifs et qu’il offrit un cadeau à l’ancienne synagogue. Son cadeau était<br />

deux épées d’argent <strong>pour</strong> en fabriquer une hanoukia. Elles sont alors<br />

accrochées dans <strong>la</strong> synagogue, malgré l’interdiction religieuse de vénérer<br />

les objets, <strong>pour</strong> signifier le respect qu’ils portaient au roi. Voici comment<br />

ce<strong>la</strong> se passa. Un jour le roi annonça qu’il vou<strong>la</strong>it venir visiter <strong>la</strong> synagogue,<br />

et toute <strong>la</strong> communauté se prépara à son arrivée. En son honneur, on<br />

accrocha un portrait <strong>du</strong> roi dans <strong>la</strong> synagogue mais comme c’est interdit<br />

dans une synagogue, le portrait fut accroché à l’envers avec l’intention<br />

de le retourner dès que le roi serait annoncé. Le jour de <strong>la</strong> visite annoncée,<br />

on oublia de retourner le portrait, le roi voyant son portrait à l’envers fit<br />

immédiatement venir le chef de <strong>la</strong> communauté qui était un vieil homme,<br />

<strong>pour</strong> lui demander <strong>des</strong> explications. Celui-ci lui répondit alors: “ tous,<br />

les jours, Majesté, comme vous n’êtes pas avec nous, nous avons votre<br />

portrait <strong>pour</strong> nous souvenir de vous, mais aujourd’hui vous êtes présent<br />

parmi nous, nous n’avons donc pas besoin de votre portrait.” Le roi était<br />

rassuré et donna alors en cadeau ses deux épées.<br />

La synagogue Popper<br />

Elle a été bâtie en 1620 par Wolf Popper Boutsian et qui s’est marié jeune,<br />

avec <strong>la</strong> fille d’un riche commerçant de Cracovie, Landau et al<strong>la</strong> s’installer à<br />

Cracovie. Ses affaires marchaient bien et il devient très riche. On estime en<br />

1816 qu’il possédait 300,000 zlotys. Le fait que <strong>la</strong> synagogue appartenait à un<br />

particulier prouvait que dans les XVI et XVII0 siècles, il y avait en Pologne<br />

58


<strong>des</strong> personnes qui pouvaient se permettre. C’était le signe de statut social.<br />

Pour construire une synagogue il fal<strong>la</strong>it <strong>des</strong> grosses sommes. La question de<br />

savoir d’où il avait trouvé cette somme fut débattue et critiquée. Ce n’est pas<br />

seulement dans <strong>la</strong> communauté que ce<strong>la</strong> faisait <strong>des</strong> gorges chau<strong>des</strong> car quand<br />

le professeur Mitsinsky, un antisémite notoire, quand il voulu faire valoir que<br />

les juifs dominaient l’économie de Cracovie consacre dans son livre, une p<strong>la</strong>ce<br />

primordiale au rabbin Wolf Popper qui était l’un <strong>des</strong> plus riches juifs au XVII0 dans <strong>la</strong> “ville <strong>des</strong> juifs”. Il faisait de l’importation. Dans son testament il parle<br />

de quatre coffres pleins de pièces d’or, un coffre plein d’argent, et <strong>des</strong> avoirs<br />

<strong>pour</strong> une très grosse somme qui était un acompte chez un commerçant. Les<br />

portes <strong>du</strong> tabernacle étaient faites de bois ciselé et se trouvent aujourd’hui à<br />

<strong>la</strong> synagogue de Eichal shlomo à Jérusalem. Dans une scène sur <strong>la</strong> gravure<br />

en cuivre on peut lire un verset <strong>du</strong> Traité <strong>des</strong> Pères, 5, 23. “Plus fort qu’un<br />

tigre, léger comme un aigle, court comme une gazelle, courageux comme un<br />

lion”. Comme plusieurs <strong>des</strong> riches qui priaient dans cette synagogue peu à<br />

peu s’appauvrirent, une association se chargea de <strong>la</strong> synagogue sans plus<br />

investir. Son état se dégrada progressivement, ses biens furent ven<strong>du</strong>s, ses<br />

rideaux, les portes <strong>des</strong> tabernacles qui étaient de grande valeur aussi. Après<br />

<strong>la</strong> Seconde guerre mondiale le gouvernement communiste s’empara de <strong>la</strong><br />

synagogue et ne fut plus ren<strong>du</strong>e à <strong>la</strong> communauté juive. Aujourd’hui c’est<br />

devenu une salle d’expositions d’art.<br />

La synagogue “Harama” – rabbi Moché Isralish<br />

Elle a été construite en 1553 par Israel le père <strong>du</strong> rabbin, qui était un riche<br />

commerçant. Il <strong>la</strong> consacra à <strong>la</strong> mémoire de sa femme Malka. Les juifs de<br />

Cracovie l’appelèrent <strong>la</strong> nouvelle synagogue. En comparaison avec <strong>la</strong> Altschul.<br />

Rabbi Moche Isralich ( 1530 -1572), était l’un <strong>des</strong> plus grands décisionnaires<br />

de tous les temps. Il avait étudié à Lublin chez le rabbin Shchena, et épousa<br />

sa fille Golda. Il a été nommé rabbin et juge de tribunal rabbinique en Cracovie.<br />

Très versé en philosophie juive, il connaissait beaucoup de <strong>la</strong>ngues étrangères,<br />

et étudia <strong>des</strong> matières non religieuses aussi, en particulier <strong>la</strong> philosophie. Son<br />

oeuvre <strong>la</strong> plus importante a été <strong>la</strong> création d’un livre de codification de <strong>la</strong><br />

Ha<strong>la</strong>kha juive, comme le rabbin Caro dans son livre ’Shulhan Aroukh”. Ce<br />

livre ne prenait pas en considération les décisions <strong>des</strong> rabbins ashkénazes. Le<br />

“Rama” décida d’accepter ce livre comme recueil codifiant fondamental mais<br />

son livre “Hamapa” vient compléter le livre <strong>du</strong> Caro ce qui a permis d’éviter<br />

59


<strong>des</strong> dissensions au sein de <strong>la</strong> communauté. Sur sa tombe est écrit: “ 33 ( <strong>la</strong>g)<br />

bonnes qualités, 33 livres, a vécu 33 ans et est mort à <strong>la</strong>’g ba’omer”.<br />

Le cimetière près de <strong>la</strong> synagogue “Harama.” (rabbi Moché Isralish)<br />

Il y avait à Cracovie plusieurs cimetières juifs dont certains ont disparu. Ce<br />

cimetière est le plus ancien parmi ceux qui n’ont pas été détruits.<br />

Yom Tov Lipman<br />

Le rabbin Yom Tov Lipman, est l’auteur de nombreux ouvrages. Il est connu<br />

sous le nom <strong>du</strong> “Baal Tosafot Yom Tov”, <strong>du</strong> titre de son livre le plus connu (qu’il<br />

avait achevé d’écrire à 38 ans à Prague). Son interprétation est encore<br />

aujourd’hui reconnue. Il est né en 1579, dans <strong>la</strong> ville de Walershtein en Bavière,<br />

(Prusse). A 18 ans, il devint juge au tribunal rabbinique de Prague ce qui ne<br />

60<br />

Cracovie ,Pologne, femmes<br />

vendant <strong>des</strong> habits près de <strong>la</strong><br />

synagogue <strong>du</strong> Rama


l’empêche pas de parfaire son é<strong>du</strong>cation. En 1928, il est nommé rabbin et<br />

directeur de l’école talmudique de Prague. Puis il sera nommé rabbin de<br />

Némirov et Blodmir à Valhein. Il parvint à faire imposer au conseil le décret<br />

précédent qui interdisait l’achat de <strong>la</strong> fonction de rabbin, car les rabbins qui<br />

étaient souvent issus de familles nobles imposaient souvent leur remp<strong>la</strong>çant.<br />

En 1644, il est nommé au poste de rabbin le plus important en Pologne, celui<br />

de Cracovie, c’était à l’époque <strong>des</strong> décrets issus par Hamelinsky en Ukraine<br />

<strong>des</strong> décrets contre les juifs<br />

Il prend soin de sa communauté. Il est l’auteur de slihot et de prière de El<br />

malé rahamim, en mémoire <strong>des</strong> juifs qui ont été assassinés pendant ces<br />

événements tragiques. Il est mort en 1654. Sa tombe est située au fond <strong>du</strong><br />

cimetière devant une porte scellée par <strong>des</strong> pierres. Il s’avère qu’on pouvait<br />

entrer dans le cimetière <strong>des</strong> deux côtés, dont cette entrée <strong>du</strong> côté de <strong>la</strong><br />

synagogue.<br />

L’histoire de Yossele, l’avare, le saint<br />

A Rama, le rabbin Yom Tov avait <strong>la</strong> charge de <strong>la</strong> charité. C’était lui qui<br />

décidait <strong>des</strong> collectes si c’était <strong>pour</strong> une mariée pauvre, ou <strong>pour</strong> <strong>des</strong><br />

orphelins… Il se chargeait toujours de ces affaires lui-même. Il donnait<br />

lui-même puis al<strong>la</strong>it demander aux riches de <strong>la</strong> ville, leur demandant de<br />

donner avec insistance. Le gaon Zelig dira de lui à ce propos dans<br />

l’intro<strong>du</strong>ction à son livre “hibouré Likoutim”: il était le rabbin de Kraka,<br />

il donnait tout son argent à <strong>la</strong> charité. Mais il s’étonnait de voir toujours<br />

un <strong>des</strong> riches de <strong>la</strong> ville qui, s’il traitait certes les pauvres avec gentillesse,<br />

ne donnait cependant pas beaucoup l’aumône. Un jour, le rabbin Yom<br />

Tov partit collecter de fonds mais sans succès, là, un riche n’était pas<br />

chez lui, là un autre avait fait de mauvaises affaires, ici encore un autre<br />

était ruiné et le rabbin ne réussissant pas à collecter <strong>la</strong> somme dont il<br />

avait besoin, retourna à regret demander au riche avare de lui donner<br />

un peu plus qu’à son habitude. Mais celui-ci, refusa et s’entêta dans son<br />

refus. Toutes les suppliques <strong>du</strong> rabbin n’y faisant rien, le rabbin lui dit<br />

que même le voisin qui était pauvre insistait à donner régulièrement une<br />

somme importante qu’il refusait presque de prendre sachant qu’il n’avait<br />

pas les moyens… toujours sans résultat. Le rabbin s’emportant le convoqua<br />

au tribunal <strong>pour</strong> le lendemain et lui recommanda de réfléchir à nouveau<br />

61


sur sa position. Il lui proposa même de ne dévoiler à personne s’il faisait<br />

un don supplémentaire, mais il refusa encore. Au tribunal, ne changeant<br />

toujours pas d’avis, il se vit menacé d’être enterré au cimetière près de<br />

<strong>la</strong> porte, ce qui ne le fit pas changer d’avis.<br />

Puis, un jour, quelques années plus tard il mourut et le rabbin ne put que<br />

le faire enterrer où il avait menacé de l’enterrer. Mais au bout de quelque<br />

temps, le pauvre, le voisin <strong>du</strong> riche avare s’arrêta de donner comme à<br />

son habitude. Et le rabbin de lui demander ce qui lui arrivait et s’il s’était<br />

appauvri encore. Il répondit qu’en fait pendant toutes ces années, le riche<br />

voisin lui avait donné régulièrement une grosse somme qu’il devait<br />

donner à <strong>la</strong> charité en échange de quoi, il recevait une aumône lui-même<br />

et maintenant que le voisin était mort, il ne pouvait plus donner. Le<br />

rabbin comprit alors que le riche avare était un saint qui vou<strong>la</strong>it donner<br />

aux pauvres, mais en secret, comme font les saints. Pris de remords, le<br />

rabbin demanda alors à être enterré près de cet homme près de <strong>la</strong> porte<br />

<strong>du</strong> cimetière quand le jour de sa mort viendrait.<br />

Le rabbin Nathan Neta Shapira (1585-1633) – ”L’interprète <strong>des</strong> profondeurs”<br />

Issu d’une famille connue, son grand-père était Rabbi Pinhas, il al<strong>la</strong>it rencontrer<br />

les convertis au christianisme <strong>pour</strong> essayer de les ramener à <strong>la</strong> foi juive, et ils<br />

leur promettait même sa portion de l’autre monde s’ils acceptaient de dire <strong>la</strong><br />

prière “shma Israël”Il était réputé <strong>pour</strong> ses connaissances en Torah. Et avait<br />

trouvé <strong>des</strong> réponses à <strong>des</strong> énigmes de <strong>la</strong> Torah. Son fils racontait qu’il<br />

connaissait tout le shass (les six livres de <strong>la</strong> michna) et tous les versets par<br />

coeur. Il était directeur de yéchiva à Cracovie, et il avait de nombreux disciples.<br />

Il menait <strong>la</strong> vie d’un saint.<br />

On dit de lui qu’il avait une telle force qu’il suffisait de citer son nom <strong>pour</strong><br />

qu’un ma<strong>la</strong>de guérisse. Son surnom lui vient de son livre qui contient 252<br />

interprétations de <strong>la</strong> prière de Moshe: “Ahavara Na Laissez moi passer”.<br />

62


Il mourut à 48 ans.<br />

Au décès de “ l’interprète <strong>des</strong> profondeurs”, un étudiant de yéchiva vint<br />

à Cracovie et s’adressa au gabaï de <strong>la</strong> synagogue en lui disant que comme<br />

il avait remarqué que non loin de l’endroit où avait été enterré le rabbin,<br />

il restait une p<strong>la</strong>ce libre, il souhaitait l’acquérir <strong>pour</strong> lui-même. Le gabaï<br />

le toisa et lui dit: “qui pensez-vous être <strong>pour</strong> avoir le droit de vous faire<br />

enterrer dans ce lieu saint?” Son interlocuteur, <strong>pour</strong>suivit qu’il était prêt<br />

à payer n’importe quel prix <strong>pour</strong> cet emp<strong>la</strong>cement. Au bout de quelque<br />

temps, le gabaï voyant que <strong>la</strong> caisse était vide, et qu’il avait de nombreux<br />

frais, pensa qu’il <strong>pour</strong>rait permettre à cet homme d’acheter <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce au<br />

cimetière à bon prix sans avoir à respecter un arrangement de <strong>la</strong> sorte.<br />

Comme il était vieux, et que l’acheteur était plus jeune que lui, le moment<br />

venu de son décès, il ne serait plus là et son remp<strong>la</strong>çant ne saurait rien<br />

de cette affaire. Et c’est ainsi qu’il accepta de lui vendre ce qu’il demandait<br />

contre une somme importante qu’il s’empressa de mettre dans <strong>la</strong> caisse<br />

de <strong>la</strong> Hévra kadisha sans inscrire l’emp<strong>la</strong>cement au nom de l’acquéreur.<br />

Mais voilà que le jour .même, l’homme mourut.<br />

Le gabaï qui n’avait pas pu obtenir le nom de cet homme, car il avait<br />

refusé de le lui donner, ne su que faire. Puis, après réflexion, comme cette<br />

personne n’avait là ni amis ni famille, donc personne ne connaissait<br />

l’histoire, et comme l’argent <strong>pour</strong> l’enterrement avait été donné à <strong>la</strong><br />

charité, il décida de le faire enterrer dans autre endroit et non dans celui<br />

qu’il avait acheté, à côté <strong>du</strong> rabbin. La nuit, le gabaï rêva de l’homme<br />

qui lui disait: “nous avions fait un accord, et tu n’as pas respecté ton<br />

engagement je te convoque à un procès devant le tribunal de l’au-delà”.<br />

Le gabaï eut très peur mais au matin il se dit que ce n’était qu’un rêve<br />

sans conséquence. Mais chaque nuit il faisait le même rêve si bien que<br />

<strong>la</strong> troisième fois, il se rendit chez le rabbin de Cracovie et lui raconta<br />

toute l’histoire. Le rabbin lui dit alors de ne pas s’inquiéter et que si le<br />

même rêve revenait, il lui fal<strong>la</strong>it dire à cet homme qu’il pouvait venir à<br />

une date précise chez le rabbin <strong>pour</strong> un jugement sur terre. Et lorsque<br />

l’homme réapparut en rêve au gabaï, celui-ci fit ce que le rabbin lui avait<br />

conseillé et l’homme accepta immédiatement. On instal<strong>la</strong> une cloison<br />

dans <strong>la</strong> synagogue et quand l’heure prévue arriva, on entendit une sorte<br />

de bruit derrière <strong>la</strong> cloison, et ils comprirent que l’homme était parmi<br />

eux. Le rabbin lui demanda de décrire les faits, puis il demanda au gabaï<br />

63


ce qu’il avait à répondre. Celui-ci dit que l’homme avait dit <strong>la</strong> vérité mais,<br />

dit-il, il n’avait jamais eu l’intention de l’enterrer à cet emp<strong>la</strong>cement car<br />

il n’était pas digne de reposer à côté <strong>du</strong> rabbin, puisque personne ne<br />

savait qui il était puisqu’il avait refusé de donner son nom. Le rabbin se<br />

trouvant vers <strong>la</strong> cloison dit: dites-nous qui vous êtes et nous verrons si<br />

vous pouvez être enterré à l’endroit que vous avez demandé. Mais<br />

l’homme refusa absolument de dévoiler son identité. Le rabbin décréta<br />

alors que même s’il semb<strong>la</strong>it qu’il fal<strong>la</strong>it enterrer le mort près <strong>du</strong> gaon,<br />

puisqu’on avait accepté paiement <strong>pour</strong> l’emp<strong>la</strong>cement, comme on ne<br />

savait pas de qui il s’agissait, il était peut être mal venu qu’un homme<br />

inconnu repose à côté de ce grand rabbin. Il fut décidé que <strong>la</strong> tombe à<br />

côté <strong>du</strong> gaon serait ouverte et que s’il était digne de reposer là il saurait<br />

y entrer seul…Le lendemain matin, ils allèrent au cimetière et ils virent<br />

que <strong>la</strong> tombe de l’homme était vide et que <strong>la</strong> tombe à côté <strong>du</strong> gaon était<br />

occupée et sur <strong>la</strong> pierre tombale était inscrit “ ci-gît l’homme inconnu,<br />

sur <strong>la</strong> foi de son ami”. Bien <strong>des</strong> années plus tard, les inscriptions sur <strong>la</strong><br />

tombe s’effacèrent et furent remp<strong>la</strong>cées par d’autres.<br />

La synagogue haute<br />

Elle a été construite dans les années soixante <strong>du</strong> XVI0 siècle. Son nom provient<br />

de son emp<strong>la</strong>cement car elle était située au dernier étage. Son tabernacle était<br />

<strong>des</strong> plus anciens parmi ceux de Pologne et il comportait <strong>des</strong> fers forgés qui<br />

décoraient l’escalier qui menait à lui. Ses deux portes également en fer forgé<br />

étaient décorées de motifs juifs. C’est l’une <strong>des</strong> synagogues en Pologne dont<br />

les murs furent décorés de <strong>des</strong>sins d’inspiration biblique, représentant le<br />

sacrifice d’Yitzhak, l’arche de Noé. Par le passé il y avait <strong>des</strong> boutiques au<br />

rez- de chaussée de <strong>la</strong> synagogue. Pendant <strong>la</strong> Seconde guerre mondiale, le<br />

bâtiment fut endommagé et tout ce qu’elle contenait fut pillé. Aujourd’hui<br />

elle est devenu le siège de l’agence à Cracovie de <strong>la</strong> Société de protection <strong>des</strong><br />

monuments historiques qui est chargée de protéger le quartier Kazimiertz.<br />

La synagogue Isik<br />

Elle est dédiée au nom <strong>du</strong> rabbin Yitzhak Ben rabbi Yaakov, grand donateur.<br />

Elle a été construite en 1644. Elle fut refaite en 1857 et en 1924. Pendant <strong>la</strong><br />

guerre, elle a été quasiment entièrement détruite. En 1983 une réfection a été<br />

entreprise. Elle était de l’extérieur simple et même ordinaire, mais l’intérieur<br />

64


était riche de décorations réputées <strong>pour</strong> leur beauté, avec <strong>des</strong> lustres en cuivre<br />

et <strong>des</strong> objets de culte en argent d’une exceptionnelle splendeur.<br />

Une histoire<br />

Il y a très longtemps, vivait à Cracovie un juif qui s’appe<strong>la</strong>it Izik. Que<br />

dire de plus, car il était juif et s’appe<strong>la</strong>it Izik. Mais nombreux étaient les<br />

juifs de Cracovie qui s’appe<strong>la</strong>ient Izik. Mais cet Izik était père d’une<br />

famille nombreuse. Que dire de plus sur un juif de Cracovie qui a une<br />

famille nombreuse? Tous les juifs de Cracovie s’appe<strong>la</strong>ient Izik et avaient<br />

de nombreux enfants. Mais cet Izik, on peut dire qu’il était extrêmement<br />

pauvre. Vraiment, tous les juifs de Cracovie, s’appe<strong>la</strong>ient Izik et étaient<br />

très pauvres…Mais une nuit, ce Izik al<strong>la</strong> se coucher, et en rêve lui apparaît<br />

un visage les yeux ouverts et à <strong>la</strong> longue barbe b<strong>la</strong>nche, et qui lui parle<br />

ainsi: “ Iziiiiik, Iziiiiik, sous le pont il y a un trésor”. Et quand il se réveille,<br />

Izik dit “ mon Dieu, que veut-on de moi? Je suis un juif pauvre, me<br />

donner de telles idées, <strong>des</strong> espoirs de <strong>la</strong> sorte, vraiment!!” La nuit<br />

suivante,il fit le même rêve, toujours le même rêve, sous le pont, entre<br />

le palis <strong>du</strong> roi et <strong>la</strong> vieille p<strong>la</strong>ce, il y a un trésor. Isik, une fois d’accord,<br />

mais deux ? dit-il au réveil, “ me faire <strong>des</strong> choses pareilles à moi, mon<br />

dieu!puis il rêva une troisième fois et cette fois, avec le dernier détail: “<br />

sous le pont entre le pa<strong>la</strong>is royal et l’ancienne p<strong>la</strong>ce de <strong>la</strong> ville de Prague<br />

se trouve un trésor”. Isik en se levant, dit: “ trois fois c’est sérieux!”et<br />

sort de chez lui sans dire au revoir, ni à sa femme, ni à ses enfants, et il<br />

entreprend un long voyage. Puis enfin il arrrive à Prague, il regarde <strong>la</strong><br />

ville avec tous ses monuments, sa belle p<strong>la</strong>ce ancienne, et le pa<strong>la</strong>is royal<br />

avec <strong>la</strong> cathédrale non loin de là séparés par une rivière et sur <strong>la</strong> rivière,<br />

un pont, le pont Charles. Sous le pont il y une petite île, et est-ce que le<br />

trésor se trouve là donc? Mais que faire, c’est le chemin <strong>du</strong> pa<strong>la</strong>is, le<br />

chemin <strong>du</strong> roi, et il y toujours toujours, <strong>des</strong> soldats qui surveillent. Il<br />

attend <strong>la</strong> nuit, puis <strong>la</strong> seconde nuit, et <strong>la</strong> troisième nuit, il décide d’essayer<br />

et il commence à creuser. Au bout de quelques minutes, il creuse toujours<br />

et entend tout à coup, “ que fais-tu là?” et devant lui se tient un soldat<br />

fort, et grand. Isik décide de dire <strong>la</strong> vérité “ écoutez, vous allez sûrement<br />

vous moquer de moi, j’ai fait un rêve, et un vieil<strong>la</strong>rd à <strong>la</strong> barbe b<strong>la</strong>nche<br />

m’a dit que sous le pont à Prague, il y a un trésor. Le soldat se mit à rire:<br />

65


“ ce n’est pas par hasard qu’on dit de vous les juifs que depuis que le<br />

temple a été détruit, vous avez per<strong>du</strong> <strong>la</strong> raison. Ecoute, moi aussi j’ai<br />

rêvé et j’ai vu un vieil<strong>la</strong>rd qui m’a dit:” dans <strong>la</strong> maison d’un juif nommé<br />

Isik dans <strong>la</strong> ville de Cracovie, sous le four se trouve un trésor, et tu penses<br />

que je vais aller faire un si long voyage <strong>pour</strong> aller à Cracovie et y chercher<br />

un juif <strong>du</strong> nom d’Izik,. Tout le monde sait que tous s’appellent Izik làbas,<br />

et tu me vois dép<strong>la</strong>cer les fours chez eux? Ecoute, le juif, comme tu<br />

m’a fait rire pendant ma garde, je te <strong>la</strong>isse partir, allez, vas-t-en!” Izik<br />

reprend le chemin de chez lui. En arrivant chez lui, sa femme lui demande”<br />

Izik où étais-tu parti deux mois? “ Il ne répond pas, les enfants l’appellent<br />

“papa, papa!” il les repousse et se met à dép<strong>la</strong>cer le four de <strong>la</strong> cuisine et<br />

de fait, il y trouve un trésor, qui était caché chez lui-même.<br />

La synagogue Koufa<br />

La synagogue<br />

Sa construction débute au XVI0 siècle, et s’achève en 1643, elle aura été financée<br />

par <strong>des</strong> dons par <strong>des</strong> membres de <strong>la</strong> communauté, chacun selon ses moyens.<br />

La synagogue est située à l’extrémité de <strong>la</strong> rue qui porte le même nom, son mur<br />

au nord est également le mur <strong>du</strong> quartier juif elle était au centre <strong>des</strong> activités<br />

sociales de <strong>la</strong> communauté. Cette synagogue était profondément marquée entre<br />

les deux guerres par le sionisme. Les <strong>des</strong>sins refaits montrent le style <strong>des</strong><br />

décorations de <strong>la</strong> synagogue, on y voit <strong>des</strong> vues de Haïfa, de Jaffa, et <strong>des</strong> villes<br />

saintes en terre sainte. Les artistes qui ont décoré cette synagogue connaissaient<br />

ses vues <strong>des</strong> cartes qu’envoyaient les juifs de <strong>la</strong> communauté quand ils visitaient<br />

le pays ou quand ils étaient partis s’y installer. Il y avait aussi de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>pour</strong><br />

l’imagination de l’artiste, comme avec cette vue de Jérusalem au bord de <strong>la</strong><br />

mer! La synagogue sera détruite pendant <strong>la</strong> shoah, et refaite en 1998, elle avait<br />

servi jusque là de tannerie et d’usine de pro<strong>du</strong>it en cuir.<br />

La synagogue TEMPLE<br />

Le temple a été bâti entre 1860 et 1862, par <strong>des</strong> juifs modernes, <strong>des</strong> maskilim<br />

de Cracovie. Il a été ensuite plusieurs fois amélioré et comporte de nombreux<br />

éléments néo-renaissance. Il est construit sur deux étages aux colonna<strong>des</strong><br />

impressionnantes qui servaient à soutenir <strong>la</strong> partie <strong>des</strong> femmes située au<br />

deuxième étage. La synagogue comportait une partie centrale et deux autres<br />

66


espaces. Les vitraux ajoutés plus tard avaient été offerts par les membres de<br />

<strong>la</strong> communauté entre 1894 et 1925. C’est de l’intérieur de <strong>la</strong> synagogue que<br />

toute leur beauté ressort. La partie réservée aux femmes est un chef d’oeuvre<br />

d’architecture intérieure, ainsi que le mur <strong>du</strong> tabernacle que surplombe une<br />

coupole bleue parsemée d’étoiles. Cette synagogue est bien plus spacieuse<br />

et luxueuse que les autres synagogues, ni humble ni mo<strong>des</strong>te influencée par<br />

l’architecture <strong>des</strong> églises.<br />

Les éléments particuliers de cette bâtisse.<br />

La communauté qui se réunissait en ce lieu <strong>pour</strong> prier était formée de personnes<br />

appartenant à l’intelligentsia, et <strong>des</strong> personnalités en vue, dont l’une d’elles<br />

est le Dr Yéoshoua Tahon, le chef <strong>du</strong> mouvement sioniste local. Ils avaient<br />

adopté <strong>des</strong> habitu<strong>des</strong> peu conformes à <strong>la</strong> tradition orthodoxe. Ils arrivaient<br />

aux services de samedi et jours de fête dans leurs carrioles, (interdites le<br />

shabbat <strong>pour</strong> les orthodoxes). Sa chorale faisait l’admiration de tous et était<br />

réputée. Elle était composée d’hommes et de femmes, chose très mal acceptée<br />

par les orthodoxes. Toutefois cette synagogue attirait un grand public qui<br />

venait y écouter le chantre le meilleur de Cracovie, Yossef Fisher (qui publiait<br />

<strong>des</strong> manuscrits en hébreu). Le rabbin de <strong>la</strong> communauté de Cracovie s’était<br />

opposé avec force à <strong>la</strong> construction de cette synagogue, et <strong>la</strong> légende raconte<br />

qu’il al<strong>la</strong> même jusqu’en jeter une malédiction contre le lieu et <strong>la</strong> communauté<br />

qui le fréquentait et sur le mur apparut une fissure qu’il fut impossible combler.<br />

Pendant <strong>la</strong> guerre, elle sera transformée en écuries. Elle fait partie <strong>des</strong> bâtiments<br />

refaits par un fond spécialement créé <strong>pour</strong> <strong>la</strong> réfection de monuments <strong>du</strong><br />

patrimoine. La synagogue rouvre ses portes en 1995.<br />

67


Le ghetto<br />

A <strong>la</strong> veille de <strong>la</strong> Seconde guerre mondiale, il y avait à Cracovie 250,000 habitants<br />

dont 60,000 étaient juifs. Le 6 septembre 1939, <strong>la</strong> ville sera envahie par les<br />

Allemands et les persécutions contre les juifs commencèrent. Le 26 octobre<br />

<strong>la</strong> ville fit déc<strong>la</strong>rée capitale <strong>du</strong> gouvernement général. Les persécutions contre<br />

les juifs ne firent que se multiplier. Tous les décrets anti-juifs y furent appliqués.<br />

En mai 1940, <strong>la</strong> déportation <strong>des</strong> juifs commença vers un vil<strong>la</strong>ge proche. En<br />

mars 1941, 11,000 juifs furent tués dans cette ville seulement. Le même mois,<br />

le ghetto est créé au sud, <strong>du</strong> nom de Podgoza. C’était un quarter fermé de 40<br />

sur 600 mètres. Les Allemands regroupèrent là les juifs de Cracovie mais aussi<br />

<strong>des</strong> milliers de juifs arrêtés dans les villes avoisinantes. A <strong>la</strong> fin de 1941, y<br />

Cracovie , Po<strong>la</strong>nd, Juifs forcés à nettoyer une rue<br />

68


vivaient 18,000 personnes. Toutes les institutions juives avaient naturellement<br />

été transférées là comme <strong>la</strong> communauté, l’organisation d’entraide, les hôpitaux,<br />

les orphelinats et les cantines... Les déportations de Cracovie se sont déroulées<br />

en plusieurs étapes. En juin 1942, <strong>du</strong> 18 mai 1942 au 6 juin, plus exactement,<br />

eut lieu <strong>la</strong> grande déportation. 6,000 juifs furent transférés à Belsen, et 300<br />

furent exécutés sur p<strong>la</strong>ce. Parmi les victimes, le poète Mordechai Gebirtig et<br />

le chef <strong>du</strong> judenrat Arthur Rozentsweig qui avait refusé d’obéir aux ordres<br />

<strong>des</strong> Allemands. Après cette “action” <strong>la</strong> surface <strong>du</strong> ghetto est ré<strong>du</strong>ite de moitié<br />

et il n’y resta que 12,000 personnes. En octobre 1942, une deuxième ’ action’<br />

fut organisée. 7000 juifs furent déportés <strong>la</strong> plupart vers Belsen et certains vers<br />

Auschwitz et 600 furent exécutés sur p<strong>la</strong>ce. Il ne resta alors au ghetto que<br />

6000 personnes.<br />

En décembre 1942, le ghetto fut divisé en deux parties. La zone A <strong>pour</strong> les<br />

travailleurs indispensables en bonne santé, et <strong>la</strong> zone B <strong>pour</strong> les chômeurs,<br />

les personnes âgées et les ma<strong>la</strong><strong>des</strong>. En mars 1943, tous les juifs de <strong>la</strong> zone A,<br />

en tout 2000 personnes, sont déportés vers le camp de travail à P<strong>la</strong>shov. Le<br />

lendemain le ghetto B sera détruit. 2300 personnes furent transportées par<br />

camions et furent exécutées à Birkenau. 70 autres furent exécutées, un peu<br />

plus tard, c’était ceux qui n’étaient plus capables de marcher. La déportation<br />

était un processus violent et cruel. Le 14 mars 1943, le ghetto de Cracovie<br />

disparaissait.<br />

La pharmacie<br />

A <strong>la</strong> création <strong>du</strong> ghetto, les juifs furent regroupés dans ce quartier juif fermé à<br />

Podgoza, les Polonais <strong>du</strong>rent quitter le quartier. La pharmacie au 18 de <strong>la</strong> rue<br />

Zgoda se trouvait à <strong>la</strong> frontière <strong>du</strong> ghetto. Une façade se trouvait exposée <strong>du</strong><br />

côté de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce Zgoda où étaient regroupés les juifs <strong>pour</strong> <strong>la</strong> déportation et qui<br />

sera re-nommée par <strong>la</strong> suite <strong>la</strong> ’p<strong>la</strong>ce <strong>des</strong> héros <strong>du</strong> ghetto’, et l’autre façade était<br />

<strong>du</strong> côté polonais. Lorsqu’il reçut l’ordre de quitter le propriétaire de <strong>la</strong> pharmacie,<br />

Tadeusz Pankewitz, qui était polonais, usa de toute son influence <strong>pour</strong> tenter<br />

de retarder l’échéance. Il corrompit les Allemands régulièrement <strong>pour</strong> qu’ils le<br />

<strong>la</strong>issent continuer à ouvrir sa pharmacie. Pendant deux ans et demi, à partir <strong>du</strong><br />

jour de <strong>la</strong> création <strong>du</strong> ghetto, il a pu continuer à vivre là. Il raconte ce qu’il y<br />

voit par ses vitrines qui donnaient sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce. Il continue à employer ses trois<br />

préparatrices, toutes polonaises, Iréna, Helena et Orelia, et ils aidaient les juifs.<br />

Grâce à l’emp<strong>la</strong>cement de cette pharmacie, ils servaient de passage entre le<br />

69


ghetto et <strong>la</strong> partie polonaise de <strong>la</strong> ville. Par <strong>la</strong> porte de derrière, <strong>des</strong> gens<br />

pouvaient passer, <strong>des</strong> médicaments, de <strong>la</strong> nourriture, <strong>des</strong> colis. Des informations<br />

passaient également. Les juifs leur remirent <strong>des</strong> effets personnels et <strong>des</strong> objets<br />

de valeur <strong>pour</strong> qu’ils le leur gardent. La pharmacie servait donc de point de<br />

rencontre à <strong>des</strong> personnes diverses, certains y venaient parce qu’on pouvait y<br />

lire <strong>des</strong> journaux allemands et <strong>des</strong> journaux publiés par les résistants. Les<br />

habitants <strong>du</strong> ghetto pouvaient s’y approvisionner en médicaments et en divers<br />

pro<strong>du</strong>its comme <strong>des</strong> colorants <strong>pour</strong> les cheveux, qui permettait de se déguiser.<br />

Le pharmacien aidait. Il leur procurait <strong>des</strong> aliments et <strong>des</strong> cosmétiques qui leur<br />

permettaient de paraître plus jeunes <strong>pour</strong> être sélectionnés <strong>pour</strong> les camps de<br />

travail, et toujours gratuitement.<br />

Sa contribution fut reconnue et il obtint <strong>la</strong> distinction en 1983 <strong>des</strong> Justes<br />

parmi les nations <strong>pour</strong> son aide aux juifs <strong>du</strong> ghetto. Il est décédé en 1993 à<br />

l’âge de 85 ans.<br />

Les mouvements de résistance<br />

Dès les premiers jours <strong>du</strong> ghetto, <strong>des</strong> mouvements de résistance se forment,<br />

avec le mouvement Akiva et le Shomer hatsair. Au début il s’agissait de<br />

mouvements qui formaient les jeunes. La résistance juive créa un journal, “le<br />

pionnier combattant”, En octobre 1942, une organisation est fondée, l’organisation<br />

juive combattante, <strong>pour</strong> organiser une lutte armée contre les nazis. Ils décidèrent<br />

que, étant donné les dimensions ré<strong>du</strong>ites <strong>du</strong> ghetto, il ne <strong>pour</strong>rait y avoir de<br />

combat armé. Il fut donc décidé de mener les activités de combats <strong>du</strong> côté<br />

aryen de <strong>la</strong> ville. On compte une dizaine d’actes de résistance armée qui se<br />

pro<strong>du</strong>isirent en dehors <strong>du</strong> ghetto, le plus célèbre est l’attaque <strong>du</strong> 22 décembre<br />

1942, <strong>du</strong> café Tzingaria, qui était le lieu de rencontre <strong>des</strong> officiers Allemands,<br />

qui tua 11 Allemands et en blessa 13. Il y aura également <strong>des</strong> tentatives<br />

d’étendre les activités aux alentours. Mais là les difficultés provenaient <strong>du</strong><br />

manque de coopération de <strong>la</strong> part <strong>des</strong> autres groupes de résistance polonais<br />

qui refusaient de col<strong>la</strong>borer avec les juifs. En automne 1944, les derniers<br />

membres de l’organisation réussirent à passer <strong>la</strong> frontière <strong>pour</strong> passer en<br />

Hongrie et c’est de Budapest qu’ils <strong>pour</strong>suivent leurs activités. Du côté aryen,<br />

dès le printemps 1943, une branche de l’organisation Zegota, qui aida plusieurs<br />

centaines de juifs à s’évader <strong>du</strong> ghetto.<br />

70


Oskar Schindler 1908-1974<br />

Juste parmi les nations, Oskar Schindler est né<br />

en Moravie<br />

Reich en 1938. Il avait été envoyé en Cracovie<br />

en 1939 par l’administration de l’occupation<br />

allemande <strong>pour</strong> diriger deux sociétés qui avaient<br />

été confisquées à leurs propriétaires juifs. Sa<br />

position et ses re<strong>la</strong>tions lui permirent de sauver<br />

<strong>des</strong> centaines de juifs en les employant dans les<br />

usines qu’il dirigeait, à Cracovie et plus tard à<br />

dans les Sudètes.<br />

Lorsque l’armée rouge s’approcha de <strong>la</strong><br />

Pologne, les Allemands ont commencé à<br />

délocaliser les usines <strong>pour</strong> les installer dans <strong>des</strong> régions plus calmes. Il reçut<br />

alors l’autorisation de remettre sur pied son usine dans <strong>la</strong> région <strong>des</strong> Sudètes.<br />

<strong>pour</strong> y fabriquer <strong>des</strong> armes lors d’une campagne unique en son genre sous le<br />

gouvernement nazi, Schindler a réussi à faire passer 300 femmes et 800 hommes<br />

juifs <strong>des</strong> camps de Grossrosen et d’Auschwitz <strong>pour</strong> travailler dans ses usines<br />

<strong>des</strong> Sudètes.<br />

Dans ces usines ils étaient traités humainement, dans <strong>la</strong> mesure <strong>du</strong> possible.<br />

Il veil<strong>la</strong>it à ce que leur soit fourni de <strong>la</strong> nourriture et <strong>des</strong> médicaments. Il parvint<br />

à sauver de nombreux juifs qui se trouvaient aux environs de ses usines. Comme<br />

ces cents juifs <strong>du</strong> camp de P<strong>la</strong>shov, qui avaient été abandonnés dans un train<br />

verrouillé <strong>pour</strong> y mourir de froid. Schindler et son épouse Emily en cassèrent<br />

les verrous, aidé les hommes et femmes gelés à <strong>des</strong>cendre <strong>des</strong> wagons, ils les<br />

ont menés dans leur usine et se sont occupés d’eux jusqu’à ce qu’ils se remettent.<br />

Mais certains mourront, ils furent enterrés selon les rites religieux. Sa personnalité<br />

controversée con<strong>du</strong>it plusieurs fois Schindler à être incarcéré par les Allemands,<br />

par <strong>la</strong> Gestapo. Mais il entretenait <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions privilégiées avec <strong>des</strong> commandants<br />

SS et d’autres personnalités importantes <strong>du</strong> régime nazi à Berlin, ce qui le sauva,<br />

car il sera libéré et continuera à s’occuper de ses employés juifs. En 1962, il fut<br />

invité à venir en Israel par <strong>des</strong> personnes qui avaient survécu <strong>la</strong> guerre grâce<br />

à lui et dans une cérémonie impressionnante, il a p<strong>la</strong>nté l’un <strong>des</strong> premiers arbres<br />

dans l’avenue <strong>des</strong> Justes parmi les nations à Yad Vachem. Il mourut en 1974 à<br />

Francfort, et selon ses dernières volontés, dans son testament, sa dépouille a été<br />

inhumée dans le cimetière <strong>la</strong>tin <strong>du</strong> mont <strong>des</strong> Oliviers à Jérusalem. Le 18 juillet<br />

1967 Oscar Schindler a été reçu de Yad Vachem <strong>la</strong> distinction de Juste <strong>des</strong> nations.<br />

Oskar Schindler<br />

71


Le pa<strong>la</strong>is royal et <strong>la</strong> cathédrale<br />

Le mont Wawell fait l’orgueil national <strong>des</strong> Polonais. Il a été témoin de mille<br />

ans d’histoire polonaise, depuis l’époque de <strong>la</strong> dynastie <strong>des</strong> Piast qui ont<br />

unifié le pays puis avec <strong>la</strong> dynastie <strong>des</strong> Jagiellon le pays s’est christianisé,<br />

é<strong>la</strong>rgi et développé.<br />

Il s’y trouve une cathédrale royale qui a été le théâtre de toutes les cérémonies<br />

de couronnement de tous les rois de Pologne. Aujourd’hui encore, les présidents<br />

polonais y prêtent serment en prenant leur poste. C’est aussi le panthéon <strong>des</strong><br />

grands de Pologne, car c’est là que sont enterrés tous les rois de Pologne.<br />

Le site a été construit en style gothique à l’origine bien que par <strong>la</strong> suite les<br />

ajouts aient été de style varié. On peut dire, que cette colline est le berceau<br />

de <strong>la</strong> culture polonaise, le coeur même de <strong>la</strong> Pologne, en d’autres termes.<br />

Le complexe <strong>du</strong> Wawel pendant <strong>la</strong> Shoah<br />

Le premier septembre 1939, <strong>la</strong> Pologne a donc été conquise par les Allemands<br />

puis divisée (voir <strong>la</strong> carte) <strong>la</strong> partie Est sous domination soviétique, <strong>la</strong> partie<br />

Ouest fut annexée par les Allemands, <strong>la</strong> partie centrale sous administration<br />

générale, en d’autres termes elle restait polonaise mais sous le contrôle et<br />

domination allemands. En octobre 1939, Hitler nomme Hans Franck, docteur<br />

en droit de son cabinet, gouverneur de <strong>la</strong> région. Pendant <strong>la</strong> seconde guerre<br />

mondiale, <strong>la</strong> Cracovie devient sa capitale. Hans Franck, qui en était le<br />

gouverneur, décida de s’installer à Wawel, le panthéon <strong>des</strong> grands de <strong>la</strong> nation<br />

polonaise de tous les temps, et le lieu où avaient siégé tous les rois, <strong>pour</strong><br />

mieux affirmer son pouvoir, et <strong>pour</strong> y fonder son propre “ royaume”. Le<br />

pa<strong>la</strong>is devint sa résidence personnelle, les étables royales et les cuisines furent<br />

détruites, les salles royales sont devenues <strong>des</strong> salles de jeux <strong>pour</strong> les Allemands,<br />

et de nombreuses úuvres d’art furent pillées et disparurent. Dès <strong>la</strong> libération<br />

en 1945, les Polonais ont recommencé à réparer le site dans le style renaissance<br />

italienne. De nombreux bâtiments ont été conçus par <strong>des</strong> architectes italiens,<br />

et comme dans toutes les villes moyenâgeuses, il y a un lien entre <strong>la</strong> citadelle<br />

et <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce de <strong>la</strong> ville. Le pa<strong>la</strong>is a été construit <strong>pour</strong> sa grande partie au XVI0<br />

siècle dans le style renaissance. Aujourd’hui il est devenu un vaste musée où<br />

sont exposés les bijoux <strong>des</strong> rois de Pologne.<br />

72


La légende <strong>du</strong> dragon.<br />

Cracovie a été fondée au VIII0 siècle après J.C. sur une colline par un<br />

prince d’où son nom. La légende rapporte qu’au pied de <strong>la</strong> colline Wawel,<br />

il y a une grotte appelée “<strong>la</strong> grotte <strong>du</strong> dragon”. A côté de l’entrée, on<br />

peut voir aujourd’hui une statue représentant un dragon qui crache <strong>du</strong><br />

feu toutes les quelques minutes. Selon <strong>la</strong> légende et <strong>la</strong> tradition c’est<br />

l’endroit où <strong>la</strong> ville a été fondée et le dragon qui vivait au pied de <strong>la</strong><br />

colline avait <strong>pour</strong> habitude de manger <strong>des</strong> jeunes vierges. Le prince,<br />

vou<strong>la</strong>nt mettre fin à cette situation mit <strong>la</strong> tête <strong>du</strong> dragon à prix, en<br />

déc<strong>la</strong>rant que celui qui <strong>pour</strong>rait éliminer le dragon épouserait sa fille <strong>la</strong><br />

princesse Wanda, et recevrait <strong>la</strong> moitié <strong>du</strong> royaume. Inutile de préciser<br />

que nombreux furent les candidats qui se présentèrent, mais finalement<br />

seul le cordonnier local qui connaissait l’ampleur de son appétit, prit une<br />

brebis, <strong>la</strong> remplit de souffre et <strong>la</strong> posa devant <strong>la</strong> grotte. Le dragon fut<br />

incapable de résister à sa gourmandise et ava<strong>la</strong> <strong>la</strong> proie. Soudain son<br />

ventre commença à gonfler à cause <strong>du</strong> souffre, et il se mit à bondir dans<br />

<strong>la</strong> Vistule, il but l’eau <strong>du</strong> fleuve et explosa. Mais <strong>la</strong> princesse promise au<br />

gagnant avait été mariée <strong>pour</strong> <strong>des</strong> raisons d’alliances politiques à un<br />

prince allemand. Refusant d’épouser son fiancé, elle se jeta elle aussi<br />

dans le fleuve où elle périt noyée. Après <strong>la</strong> mort <strong>du</strong> dragon le prince<br />

entreprit de bâtir <strong>la</strong> ville de Cracovie.<br />

73


Les camps<br />

Treblinka<br />

Le camp d’extermination dans le Nord <strong>du</strong> Generalgouvernement, est situé<br />

à quelques 5 km de <strong>la</strong> gare de Malkinia sur <strong>la</strong> ligne principale de Varsovie à<br />

Bialystok. Treblinka fut établie au début de l’été 1942 dans le cadre de ’l’Aktion<br />

Reinhard’ – le p<strong>la</strong>n nazi <strong>pour</strong> l’extermination <strong>des</strong> juifs dans <strong>la</strong> zone <strong>du</strong><br />

gouvernement général - Generalgouvernement. En tout, quelque 870,000<br />

personnes ont été tuées à Treblinka.<br />

Les premiers convois arrivèrent à Treblinka le 23 juillet 1942; ils étaient<br />

formés de juifs <strong>du</strong> ghetto de Varsovie. Jusqu’au 21 septembre 1942, environ<br />

254,000 juifs de Varsovie et 112,000 juifs de différents endroits dans le district<br />

de Varsovie ont été assassinés à Treblinka. Des centaines de milliers de Juifs<br />

<strong>des</strong> districts de Radom et de Lublin y seront également exécutés. En tout,<br />

environ 738,000 juifs mourront à Treblinka, comme 107,000 juifs <strong>du</strong> district<br />

de Bialystok. Par ailleurs <strong>des</strong> milliers de Juifs de l’extérieur de Pologne furent<br />

aussi acheminés vers Treblinka ; il y avait <strong>des</strong> Juifs de Slovaquie, de Grèce,<br />

de Macédoine et de Thrace, ainsi que d’anciens détenus transférés de<br />

Theresienstadt. Au total, 29,000 juifs de l’extérieur de <strong>la</strong> Pologne furent<br />

exterminés à Treblinka, et environ 2,000 Tziganes. Le programme<br />

d’extermination massive fut appliqué à Treblinka jusqu’en avril 1943, puis<br />

ensuite seuls quelques convois arrivèrent.<br />

A partir <strong>du</strong> mois d’août 1942 le commandant <strong>du</strong> camp de Treblinka sera le<br />

commandant SS-Obersturmfuehrer Franz Stangl, qui avait auparavant servi<br />

comme commandant <strong>du</strong> camp d’extermination de Sobibor. Son second était<br />

Kurt Franz, avec une trentaine de SS (qui avaient participé au programme<br />

Euthanasia), et quelques cent soldats ukrainiens qui étaient les gar<strong>des</strong> <strong>du</strong> camp.<br />

Treblinka était situé dans une région de faible popu<strong>la</strong>tion mais très boisée;<br />

ce site isolé avait été choisi <strong>pour</strong> cacher les atrocités qui devaient s’y dérouler.<br />

Treblinka comprenait <strong>des</strong> zones <strong>pour</strong> recevoir les déportés, <strong>des</strong> zones où ils<br />

vivaient et <strong>des</strong> zones d’extermination qui comprenait un bâtiment de briques<br />

qui abritait trois chambres à gaz. Un moteur à diesel se trouvait à proximité<br />

et il pro<strong>du</strong>isait <strong>du</strong> carbone monoxyde qui arrivait aux chambres par les tuyaux<br />

attachés au p<strong>la</strong>fond et dont les extrémités ressemb<strong>la</strong>ient à <strong>des</strong> douches. Les<br />

nazis avaient disposé les chambres à gaz de façon à créer l’impression que<br />

les juifs étaient con<strong>du</strong>its aux douches. Un couloir dans le bâtiment menait à<br />

74


chacune <strong>des</strong> chambres à gaz et dans chacune d’elles, il y avait une autre porte<br />

par <strong>la</strong>quelle les cadavres étaient transportés vers <strong>des</strong> tranchées énormes non<br />

loin de là à quelques centaines de mètres de là, où ils étaient enterrés.<br />

A Treblinka on appliquait <strong>la</strong> même méthode qui avait fait ses preuves à<br />

Belzec et Sobibor- les deux autres camps concernés par l’ Aktion Reinhard.<br />

Lorsqu’un train formé de 50 à 60 wagons et qui convoyait de 6,000 à 7,000<br />

personnes arrivait à <strong>la</strong> gare proche, 20 wagons étaient acheminés vers le<br />

camps, pendant que les autres stationnaient en attente à <strong>la</strong> gare. Les portes<br />

<strong>des</strong> wagons s’ouvraient et les SS ordonnaient aux Juifs de <strong>des</strong>cendre. Ensuite,<br />

un officier annonçait aux nouveaux arrivants qu’ils étaient arrivés à un camp<br />

de transit <strong>pour</strong> y prendre une douche et où leurs vêtements al<strong>la</strong>ient être<br />

désinfectés puis de là ils seraient envoyés dans un camp de travail. Après, les<br />

juifs étaient menés vers <strong>la</strong> “p<strong>la</strong>ce de <strong>la</strong> déportation”, où les hommes et les<br />

femmes étaient séparés, avec les enfants <strong>du</strong> côté <strong>des</strong> femmes. Les femmes et<br />

les enfants devaient alors se déshabiller dans un baraquement puis on leur<br />

coupait les cheveux Nues, elles étaient alors forcées de quitter le baraquement<br />

et d’entrer dans un “tuyau”, un passage étroit, entouré de barbelés, et camouflé<br />

qui menait aux chambres à gaz. Après que les victimes étaient verrouillées<br />

dans ces chambres, le moteur était mis en marche et le gaz se répandait à<br />

l’intérieur, les empoisonnant. Au bout d’une demi-heure tous étaient morts<br />

et le groupe suivant de victimes se préparait à entrer. Pendant ce temps, les<br />

corps étaient retirés et emportés dans les fosses <strong>pour</strong> y être enterrés. Ce dernier<br />

travail était effectué par une équipe de travailleurs juifs, les Sonderkommando.<br />

Ces prisonniers au lieu d’être immédiatement exécutés à leur arrivée au camp,<br />

étaient sélectionnés <strong>pour</strong> effectuer <strong>des</strong> tâches horribles comme le nettoyage<br />

<strong>des</strong> wagons, <strong>la</strong> préparation <strong>des</strong> victimes <strong>pour</strong> leur extermination. Ils étaient<br />

aussi chargés de s’occuper <strong>des</strong> biens qu’avaient apportés les déportés, leurs<br />

vêtements et bien sûr ils avaient à enterrer les morts. Quand les Nazis<br />

décidèrent de brûler les cadavres à partir <strong>du</strong> printemps 1943 plutôt que de<br />

les enterrer, ce sont encore ces prisonniers qui étaient chargés de ce travail.<br />

La plupart de ces juifs étaient à leur tour exécutés au bout de quelques jours<br />

ou quelques semaines et ils étaient remp<strong>la</strong>cés par de nouveaux arrivants.<br />

Au bout d’un moment, les Allemands décidèrent que le processus<br />

d’extermination à Treblinka n’était pas assez efficace. Donc, entre août et<br />

octobre 1942 dix nouvelles chambres à gaz y seront construites. En outre, le<br />

système sera “perfectionné” d’avantage: aux nouveaux arrivés qui étaient<br />

trop affaiblis <strong>pour</strong> marcher jusqu’à <strong>la</strong> chambre à gaz sans être aidés on disait<br />

75


qu’ils étaient menés à l’infirmerie. Ils étaient alors menés dans une zone<br />

fermée sur <strong>la</strong>quelle flottait un drapeau de <strong>la</strong> croix rouge et là <strong>des</strong> soldats SS<br />

aidés par <strong>des</strong> gar<strong>des</strong> ukrainiens les assassinaient sur p<strong>la</strong>ce.<br />

Aktion 1005 - <strong>la</strong> campagne visant à détruire toutes les preuves <strong>des</strong> activités<br />

meurtrières <strong>des</strong> Nazis fut <strong>la</strong>ncée à Treblinka en mars 1943 se <strong>pour</strong>suivant<br />

jusqu’en juillet. Ensuite, cette opération achevée, on ferma Treblinka. La<br />

plupart <strong>des</strong> instal<strong>la</strong>tions <strong>du</strong> camps furent détruites, <strong>la</strong> terre fut <strong>la</strong>bourée et<br />

semée et le site pris l’aspect d’une ferme et attribué à une famille ukrainienne.<br />

Des centaines de Juifs tentèrent de s’enfuir <strong>des</strong> trains sur <strong>la</strong> route vers le<br />

camp, mais <strong>pour</strong> <strong>la</strong> plupart de leurs tentatives se soldèrent par un échec.<br />

D’autres essayèrent de s’échapper <strong>du</strong> camp, mais là encore, ils furent en<br />

grande majorité repris et pen<strong>du</strong>s. Les juifs de plusieurs convois résistèrent<br />

blessant ou tuant <strong>des</strong> soldats SS et <strong>des</strong> gar<strong>des</strong> ukrainiens. Des prisonniers<br />

découvrant que les Nazis avaient prévu de détruire les camps fomentèrent<br />

un soulèvement qui se solda par un échec et les 750 prisonniers qui avaient<br />

tenté de s’échapper furent rattrapés.<br />

Après <strong>la</strong> guerre, beaucoup de SS de Treblinka passèrent en justice. Le<br />

commandant Franz Stangl et son adjoint, le commandant Kurt Franz furent<br />

condamnés à <strong>des</strong> peines d’emprisonnement à vie.<br />

76


Témoignages<br />

Convoi <strong>pour</strong> Treblinka<br />

Abraham Bomba:<br />

Le deuxième jour, je vis un panneau indiquant Malkinia. Nous avons continué<br />

encore un peu puis, très lentement, le train a quitté <strong>la</strong> voie principale <strong>pour</strong><br />

traverser lentement une forêt. En regardant pas <strong>la</strong> fenêtre que l’on nous avait<br />

permis d’ouvrir, le vieil homme vit un jeune garçon … <strong>des</strong> vaches paissaient<br />

et il a demandé au garçon en lui faisant <strong>des</strong> signes “Où sommes-nous?” et<br />

l’enfant fit un drôle de geste, comme ceci ( il faisait signe de couper <strong>la</strong> gorge).[2]<br />

L’arrivée à Treblinka<br />

Note à Treblinka:<br />

Juifs de Varsovie, attention! Vous vous trouvez dans un camp de transit<br />

(Durchgangs<strong>la</strong>ger) d’où vous allez être envoyés vers un camp de travail<br />

(Arbeits<strong>la</strong>ger). A titre préventif contre les épidémies, vous devez immédiatement<br />

nous remettre vos vêtements et biens <strong>pour</strong> les désinfecter. L’or, l’argent, les<br />

devises et les bijoux en votre possession doivent être déposés contre reçu<br />

auprès <strong>du</strong> caissier. Ils vous seront restitués plus tard sur présentation <strong>du</strong> reçu,<br />

<strong>pour</strong> vous <strong>la</strong>ver avant de <strong>pour</strong>suivre votre voyage vous devez vous <strong>la</strong>ver<br />

dans une salle réservée à cet effet. [7]<br />

Richard G<strong>la</strong>zer:<br />

On nous a emmenés dans <strong>des</strong> baraquements. La puanteur était partout. Il y<br />

avait une montagne de tous les objets que les gens avaient pu emporté. Il y<br />

avait <strong>des</strong> vêtements, <strong>des</strong> valises, et le tout était empilé. Par-<strong>des</strong>sus, il y avait<br />

<strong>des</strong> personnes qui sautaient comme <strong>des</strong> démons et faisaient <strong>des</strong> paquets et<br />

les emportaient dehors. Ils étaient remis à une personne qui portait un brassard<br />

chef d’équipe. Il criait et j’ai compris que je devait également me mettre à<br />

ramasser <strong>des</strong> vêtements,les nouer en paquets et les emporter quelque part en<br />

travail<strong>la</strong>nt je lui ai demandé: “que se passe-t-il? Où sont les personnes à qui<br />

vous avez pris ces choses. Ils sont morts me répondit-il, tous morts!”<br />

Mais je n’avais pas encore réalisé, je n’y croyais pas. Il avait parlé en yiddish<br />

et c’était <strong>la</strong> première fois que j’entendais parler en yiddish il ne l’avait pas dit<br />

77


très fort et j’ai vu qu’il avait les yeux embués de <strong>la</strong>rmes. Soudain, il a commencé<br />

à crier et il brandi son fouet. Du coin de l’oeil je vis qu’un SS approchait et<br />

alors j’ai compris qu’il ne fal<strong>la</strong>it pas poser de questions mais seulement sortir<br />

vite avec le paquet. [8]<br />

Le “Tube” (Himmelstrasse)<br />

Abraham Goldfarb:<br />

Des deux côtés <strong>du</strong> chemin vers les chambres à gaz, il y avait <strong>des</strong> Allemands<br />

avec <strong>des</strong> chiens, derrière <strong>la</strong> barrière…. Les Allemands frappaient avec <strong>des</strong><br />

fouets et <strong>des</strong> barres de fer les gens <strong>pour</strong> qu’ils courent et se poussent <strong>pour</strong><br />

pénétrer dans les “douches” rapidement. Les cris <strong>des</strong> femmes étaient audibles<br />

de loin dans d’autres paries <strong>du</strong> camp. Les Allemands faisaient courir les<br />

victimes en criant” plus vite, plus vite, l’eau se refroidit et les autres doivent<br />

aussi prendre leur douche.” [10]<br />

Les coupes de cheveux dans <strong>la</strong> chambre à gaz<br />

Abraham Kszepicki:<br />

Il est difficile de décrire <strong>la</strong> scène dans cette hutte, <strong>la</strong> gêne <strong>des</strong> femmes, <strong>la</strong> peur<br />

<strong>des</strong> enfants, <strong>la</strong> confusion, les pleurs…. Comme je me trouvais près de <strong>la</strong> porte<br />

ouverte en observant cette scène sauvage, une jeune fille blonde, jolie comme<br />

une fleur m’a demandé rapidement: “Juif, qu’est-ce qu’ils vont faire de nous?”<br />

Il m’était difficile de lui dire <strong>la</strong> vérité. Je me suis contenté de hausser les<br />

épaules et j’ai tenté de lui envoyer un regard apaisant <strong>pour</strong> calmer sa peur.<br />

Mais mon attitude lui a fait peur encore d’avantage et elle a crié: “dites-moi<br />

toute de suite <strong>la</strong> vérité ! Que vont-ils faire de nous ? Peut-être que je peux<br />

encore m’enfuir d’ici !” je ne pouvais maintenant de lui dire quelque chose,<br />

alors j’ai prononcé un seul mot: <strong>des</strong> or<strong>du</strong>res. Elle alors commencé à tourner<br />

dans <strong>la</strong> hutte comme une souris dans un piège cherchant une porte ou une<br />

fenêtre jusqu’à ce qu’un SS vienne, <strong>la</strong> frappe avec un fouet et lui ordonné de<br />

se déshabiller…. [15]<br />

Yechiel Reichman:<br />

Je regarde les victimes et je ne peux croire mes yeux. Chaque femme est assise<br />

à côté d’un coiffeur. En face de moi, une jeune femme est assise. Mes doigts<br />

se g<strong>la</strong>cent et je ne peux bouger mes doigts…. Mon ami à côté de moi me crie:<br />

78


“souviens-toi, tu seras fini, l’assassin te regarde et tu travailles lentement !”<br />

je bouge mes doigts, ma main est sale, je coupe les cheveux de <strong>la</strong> femme et<br />

les jette dans une valise. La femme se met debout et une autre prend sa p<strong>la</strong>ce.<br />

Elle me saisit <strong>la</strong> main et veut l’embrasser en disant: “je vous en supplie, ditesmoi<br />

que vont-ils faire de nous ? Est-ce que c’est notre fin?” elle pleure et me<br />

demande de lui dire si <strong>la</strong> mort est longue et pénible. Al<strong>la</strong>ient-ils tués au gaz<br />

ou avec <strong>des</strong> choc électriques ? Je ne réponds pas ... je ne pas lui dire <strong>la</strong> vérité<br />

et <strong>la</strong> réconforter. Toute cette conversation aura <strong>du</strong>ré quelques secon<strong>des</strong><br />

seulement, le temps de <strong>la</strong> dépouiller de ses cheveux. Je me détourne parce<br />

que j’ai honte de croiser son regard. L’assassin qui se tenait à côté de nous<br />

crie: “Coupe plus vite!” les victimes se succèdent à un rythme rapide et les<br />

ciseaux ne cessent de couper <strong>des</strong> cheveux. Autour de nous il n’y a que cris<br />

et sanglots et il nous faut regarder tout ce<strong>la</strong> et nous taire. [16]<br />

Le soulèvement<br />

Shmuel Wilenberg:<br />

Des coups de feu atteignent les gar<strong>des</strong> de <strong>la</strong> tour. Et une explosion fait vibrer<br />

l’air suivie d’une seconde et d’une troisième explosion…. Les prisonniers<br />

couraient dans tous les sens…. La confusion était in<strong>des</strong>criptible. Une <strong>des</strong><br />

huttes de bois séchée par le soleil et le vent prend feu. Dans <strong>la</strong> foule je vis<br />

plusieurs allemands paniqués qui couraient autour de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>pour</strong> se cacher<br />

derrière les arbres…. Des nuages noirs de fumée couvraient le ciel <strong>des</strong> fusils<br />

et <strong>des</strong> mitrailleuses se mirent à crépiter de six tours de garde. Des coups de<br />

feu sporadiques répondirent de notre côté….<br />

D’une tour proche une mitrailleuse crachait <strong>du</strong> feu. Ils touchaient et les<br />

gens autour de nous tombaient, <strong>la</strong> situation dans cette zone devenait critique.<br />

Près de moi, un homme tenant un fusil ne tirait pas. Je lui ai arraché son arme,<br />

visant avec soin, lentement, j’ai tiré, une fois, deux fois, trois fois. La sombre<br />

silhouette sur <strong>la</strong> tour tombe, <strong>la</strong> mitrailleuse s’était tue… puis le feu a repris.<br />

Nous courions d’arbre en arbre en nous dirigeant vers <strong>la</strong> barrière…. Je parviens<br />

à l’atteindre. Les barbelés coupés se ba<strong>la</strong>nçaient noncha<strong>la</strong>mment. Maintenant<br />

il nous fal<strong>la</strong>it courir à travers un espace ouvert de 50 m vers le barbelé suivant<br />

et les barrières anti tanks. La mitrailleuse reprit de plus belle derrière moi,<br />

près de <strong>la</strong> barrière extérieure, <strong>la</strong> tragédie. Les courageux se sont mis à grimper<br />

sur les barbelés, <strong>pour</strong>suivis par les balles. Ils sont tombés avec <strong>des</strong> cris<br />

désespoir. Les prisonniers grimpaient sur les corps encore tremb<strong>la</strong>nts et à leur<br />

79


tour ils étaient visés et tombaient leurs yeux fous fixant le camp, qui ressemb<strong>la</strong>it<br />

maintenant à une torche enf<strong>la</strong>mmée géante…. J’ai rampé par dans <strong>la</strong> zone<br />

dégagée <strong>pour</strong> atteindre les barrières. J’ai regardé autour de moi. Les morts<br />

avaient formé une sorte de pont sur les barbelés sur lequel se dép<strong>la</strong>çaient <strong>des</strong><br />

rescapés. Après les barrières, c’était <strong>la</strong> lisière de <strong>la</strong> forêt, <strong>la</strong> liberté…. En sautant<br />

j’ai enjambé ce pont humain. J’ai enten<strong>du</strong> un coup de feu, senti un coup mais<br />

d’un autre bond et j’étais dans <strong>la</strong> forêt. Devant moi, à côté de moi, et derrière<br />

moi, <strong>des</strong> hommes couraient…. [20] [21]<br />

Majdanek<br />

Un camp de concentration situé dans une banlieue de Lublin, qui pendant <strong>la</strong><br />

seconde guerre mondiale faisait partie de <strong>la</strong> Generalgouverment. Le but<br />

officiel de ce camp était de détruire <strong>des</strong> ennemis <strong>du</strong> Troisième Reich, à aider<br />

à exterminer <strong>des</strong> Juifs et à participer aux déportations et <strong>la</strong> relocalisation <strong>des</strong><br />

Polonais qui vivaient dans <strong>la</strong> région de Zamosc. Au total se sera 360,000<br />

victimes qui périront à Majdanek.<br />

Majdanek couvrait 667 acres de terre sur l’autoroute reliant Lublin, Zamosc<br />

et Chelem. Il était entouré d’une barrière électrique à haute tension d’une<br />

double rangée de barbelés avec 19 gar<strong>des</strong>, où les gar<strong>des</strong> surveil<strong>la</strong>ient <strong>pour</strong><br />

s’assurer que personne ne s’échappait. Le camp était composé de trois sections<br />

avec 22 baraquements de prisonniers, sept chambres à gaz, deux piliers de<br />

bois, un petit four crématoire et plusieurs autres bâtiments de service comme<br />

<strong>des</strong> entrepôts, <strong>des</strong> ateliers, <strong>des</strong> <strong>la</strong>veries, <strong>des</strong> réserves de charbon. Il pouvait<br />

contenir 45,000 prisonniers. La partie consacrée aux SS comprenait <strong>des</strong><br />

chambres, les bureaux <strong>du</strong> commandant et un casino. Un four crématoire plus<br />

grand avait été ajouté en septembre 1943. Majdanek avait <strong>des</strong> camps satellites<br />

nombreux, tels que Budzin et <strong>des</strong> camps à Radom et à Varsovie. Les Nazis<br />

avaient prévu <strong>des</strong> p<strong>la</strong>ns <strong>pour</strong> agrandir le camp de Majdanek ; ils vou<strong>la</strong>ient<br />

construire <strong>des</strong> blocs <strong>pour</strong> 250,000 prisonniers, <strong>pour</strong> y installer <strong>des</strong> usines et<br />

d’autres chambres à gaz et un four crématoire plus efficace cependant, ce<strong>la</strong><br />

ne se concrétisa jamais.<br />

Depuis son ouverture en septembre 1941 et jusqu’à <strong>la</strong> libération, en juillet<br />

1944 le camp de Majdanek sera dirigé par cinq commandants successifs. Ils<br />

furent Karl koch, Max Koegel, Herman Florsted, Martin Weiss, et Arthur<br />

Liebehenschel.<br />

80


Majdanek, Pologne, Mirador et barbelés, 1973<br />

Les premiers prisonniers arrivent à Majdanek en octobre 1941. Pendant<br />

les deux années et demi qui suivent, de nombreux groupes y arrivent. C’était<br />

<strong>des</strong> prisonniers de guerre soviétiques et d’autres camps de concentration<br />

comme Sachsenhousen, Dachau, Buchenwald, Auschwitz, Neuengamme, et<br />

Flossenberg; <strong>des</strong> civils polonais, qui ont été arrêtés lors de raids par les<br />

allemands ou qui ont été prisonniers ailleurs ; <strong>des</strong> juifs de Pologne ,<br />

d’Allemagne, de Tchécoslovaquie, de Hol<strong>la</strong>nde, de France, de Hongrie et de<br />

Grèce; <strong>des</strong> non juifs de Biélorussie et d’Ukraine; il y avait aussi <strong>des</strong> fermiers<br />

polonais de <strong>la</strong> région de Zamosc qui ont été expulsés de leurs maisons. Des<br />

dizaines de milliers de juifs ont été déportés vers Majdanek de Varsovie après<br />

le soulèvement <strong>du</strong> ghetto de Varsovie en avril 1943, et <strong>des</strong> milliers de juifs de<br />

Bialystok ont été amenés au camp après <strong>la</strong> liquidation <strong>du</strong> ghetto en août 1943.<br />

En tout, près de 500,000 personnes de 54 différentes nationalités, de 28<br />

pays, passèrent par Majdanek; de ceux-là environ 360,000 périrent au camp<br />

81


Soixante <strong>pour</strong> cent moururent à cause <strong>des</strong> conditions de vie au camp, soit par<br />

ma<strong>la</strong>die, famine, déshydratation, trop de travail, exténuation, ou après avoir<br />

reçu <strong>des</strong> coups <strong>des</strong> gar<strong>des</strong> <strong>du</strong> camp. Les autres 40 <strong>pour</strong> cent ont été exterminés<br />

dans les chambres à gaz, ou de tout autre façon, comme lors d’exécution de<br />

masse qui se dérou<strong>la</strong>ient dans le camp ou à proximité <strong>du</strong> camp. En 1941 et<br />

en 1942, les Allemands éliminèrent les prisonniers de guerre ma<strong>la</strong><strong>des</strong>. En avril<br />

1942, ils exécutèrent 2 800 juifs et ce même été, <strong>des</strong> milliers d’autres prisonniers<br />

seront exécutés de <strong>la</strong> sorte et en été 1943, 300 officiers soviétiques seront tués,<br />

puis le 3 novembre 1943, 18 000 Juifs furent assassinés en une seule journée.<br />

Ce dernier massacre faisait partie de l’opération “Erntefest”. Les juifs furent<br />

tués dans <strong>des</strong> fosses communes géantes, sur fond de musique hur<strong>la</strong>nte <strong>pour</strong><br />

couvrir le bruit <strong>des</strong> déf<strong>la</strong>grations et les cris <strong>des</strong> victimes.<br />

La majorité <strong>des</strong> détenus exécutés dans <strong>des</strong> chambres à gaz étaient <strong>des</strong> juifs.<br />

Et de fait, certains <strong>des</strong> prisonniers juifs étaient immédiatement menés à <strong>la</strong><br />

chambre à gaz en arrivant au camp de Majdanek. Et c’est <strong>pour</strong>quoi <strong>des</strong><br />

historiens considèrent que ce camp n’était pas seulement un camp de<br />

concentration mais un camp d’extermination.<br />

Il y a eu à Majdanek plusieurs mouvements de résistance, et de temps en<br />

temps, <strong>des</strong> groupes ou <strong>des</strong> indivi<strong>du</strong>s essayaient de s’enfuir <strong>du</strong> camp. Les<br />

prisonniers polonais de Majdanek étaient secondés par le mouvement de<br />

résistance polonais et <strong>des</strong> organisations d’aide polonaise, comme <strong>la</strong> Croix<br />

Rouge polonaise ou le conseil d’aide polonais.<br />

En juillet 1944, l’armée soviétique qui progressait étant très proche, les<br />

Allemands décident de liquider Majdanek. 1,000 prisonniers sont évacués, dont<br />

<strong>la</strong> moitié seulement arrive à Auschwitz. Avant d’abandonner le camp, les<br />

Allemands veillèrent à détruire tous les documents qui auraient pu les incriminer<br />

et brûlèrent le grand four crématoire et d’autres bâtiments. Toutefois, ils étaient<br />

si pressés de quitter les lieux, qu’ils n’eurent pas le temps de détruire les<br />

baraquements de prisonniers ainsi que les chambres à gaz. L’armée soviétique<br />

a libéré le camp le 24 juillet. Il n’y restait que quelques centaines de prisonniers.<br />

Juste après <strong>la</strong> libération <strong>du</strong> camp, une commission commune soviétopolonaise<br />

commença une investigation <strong>des</strong> crimes de guerre commis à<br />

Majdanek. Et moins de deux mois plus tard, elle publie un rapport, mais très<br />

peu <strong>des</strong> 1.300 personnes qui y avaient travaillé à Majdanek furent jugés. En<br />

novembre 1944 six SS seront jugés <strong>pour</strong> leurs activités à Majdanek. Quatre<br />

furent condamnés à mort, alors que les deux autres se suicidèrent avant d’être<br />

condamnés. De 1946 à 1948 95 SS de Majdanek, dont <strong>la</strong> majorité avaient été<br />

82


<strong>des</strong> gar<strong>des</strong> seront jugés à leur tour. Sept seront condamnés à mort et les autres<br />

seront condamnés à <strong>des</strong> peines d’emprisonnement. De 1975–1980 16 autres<br />

sont jugés, cette fois en allemagne.<br />

Aujourd’hui, Majdanek reste l’un <strong>des</strong> exemples les mieux préservés d’un<br />

camp nazi. Plusieurs sections <strong>du</strong> camp sont encore en p<strong>la</strong>ce. Elles constituent<br />

un musée à <strong>la</strong> mémoire <strong>des</strong> victimes <strong>des</strong> nazis. Les chambres à gaz originales<br />

et les fours crématoires sont aujourd’hui une preuve silencieuse et un<br />

monument en souvenir <strong>des</strong> 360 ,000 victimes de Majdanek. A côté <strong>du</strong> bâtiment<br />

<strong>des</strong> chambres à gaz, se trouve une structure en forme de dôme, qui contient<br />

un amas colossal de cendres provenant <strong>des</strong> fours crématoires.<br />

83


Témoignages<br />

Arrivée à Lublin<br />

Nous sommes arrivés à Lubin tard cette nuit-là.<br />

Le train s’est arrété et les SS ont ouvert les portes <strong>du</strong> wagon en nous poussant<br />

avec brutalité ceux qui étaient encore en vie et qui pouvaient bouger. Et de<br />

nouveau ces cris, ces sifflements, ces hurlements. Les gens se cherchaient les<br />

uns les autres, et tirant les vêtement qu’ils avaient retiré à cause de <strong>la</strong> chaleur….<br />

Il pluviotait et à <strong>la</strong> <strong>des</strong>cente <strong>du</strong> train nous étions dans une boue épaisse.<br />

Le froid de <strong>la</strong> nuit était pénétrant et atteignait nos os, surtout après le voyage<br />

dans les wagons. J’étais pieds nus et j’avais mal aux pieds en al<strong>la</strong>nt dans ce<br />

troupeau humain vers Umsch<strong>la</strong>g de Lublin. Si ce n’avait pas été dans l’obscurité,<br />

les SS m’aurait tué à coups de feu comme ils le faisaient à toutes les personnes<br />

ma<strong>la</strong><strong>des</strong> ou faibles. [1]<br />

L’arrivée à Majdanek<br />

Le matin nous avons marché vers Majdanek encadrés par <strong>des</strong> armes. Nous<br />

avancions en trébuchant dans <strong>la</strong> boue, en tombant parfois. Nous avons croisé<br />

<strong>des</strong> foules d’hommes vêtus de drôles d’uniformes à rayures de prisonniers,<br />

qui avaient sur <strong>la</strong> tête rasée <strong>des</strong> bérets bizarres. Ils portaient <strong>des</strong> pierres ou<br />

poussaient brouettes pleines de terre et <strong>la</strong> boue rendait leur tâche encore plus<br />

pénible. Je me suis demandé si ma mère et moi étions capables de faire ce<br />

genre de travail. [2]<br />

Nous formions une foule serrée de femmes et d’enfants au centre de cet<br />

immense espace ouvert, grelottant de froid et de fatigue…. Les hommes<br />

avaient été emmenés ailleurs, nous ne savions pas où. Et maintenant nous<br />

n’avions aucune idée de l’endroit vers lequel ils al<strong>la</strong>ient nous emmenés à<br />

notre tour, ni ce qu’ils avaient l’intention de faire de nous.<br />

La mi journée approchait et les SS continuaient à séparer les groupes<br />

d’hommes dans <strong>la</strong> foule, <strong>pour</strong> les grouper dans <strong>des</strong> baraquements non loin<br />

de là. Qu’y avait-il à l’intérieur <strong>des</strong> huttes ? Personne n’en ressortait, nous ne<br />

savions pas.<br />

Ma mère me couvrit avec son manteau et me serra dans ses bras avec<br />

amour. Le vent envoyait <strong>du</strong> sable dans les yeux, il souff<strong>la</strong>it très fort au point<br />

que nous luttions contre lui <strong>pour</strong> rester debout après les heures d’attente sur<br />

84


<strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce, les nuits sans sommeil et le cauchemar <strong>du</strong> convoi. J’ai pensé, que<br />

cette souffrance se termine, qu’ils fassent de nous ce qu’ils voudront. [3]<br />

Ma mère caressait mes cheveux, <strong>pour</strong> me rassurer et me calmer. “Encore<br />

un peu de patience,” dit-elle, ils vont bientôt nous mener aux douches, nous<br />

<strong>pour</strong>rons nous <strong>la</strong>ver et changer de vêtements, puis nous irons dans le camp<br />

dans les huttes que tu vois derrière les barbelés. Nous <strong>pour</strong>rons nous reposer<br />

là-bas et puis ils nous donnerons sûrement un travail dans les champs...”<br />

“Tu ne crois pas qu’ils vont nous tuer ?” j’ai demandé.<br />

“Bien sûr que non,” dit-elle, “tu sais bien, nous avons vu <strong>des</strong> femmes<br />

prisonnières vêtus de ces uniformes de prison en venant ici et tu les vois<br />

maintenant au loin, derrière les barbelés.”<br />

“Tu crois qu’il y aura <strong>des</strong> lits dans ces baraquement, et <strong>des</strong> couvertures,<br />

et de <strong>la</strong> nourriture ?” j’ai demandé.<br />

Les mots de ma mère m’avaient calmée et je me suis <strong>la</strong>issée aller à rêver<br />

d’un bain, et <strong>du</strong> baraquement où nous allions nous reposer, manger et être<br />

au chaud. La lenteur à <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> queue avançait me rendait impatiente.<br />

Combien de temps encore devrions-nous attendre <strong>pour</strong> pénétrer aux douches<br />

où les SS ne cessaient de faire entrer <strong>des</strong> groupes de femmes ? [4]<br />

Les chambres à gaz<br />

Finalement notre tour est arrivé.<br />

Ma mère marchait derrière nous avec He<strong>la</strong>…. Je ne sais pas quand ou comment<br />

je me suis trouvé dans <strong>la</strong> hutte, qui était débordante jusqu’au p<strong>la</strong>fond de<br />

vêtements et de chaussures. Les Nazis nous ont ordonné de nous déshabiller<br />

complètement et de tout jeter, sauf les chaussures dans le tas….<br />

Puis poussée par <strong>des</strong> centaines de femmes nues, je parvins finalement à<br />

<strong>la</strong> douche: “un bain !”…. je vou<strong>la</strong>is me jeter dans les bras de ma mère de joie,<br />

lui dire combien je l’aimais et que j’avais entière confiance en elle. Je regardais<br />

autour de moi, <strong>la</strong> cherchant dans cette foule de femmes sous les douches.<br />

Mais elle était introuvable. J’ai commencé à <strong>la</strong> chercher avec plus de frénésie<br />

en murmurant…. “Où est ma mère ?” en m’adressant à ma belle-soeur.<br />

He<strong>la</strong> me regarda, et j’ai vu qu’elle était triste en regardant de l’autre côté<br />

et j’ai compris quelle disait: “ elle n’est pas ici”<br />

C’est comme si mes mains et mes pieds avaient été coupés. Mais je continuais<br />

à regarder <strong>du</strong> côté de <strong>la</strong> porte… elle al<strong>la</strong>it sûrement revenir à tout moment <strong>pour</strong><br />

me prendre dans ses bras et ne réconforter. Mais elle n’est pas revenue. [5]<br />

85


La transformation d’un être humain en prisonnier<br />

Mon passé, il s’avérait, ne m’appartenait plus. Et de toute façon n’avait<br />

absolument aucune re<strong>la</strong>tion avec <strong>la</strong> réalité actuelle. Le camp m’a transformé<br />

en une personne totalement différente de celle que j’étais avant. [6]<br />

Après une heure de marche, <strong>la</strong> file tourna vers <strong>la</strong> droite. Nous avons marché<br />

quelques centaines de mètres encore et nous sommes trouvés dans un endroit<br />

étrange avec de nombreux sheds en bois. On nous a menés à l’un d’eux qui<br />

portait une pancarte Effektenkammer. Les premières cinquante personnes y<br />

furent intro<strong>du</strong>ites tandis que les autres attendaient. Nos coeurs battaient, nous<br />

étions oppressés. Quelques minutes, plus tard, les hommes couraient<br />

complètement nus; courant en groupe ou seuls ils disparurent dans un bâtiment<br />

de briques quelques 50 yards plus loin. Puis finalement ce fut notre tour,<br />

lorsque le shed était plein, le SS nous a donné l’ordre de nous déshabiller.<br />

Nous avions le droit de garder seulement les lunettes, nos bretelles et nos<br />

ceintures. Il fal<strong>la</strong>it jeter l’argent et les bijoux et autres objets de valeur dans<br />

<strong>des</strong> boîtes spéciales qui étaient posée dans <strong>la</strong> salle. Si quelqu’un essayait de<br />

cacher <strong>des</strong> objets, nous avait dit le SS, il serait tué sur p<strong>la</strong>ce. Deux SS circu<strong>la</strong>ient<br />

parmi nous, incitant les plus lents à coups et à cris à se presser. “Pouvonsnous<br />

garder nos papiers?”<br />

“Nein.”<br />

“La photo de mon enfant, mon fils unique !”<br />

“Nein.”<br />

Un dernier regard sur les visages <strong>des</strong> êtres chers. Il fal<strong>la</strong>it jeter par terre les<br />

papiers et les photos et comme ils n’avaient aucune valeur, ils n’al<strong>la</strong>ient pas<br />

dans les boîtes….<br />

Tout d’abord, avec une efficacité toute germanique, Ordnung muss sein!<br />

–le nouveau convoi de prisonniers fut mené aux bureaux <strong>du</strong> camp<br />

(Schreibstube) où <strong>des</strong> “scribes,” surtout <strong>des</strong> juifs slovaques et tchèques étaient<br />

assis derrière <strong>des</strong> tables. L’un d’entre eux remplissait avec soin une longue<br />

fiche <strong>pour</strong> <strong>la</strong>quelle il fal<strong>la</strong>it lui donner le nom, <strong>la</strong> date de naissance et <strong>la</strong><br />

profession…<br />

J’ai remis <strong>la</strong> fiche à <strong>la</strong> table indiquée et en échange il m’a donné un morceau<br />

de tissu avec un numéro, le: 7,115. A partir de ce moment, j’ai cessé d’être un<br />

homme et je suis devenu le prisonnier numéro 7,115. [7]<br />

86


La vie au quotidien<br />

Nous nous sommes serrés les unes aux autres oubliant les querelles passées,<br />

<strong>pour</strong> essayer de nous tenir au chaud, mais dès qu’un capo ou surveil<strong>la</strong>nt<br />

approchaient au loin nous nous séparions immédiatement et le vent, <strong>la</strong> pluie<br />

et le froid <strong>du</strong> petit matin s’abattaient avec une force renouvelée. Pour <strong>la</strong><br />

plupart nous étions en robe d’été à manches courtes – c’est comme ça qu’ils<br />

nous habil<strong>la</strong>ient. Les après-midi, nous avions très chaud, il n’y avait pas où<br />

se protéger <strong>du</strong> soleil. Nos bras, nos jambes et nos visages étaient recouverts<br />

de cloques. Nous n’avions rien <strong>pour</strong> soigner les blessures. Les gardiennes en<br />

uniformes épais et portant <strong>des</strong> manteaux avec <strong>des</strong> grands capuchons, et <strong>des</strong><br />

bottes hautes, circu<strong>la</strong>ient parmi nous nous comptant tout le temps et ne se<br />

gênant pas <strong>pour</strong> maltraiter les prisonnières et faire régner <strong>la</strong> terreur. [9]<br />

Mon séjour à Majdanek a été une longue suite de sélections. Chaque appel<br />

à se mettre en rang était un une sélection nouvelle: <strong>des</strong> femmes étaient envoyées<br />

aux chambres à gaz parce que leurs jambes étaient enflées, elles avaient <strong>des</strong><br />

égratignures sur le corps, parce qu’elles portaient <strong>des</strong> lunettes, ou <strong>des</strong> fou<strong>la</strong>rds,<br />

ou parce qu’au contraire elles s’étaient mis en rang avec un fou<strong>la</strong>rds <strong>du</strong>r <strong>la</strong> tête.<br />

Les SS circu<strong>la</strong>ient au milieu <strong>des</strong> prisonniers et prenaient leur numéro et à l’appel<br />

<strong>du</strong> soir, appe<strong>la</strong>ient les femmes et on ne les revoyait plus.<br />

En plus, il y avait les sélections ordinaires où quand on entendait “Lagersperre!<br />

Antreten!” [“Couvre-feu en rangs!”] Qui était aboyé, nous nous mettions tous<br />

en rangs de cinq, nues, <strong>pour</strong> défiler devant les jeunes SS. Les femmes qui<br />

avaient <strong>des</strong> enfants plus âgés que ces hommes étaient très gênées. Ces SS<br />

étaient souvent accompagnés de gardiennes. [10]<br />

Les conditions de vie<br />

La réalité de Majdanek….<br />

C’était une peur incessante, l’enfer. Comment peut-on trouver les mots <strong>pour</strong><br />

décrire ce<strong>la</strong> ?…<br />

Il nous fal<strong>la</strong>it nous battre <strong>pour</strong> tout à Majdanek: <strong>pour</strong> un bout d’espace par<br />

terre <strong>pour</strong> s’étendre <strong>la</strong> nuit, <strong>pour</strong> un bol rouillé sans lequel nous ne pouvions<br />

recevoir <strong>la</strong> malheureuse ration de soupe qui était notre nourriture, ni l’eau<br />

jaune nauséabonde que nous buvions. Mais je n’étais pas capable de me battre.<br />

La peur et l’horreur me submergeaient de voir ces femmes prisonnières se<br />

disputant âprement un bout de p<strong>la</strong>ce au sol ou se frappant sur <strong>la</strong> tête <strong>pour</strong><br />

87


un bol – pleines d’hostilité et d’agressivité, qui vou<strong>la</strong>ient vivre à tout prix.<br />

Hagarde, affamée, terrifiée, exténuée, je les voyais de loin. [11]<br />

Il y avait environ un millier de femmes dans nos baraquements. Elles<br />

dormaient sur le sol. La nuit elles trébuchaient les unes sur les autres lorsqu’elles<br />

al<strong>la</strong>ient aux <strong>la</strong>trines ou qu’elles al<strong>la</strong>ient boire.<br />

La soupe que l’on nous donnait au camp et l’eau polluée que nous buvions<br />

nous donnaient <strong>la</strong> diarrhée, ce qui fait que <strong>la</strong> nuit beaucoup devaient se lever.<br />

Souvent les femmes ma<strong>la</strong><strong>des</strong> n’y arrivaient pas à temps…. Les <strong>la</strong>trines à<br />

Majdanek étaient dehors, près <strong>des</strong> barbelés qui divisaient le camp <strong>des</strong> femmes<br />

de celui <strong>des</strong> hommes. Il nous fal<strong>la</strong>it nous tenir avec nos jambes nues tandis<br />

que les hommes passaient non loin de là et souvent les gar<strong>des</strong> tiraient sur ces<br />

cibles par ennui ou <strong>pour</strong> se divertir. [12]<br />

Les travaux forcés<br />

A Majdanek, arracher les herbes entre les lignes de barbelés électrifiés qui<br />

séparaient notre camp de celui <strong>des</strong> hommes était considéré comme un travail<br />

facile. C’était une bande étroite où pouvait marcher une personne très mince.<br />

L’une derrière l’autre nous avancions avec grande précaution; un mouvement<br />

brusque signifiait <strong>la</strong> mort. De temps à autre une personne mourait électrifiée.<br />

Ni les gar<strong>des</strong> ni les kapos n’osaient venir entre ces barbelés alors personne<br />

n’était là <strong>pour</strong> nous frapper ou nous pousser. Nous pouvions nous reposer<br />

de temps en temps. C’était le travail que je préférais car il y avait le calme<br />

que je cherchais. [15]<br />

P<strong>la</strong>szow<br />

Un camp de travaux forcés situé dans les environs de Cracovie. P<strong>la</strong>szow a<br />

été créé en été 1942. En janvier 44, il a été transformé en camp de concentration.<br />

P<strong>la</strong>szow était situé dans les limites de <strong>la</strong> ville de Cracovie, sur une terre<br />

où étaient deux cimetières juifs et sur d’autres terres appartenant à <strong>la</strong><br />

communauté juive et <strong>des</strong> propriétés de polonais qui avaient été expulsés de<br />

chez eux. P<strong>la</strong>szow était divisé en plusieurs sections: <strong>des</strong> logements <strong>pour</strong> les<br />

Allemands, <strong>des</strong> usines où les prisonniers étaient obligés de travailler et les<br />

bâtiments où logeait les prisonniers, qui étaient divisés en plusieurs sections<br />

<strong>pour</strong> les hommes et les femmes avec <strong>des</strong> sous sections <strong>pour</strong> séparer les juifs<br />

<strong>des</strong> polonais. Régulièrement, le camp était agrandi et il atteint sa taille maximale<br />

88


en 1944, couvrant alors 200 acres. Le site était entouré de barbelés électrifiés<br />

sur plus de 4 km environ.<br />

Les Allemands liquidèrent le ghetto de Cracovie les 13 et 14 mars 1943.<br />

Environ 2,000 juifs furent assassinés dans les rues de Cracovie, et enterrés<br />

dans <strong>des</strong> fosses communes à P<strong>la</strong>szow. Pour les juifs survivants, ils ont été<br />

<strong>pour</strong> <strong>la</strong> plupart déportés à Belzec, alors que 8 000 étaient emprisonnés à<br />

P<strong>la</strong>szow.<br />

En juillet 1943 les Allemands établirent un camp séparé à P<strong>la</strong>szow <strong>pour</strong><br />

<strong>des</strong> prisonniers polonais qui avaient été arrêtés <strong>pour</strong> <strong>des</strong> raisons diverses.<br />

Selon les Allemands, ces prisonniers devaient être reformés par le travail. En<br />

fait, les prisonniers qui avaient été arrêtés <strong>pour</strong> <strong>des</strong> raisons disciplinaires<br />

étaient gardés au camp pendant quelques mois, alors que les prisonniers<br />

politiques y étaient gardés indéfiniment. Ce camp polonais comprenait aussi<br />

<strong>des</strong> dizaines de familles de Tziganes avec leurs enfants.<br />

Le nombre de prisonniers à P<strong>la</strong>szow ne fit que s’accroître au fil <strong>des</strong> années:<br />

avant <strong>la</strong> liquidation <strong>du</strong> ghetto de Varsovie, il y avait 2,000 prisonniers, alors<br />

que pendant <strong>la</strong> seconde moitié de 1943, il y avait 12,000 prisonniers. En mai<br />

et juin 1944 P<strong>la</strong>szow avait entre 22,000 et 24,000 prisonniers y compris 6,000<br />

à 8,000 Juifs de Hongrie. Le nombre de prisonniers polonais augmentait aussi<br />

de 1,000 auparavant à 10,000 après le soulèvement polonais de Varsovie à <strong>la</strong><br />

fin de l’été de 1944.<br />

Certains prisonniers criminels allemands y étaient également détenus et<br />

ils effectuaient divers travaux dans le camp. D’entre eux 25,000 étaient<br />

considérés comme <strong>des</strong> prisonniers “permanents” et ils recevaient <strong>des</strong> numéros.<br />

A part ce<strong>la</strong>, il y avait un nombre inconnu d’autres prisonniers “temporaires”.<br />

Il y eu cinq commandants <strong>du</strong> camp, sur une période de deux ans et demi.<br />

Amon Goethe, de février 1943 à septembre 1944, il était le plus cruel et le plus<br />

inhumain. Il encourageait les exterminations massives et il poussait les<br />

prisonniers à travailler si <strong>du</strong>r qu’ils en mourraient. Il a été également<br />

personnellement responsable de <strong>la</strong> mort de nombreux détenus.<br />

De 1942 à 1944, <strong>la</strong> plus grande partie <strong>des</strong> gar<strong>des</strong> étaient <strong>des</strong> ukrainiens qui<br />

aidaient les nazis. Lorsque P<strong>la</strong>szow devint un camp de concentration, 600 SS<br />

<strong>des</strong> unités de <strong>la</strong> mort entrèrent dans le camp. La plupart <strong>des</strong> prisonniers<br />

travail<strong>la</strong>ient encore mais ces SS tuèrent <strong>des</strong> prisonniers en masse. De plus, les<br />

polonais qui avaient été condamnés <strong>pour</strong> avoir participé à <strong>des</strong> activités<br />

patriotiques polonaises furent amenés à P<strong>la</strong>szow et tués. Au total 8,000<br />

personnes ont ainsi été exécutées à P<strong>la</strong>szow, en groupe ou indivi<strong>du</strong>ellement.<br />

89


Mais, dans les usines d’Oskar Schindler, 900 personnes travail<strong>la</strong>ient, et<br />

étaient de <strong>la</strong> sorte protégées <strong>des</strong> horreurs <strong>du</strong> camp.<br />

En été 1944 l’armée soviétique approchant, les Allemands commencèrent<br />

à démanteler le camp et à envoyer les prisonniers vers d’autres camps y<br />

compris <strong>des</strong> camps d’extermination. Là 2,000 Juifs seront envoyés à leur mort<br />

à Auschwitz en mai 1944. En septembre, <strong>la</strong> section polonaise de P<strong>la</strong>szow sera<br />

éliminée. Les Allemands ont alors essayé de détruire <strong>la</strong> preuve <strong>des</strong> assassinat<br />

en masse dans le camp: <strong>pour</strong> ce<strong>la</strong> ils creusèrent <strong>des</strong> fosses énormes, y jetant<br />

les corps <strong>pour</strong> les brûler en tas énormes. Les derniers prisonniers quittent<br />

P<strong>la</strong>szow le 14 janvier 1945.<br />

90


Témoignages<br />

Les ’actions’ contre les enfants<br />

A ce moment il y avait près de trois cents enfants dans le camp qui avaient<br />

pu être pris c<strong>la</strong>n<strong>des</strong>tinement de toutes sortes de façons. Dans <strong>la</strong> plupart <strong>des</strong><br />

cas, les parents avaient drogué leurs enfants <strong>pour</strong> qu’ils soient profondément<br />

endormis, les avaient mis dans leurs affaires, et les avaient fait pénétrer dans<br />

le camp ainsi. Certains avaient payé <strong>des</strong> sommes d’argent énormes aux<br />

charretiers polonais <strong>pour</strong> que les enfants soient amenés dans <strong>la</strong> ville au milieu<br />

de marchandises sur <strong>la</strong> charrette. Les policiers et autres personnes officielles<br />

avaient le droit d’amener leurs enfants au camp.<br />

Un jour, qu’une maison spéciale <strong>pour</strong> enfants al<strong>la</strong>it être construite <strong>pour</strong><br />

les enfants <strong>du</strong> camp…. Les assassins disaient qu’ils vou<strong>la</strong>ient rendre <strong>la</strong> vie<br />

plus facile aux parents qui travail<strong>la</strong>ient, dans un but d’améliorer les conditions<br />

<strong>des</strong> pauvres enfants qui avaient été abandonnés et que les parents <strong>la</strong>issaient<br />

seuls quand ils al<strong>la</strong>ient travailler. On donna donc l’ordre de transférer les<br />

enfants dans ce “club” spécial, qui était un bâtiment tout neuf et bril<strong>la</strong>nt, plein<br />

d’air et de lumière. Il y avait un terrain de jeux devant, avec une pelouse et<br />

<strong>des</strong> fleurs et <strong>pour</strong> certains enfants c’était <strong>la</strong> première fois qu’ils voyaient une<br />

fleur de leur vie si courte. Des jardinières d’enfants avaient été prévues. C’était<br />

l’été de 1944.<br />

Une nouvelle femme SS arriva au camp à cette époque. Elle était belle,<br />

avec <strong>des</strong> cheveux bril<strong>la</strong>nts et une belle silhouette. Il est difficile de croire que<br />

dans ce corps si beau vivait une âme aussi noire et corrompue…. Sa réputation<br />

n’était plus à faire, avant même d’avoir pris son poste, comme inspectrice <strong>du</strong><br />

club <strong>des</strong> enfants nous savions que son expertise était de tuer les enfants.<br />

Pendant les premières semaines, les enfants étaient dans le club, où ils<br />

étaient <strong>la</strong>vés, et bien nourris, et ils couraient sur le terrain de jeux. Ils<br />

commençaient à ressembler à <strong>des</strong> enfants. Leurs joues étaient plus roses ; ils<br />

n’avaient plus le regard apeuré. Ils étaient redevenus <strong>des</strong> enfants.<br />

Le matin <strong>du</strong> 13 mai, très tôt, nous étions debout <strong>pour</strong> l’appel et comme<br />

tous les jours. Les camions étaient prêts à partir sur le chemin de <strong>la</strong> mort, <strong>la</strong><br />

route qui menait à <strong>la</strong> porte de derrière, par <strong>la</strong>quelle ceux qui avaient été<br />

condamnés à mort passaient. Les hauts parleurs diffusaient <strong>des</strong> chansons<br />

enfantines pendant que les enfants sous nos yeux été emmenés <strong>du</strong> club aux<br />

camions…. L’inspectrice se tenait un peu à l’écart <strong>pour</strong> diriger les opérations.<br />

91


Une main au front <strong>pour</strong> protéger ses yeux <strong>du</strong> soleil, <strong>pour</strong> mieux voir le<br />

spectacle….<br />

Seuls vingt enfants restaient maintenant au camp, c’était les enfants <strong>des</strong><br />

policiers et <strong>des</strong> officiels, qui avaient pu les cacher à temps dans les toilettes<br />

ou dans <strong>des</strong> bennes à poubelle.<br />

Auschwitz<br />

Le camp d’Auschwitz, (en polonais, Oswiecim), était le camp d’extermination<br />

et de concentration le plus grand. Il était situé dans une ville de Pologne de<br />

Oswiecim, à une cinquante de kilomètres de Cracovie. Un sixième de tous<br />

les juifs exterminés par les Nazis, le seront dans les chambres à gaz d’Auschwitz.<br />

En avril 1940, le chef <strong>des</strong> SS Heinrich Himmler ordonne <strong>la</strong> création d’un<br />

nouveau camp de concentration à Oswiecim, une ville située dans <strong>la</strong> partie de<br />

<strong>la</strong> Pologne qui avait été envahie par les Allemands au début de <strong>la</strong> guerre. Les<br />

premiers prisonniers politiques polonais arrivent à Auschwitz en juin 1940. En<br />

mars 1941 il y avait 10,900 prisonniers, dont <strong>la</strong> majorité étaient polonais.<br />

Auschwitz devint rapidement connu comme le camp nazi le plus brutal.<br />

En mars 1941 Himmler ordonne <strong>la</strong> construction d’une seconde section,<br />

beaucoup plus vaste à quelques quatre kilomètres <strong>du</strong> camp original ce cite<br />

devait servir comme camp d’extermination. Il s’agit <strong>du</strong> camp de Birkenau,<br />

ou Auschwitz II. A un point, c’est là qu’étaient détenus <strong>la</strong> majorité <strong>des</strong><br />

prisonniers <strong>du</strong> complexe d’Auschwitz: il y avait <strong>des</strong> juifs, <strong>des</strong> polonais, <strong>des</strong><br />

allemands, et <strong>des</strong> Tziganes. Les conditions y étaient les plus inhumaines. Il<br />

y avait <strong>des</strong> chambres à gaz et <strong>des</strong> fours crématoires.<br />

Une troisième partie, Auschwitz III, a été construite non loin de là à<br />

Monowitz, qui était composée de d’un camp de travaux forcés, appelé Buna-<br />

Monowitz et de 45 autres de sous camps de travaux forcés également. Buna<br />

était le nom d’une usine de caoutchouc synthétique sur le site, qui appartenait<br />

à I.G. Farben, <strong>la</strong> plus grande société chimique d’Allemagne. Les détenus qui<br />

92


travail<strong>la</strong>ient dans l’usine étaient <strong>pour</strong> <strong>la</strong> plupart <strong>des</strong> juifs comme dans d’autres<br />

usines alleman<strong>des</strong> et étaient forcés de travailler jusqu’à exténuation, puis ils<br />

étaient remp<strong>la</strong>cés par d’autres prisonniers qui prenaient leur p<strong>la</strong>ce.<br />

Auschwitz était au début dirigé par le commandant Rudolf Hoess, et les<br />

gar<strong>des</strong> provenaient de l’unité <strong>la</strong> plus cruelle de SS les unités de <strong>la</strong> mort. Il y<br />

avait plusieurs prisonniers au statut privilégié, qui avaient droit à une meilleure<br />

nourriture, de meilleures conditions et une opportunité de survivre s’ils<br />

acceptaient de faire respecter l’ordre brutal qui était imposé au camp.<br />

Auschwitz I et II étaient entourés de barbelés électriques de quatre mètres<br />

de hauteur qui étaient surveillés par <strong>des</strong> SS armés de mitrailleuses et de fusils<br />

les deux camps étaient entourés de postes de garde à un kilomètre en deçà<br />

<strong>des</strong> barbelés. En mars 1942 <strong>des</strong> trains qui transportaient <strong>des</strong> Juifs commençaient<br />

à arriver chaque jour. Parfois c’étaient plusieurs trains qui arrivaient le même<br />

jour, avec chacun un millier ou plus de victimes déportés <strong>des</strong> ghettos d’Europe,<br />

de l’Est, <strong>du</strong> Sud et de l’Ouest. Pendant l’année 1942 les convois arrivaient de<br />

Pologne, de Slovaquie, de hol<strong>la</strong>nde, de Belgique, de Yougos<strong>la</strong>vie et de<br />

Theresienstadt. Les juifs continuent à arriver pendant toute l’année 43, ainsi<br />

que les Tziganes. Les juifs hongrois sont amenés à Auschwitz en 1944, avec<br />

les juifs <strong>des</strong> derniers ghettos polonais quand ils sont démantelés.<br />

En août 1944 il y avait 105,168 prisonniers à Auschwitz, et 50,000 autres<br />

juifs étaient internés dans les camps satellite d’Auschwitz. La popu<strong>la</strong>tion <strong>du</strong><br />

camp grandit constamment malgré le taux de mortalité très élevé à cause <strong>des</strong><br />

exterminations, de <strong>la</strong> famine, de travaux forcés, de ma<strong>la</strong>dies contagieuses.<br />

Lorsque les juifs arrivaient sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>teforme de Birkenau, ils étaient jetés<br />

hors <strong>du</strong> train sans leurs affaires et devaient de se mettre sur deux rangs, les<br />

hommes et les femmes séparés. Les officiers SS, y compris le malheureusement<br />

renommé Dr Josef Mengele, effectuer ses sélection dans ses rangs envoyant<br />

les victimes d’un côté, les condamnant à <strong>la</strong> mort dans les chambres à gaz (voir<br />

aussi Selektion). Une petite minorité était p<strong>la</strong>cée de l’autre côté, <strong>pour</strong> être<br />

ensuite aux travaux forcés. Ceux <strong>pour</strong> lesquels <strong>la</strong> mort avait été décidée,<br />

étaient exécutés le jour même et leurs cadavres étaient brûlés dans un four<br />

crématoire. Ceux qui n’étaient pas envoyés aux chambres à gaz étaient mis<br />

en “quarantaine”, là on leur rasait <strong>la</strong> tête, ils recevaient <strong>des</strong> uniformes rayés<br />

de prisonniers et étaient inscrits comme prisonniers. Ce numéro d’inscription<br />

était tatoué sur leur bras gauche. La plus grande partie <strong>des</strong> prisonniers étaient<br />

de là envoyés faire <strong>des</strong> travaux forcés à Auschwitz I, III, sous camps, ou dans<br />

d’autres camps de concentration, où leur espérance de vie était de quelques<br />

93


mois. Les prisonniers qui étaient en quarantaine avaient une espérance de<br />

vie de quelques semaines.<br />

La routine <strong>du</strong> camp consistait en plusieurs devoirs à réaliser. L’emploi <strong>du</strong><br />

temps quotidien commençait par un levé à l’aube, nettoyage de l’endroit où<br />

ils avaient dormi, l’appel <strong>du</strong> matin, <strong>la</strong> route vers le travail, de longues heures<br />

de travail exténuant, puis <strong>la</strong> file <strong>pour</strong> une repas minime et retour au camp,<br />

l’inspection <strong>du</strong> bloc, et l’appel de nuit. Pendant l’appel les prisonniers devaient<br />

se tenir en lignes complètement immobiles et sans parler pendant <strong>des</strong> heures,<br />

avec <strong>des</strong> vêtements très légers indépendamment <strong>du</strong> temps qu’il faisait. Ceux<br />

qui tombaient ou trébuchaient étaient envoyés à <strong>la</strong> mort. Les prisonniers<br />

devaient consacrer toute leur énergie à survivre une journée de plus.<br />

Les chambres à gaz dans le complexe d’Auschwitz était une usine à<br />

exterminer <strong>la</strong> plus vaste et a plus efficace <strong>des</strong> Nazis. A Birkenau, quatre<br />

chambres à gaz étaient utilisées avec une capacité de tuer 6,000 personnes<br />

par jour. Elles devaient ressembler à <strong>des</strong> douches <strong>pour</strong> tromper les victimes:<br />

on disait aux nouveaux arrivants à Birkenau qu’ils al<strong>la</strong>ient être envoyés au<br />

travail mais qu’avant ils devaient prendre une douche et être désinfectés. On<br />

les menait alors vers <strong>des</strong> salles avec <strong>des</strong> douches où ils étaient rapidement<br />

gazés à mort au poison Zyklon B.<br />

Certains prisonniers à Auschwitz, comme <strong>des</strong> jumeaux ou <strong>des</strong> nains étaient<br />

utilisés comme cobayes <strong>pour</strong> les expériences médicales très douloureuses.<br />

On testait sur eux l’en<strong>du</strong>rance dans <strong>des</strong> conditions les plus extrêmes comme<br />

le froid et <strong>la</strong> chaleur ou bien ils étaient stérilisés.<br />

Malgré les conditions déplorables, les détenus à Auschwitz réussissaient<br />

à résister aux Nazis, et parfois ils parvenaient à s’échapper et à opposer une<br />

résistance armée. En octobre 1944, <strong>des</strong> membres <strong>du</strong> Sonderkommando, qui<br />

travail<strong>la</strong>ient dans les fours crématoires réussirent à tuer plusieurs SS et à<br />

détruire une <strong>des</strong> chambres à gaz. Ils furent tous exterminés et les journaux<br />

qu’ils avaient écrits et qui nous sont parvenus nous fournissent une<br />

documentation authentique <strong>des</strong> atrocités commises à Auschwitz.<br />

En janvier 1945, les troupes soviétiques avançaient sur Auschwitz. Les<br />

Nazis, qui voulurent se retirer précipitamment envoyèrent les 58,000 prisonniers<br />

qui restaient vers une marche de <strong>la</strong> mort. Pour <strong>la</strong> plupart, ils mourront en<br />

route vers l’Allemagne. L’armée soviétique libère alors Auschwitz le 27 janvier.<br />

Les soldats ne trouvent dans le camp que 7,650 détenus quasi morts. En tout,<br />

un million de juifs y ont été exécutés.<br />

94


Témoignages<br />

Auschwitz- Birkenau<br />

Arrivée<br />

Comme <strong>la</strong> pluie s’arrêtait, nous avons vu … que <strong>des</strong> f<strong>la</strong>mmes sortaient d’une<br />

haute cheminée dans le ciel noir…. Nous avons regardé ces f<strong>la</strong>mmes dans<br />

l’obscurité. Il y avait une terrible horreur qui flottait dans l’air. Et soudain les<br />

portes se sont ouvertes. Il y avait là <strong>des</strong> personnages bizarres habillés d’une<br />

chemise à rayures et en pantalon noir qui ont sauté dans le wagon. Ils tenaient<br />

à <strong>la</strong> main <strong>des</strong> torches électriques et <strong>des</strong> matraques. Ils frappaient à droite et<br />

à gauche en criant:<br />

“Tout le monde dehors. Tout le monde hors <strong>du</strong> wagon, vite.” Nous avons<br />

sauté dehors. Et devant nous il y avait <strong>des</strong> f<strong>la</strong>mmes. Dans l’air il y avait une<br />

odeur de viande calcinée… nous étions arrivés à Birkenau, le centre de<br />

réception d’Auschwitz.<br />

Nos objets importants que nous avions apportés avec nous, restèrent dans<br />

le train et avec eux au moins nos illusions aussi.<br />

A intervalles réguliers un SS nous visait avec sa mitraillette. Main dans <strong>la</strong><br />

main, nous suivions <strong>la</strong> foule... “Les hommes à gauche. Les femmes à droite.”<br />

Huit mots prononcés doucement, avec indifférence sans émotion. Huit petits<br />

mots, mais ces mots me séparaient de ma mère… un instant je regardai ma<br />

Auschwitz-Birkenau, Selection sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>teforme 27/5/1944<br />

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mère et ma soeur pendant une seconde qui se dirigeaient vers <strong>la</strong> droite.<br />

Tzipora tenait <strong>la</strong> main de ma mère et je les ai vu disparaître au loin. Ma mère<br />

caressait les cheveux blonds de ma soeur, comme <strong>pour</strong> <strong>la</strong> protéger tandis que<br />

je marchais avec mon père et les autres hommes. Et je ne savais pas, alors<br />

qu’à cet endroit et à ce moment-là c’était <strong>la</strong> dernière fois que je voyais ma<br />

mère et Tsipora <strong>pour</strong> toujours. [2]<br />

La rampe<br />

Et soudain, <strong>la</strong> porte s’ouvre à grand fracas et ces hurlements barbares <strong>des</strong><br />

ordres <strong>la</strong>ncés en allemand qui sont chargés de rage, une vaste p<strong>la</strong>te forme<br />

apparaît, éc<strong>la</strong>irée par <strong>des</strong> projecteurs. Un peu en <strong>des</strong>sous, se trouait une ligne<br />

de camions. Puis tout redevint silencieux. Quelqu’un tra<strong>du</strong>isait: il nous fal<strong>la</strong>it<br />

sauter avec nos bagages et les déposer à côté <strong>du</strong> train. Un instant après <strong>la</strong><br />

p<strong>la</strong>teforme était rempli d’ombres qui s’agitaient. Mais nous avions peur de<br />

rompre le silence, et tous étaient occupés avec leurs bagages, ou cherchaient<br />

quelqu’un, appe<strong>la</strong>ient quelqu’un, timidement, certes, dans un murmure.<br />

Une dizaine de SS étaient autour de nous, les jambes écartées, qui regardaient<br />

d’un air indifférent. Puis, à un moment donné, ils se sont mis à circuler parmi<br />

nous, et sur un ton assourdi, le visage de marbre, ils ont commencé à nous<br />

interroger vivement, un par un, dans un mauvais italien. Ils n’ont pas interrogé<br />

tout le monde, seulement quelques uns d’entre nous: “ l’âge ? Ma<strong>la</strong>de, bonne<br />

santé ?” et selon <strong>la</strong> réponse, ils montraient deux directions différentes….<br />

Quelqu’un osa demander ses bagages: ils répondirent: “Les bagages après.”<br />

Un autre ne vou<strong>la</strong>it pas quitter sa femme: ils ont dit: “ ensemble après de<br />

nouveau.” beaucoup de mères ne vou<strong>la</strong>ient pas être séparées de leurs enfants:<br />

ils disaient “bien, bien, restez avec les enfants” ils affichaient l’assurance<br />

calme, <strong>des</strong> personnes qui font le même travail tous les jours….<br />

En moins de dix minutes, tous les hommes en bon état physique avaient<br />

été regroupés ensemble. Ce qui arriva aux autres, les femmes, les enfants, les<br />

personnes âgées, nous n’avons jamais pu le savoir, <strong>la</strong> nuit les avaient purement<br />

et simplement avalés. [4]<br />

Transformation d’un homme en un détenu<br />

C’est là que nous sommes devenus <strong>des</strong> vrais prisonniers de Birkenau. D’abord,<br />

le numéro <strong>des</strong> prisonniers étaient tatoués sur leur bras gauche j’ai reçu le 121097.<br />

Après nous sommes passés chez le barbier qui nous a rasé <strong>la</strong> tête et nous a rasé<br />

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le corps en entier. Puis nous avons pris une douche avec une eau bouil<strong>la</strong>nte ou<br />

g<strong>la</strong>cée à intermittence ! Immédiatement après on nous a fait mettre nos nouveaux<br />

uniformes à rayures bleu et b<strong>la</strong>nc avec le numéro de prisonnier sur le côté<br />

gauche avec un triangle rouge inversé, <strong>pour</strong> former une étoile à six pointes.<br />

Nous avons su plus tard que les prisonniers avec un triangle rose étaient les<br />

homosexuels. Un triangle noir signifiait “associal,” un triangle vert, “criminel.”<br />

Ceux qui avaient droit au vert étaient souvent <strong>des</strong> Allemands qui avaient tirés<br />

de prison et en tant que “senior de bloc,” étaient réponsables de leurs blocs.<br />

Ce<strong>la</strong> signifiait qu’ils avaient droit de vie et de mort sur les prisonniers dans<br />

leurs blocs. Nous avions donc intégré <strong>la</strong> vie <strong>du</strong> camp. [6]<br />

Il n’y a nulle part un miroir où se regarder, mais notre reflet était devant<br />

nous, multiplié au centuple dans ces visages livi<strong>des</strong>, dans ces centaines de<br />

marionnettes misérables et sordi<strong>des</strong>….<br />

Puis <strong>pour</strong> <strong>la</strong> première fois, nous nous sommes aperçus que nous n’avions<br />

pas les mots <strong>pour</strong> exprimer notre offense, <strong>la</strong> démolition d’un homme. En un<br />

moment, avec une intuition quasi prophétique, <strong>la</strong> réalité se révé<strong>la</strong> à nous:<br />

nous avions atteint le fond <strong>du</strong> gouffre. Il n’était pas possible de <strong>des</strong>cendre<br />

plus bas ; aucune condition humaine n’est plus triste que celle-ci, c’est<br />

inconcevable. Rien ne nous appartient plus ; ils nous ont pris nos vêtements,<br />

nos chaussures, et même nos cheveux ; si nous parlons, ils ne nous écoutent<br />

pas, et s’ils nous écoutent ils ne nous comprennent pas. Ils nous retirent même<br />

notre nom et si nous voulons le conserver, il faudra trouver en nous <strong>la</strong> force<br />

de le faire de s’arranger d’une façon ou d’une autre <strong>pour</strong> que derrière le nom<br />

quelque chose de nous reste….<br />

C’est de cette manière que l’on peut comprendre le sens double de “ camp<br />

de concentration” et maintenant ce que nous cherchons à exprimer avec <strong>la</strong><br />

phrase “toucher le fond” est c<strong>la</strong>ire [7]<br />

Numérotation <strong>des</strong> prisonniers<br />

Häftling (un prisonnier): j’ai appris que je suis un Häftling. Mon numéro est<br />

le 174517; nous avons été baptisés, nous allons porter notre tatouage sur notre<br />

bras gauche jusqu’à <strong>la</strong> mort.<br />

L’opération était légèrement douloureuse et extrêmement rapide: ils nous<br />

avaient mis en rang, et l’un après l’autre, en ordre alphabétique, selon notre<br />

nom, nous avons défilé face à un homme armé d’une sorte de stylet avec une<br />

très petite aiguille. Il semble que c’est <strong>la</strong> véritable initiation. Ce n’est qu’en<br />

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montrant le numéro sur le bras que l’on peut recevoir le pain ou <strong>la</strong> soupe.<br />

Quelques jours plus tard, nous étions habitués à montrer le numéro assez<br />

rapidement <strong>pour</strong> ne pas rompre le rythme de l’opération quotidienne de <strong>la</strong><br />

distribution de nourriture ; il nous fallu <strong>des</strong> semaines et <strong>des</strong> mois <strong>pour</strong> nous<br />

habituer aux sons de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue germanique. Et pendant de nombreux jours<br />

tant que l’habitude de liberté me faisait chercher sur mon poignée l’heure, je<br />

découvrais ironiquement mon nouveau nom, ces numéros sous ma peau, au<br />

lieu de ma montre.<br />

Ce n’est que bien plus tard et lentement, que certains d’entre nous apprirent<br />

<strong>des</strong> notions de sciences funéraires d’Auschwitz, qui incarne les étapes de <strong>la</strong><br />

<strong>des</strong>truction <strong>du</strong> judaïsme européen. Aux anciens <strong>du</strong> camp, le numéro disait<br />

tout: <strong>la</strong> période d’arrivée au camp, le convoi, et donc <strong>la</strong> nationalité. [8]<br />

La vie quotidienne<br />

Primo Lévi:<br />

Comme <strong>la</strong> faim n’est pas comme <strong>la</strong> faim de celui qui a raté un repas, notre<br />

manière d’avoir froid devait s’exprimer par un autre mot. Nous disons “faim,”<br />

nous disons “fatigue,” “peur,” “douleur,” nous disons “hiver” mais c’est autre<br />

chose. Il y a <strong>des</strong> mots libres créés et utilisés par <strong>des</strong> hommes libres qui vivaient<br />

confortablement et qui souffraient dans leur maison. Si les Lagers (camps)<br />

avaient <strong>du</strong>ré plus longtemps, une nouvelle <strong>la</strong>ngue rude serait née ; et ce n’est<br />

que cette <strong>la</strong>ngue qui aurait pu exprimer être toute <strong>la</strong> journée dans le vent<br />

g<strong>la</strong>cial, avec <strong>des</strong> températures en <strong>des</strong>sous de zéro et avec seulement une<br />

chemise sur le dos, un pantalon en tissu et au fond <strong>du</strong> corps, seulement de<br />

<strong>la</strong> faiblesse, de <strong>la</strong> faim, et <strong>la</strong> certitude que <strong>la</strong> fin approchait. [10]<br />

Primo Lévi:<br />

C’et moi, là en bas. On apprend très vite à effacer le passé et le futur quand<br />

on y est obligé. Deux semaines après mon arrivée j’avais déjà faim, de cette<br />

faim inconnue <strong>des</strong> hommes libres, et qui vous fait rêver <strong>la</strong> nuit et qui s’installe<br />

dans tout le corps. J’ai déjà appris à ne pas me <strong>la</strong>isser voler et de fait si je<br />

trouve une cuillère par là, un bouton, un morceau de corde que je peux prendre<br />

sans danger d’être puni, je les mets dans ma poche et ils deviennent miens.<br />

J’ai aux pieds <strong>des</strong> blessures qui ne guériront pas. Je pousse <strong>des</strong> wagons, je<br />

travaille avec une pelle, je <strong>pour</strong>ris dans <strong>la</strong> pluie, je frissonne au vent. Mon<br />

corps ne m’appartient déjà plus, mon ventre est gonflé, mes membres émaciés,<br />

mon visage est épais le matin et vide le soir. Certains d’entre nous ont <strong>la</strong> peau<br />

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jaune, d’autres sont gris. Lorsque nous ne nous voyons pas pendant quelques<br />

jours, nous avons de <strong>la</strong> peine à nous reconnaître. [11]<br />

Nous avons appris d’autres choses plus ou moins vite selon notre intelligence.<br />

Nous avons appris à répondre “Jawohl,” à ne jamais poser <strong>des</strong> questions, à<br />

toujours avoir l’air de comprendre. Nos avons appris <strong>la</strong> valeur de <strong>la</strong> nourriture,<br />

et nous savons bien gratter le fond de notre gamelle après avoir fini notre ration.<br />

Nous <strong>la</strong> tenons sous le menton quand nous mangeons <strong>du</strong> pain <strong>pour</strong> ne pas<br />

perdre <strong>la</strong> moindre miette. Nous savons aussi que <strong>la</strong> soupe <strong>du</strong> haut de <strong>la</strong> marmite<br />

n’est pas <strong>la</strong> même que celle <strong>du</strong> fond et nous savons déjà jugé en fonction de <strong>la</strong><br />

taille de <strong>la</strong> casserole, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce qu’il est préférable de tenir dans <strong>la</strong> queue.<br />

Nous avons appris que tout est utile, le fil <strong>pour</strong> nouer les chaussures, les<br />

bouts de tissus <strong>pour</strong> en entourer nos pieds, le papier qui sert illégalement à<br />

rembourrer nos vestes contre le froid. Nous avons appris d’autre part que<br />

tout peut être volé et de fait tout est automatiquement volé dès que l’attention<br />

se relâche et <strong>pour</strong> éviter ce<strong>la</strong> nous avons appris l’art de dormir avec <strong>la</strong> tête<br />

posée sur un paquet fait avec notre veste qui contient tous nos biens, <strong>du</strong> bol<br />

aux chaussures. [12]<br />

Extermination<br />

Salmen Lewenthal:<br />

Le 20 octobre 1944<br />

En p<strong>la</strong>ine journée, un groupe de 600 garçons juifs entre 12 et 18 ans furent<br />

amenés ici. Ils portaient <strong>des</strong> uniformes de prisonniers très longs et très légers,<br />

aux pieds ils portaient <strong>des</strong> chaussures usées ou <strong>des</strong> sabots…. Lorsqu’ils<br />

atteignirent <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce, le commandant leur ordonna de se déshabiller, les enfants<br />

remarquant <strong>la</strong> fumée qui sortait de <strong>la</strong> cheminée réalisèrent immédiatement<br />

qu’ils al<strong>la</strong>ient être exterminés. Ils commencèrent à courir sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce totalement<br />

désespérés en s’arrachant les cheveux car ils ne savaient comment ils <strong>pour</strong>raient<br />

fuir. Nombre d’entre eux éc<strong>la</strong>tèrent en sanglots terribles, poussant <strong>des</strong> cris<br />

horribles à l’aide qu’on entendait très loin.<br />

Ils se dévêtirent avec une peur instinctive de <strong>la</strong> mort nus et pieds nus, ils<br />

se serraient les uns contre les autres <strong>pour</strong> éviter de recevoir les coups et se<br />

tinrent totalement immobile un garçon courageux al<strong>la</strong> voir le commandant<br />

qui était près de nous et lui demanda de lui <strong>la</strong>isser <strong>la</strong> vie sauve, lui promettant<br />

en échange qu’il <strong>pour</strong>rait accomplir les travaux les plus <strong>du</strong>rs. On le frappa<br />

à <strong>la</strong> tête avec un lourd gourdin.<br />

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Beaucoup d’entre eux coururent vers les juifs <strong>du</strong> commando spécial, se<br />

jetant à leur cou en les suppliant de les sauver. D’autres couraient nus dans<br />

différentes directions sur <strong>la</strong> grande p<strong>la</strong>ce (<strong>pour</strong> éviter <strong>la</strong> mort). Le Commandant<br />

appe<strong>la</strong> alors un garde SS avec une matraque <strong>pour</strong> qu’il l’aide.<br />

Le son <strong>des</strong> voix d’enfants jeunes peu à peu fut remp<strong>la</strong>cé par <strong>des</strong> pleurs<br />

amers qui s’amplifiaient de minute en minute. Ces terribles sanglots résonnaient<br />

à <strong>des</strong> kilomètres de là. Nous sommes restés immobiles comme paralysés. Les<br />

SS avaient <strong>des</strong> sourires de satisfaction aux lèvres, ne montrant aucun signe<br />

de pitié et avaient <strong>des</strong> airs de vainqueurs fiers d’eux-mêmes en les menant<br />

dans le bunker à coups de matraques terribles….<br />

Certains <strong>des</strong> garçons couraient encore sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce espérant s’échapper.<br />

Les SS les <strong>pour</strong>suivaient frappant dans toutes les directions, jusqu’à ce que<br />

<strong>la</strong> situation soit maîtrisée <strong>pour</strong> finalement les con<strong>du</strong>ire au bunker. Leur joie<br />

était in<strong>des</strong>criptible. N’avaient-ils pas d’enfants à eux ? [24]<br />

Rudolf Hoess:<br />

Beaucoup de femmes cachaient leurs enfants dans <strong>la</strong> montagne de vêtements.<br />

Les hommes <strong>du</strong> détachement spécial Sonderkommando veil<strong>la</strong>ient et<br />

encourageaient les mères de reprendre l’enfant avec elle elles craignaient que<br />

le désinfectant ne fasse <strong>du</strong> mal à leur enfant d’où les efforts qu’elles déployaient<br />

<strong>pour</strong> les cacher.<br />

Les enfants les plus jeunes d’être déshabillés dans ces circonstance mais<br />

lorsqu’ils étaient réconfortés par leur mère, ou <strong>des</strong> membres <strong>du</strong> détachement<br />

spécial, ils se calmaient et entraient dans <strong>la</strong> chambre à gaz, jouant ou se par<strong>la</strong>nt<br />

les uns avec les autres, leurs jouets à <strong>la</strong> main.<br />

J’ai remarqué que <strong>des</strong> femmes qui avaient soit deviné ou qui savaient ce<br />

qui les attendait trouvaient le courage de rire avec leurs enfants <strong>pour</strong> les<br />

rassurer, malgré <strong>la</strong> terreur qui se lisait dans leurs yeux.<br />

Une femme m’a abordé en passant près de moi et montrant ses quatre<br />

enfants qui aidaient les plus petits à marcher sur le sol rugueux et en murmurant<br />

elle m’a dit:<br />

“Comment pouvez-vous tuer de si beaux enfants ? N’avez-vous pas de<br />

coeur <strong>du</strong> tout?”<br />

un vieil homme en passant siff<strong>la</strong>:<br />

“L’Allemagne payera un prix très lourd <strong>pour</strong> ce génocide <strong>des</strong> juifs.”<br />

Ses yeux bril<strong>la</strong>ient de haine. Mais il marcha calmement dans <strong>la</strong> chambre<br />

à gaz, sans se soucier <strong>des</strong> autres.<br />

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