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proches l'un de l'autre, plus la pression était grande pour qu'on s'éloigne.<br />
Je pense qu'au début il y avait aussi l'idée que je discréditais le trophée<br />
de Trent. [Il s'écroule à nouveau sur sa chaise.] Le timing n'était pas bon.<br />
Twiggy, veux-tu ajouter quelque chose ?<br />
TWIGGY : Du whisky et du speed.<br />
MANSON : Jusqu'à récemment, je n'avais jamais eu de vraie conversation<br />
avec Courtney, et là, j'ai découvert que c'était quelqu'un de très bien,<br />
et de beaucoup plus stable que ne le pense la majorité des gens. Nous<br />
jouions quelque part sur la côte ouest, lorsqu'on a frappé à la porte de<br />
notre bus. J'ai entendu cette voix alcoolisée et râpeuse en train de hurler<br />
: « Jeordie ! Jeordie ! Où est cet enculé de Jeordie ? » Et Courtney est<br />
montée dans le bus en boitant, car, apparemment, elle était tombée la<br />
nuit précédente et s'était blessée à la jambe. Elle a vu une fille assise et<br />
l'a immédiatement prise à partie en hurlant : « T'as aucune raison d'être<br />
dans ce bus. Tu frais mieux de te trouver un clavier et de démarrer ton<br />
propre groupe. Ça serait ces mecs qui seraient dans ton bus. »<br />
Puis elle nous a regardés et nous a demandé si nous avions des beignets.<br />
J'en avais une douzaine, elle en a pris quatre et les a dévorés avant<br />
même d'avoir eu le temps d'ouvrir la bouché. Alors elle a viré son bandage<br />
et l'a balancé à notre directeur de tournée qui commençait à criser<br />
parce qu'il avait du sang sur lui. Même si c'était le sang d'une star, ça n'était<br />
pas dans son contrat. Lorsque Twiggy a déboulé de l'arrière du bus, où il<br />
avait sans doute planqué plusieurs adolescentes, il semblait à la fois embarrassé<br />
et amusé par la situation. C'est à cet instant précis que j'ai commencé<br />
à bien aimer Courtney et à avoir du respect pour elle, parce qu'elle m'avait<br />
fait rire : je la trouvais cool.<br />
Je me suis laissé dire que, pendant le dernier concert de la tournée,<br />
les Nine Inch Nails se sont vengés. C'est vrai ?<br />
Ils ne se sont pas vraiment vengés. C'est une tradition pendant le dernier<br />
concert d'une tournée. Le groupe qui ouvre se fait emmerder par la<br />
tête d'affiche. Donc, à Philadelphie, lors de notre dernier show, je sortais<br />
des toilettes en backstage avant de monter sur scène et, là, j'ai vu deux<br />
filles nues enlacées qui se caressaient. À côté d'elles, il y avait, à poil, un<br />
étrange bisexuel. Tout le monde — notre groupe et Nine Inch Nails — les<br />
regardait. C'est alors que le type s'est approché de moi : « J'ai entendu<br />
dire que tu étais prêt à faire un fist-fucking backstage à tous ceux qui<br />
avaient des couilles. Je voudrais savoir si je peux profiter de cette proposition.<br />
»<br />
Nine Inch Nails me l'avait mis dans les pattes parce que, sur scène,<br />
j'avais pris pour habitude de lancer cette phrase : « Qui veut me suivre<br />
backstage que je lui enfonce mon poing dans le cul ? » Ils s'étaient dit :<br />
« Ah, ah, on va lui montrer. On va lui ramener un mec et il se dégonflera.<br />
» Mais, plus pour détruire leur plan que par peur de passer pour<br />
un hypocrite, j'ai répondu : « D'accord, pas de problème. » J'ai enfilé un<br />
énorme gant en caoutchouc jusqu'au poignet et, ne trouvant qu'une<br />
plaquette de margarine en guise de lubrifiant, j'en ai enduit mon poing<br />
et puis j'ai essayé d'enfoncer ma main le plus profondément possible,<br />
sans doute au-delà de mes phalanges, dans le rectum béant et angoissé<br />
de ce type.<br />
Je pensais que ça allait être terminé. Mais, lorsque cinq minutes plus<br />
tard je suis monté sur scène, Nine Inch Nails nous ont tendu un guetapens<br />
et nous ont recouverts de toutes les substances dégoûtantes qui<br />
leur tombaient sous la main — farine, sauce tomate, vaseline, guacamole,<br />
ketchup, talc pour bébé. On a donc été obligés de monter sur scène<br />
avec toute cette merde sur nous et, pendant qu'on jouait, cinq stripteaseurs<br />
sont arrivés en courant sur la scène et ont commencé à danser.<br />
Je trouvais que ça allait trop loin : ils nous sabotaient notre show, je ne<br />
voulais pas que les spectateurs pensent que je puisse être responsable<br />
d'un truc aussi stupide.<br />
On est sortis de scène avec une énorme envie de faire payer à Trent<br />
et à sa bande ce bizutage qui avait été trop loin. Mais ce n'était pas terminé.<br />
Je portais un short en cuir et des chaussettes trempées, et nous<br />
étions tous recouverts de bière, de sueur, de rouge à lèvres et de tous les<br />
condiments qui traînaient backstage. On est tombés dans une nouvelle<br />
embuscade, sans avoir le temps de nous réfugier dans notre loge : on<br />
était couverts de crème fouettée. Des gardes de la sécurité nous ont sauté<br />
dessus pour nous passer les menottes dans le dos, nous ont entraînés vers<br />
une sortie de secours, puis nous ont forcés à monter dans un pick-up.<br />
Ils ont fermé les portières avant de démarrer : il ne s'agissait plus d'une<br />
plaisanterie. Avec le recul, je suis impressionné par l'organisation qu'ils<br />
avaient mise en place. Mais, sur le moment, j'avais une trouille terrible<br />
parce qu'on a roulé pendant une demi-heure. On a atterri dans le centre<br />
de Philly où ils nous ont fait descendre de la camionnette, puis ils ont<br />
jeté les clés des menottes dans une poubelle. Ils ont froissé un billet d'un<br />
dollar qu'ils ont lancé par terre en éclatant de rire : « Ça vous aidera à<br />
retourner au concert. »<br />
Il devait faire dans les cinq degrés, on était pratiquement nus, grelottant<br />
de froid, trempés et couverts de crasse. Nous étions si effrayants,<br />
pathétiques et dégénérés que personne n'aurait voulu marcher sur le<br />
même trottoir que nous. On a quand même fini par tomber sur des étudiants<br />
que nous avons suppliés de nous reconduire au stade.