26.06.2013 Views

Untitled

Untitled

Untitled

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

mal chez lui. Bien qu'il se soit toujours foutu que les gens le prennent<br />

pour une fille, il avait parfois besoin de prouver qu'il n'en était pas une.<br />

Le seul truc curieux, c'est qu'il n'a pas essayé de mettre le feu à ses poils<br />

pubiens, comme il avait l'habitude de le faire lorsqu'il baissait son froc<br />

en public sans avoir de relation sexuelle. Puisqu'il était à côté de moi et<br />

que j'avais une main libre, j'ai commencé à le branler. Les snobs de Boca<br />

étaient atterrés et c'est depuis cette période que tout le monde croit que<br />

nous sommes un couple gay. On a fait de notre mieux pour laisser courir<br />

et entretenir cette rumeur.<br />

Au cours d'un autre show, Jeordie a amené son petit frère de dix ans.<br />

Pour qu'il puisse entrer dans la boîte, on a affirmé qu'il faisait partie du<br />

spectacle et on l'a installé dans la cage du clavier de Pogo. Derrière lui,<br />

Missi, attachée à une croix, ne portait qu'un masque noir et tenait une<br />

pinte de sang. Je voyais en cette scène l'illustration que l'humanité n'a<br />

pu naître dans l'espoir de l'innocence et de la rédemption qu'en traversant<br />

de telles horreurs et de telles violences. Le mythe de la crucifixion<br />

chez les chrétiens ne semblait pas très éloigné de certains sacrifices païens<br />

au cours desquels les gens pensaient qu'ils pouvaient améliorer leur sort<br />

en versant le sang des autres, concept qui me plaisait tout particulièrement<br />

depuis que j'avais envie de savoir Nancy morte. À la fin du show,<br />

le frère de Jeordie avait une telle envie d'ajouter sa touche à notre performance<br />

artistique qu'il est sorti de la cage et a montré ses fesses au<br />

public. Ce show a créé une autre légende persistante autour de nous, celle<br />

qui prétend que nous exhibons des enfants nus sur scène.<br />

Un jour plus prometteur, Jeordie nous a présenté celui qui allait devenir<br />

notre premier manager, John Tovar, qui s'occupait déjà tant bien que<br />

mal de Amboog-A-Lard. C'était un Cubain taillé comme une armoire à<br />

glace, toujours en sueur, gros mâchouilleur de cigares, constamment vêtu<br />

d'un costume noir, d'une cravate noire, et qui s'aspergeait d'eau de Cologne<br />

bon marché pour camoufler l'odeur de son corps. Il ressemblait à un croisement<br />

entre Fidel Castro et Jabba the Hutt. Comme si la nature ne l'avait<br />

pas suffisamment gâté, il était gros consommateur de narcoleptiques, à<br />

en être capable de s'endormir pendant une prise de son en s'écroulant<br />

devant une enceinte. Nous avons profité de l'occasion pour faire certaines<br />

experiences et recherches médicales précieuses, en lui parlant pour essayer<br />

de le réveiller, par exemple nous lui hurlions dans les oreilles qu'il n'était<br />

qu'un tas de merde, ou que le bâtiment était en train de brûler. Mais ça<br />

ne l'empêchait pas de continuer à ronfler en soulevant son bide gigantesque.<br />

Seuls les mots « milkshake à la vanille » et « Lou Gramm » arrivaient<br />

à le réveiller. Alors il soulevait ses lourdes paupières aux veines<br />

épaisses, ses yeux ronds comme des billes roulant vers le ciel avant de<br />

retrouver leur position normale. Puis, en général, il me prenait à part<br />

pour me murmurer des conseils dans le genre : « Vous savez quoi les mecs,<br />

vous devriez jouer un peu moins fort, ça vous permettrait d'aller aux<br />

Slammy Awards. Et même que vous pourriez être à l'affiche avec les<br />

Amboog-A-Lard, ces mecs qui font du boogie. » (Les Slammy Awards<br />

sont, en Floride, les récompenses du hard-rock.)<br />

La seule chose qu'on lui ait concédée a été de réduire notre nom à<br />

Marilyn Manson et de virer notre boîte à rythmes pour la remplacer par<br />

un vrai batteur. La seule personne qui s'est présentée aux auditions s'appelle<br />

Freddy Streithors, un petit bonhomme boitillant. Notre guitariste,<br />

Scott Putesky, a insisté pour que nous l'engagions, car ils avaient joué<br />

ensemble dans un groupe pop efféminé : India Loves You. Comme à peu<br />

près tous les membres du groupe, Freddy a bientôt eu plusieurs surnoms.<br />

Sur scène, il s'appelait Sara Lee Lucas. Entre nous, nous l'appelions Freddy<br />

the Wheel. Ce nom nous avait été inspiré par une de nos premières groupies,<br />

Jessicka. Elle a, par la suite, monté un groupe, Jack and Jill, que j'ai<br />

pris sous mon aile, avec lequel j'ai joué quelquefois, et que j'ai rebaptisé<br />

Jack Off Jill. Adolescent, Freddy avait eu un accident et, à la suite de son<br />

hospitalisation, les muscles s'étaient atrophiés à tel point que sa jambe<br />

s'était déformée. En fait, il avait appris à jouer de la batterie au cours de<br />

sa rééducation.<br />

Freddy était un brave type et je ne l'ai jamais traité différemment des<br />

autres. Mais je m'en veux de l'avoir poussé à mieux jouer — c'était un<br />

batteur merdique, et à part Scott, tout le monde s'en rendait compte. Jessicka,<br />

elle, n'avait aucun scrupule à se moquer de lui. Elle avait décidé<br />

que Freddy avait une roue à la place du pied et que, dorénavant, il s'appellerait<br />

Freddy the Wheel (Freddy la Roue). Bien sûr, elle s'est rendu<br />

compte après avoir baisé avec lui qu'elle ne pouvait plus se permettre de<br />

se moquer de qui que ce soit, car elle avait poussé à la roue et s'était<br />

retrouvée dessous.<br />

Finalement, Freddy a atterri dans les bras de Shana, une sorte de sosie<br />

sioux de Siouxsie, avec laquelle j'avais eu une brève aventure avant de<br />

connaître Teresa. Notre relation n'avait pas duré très longtemps parce<br />

que j'avais eu la grippe (elle était venue prendre soin de moi et nous avions<br />

baisé). Il n'était pas évident d'avoir des relations intimes avec elle en plein<br />

jour parce qu'elle faisait partie des nombreux adeptes de l'illusion gothique<br />

dans le sud de la Floride. Et ce n'était pas uniquement à cause du<br />

maquillage qui cachait les crevasses qui se desquamaient sur son visage<br />

à cause du soleil; j'avais également remarqué un mystérieux anneau blanc<br />

autour de son vagin. Je n'ai jamais été capable de savoir s'il s'agissait<br />

d'une infection vénérienne, d'une sorte de champignon, de levure, d'un<br />

bout de croûte de pudding ou d'un morceau de beignet glacé que quelqu'un<br />

aurait malencontreusement oublié après une relation. Cette décou-

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!