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suis bourré, et, l'espace d'une seconde, je suis aussi amoureux. Au travers<br />
du mince rideau de dentelle séparant l'enchevêtrement de langues,<br />
d'ongles et de chair du reste du club, j'aperçois la silhouette du garde du<br />
corps dans les stroboscopes : il garde la porte comme saint Pierre.<br />
« Une fois dans une vie... »<br />
À présent, je m'enfonce en elle. Elle crie. J'attrape ses cheveux, mais<br />
au lieu de longues boucles blondes, je saisis quelque chose de court, de<br />
touffu et rigide qui m'échappe des mains. Mes bras sont vierges de<br />
tatouages, les gémissements, étouffés par ma main, résonnent dans le<br />
silence. Merde, je suis en train de baiser Nancy. Qu'est-ce que je fais ?<br />
C'est le genre d'erreur qu'on ne peut pas oublier. Baiser une psychotique<br />
équivaut à en tuer une. Il y a des conséquences, des répercussions, un<br />
prix à payer. À chaque flash stroboscopique, le visage de Nancy se lève<br />
vers moi tandis qu'elle s'assoit sur la baignoire, en ouvrant et serrant ses<br />
jambes, écumante et humide comme les babines d'un chien affamé. Flash<br />
après flash, son visage devient de plus en plus déformé, tordu, inhumain,<br />
plus... démoniaque. C'est le terme exact. Mon corps continue à bouger,<br />
je la baise fort, mais ma conscience me crie d'arrêter.<br />
C'est bien ça. Je suis baisé. Je nique le diable. J'ai vendu mon âme.<br />
« Et tu dois te demander : "Où mène cette autoroute ?" »<br />
Quelqu'un me mord le cartilage de l'oreille. J'aime ça, je pense que<br />
c'est Traci. Elle attrape mon collier de chien et attire ma tête vers elle.<br />
Son souffle chaud et moite murmure à mon oreille : « Je veux que tu<br />
viennes en moi. »<br />
La musique s'arrête, les lumières s'arrêtent : je jouis comme un bouquet<br />
de lys d'un blanc laiteux explose dans une fosse funéraire. Son visage<br />
est mort, sans émotion. Ses yeux ressemblent à des lampes de spots grillées.<br />
Les lumières venaient donc de là ?<br />
« Et tu dois te demander : "Ai-je raison ? Ai-je tort ?" Et tu dois te<br />
dire : "Mon Dieu ! Qu'est-ce que j'ai fait ?" »<br />
J'ÉTABLIRAI DANS QUELQUES LIGNES COMMENT MALDOROR FUT BON<br />
PENDANT SES PREMIÈRES ANNÉES, OÙ IL VÉCUT HEUREUX; C'EST FAIT.<br />
IL S'APERÇUT ENSUITE QU'IL ÉTAIT NÉ MÉCHANT : FATALITÉ<br />
EXTRAORDINAIRE ! IL CACHA SON CARACTÈRE TANT QU'IL PUT,<br />
PENDANT UN GRAND NOMBRE D'ANNÉES ; MAIS, À LA FIN, À CAUSE DE<br />
CETTE CONCENTRATION QUI NE LUI ÉTAIT PAS NATURELLE, CHAQUE<br />
JOUR LE SANG LUI MONTAIT À LA TÊTE ; JUSQU'À CE QUE, NE POUVANT<br />
PLUS SUPPORTER UNE PAREILLE VIE, IL SE JETÂT RÉSOLUMENT<br />
DANS LA CARRIÈRE DU MAL... ATMOSPHÈRE DOUCE ! QUI L'AURAIT DIT !<br />
LORSQU'IL EMBRASSAIT UN PETIT ENFANT AU VISAGE ROSE, IL AURAIT<br />
VOULU LUI ENLEVER SES JOUES AVEC UN RASOIR, ET IL L'AURAIT<br />
FAIT TRÈS SOUVENT, SI JUSTICE, AVEC SON LONG CORTÈGE<br />
DE CHÂTIMENTS, NE L'EN EÛT CHAQUE FOIS EMPÊCHÉ.