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l'image dégradante que j'avais de moi-même et mon passé de souffredouleur.<br />

C'était la première fois de ma vie que je ressentais ça. Et je voulais<br />

encore ressentir ça. Je voulais être applaudi, je voulais être sifflé, je<br />

voulais en mettre plein la gueule aux gens.<br />

Rares sont les anecdotes de ma vie qui se sont terminées banalement<br />

et cet incident-ci est arrivé à trois heures du matin lorsque je rentrais à<br />

Fort Lauderdale dans la Fiero rouge de ma mère. En passant sur l'autopont<br />

au-dessus de Little Havana et son ghetto rongé par la criminalité,<br />

l'autoradio est tombé en panne. Je me suis garé sur le bas-côté pour voir<br />

ce qui n'allait pas et j'ai découvert que je ne pouvais pas redémarrer la<br />

voiture. La courroie de l'alternateur avait cassé net, et moins d'une heure<br />

après avoir compris quelle était ma vocation, j'étais planté là, tout seul,<br />

à essayer de trouver un téléphone dans Little Havana, où les chances d'un<br />

clown barbouillé de maquillage du nom de Marilyn Manson de ne pas<br />

se faire casser la gueule étaient vraiment très minces. La seule bonne chose<br />

qui est ressortie de cette expérience, alors que le camion de dépannage<br />

n'est arrivé qu'à dix heures du matin, c'est que, tôt dans ma carrière, j'ai<br />

définitivement perdu l'habitude de me coucher après un concert.<br />

Notre premier vrai show a eu lieu au Reunion Room. J'avais réservé<br />

en disant à Tim, manager et DJ de l'endroit : « Écoute, j'ai ce groupe,<br />

nous allons jouer ici et nous voulons 500 dollars. » Les groupes étaient<br />

en général payés entre 50 dollars et 150 dollars. Tim a pourtant accepté<br />

mon prix. Leçon numéro un intitulée « Comment manipuler l'industrie<br />

de la musique » : se comporter comme une rock-star pour être traité<br />

comme telle. À la fin du show, nous avons viré du groupe le boutonneux<br />

et le gros type : il ne fait aucun doute qu'aujourd'hui ils doivent vendre<br />

des sandwiches, se presser les boutons ou être les vedettes d'un sitcom,<br />

Le Boutonneux et le Gros Type, qui a<br />

duré deux épisodes.<br />

Nous avons alors débauché<br />

Brad Stewart, le sosie de Crispin<br />

Glover, qui bossait au<br />

Kitchen Club. Il jouait dans<br />

Insanity Assassin, un groupe<br />

concurrent qui comprenait<br />

Joey Vomit à la basse et Nick<br />

Rage au chant. Ce dernier était<br />

un type courtaud, qui pensait<br />

cependant être un grand<br />

mec maigrichon et séduisant.<br />

Convaincre Brad de jouer de<br />

la basse avec nous n'a pas été<br />

difficile (même s'il jouait de la guitare dans Insanity Assassin) car, musicalement,<br />

nous poursuivions les mêmes buts et nous avions de meilleurs<br />

noms de scène. Il est devenu Gidget Gein. Nous avons laissé Stephen<br />

rejoindre le groupe en tant que Madonna Wayne Gacy, même s'il n'avait<br />

pas de clavier. Sur scène il jouait avec des soldats de plomb.<br />

Pour le meilleur et pour le pire, un personnage supplémentaire est venu<br />

agrémenter notre galerie des horreurs. Elle s'appelait Nancy et était psychotique<br />

dans tous les mauvais sens du terme. Elle connaissait ma petite<br />

amie Teresa, une des premières personnes que j'avais rencontrées après<br />

que Rachel s'était payé ma tête. Je recherchais une image maternelle plutôt<br />

qu'une image de top model. Je l'ai rencontrée à un concert de Saigon<br />

Kick au Button South. Teresa travaillait dans la même usine que Tina<br />

Potts, Jennifer et la plupart des filles avec qui je me suis retrouvé dans<br />

l'Ohio. Elle avait un léger embonpoint, des mains fines et une petite mèche<br />

blonde comme celle de Stephen. On les prenait toujours pour des jumeaux.<br />

J'avais déjà croisé Nancy quand je travaillais dans le magasin de<br />

disques : c'était une énorme fille style gothique, qui ne ressemblait à rien<br />

dans sa robe de mariée noire. Lorsque Teresa me l'a présentée un an plus<br />

tard, Nancy avait perdu vingt-cinq kilos et avait une attitude qui voulait<br />

dire : je-suis-mince-et-je-vais-faire-payer-à-la-terre-entière-toutes-cesannées-pendant-lesquelles-j<br />

'ai-pas-baisé-parce-que-j 'étais-grosse. Ses cheveux<br />

bouclés noirs tombaient sur ses épaules, ses nichons tombaient en<br />

gants de toilette sous un débardeur provocant, ses traits étaient hispanisants,<br />

son visage pâle et elle sentait fort, une odeur mi-fleurie mi-nocive.<br />

Un jour, je lui ai expliqué mes idées de spectacle total; je comptais les<br />

inclure dans les prochains shows. Impossible ensuite de lui échapper. Elle<br />

s'est imposée dans le groupe comme une tique qui a décidé de faire sa vie<br />

sous la peau d'un éléphant. À chaque idée dans laquelle une fille était<br />

impliquée (et peu importait le degré extrême d'humiliation), elle était<br />

immédiatement volontaire pour y participer. Puisqu'elle était volontaire<br />

et que j'étais désespéré — et puisque surtout elle me semblait être quelqu'un<br />

que les autres allaient détester autant qu'ils me détestaient, je me<br />

suis avoué vaincu.<br />

Nos singeries ont très vite tourné au dépravé. La première fois que<br />

nous sommes montés sur scène ensemble, je chantais en la tenant en laisse<br />

tout au long du show — bien évidemment pour exprimer mon point de<br />

vue sur notre société patriarcale, et pas du tout parce que ça m'excitait<br />

de traîner une femme vêtue du strict minimum autour de la scène avec<br />

une laisse en cuir. Peu de temps après, Nancy m'a demandé de la frapper<br />

au visage : j'ai donc commencé, show après show, à la frapper de plus en<br />

plus fort.

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