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proportionnés et très longs. Il portait une veste en jean au dos de laquelle<br />

était imprimé le symbole universel de la rébellion : une feuille de hasch.<br />

De sa main droite, il a sorti un revolver accroché à la ceinture de son<br />

pantalon. Il a violemment levé son bras vers le ciel et vidé le chargeur :<br />

à chaque tir, le recul faisait tourner son bras un peu plus dans notre direction.<br />

Une fois le barillet vide, il s'est dirigé vers nous à grands pas. J'étais<br />

totalement abasourdi : il m'a bousculé et je suis tombé par terre, il a<br />

poussé John et attrapé la bouteille de Mad Dog qu'il a vidée en quelques<br />

secondes avant de la balancer dans l'herbe. Il s'est essuyé la bouche du<br />

revers de sa manche, et a marmonné quelque chose qui sonnait comme<br />

les paroles de Suicide Solution d'Ozzy Osbourne. Il est finalement entré<br />

dans la maison à grands pas.<br />

« C'est mon frère, mec », m'a fièrement annoncé John ; mort de peur<br />

quelques instants auparavant, son visage rayonnait de fierté.<br />

Nous avons suivi son frère au premier où il a claqué la porte avant de<br />

la fermer à clé. John n'avait pas le droit de mettre les pieds dans la chambre<br />

de son frère sous peine de représailles. Mais il savait ce qu'il s'y passait :<br />

magie noire, heavy metal, automutilation et consommation manifeste de<br />

drogue. Tout comme la cave de Grand-père, cette pièce symbolisait à la<br />

fois mes peurs et mes envies. Et, bien qu'effrayé, je voulais plus que tout<br />

au monde voir ce qu'il se passait à l'intérieur.<br />

En espérant que son frère quitterait la maison un peu plus tard dans<br />

la soirée, John et moi sommes allés dans l'écurie — enfin, dans la carcasse<br />

en bois de ce qui avait été une écurie —, où nous avions planqué<br />

une bouteille de Southern Comfort.<br />

« Tu veux voir un truc vraiment cool ? m'a demandé John.<br />

- Bien sûr », ai-je rétorqué.<br />

J'étais toujours prêt à faire des trucs cool, surtout avec John.<br />

« Putain, t'as vraiment intérêt à rien dire à personne.<br />

- Promis.<br />

- Des promesses, c'est pas assez, a brusquement dit John. Je veux que<br />

tu jures sur ta putain de mère... Non. Tu dois jurer que si jamais t'en<br />

parles, ta bite flétrira avant de pourrir et de tomber.<br />

- Je jure que ma bite tombera et disparaîtra, lui ai-je dit solennellement,<br />

tout en sachant parfaitement que j'en aurais besoin dans les années<br />

à venir.<br />

- La bite dirige le monde, a ricané John en me donnant un grand coup<br />

de poing sous l'épaule. Alors viens, couillon. »<br />

Il m'a entraîné derrière l'écurie et nous avons grimpé au grenier en<br />

empruntant une échelle. La paille était maculée de sang séché. Éparpillés,<br />

il y avait des carcasses d'oiseaux, des moitiés de cadavres de serpents et<br />

de lézards, des lièvres en état de décomposition avancée sur le corps des-<br />

quels des asticots et des scarabées se disputaient le moindre lambeau de<br />

chair traînant sur les os.<br />

« C'est ici, m'a annoncé John en me montrant le pentacle géant et<br />

dégoulinant de rouge dessiné sur le sol, c'est ici que mon frère tient ses<br />

messes noires. »<br />

La scène semblait sortir d'un mauvais film d'horreur, dans lequel un<br />

adolescent un peu dérangé pratique la magie noire en amateur. Il y avait<br />

même des photos de profs et d'anciennes petites amies, couvertes de sang<br />

coagulé, punaisées aux murs et recouvertes d'obscénités écrites au marqueur.<br />

Et comme s'il allait jouer la vedette du film, John s'est tourné vers<br />

moi et m'a dit : « Tu veux voir un truc encore plus effrayant ? »<br />

J'étais tiraillé. J'en avais sans doute assez vu pour cette fois. Mais la<br />

curiosité m'a poussé à accepter. John a ramassé par terre un exemplaire<br />

taché et tout déchiré du Necronomicon, livre d'incantations remontant,<br />

selon lui, à l'âge des ténèbres. Nous sommes retournés à la maison, où<br />

John a rempli un sac à dos de lampes électriques, de couteaux de chasse,<br />

de casse-croûte et de babioles qui, selon lui, avaient des pouvoirs magiques.<br />

Il m'a dit que nous allions là où son frère avait vendu son âme au diable.<br />

Pour y arriver, nous avons dû traverser un égout qui partait de la maison<br />

de John et passait sous un cimetière. Sans apercevoir ni l'entrée ni la<br />

sortie, nous avons marché, courbés dans une eau boueuse infestée de rats,<br />

en ayant conscience à chaque instant que, dans cette boue qui enveloppait<br />

la canalisation, il y avait des cadavres. Je ne pense pas avoir eu, de<br />

ma vie, aussi peur du surnaturel. À mi-parcours de notre odyssée d'un<br />

bon kilomètre, l'écho amplifiait le moindre petit bruit qui devenait énorme<br />

et menaçant : je croyais entendre des squelettes qui cognaient contre le<br />

conduit, des créatures encore vivantes essayant de percer le metal, prêtes<br />

à m'attraper et à m'enterrer vivant.<br />

Lorsque nous avons finalement atteint l'autre côté, nous étions couverts,<br />

de la tête aux pieds, d'une pellicule d'eaux usées, de toiles d'araignée<br />

et de boue. Nous étions dans une forêt sombre au milieu de nulle<br />

part. Après encore un kilomètre dans la végétation sauvage, une énorme<br />

maison a surgi devant nos yeux. Elle était envahie par les mauvaises<br />

herbes, comme si la forêt essayait de reprendre ce qui lui appartenait : la<br />

moindre parcelle visible de béton était recouverte de pentacles, de croix<br />

renversées, de phrases sataniques, de logos de groupes heavy metal, et de<br />

mots et expressions comme « pédé » ou « nique ta mère ».<br />

Nous avons dégagé les plantes grimpantes et les feuilles mortes qui<br />

recouvraient une fenêtre ouverte, avant de grimper à l'intérieur pour<br />

fouiller la pièce à la lumière de nos lampes électriques. Il y avait des rats,<br />

des toiles d'araignée, du verre brisé et des vieilles cannettes de bière. Dans<br />

un coin, les braises d'un feu mourant nous indiquaient que quelqu'un

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