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leur déroulement, mais ils étaient également capables, sans aucune raison,<br />

de nous prendre la seule chose pour laquelle LaVey et moi nous nous<br />

battions : la liberté individuelle. Tout comme LaVey, j'avais découvert ce<br />

qui peut arriver lorsque l'on dit un truc un peu puissant qui amène les<br />

gens à penser. On neutralise votre message en vous collant une image<br />

réductrice — comme fasciste, adorateur du diable ou avocat du viol et<br />

de la violence.<br />

On a parlé religion, comme d'une coutume servant à préserver des<br />

codes pratiques de santé, de morale et de justice, valeurs qui n'ont plus<br />

de raison d'être pour la survie de l'espèce (par exemple ne pas manger<br />

d'animaux aux pieds fourchus). Lire et comprendre La Bible de Satan a<br />

davantage de sens, avec le XX e siècle en perspective, que lire une œuvre<br />

écrite pour accompagner une culture depuis longtemps disparue. Qui<br />

sait : dans un siècle peut-être un crétin trouvera-t-il un T-Shirt Marilyn<br />

Manson — ou une casquette de base-bail des Collapsing Lungs — et le<br />

clouera sur un mur pour en faire un objet de dévotion.<br />

LaVey, au cours de la conversation, quittait la pièce toutes les dix<br />

minutes. J'avais la sensation qu'il nous observait par les yeux des chats<br />

représentés sur ses peintures à l'huile ; alors, je restais totalement calme<br />

lorsqu'il n'était pas là.<br />

LaVey m'a demandé ce qui s'était passé avec Traci Lords. Je lui ai dit<br />

qu'elle m'avait jeté et que ses prédictions optimistes sur notre relation<br />

s'étaient révélées inexactes. Mais le lendemain après notre show, j'ai<br />

découvert qu'elle me courait après depuis un moment. J'avais un album<br />

dans les dix premiers des charts, j'avais fait la couverture de Rolling Stone<br />

et, comme l'avait prédit LaVey, notre relation s'est inversée. Lorsque<br />

j'avais rencontré Traci la première fois, c'était une star distante et inabordable.<br />

Certes, cela m'avait anéanti, mais aussi rendu plus fort. Cette fois,<br />

j'étais aux commandes et je n'en avais rien à foutre : je voulais d'elle uniquement<br />

quand je ne pouvais pas l'avoir.<br />

L'année suivante, quelques jours après Halloween, j'ai reçu un coup<br />

de téléphone à quatre heures du matin m'annonçant la mort de LaVey.<br />

J'étais surpris par la tristesse que je ressentais : il était devenu une image<br />

paternelle et je n'avais pas eu l'occasion de lui dire au revoir, ni même<br />

de le remercier pour son inspiration. Mais par ailleurs, je savais que si<br />

le monde avait perdu un grand philosophe, l'Enfer avait gagné un nouveau<br />

chef.<br />

JE TROUVE TERRIBLE L'IDÉE QUE LES AUTRES<br />

PEUVENT ME FAIRE CE QUE JE LEUR FAIS.<br />

MAUVAIS TRAITEMENTS : INFLIGÉS<br />

Avec ses cent kilos de chair maltraitée, de muscles atrophiés et ses os<br />

sclérosés, Tony Wiggins était un aspirateur à péchés. Ses yeux bleus<br />

brillaient de l'éclat d'une fête perpétuelle, et ses lèvres cyanosées exhibaient<br />

une moue menaçante. Le seul charme de ce plouc émanait de sa<br />

queue de cheval blonde et de sa barbiche à la colonel Sanders, qui lui<br />

donnaient un vague vernis de bonnes manières, de décence et de morale.<br />

Peu importe où il était et à quelle heure — plus la ville était petite, plus<br />

les circonstances étaient improbables —, Tony Wiggins réussissait toujours<br />

à sucer la crasse, la corruption et la décadence des rues dans le but<br />

de nous les restituer.

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