GUIDE DE GESTION DES ACTIFS INDUSTRIELS - Dunod
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PRÉFACE<br />
C’est avec plaisir que j’apporte mon petit couplet liminaire à ce<br />
que Celso de Azevedo offre à nos collègues professionnels de la<br />
maintenance. Je suis de ceux, assez rares probablement, à avoir<br />
essayé de lire cet ouvrage dans sa version originelle : en portugais<br />
du Brésil. Même si je n’y avais pas tout compris, elle avait l’avantage<br />
de vibrer à mon oreille avec tout le pittoresque et la truculence qui<br />
colorent naturellement les conférences et discussions de l’auteur.<br />
Merci aux traducteurs d’avoir su respecter ce côté latino-américain<br />
qui n’a rien à envier à nos contrées provençales et méditerranéennes.<br />
Le sujet traité le méritait bien.<br />
J’ai récemment eu l’occasion, grâce à l’Abraman (la puissante association<br />
brésilienne de maintenance) et à l’auteur, membre du<br />
Conseil directeur pour les affaires internationales de m’imprégner<br />
directement in situ de cette philosophie brésilienne très pragmatique<br />
qui manquait à mon éducation. Les grands principes, devenus<br />
universels ou presque, sont ici discrètement évoqués, suggérant<br />
plutôt que déclinant, les longs préceptes qu’imposent les doctrines<br />
auxquelles nous sommes trop nombreux à avoir cherché à convertir<br />
nos pairs. On a trop souvent oublié le simple « bon sens » qui doit<br />
accompagner notre métier. Remercions Celso de Azevedo de nous<br />
rappeler à l’ordre en citant Mark Twain. Nous avons heureusement<br />
toujours dans nos équipes opérationnelles des gens dont le savoirfaire<br />
et l’expérience, ajoutés à leur éducation scolaire et universitaire,<br />
contribuent à une crédibilité souvent juste suffisante pour aider à<br />
prendre les bonnes décisions. Mais lorsque nous avons la chance<br />
d’être secondés, dirigés ou conseillés par ceux qui ont, en prime, « le
X Guide de gestion des actifs industriels<br />
sens commun » [qui] n’est [malheureusement] pas si commun,<br />
nous avons droit à un joker protecteur ; nous sommes touchés par<br />
la grâce. Ce qui nous est transmis ici traduit très bien cette vision<br />
du métier de la maintenance qui, loin d’être une science exacte, a<br />
besoin d’intelligence, au sens de la compréhension, de l’empathie<br />
de ce qui nous entoure, y compris des matériels et équipements que<br />
nous avons tous eu envie de « faire parler » aux moments les plus<br />
inquiétants de leurs défaillances, sachant bien que ce ne serait jamais<br />
sous la contrainte. Quatre-vingt-dix pour cent d’un diagnostic<br />
médical provient de ce que le patient dit à son médecin ou de ce que<br />
le praticien a pu lui soutirer à son insu ou de son plein gré. Nos<br />
premières auscultations avec notre tournevis à l’oreille, collé à la<br />
machine, nous ont appris ce côté « Laennec » de notre métier, quand<br />
ce n’est pas « Docteur Knock » face au dogmatisme médical. Mais,<br />
à défaut de « machines qui parlent » il nous appartient de trouver<br />
parmi « nos frères humains… au bon sens rassis… », de notre bon<br />
vieux Villon, ceux qui pensent et restituent, à leur place, les sensations<br />
« douloureuses » de nos équipements.<br />
Forts de ce nouvel outil, il nous sera plus facile de faire accepter<br />
par nos plus jeunes collègues et souvent aussi par nos étudiants, dont<br />
les esprits neufs sont plus attentifs et réceptifs aux conseils des<br />
anciens, d’avoir des « têtes bien faites » plutôt que « bien pleines ».<br />
Leur sens critique ne nous épargne cependant jamais, jusqu’à relever,<br />
sans concession, nos propres contradictions. Ils ne manqueront pas,<br />
par exemple, de souligner certaines divergences entre les conclusions<br />
et certains écrits péremptoires, y compris les miens, sur l’externalisation<br />
de la maintenance en particulier. Ceci mettra du sel dans<br />
les discussions et thèses qu’ils sont amenés à soutenir devant nous<br />
et les industriels qui les parrainent.<br />
Nous ne pouvons que vivement suggérer la lecture et la diffusion<br />
de cet ouvrage qui sera, à n’en pas douter, un vade mecum de la<br />
profession. Écrit par un de ses pairs, avec humour et pertinence, il<br />
apporte une note internationale au grand club où nous avons<br />
coutume de reconnaître, non sans une pointe d’ironie, les « militants<br />
de la maintenance ».<br />
Jean-Claude Francastel<br />
Ancien Elf Aquitaine (Total) et Bouygues Offshore (Saipem)
TABLE <strong>DE</strong>S MATIÈRES<br />
Remerciements VII<br />
Préface IX<br />
Présentation XIII<br />
Pour qui j’ai écrit ce livre XV<br />
Introduction. La bombe à retardement 1<br />
1. Loving Care 11<br />
2. Maintenance fonctionnelle versus maintenance<br />
matérielle 25<br />
3. « J’en repousse une… (la tâche préventive) » 35<br />
4. Gérer les stocks à risque consenti 47<br />
1. La difficulté d’évaluer la demande 51<br />
2. Le délai d’approvisionnement des pièces 52<br />
3. Demande versus ressources financières disponibles 52<br />
4. Le contrôle des stocks 53<br />
5. Un niveau de commande trop bas 54<br />
6. Le facteur humain 56
XII Guide de gestion des actifs industriels<br />
5. La gestion de l’incertitude 63<br />
6. Organiser la mort et le remplacement<br />
d’une machine 79<br />
7. En modifiant les machines 91<br />
8. Des attitudes contre-productives 101<br />
Penser à la solution sans avoir examiné<br />
toutes les données du problème 105<br />
Ignorer l’agenda ou la soumission consentie 107<br />
Chercher à justifier les erreurs 107<br />
Conclusion. L’autre rive du lac 111<br />
Glossaire 121<br />
Bibliographie 129<br />
Liste des figures 131<br />
Index 133
POUR QUI J’AI ÉCRIT CE LIVRE<br />
J’ai écrit ce livre pour tous ceux dont l’activité professionnelle est<br />
directement ou indirectement liée au fonctionnement des sites<br />
industriels.<br />
Il est normal que ceux qui travaillent dans la production, et plus<br />
spécialement, dans la maintenance des machines composent la<br />
majorité de mes lecteurs. Car ce livre traite en grande partie de leur<br />
activité, de leurs choix, de leurs dilemmes et de leurs problèmes.<br />
Ces lecteurs pourront se retrouver dans les situations que je décris<br />
et tirer profit – j’en suis certain – des problèmes et des solutions que<br />
je propose. Certains passages devraient même en choquer certains,<br />
mais au fond, toute réflexion faite, ils leur paraîtront finalement<br />
familiers, puisqu’ils font partie de leur vécu. En racontant tout<br />
cela, cher lecteur, mon intention est de montrer que ces situations<br />
n’arrivent pas qu’à vous, mais existent dans des usines aux quatre<br />
coins du monde.<br />
Cet ouvrage s’adresse aussi aux lecteurs appartenant aux domaines<br />
de la finance, de la gestion, et même aux membres des conseils<br />
d’administration. Ma satisfaction serait totale si mon livre se retrouvait<br />
entre les mains de grands industriels, de dirigeants de secteurs<br />
divers et variés, enfin, de ceux dont la mission n’est peut-être pas de<br />
s’occuper des machines mais dont les décisions ont une répercussion
XVI Guide de gestion des actifs industriels<br />
sur leur fonctionnement. C’est en pensant à ces lecteurs que j’ai écrit<br />
ce livre de la façon la plus simple et abordable possible, en évitant<br />
les termes techniques et le jargon des ingénieurs.<br />
C’est pourquoi je demande aux professionnels de la maintenance<br />
de ne pas m’en vouloir si de temps en temps j’ai l’air « d’enfoncer<br />
des portes ouvertes » et d’affirmer des évidences. Si je fais cela, c’est<br />
pour répondre aux demandes de vos (de mes) collègues à l’occasion<br />
d’un séminaire ou d’un colloque : « Celso, ça, il faut le dire à mon<br />
gérant… à mon directeur… à mon patron… à mes actionnaires ».<br />
Certains m’ont suggéré d’écrire un livre sur les méthodes que<br />
j’emploie, mais cette idée ne m’a jamais enthousiasmé. D’abord<br />
parce que les ouvrages méthodologiques sont ennuyeux ; ensuite<br />
parce qu’il y en a déjà beaucoup, et je n’avais pas envie d’en faire<br />
un de plus. J’ai toujours voulu que mon livre serve à diffuser des<br />
idées nouvelles et réponde à l’attente de changements dans les<br />
modes opératoires de l’industrie. C’est pourquoi j’ai eu l’idée de me<br />
mettre dans la peau d’une machine et de raconter, de son point de<br />
vue à elle, les circonstances qui accompagnent ses dysfonctionnements.<br />
Ainsi, tous les chapitres commencent par un commentaire<br />
des machines sur des faits qui se répètent dans toutes les usines<br />
du monde, et sur la base desquels j’expose mes réflexions et mes<br />
propositions.<br />
Ce n’est pas par hasard si j’ai choisi comme titre Guide de gestion<br />
des actifs industriels. Les actifs génèrent des recettes, et les recettes<br />
constituent les bénéfices. Si, d’une façon ou d’une autre, vous êtes<br />
un professionnel attaché aux bons résultats financiers de votre<br />
entreprise, lisez ce livre. Il a été écrit pour vous.
INTRODUCTION<br />
LA BOMBE À RETAR<strong>DE</strong>MENT<br />
« Connaître le chemin<br />
ne dispense pas de le parcourir. »<br />
(Proverbe français)<br />
Il y a des millions de bombes à retardement, en phase de compte à<br />
rebours, dans les usines du monde entier. Elles sont silencieuses,<br />
mais les professionnels qui s’occupent de la maintenance de ces<br />
usines les connaissent. Ils savent, ou tout au moins ils supposent<br />
que ces bombes existent. Certains entendent leur tic-tac et tentent<br />
désespérément d’empêcher l’explosion, mais ils ne peuvent guère<br />
faire plus que retarder l’inexorable. D’autres font semblant d’ignorer<br />
leur tic-tac, car ils se sentent impuissants à empêcher la déflagration.<br />
Et ainsi, d’une façon ou d’une autre, tôt ou tard, les bombes<br />
explosent.<br />
Ces bombes dont je parle, ce sont les conséquences de certaines<br />
décisions prises dans le domaine de la gestion des actifs industriels.<br />
Ces décisions proviennent des objectifs déterminés par la<br />
direction de l’entreprise, passent par divers secteurs et niveaux<br />
hiérarchiques, et leur impact est important quand elles arrivent à
2 Guide de gestion des actifs industriels<br />
l’usine. On va successivement tailler dans le budget de la maintenance,<br />
de l’ingénierie et des projets de modifications apportées aux<br />
machines. On va augmenter la capacité de production sans s’occuper<br />
des conséquences à moyen et long terme. On va diminuer le stock<br />
des pièces de rechange sans évaluer précisément le risque encouru<br />
par leur absence. On va prolonger la vie physique des machines<br />
bien au-delà de la limite de leur vie économique, et ainsi de suite…<br />
Les raisons qui président à ces décisions sont légitimes : l’optimisation<br />
des coûts de fabrication et de maintenance des machines est<br />
indispensable, en cette période de mondialisation et d’augmentation<br />
de la concurrence. Le problème est qu’à leur base il y a des données<br />
incomplètes : on réduit les coûts sans envisager les risques que cela<br />
entraîne.<br />
Quand je parle de risque, je ne me réfère pas seulement à la possibilité<br />
de défaillance par manque de maintenance préventive adaptée,<br />
ce qui entraîne un coût, à savoir la nécessité d’une maintenance<br />
corrective. Mon idée de risque inclut aussi la non-production<br />
comme conséquence de l’arrêt de la machine, ce qui provoque un<br />
manque à gagner – l’argent que l’industrie ne génère pas parce que<br />
la production s’est arrêtée. Dans ce sens, le risque implique un<br />
double préjudice : il faut réparer la machine, et il faut arrêter la<br />
production.<br />
On observe très souvent dans l’industrie que des décisions prises<br />
pour réduire les coûts de maintenance finissent par provoquer des<br />
déséquilibres dans l’usine, qui aboutissent fatalement à un arrêt de<br />
la production et à des pertes considérablement plus élevées que les<br />
économies (ou plutôt, les vaines tentatives d’économies) que l’on<br />
voulait faire. Pour avoir une petite idée du montant économique de<br />
ces risques, voici le rapport entre les coûts :<br />
1 heure de maintenance préventive paye environ 5 heures de<br />
maintenance corrective et 1 heure de manque à gagner paye entre<br />
150 à 400 heures de maintenance corrective.<br />
En faisant un rapide calcul, on constate que le coût d’une heure<br />
de manque à gagner correspond à quelque chose comme 750 à<br />
2 000 fois le coût d’une heure de maintenance préventive. On peut
La bombe à retardement 3<br />
ainsi avoir une idée des conséquences que peuvent entraîner de<br />
mauvaises décisions concernant les réductions de coûts sur le budget<br />
total de maintenance.<br />
Il est évident que personne ne prendrait ces décisions si l’on pouvait<br />
calculer ces risques. Mais voilà le cœur du problème : comment<br />
quantifier ces risques ? Comment les placer sur le même plan que<br />
les coûts, c’est-à-dire, comment les transformer en données chiffrées<br />
qui permettent de démontrer leur impact économique ?<br />
C’est précisément la question qui m’a occupé pendant toute la<br />
période où j’ai travaillé dans l’industrie. Au début des années 1980,<br />
j’étais un jeune ingénieur, et je venais d’être nommé responsable<br />
de la maintenance dans une entreprise de transports urbains, avec<br />
une flotte de trolleybus. Je me souviens comme si c’était hier du<br />
jour où j’ai proposé à mon patron de procéder à une modification<br />
dans une machine, car j’étais certain que, sans cette modification,<br />
nous courions le risque d’avoir de plus en plus de problèmes, jusqu’à<br />
l’arrêt total des machines. Mon patron m’a dit alors : « D’accord,<br />
Celso, faites un rapport qui montre clairement ce que vous voulez<br />
faire, combien cela va coûter, combien cela va durer, et combien<br />
cela va rapporter ». Quand j’ai commencé à faire mon rapport, je<br />
suis arrivé à une conclusion douloureuse : je n’étais pas capable de<br />
quantifier les risques encourus si nous ne faisions pas la modification.<br />
Je ne parvenais pas à trouver d’arguments économiques et<br />
financiers propres à démontrer l’intérêt de ma proposition. J’ai<br />
vite découvert que mon intime conviction technique n’était pas<br />
suffisante.<br />
Ce genre de situation s’est répété plusieurs fois. Comme ingénieur<br />
de maintenance, j’étais intimement persuadé de la validité de mes<br />
propositions d’améliorations, mais je n’arrivais pas à les justifier.<br />
J’avais besoin de transposer ma conviction en chiffres, les mettre<br />
dans un tableau et faire une démonstration à l’entreprise, mais je ne<br />
savais pas le faire. Combien de fois ai-je bafouillé dans les réunions<br />
de direction pour défendre mon point de vue ! C’était un combat<br />
inégal : d’un côté, une réduction des dépenses chiffrée ; de l’autre,<br />
le mien, une exposition à des risques que je ne parvenais pas à
4 Guide de gestion des actifs industriels<br />
quantifier financièrement. Je retournais à mon bureau, triste et amer,<br />
parce que j’étais sûr de ce que je devais faire mais je n’étais pas en<br />
mesure d’en prouver la nécessité. Quelques semaines ou quelques<br />
mois plus tard, que constatait-on ? Que les risques étaient réels et<br />
provenaient des défaillances ou des pannes de la machine. Et que<br />
de toute façon, on finissait par réaliser les modifications proposées<br />
auparavant, mais dans de plus mauvaises conditions et avec des<br />
coûts supérieurs, et tout cela augmentait ma frustration.<br />
Mes collègues ingénieurs de maintenance rencontrent les mêmes<br />
problèmes encore aujourd’hui. Le directeur s’approche et dit :<br />
« Trouvez-moi un moyen d’économiser sur la maintenance, on<br />
dépense trop ». Et ils tentent d’argumenter : « Mais, monsieur le<br />
directeur, mon sentiment est que si on réduit les coûts, on s’expose<br />
à davantage de risques ». Cependant, comme ils n’arrivent pas<br />
aisément à démontrer les risques, les responsables de la maintenance<br />
ne peuvent que se soumettre aux réductions de coûts, qui ne<br />
manquent pas de se produire. La première, la seconde ou la troisième<br />
année, les réductions de coûts ne posent pas de problème majeur,<br />
mais cela ne dure pas longtemps. À un moment donné, la machine<br />
accuse le coup, tombe en panne avec récurrence, et demande une<br />
somme considérable pour être remise en état. D’où l’analogie que<br />
je fais avec la bombe à retardement.<br />
La situation que je viens de décrire provient d’un profond paradoxe<br />
que l’on observe aujourd’hui dans la plupart des entreprises. En<br />
théorie les coûts de maintenance diminuent notablement, mais en<br />
pratique, ils ne font qu’augmenter. Si le budget estimé est réduit,<br />
le budget réalisé dépasse toujours les estimations. C’est l’effet bombe<br />
à retardement ! Les coûts nécessaires pour la réparation des machines<br />
finissent toujours par dépasser largement ce qu’on attendait. Les<br />
modifications, les upgrades (mises à jour technologiques), les remplacements<br />
de pièces, tout ce qui n’a pas été prévu mais a dû être fait,<br />
tout cela fait exploser le budget. Un bon exemple de cet état de fait<br />
est l’évolution du moment où les demandes d’avenants aux budgets<br />
de maintenance se font. À chaque année, il avance de quelques<br />
semaines. Il y a vingt ans, la maintenance commençait à négocier<br />
des avenants avec la direction générale vers le mois de septembre
La bombe à retardement 5<br />
ou octobre. Aujourd’hui, on observe sur le terrain des requêtes<br />
d’avenants dès le mois de juin, voire mai…<br />
Vous allez alors me demander : est-il possible de désamorcer cette<br />
bombe ? Oui, c’est possible, à condition de pouvoir estimer les<br />
risques, les quantifier et évaluer leur impact économique. Alors on<br />
pourra prendre des décisions plus équilibrées, avec un meilleur<br />
ratio entre la réduction des coûts et l’exposition à des risques calculés.<br />
C’est de cela que je parle dans ce livre, en abordant les situations les<br />
plus diverses de gestion des actifs industriels.<br />
Les connaissances que je partage ici avec vous, cher lecteur,<br />
proviennent de la recherche des réponses aux questions qui me<br />
taraudaient quand je travaillais comme responsable de la maintenance.<br />
Si les machines parlaient, je leur demanderais quel serait le<br />
résultat d’une augmentation de l’intervalle de maintenance de trois<br />
à six mois ou d’un accroissement de la capacité de production. Je<br />
leur demanderais à quel endroit elles sont le plus usées et à quel<br />
moment elles doivent prendre leur retraite. Mais comme les<br />
machines ne parlent pas, j’ai dû chercher, comprendre, élaborer et<br />
tester des méthodes pour trouver ces réponses.<br />
Tout a commencé avec une intuition que j’ai eue en 1982. À cette<br />
époque, je travaillais à Ribeirão Preto, ville de province de l’état de<br />
São Paulo où il fait toujours très chaud. J’habitais un immeuble<br />
qui possédait une aire de jeux très agréable et je participais souvent<br />
à des barbecues au bord de la piscine que les copropriétaires<br />
organisaient les week-ends.<br />
Comme il y a dans cette ville une grande faculté de médecine,<br />
j’avais beaucoup de médecins comme voisins. Quand ils allaient à<br />
la piscine, ils laissaient leur bipper accroché à un arbuste du jardin,<br />
où les appareils étaient à l’abri des éclaboussures et où on pouvait<br />
les entendre quand ils sonnaient. Le seul qui n’était pas médecin,<br />
mais qui avait quand même un bipper accroché à l’arbuste, c’était<br />
moi – comme responsable de la maintenance, j’étais de garde le<br />
week-end et on pouvait m’appeler pour une urgence à l’usine. Alors,<br />
au cours d’un de ces barbecues, j’ai regardé l’arbuste et je me suis<br />
dit : « C’est drôle. Mon voisin avocat n’a pas de bipper, mon voisin
6 Guide de gestion des actifs industriels<br />
pilote d’avion non plus, mon voisin commerçant non plus. Les<br />
seuls ici à avoir cet appareil, ce sont les médecins et moi. C’est ça :<br />
je suis un médecin des machines ! »<br />
Ce jour-là, l’étincelle a jailli : pouvait-on envisager la maintenance<br />
d’une machine de la même manière qu’un médecin aborde le traitement<br />
d’un patient ? J’ai pensé que cette analogie pourrait être<br />
utile pour améliorer le travail de l’ingénieur en maintenance en ce<br />
qui concerne la façon de traiter la machine ou de comprendre son<br />
cycle de vie. Le médecin ne met pas le patient sur une table d’opération<br />
pour chercher ce qu’il a, car il sait que cette façon de faire est<br />
invasive et met sa vie en danger. Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen<br />
pour l’ingénieur de sonder les problèmes de la machine au lieu de<br />
l’ouvrir, ce qu’il fait quand elle commence à avoir des problèmes ? Le<br />
médecin travaille sur la base de statistiques concernant la fréquence<br />
des maladies selon les populations, l’efficacité des traitements et des<br />
médicaments. Et si l’ingénieur utilisait aussi des statistiques pour<br />
mieux comprendre le comportement des machines ? Le médecin<br />
comprend que même avec tout son zèle et toute sa compétence il<br />
ne pourra éviter que son patient meure un jour, car tout homme a<br />
un cycle de vie : il naît, grandit, se dégrade et meurt. Tandis que<br />
l’ingénieur ne comprend pas le cycle de vie d’une machine et est<br />
persuadé qu’il peut lui apporter l’éternité.<br />
Il me fallait découvrir une science qui soit pour l’ingénieur de<br />
maintenance ce que la biologie est pour le médecin, et cela est<br />
arrivé trois ans après ce flash. J’étais en France à cette époque, je<br />
faisais de la recherche appliquée à ces questions, et c’est alors que<br />
j’ai connu la Fiabilité, qui traite de la probabilité qu’a une machine<br />
de fonctionner correctement dans des circonstances données<br />
pendant une durée déterminée. Au moyen de modèles statistiques,<br />
cette discipline permet de comprendre ce qui arrive à une machine<br />
quand elle travaille dans des conditions données.<br />
Eureka ! C’est de cela dont j’avais besoin. J’ai alors décidé de<br />
travailler dans le domaine de la recherche scientifique, en essayant<br />
d’associer les problèmes techniques propres aux machines et les<br />
problèmes humains qui en dérivent. La Fiabilité (étymologiquement,
La bombe à retardement 7<br />
ce mot vient de confiance) m’a permis de démontrer la probabilité<br />
des risques que courent les machines en conséquence des « décisions »<br />
dont je prévoyais intuitivement les effets. Mais ce n’était que la<br />
moitié du travail. Il me fallait encore traduire les risques en termes<br />
économiques et financiers. Pour cela, j’ai fait un doctorat en fiabilité<br />
opérationnelle, Ingénierie de la maintenance et Life-Cycle Costing<br />
(LCC) qui traite des aspects économiques du cycle de vie d’une<br />
machine. Quelques années plus tard, ces trois domaines ont été<br />
réunis pour former une nouvelle discipline appelée Industrial Asset<br />
Management, ou Gestion des Actifs Industriels.<br />
En 1991, j’ai obtenu mon titre de docteur à l’Université de Paris.<br />
La période de recherches et d’interrogations touchait à sa fin (ou<br />
plus exactement, scientifiquement parlant, elle ne faisait que<br />
commencer…). Je possédais enfin les outils nécessaires pour pouvoir<br />
mettre les coûts et les risques sur le même plan. Ce résultat avait<br />
pour moi un goût de revanche sur toutes les frustrations et les<br />
déboires accumulés quand j’étais responsable de la maintenance,<br />
sur toutes les couleuvres avalées et non digérées, qui m’ont d’ailleurs<br />
provoqué deux ulcères croisés à l’estomac, ce que les Anglais<br />
appellent des ulcères qui s’embrassent (kissing ulceras). Je me sentais<br />
prêt à aller de l’avant et à élaborer une nouvelle approche de la<br />
gestion des actifs industriels. Mais, après la soutenance, l’un des<br />
membres du jury m’a tiré par la manche et m’a fait remarquer :<br />
« Celso, votre travail est formidable. Sauf que… Je ne veux pas<br />
vous faire de peine, mais personne ne va l’appliquer avant dix ans ».<br />
C’était Jean-Claude Ligeron, le pionnier de la fiabilité opérationnelle<br />
en France.<br />
Il avait raison. Au moins cinq bonnes années se sont écoulées avant<br />
que je ne travaille au développement de solutions complètement<br />
nouvelles concernant la gestion des actifs industriels, à partir de<br />
simulations d’aide à la décision, qui font maintenant partie du<br />
corpus de notre profession (la mienne et celle de mes collègues),<br />
avec l’ingénierie de la maintenance, la fiabilité, la LCC et d’autres<br />
méthodes. En mai 2000, neuf ans après la soutenance de ma thèse,<br />
les premiers simulateurs opérationnels d’Asset Management ont été<br />
homologués par la Communauté européenne. En 2008, encore
8 Guide de gestion des actifs industriels<br />
huit ans plus tard, nous avons mis au point une nouvelle génération<br />
de simulateurs d’Asset Management grâce notamment au statut de<br />
« JEI – Jeune Entreprise Innovante » d’Assetsman et le soutien de<br />
l’OSEO (Établissement public français d’aide à l’innovation). Mais<br />
cela n’a pas suffi pour que tout le monde commence à s’en servir<br />
tout de suite. Les grands changements prennent du temps pour être<br />
assimilés, car ils n’amènent pas seulement à modifier les techniques<br />
– mais aussi à transformer les comportements.<br />
C’est d’autant plus vrai que, malgré les progrès de la technique, du<br />
niveau de formation professionnelle et des méthodes de gestion,<br />
l’ingénieur en maintenance continue à se battre contre les mêmes<br />
problèmes de base que ceux que j’ai connus dans les années 1980.<br />
On a maintenant sous la main des méthodes modernes de gestion<br />
des stocks, des logiciels de comptabilité, des techniques de soustraitance<br />
et d’externalisation, et ainsi de suite. Des appareils sophistiqués<br />
sont à notre disposition pour diagnostiquer le taux de<br />
dégradation des machines. Mais cela n’empêche pas que, le dernier<br />
trimestre de l’année, le directeur de l’entreprise vienne demander<br />
au responsable de la maintenance de réduire le budget de l’année<br />
suivante de X %, et celui-ci le fera à contrecœur. Car il lui manque<br />
les arguments pour discuter les objectifs, et les outils pour effectuer<br />
les réductions des coûts avec des risques calculés. Et pourquoi<br />
cela arrive-t-il ? Nous sommes convaincus que ni le spécialiste ni<br />
l’entreprise n’ont adopté une approche économique et financière<br />
des risques.<br />
Je suis fils de comptable, et j’ai compris relativement vite, avec<br />
l’aide de mon père, que les entreprises comptent ce qu’elles gagnent,<br />
mais pas ce qu’elles ne gagnent pas. J’en sais maintenant suffisamment<br />
pour pouvoir affirmer et démontrer qu’en ce qui concerne<br />
les usines qui ne comptent pas leur manque à gagner causé par<br />
leurs défauts de stratégie, ce sont leurs jours qui sont comptés… Il<br />
est temps (plus que temps) de changer, car l’industrie ne peut plus<br />
se permettre de courir des risques inconsidérés, à force de fabriquer<br />
des bombes à retardement et de générer des pertes. L’ingénieur en<br />
maintenance, quant à lui, ne doit plus accepter une vie professionnelle<br />
remplie de frustrations, occupée à remplacer des pièces et à
La bombe à retardement 9<br />
éteindre des incendies. Il doit au contraire se comporter en gestionnaire<br />
des actifs industriels, ce qui est son véritable rôle.<br />
Si les machines parlaient, elles se plaindraient d’être autant<br />
maltraitées. Heureusement, nous n’avons pas besoin qu’elles parlent<br />
pour mieux nous occuper d’elles et leur permettre de mieux<br />
produire durant leur vie. Nous avons maintenant les moyens de<br />
les comprendre.
1<br />
LOVING CARE<br />
« Les passions sont aussi mauvais instruments que<br />
mauvais guides »<br />
Sénèque<br />
« Ah non, pitié, vous n’allez pas recommencer à<br />
me triturer ! Alors, maintenant, toutes les semaines,<br />
vous m’ouvrez, vous me démontez, vous me videz.<br />
Mais vous ne comprenez donc pas que ça me fait<br />
mal ? J’en tremble sur mon axe quand vous vous<br />
approchez de moi avec votre caisse à outils.<br />
Il fut un temps où je croyais que vous étiez mon<br />
médecin, et j’aimais bien que vous vous occupiez<br />
de moi. Mais maintenant vous avez plutôt l’air<br />
d’un monstre, d’un sadique avec cette manie de me<br />
retourner. La dernière fois, vous avez dépassé les<br />
bornes quand vous avez rembobiné mon moteur. Passe<br />
encore, si j’étais vieille. Mais je suis jeune, et<br />
j’ai déjà un moteur rembobiné comme ça !
12 Guide de gestion des actifs industriels<br />
J’aimerais bien voir ce qui se passerait si ça<br />
vous arrivait à vous. J’aimerais bien voir si ça<br />
vous plairait que le médecin vous ouvre le ventre<br />
toutes les semaines, rien que pour voir s’il n’y a<br />
pas de trace d’ulcère. Car c’est exactement ce que<br />
vous faites : vous m’ouvrez pour éviter que j’aie<br />
des défaillances et que je me dégrade. Vous n’attendez<br />
même pas que les symptômes apparaissent. Mais<br />
si vous pensez que tout ça sert à quelque chose,<br />
vous êtes à côté de la plaque.<br />
Est-ce que vous avez oublié que j’ai été conçue<br />
pour produire 10 tonnes par jour ? Et maintenant,<br />
simplement parce que les Chinois achètent tout ce<br />
que je fais, il faut que je fasse 13 tonnes. Et<br />
vous, au lieu de me défendre, vous faites comme si<br />
ça ne prêtait pas à conséquence ! Je me crève la<br />
santé à faire ce que demande votre patron, alors<br />
inutile de me changer tout le temps les pièces. À<br />
quoi ça sert de remplacer les cellules de mes<br />
senseurs quand elles se mettent à clignoter autrement,<br />
de changer mes roulements ou de rembobiner<br />
mon moteur (quelle humiliation !) avant l’heure ?<br />
Tout ça me met dans un état pas possible ! Mais non,<br />
mon vieux, le problème n’est pas là. Je vais de plus<br />
en plus mal, et comme ça, je ne vais tenir que la<br />
moitié du temps pour lequel j’ai été conçue.<br />
Si ça continue comme ça, même si vous vous<br />
occupez de moi (enfin, c’est ce que vous croyez…)<br />
je vais commencer à avoir des défaillances. Je vais<br />
tomber en panne, vous allez me réparer, je vais<br />
retomber en panne, vous allez me reréparer… Jusqu’à<br />
ce qu’un jour on dise que je ne sers plus à rien,<br />
et que je me retrouve à la ferraille. J’ai déjà vu<br />
le film trente-six fois dans cette usine !<br />
Vous devez savoir que vous me condamnez à mort<br />
avant terme. Vous n’avez donc aucun remords ? »<br />
Si les machines parlaient, elles se plaindraient de l’agent de maintenance<br />
qui les manipule plus que nécessaire. Pour diverses raisons,<br />
que nous verrons plus loin, il ne supporte pas de voir sa précieuse
Loving Care 13<br />
machine se dégrader, encore moins avoir des défaillances. J’appelle<br />
cette attitude loving care (le soin affectueux), c’est un des réflexes<br />
les plus habituels de mainteneur dans la vie quotidienne des<br />
usines.<br />
Vue par celui qui est payé pour garder les machines en état de<br />
marche, le soin affectueux (loving care) a l’air d’une magnifique<br />
démonstration de zèle et de compétence professionnelle. En fait,<br />
cela en a l’air – mais c’est faux. Le soin affectueux est le résultat de<br />
distorsions et entraîne précisément ce que l’on veut éviter : que la<br />
machine se dégrade, qu’elle tombe en panne, et qu’on perde de<br />
l’argent.<br />
Pour que vous compreniez comment une attitude apparemment si<br />
positive peut mener au désastre, nous allons commencer ce chapitre<br />
par la présentation du concept de fiabilité intrinsèque (FI), qui est<br />
la genèse du loving care, mais aussi la base de la maintenance. Pour<br />
simplifier, supposons que la FI soit l’ADN ou le code génétique de<br />
la machine, résultat de la combinaison de deux caractéristiques<br />
essentielles : la capacité et la performance.<br />
Comme vous le savez, une machine sort de sa chaîne de fabrication<br />
avec des caractéristiques de capacité (par exemple, produire 10 tonnes<br />
par jour d’un produit donné) et de performance (supposons, assurer<br />
quotidiennement cette capacité de production pendant dix ans).<br />
On l’installe dans l’usine et on la met en marche. On lui attribue<br />
un programme de maintenance préventive, et pour quelque temps<br />
tout se passe pour le mieux.<br />
Mais supposons qu’à cause de la forte concurrence ou de la hausse<br />
de la demande, on décide d’augmenter sa capacité de production.<br />
Quand on augmente la capacité d’une machine, cela a bien sûr<br />
des effets sur sa performance. Si la machine qui a été faite pour<br />
produire 10 tonnes/jour se met à produire 13 tonnes, les performances<br />
en termes de durée de vie, qui étaient à l’origine de 10 ans,<br />
tendront à diminuer. C’est comme si on avait un stylo-feutre réglé<br />
pour faire un trait large de 0,5 mm (capacité) sur un kilomètre<br />
(performance), et que tout d’un coup on voulait faire un trait de<br />
0,7 mm de large. Comme vous le savez, il suffit d’appuyer sur le
14 Guide de gestion des actifs industriels<br />
feutre et il fera 0,7 mm. Sauf que, dans ces conditions, est-ce qu’il<br />
pourra produire un trait d’un kilomètre ? Voilà la question.<br />
On peut facilement observer cette relation entre capacité et<br />
performance en la comparant au système des vases communicants<br />
(figure 1.1).<br />
Capacité<br />
Performance<br />
+ ∆ C – ∆ P<br />
+ ∆ C – ∆ P<br />
Figure 1.1 – Analogie entre la fiabilité et les vases communicants.<br />
On peut observer qu’en situation de fiabilité intrinsèque, les niveaux<br />
de capacité et de performance sont parfaitement égaux. Mais<br />
quand on élève le niveau de capacité, le niveau de performance<br />
baisse d’autant (et vice-versa).<br />
En d’autres termes, une augmentation de la capacité au-delà des<br />
limites déterminées par l’ADN de la machine aura indéniablement<br />
des effets sur sa performance. Mais on dirait que le directeur ne se<br />
souvient pas de cela (et ne tient pas du tout à s’en souvenir) quand<br />
il appelle l’agent de maintenance et lui dit : « On m’a demandé de<br />
produire davantage avec cette machine, et il faut augmenter sa<br />
capacité de 30 %, d’accord ? ». Quand il entend ces phrases, qui<br />
ont tout l’air d’être un ordre indiscutable, le responsable de maintenance<br />
essaie de faire référence à l’ADN (les caractéristiques de la<br />
FI) de la machine, et rétorque : « Mais, monsieur le directeur, si je
Loving Care 15<br />
ne m’abuse, elle fonctionne déjà au maximum de sa capacité, et<br />
même au-delà… ». Alors le directeur lui tapote le dos et lui dit, pour<br />
clore le débat : « Raison de plus pour la bichonner ! ».<br />
Et c’est là qu’entre en scène le loving care. Le responsable de maintenance<br />
sait que l’augmentation de la capacité de la machine va<br />
provoquer un déséquilibre, mais il accepte cette situation. Car aussi<br />
bien, dans l’idée qu’il se fait de son travail, il ne peut pas désobéir<br />
aux « ordres d’en haut » - encore que, selon moi, en montrer les<br />
effets à ses supérieurs soit une « obligation professionnelle ». Et<br />
comme il est responsable de la bonne marche de la machine, il ne<br />
peut en aucun cas la laisser tomber. Au nom de l’affection qu’il<br />
éprouve pour la machine et de la terrible pression que la direction<br />
lui envoie, il redouble d’attention pour sa protégée. Il augmente la<br />
fréquence de maintenance préventive, change les pièces avant<br />
l’heure, ne laisse jamais la malheureuse tranquille… Chaque fois<br />
qu’il stoppe la machine pour faire la révision d’une partie, il en<br />
profite pour faire une révision générale. C’est un autre réflexe du<br />
professionnel de la maintenance : la « maintenance tant qu’on y<br />
est ». « Tant qu’on y est » en train de vérifier les courroies et les<br />
poulies, je vais aussi vérifier les roulements. « Tant qu’on y est, je<br />
fais la révision de la partie mécanique, je vais voir aussi la partie<br />
électrique… ». Aujourd’hui, quand je constate que dans le passé je<br />
faisais pareil, je me demande si à cette époque je m’occupais plutôt<br />
des machines ou faussement de mon emploi !<br />
Pendant quelque temps la machine peut supporter ces conditions<br />
et continuer à fonctionner. Mais comme l’augmentation de la<br />
capacité entraîne une baisse de régime, elle se dégrade de plus en<br />
plus vite. Et plus tôt qu’on ne s’y attendait, elle commence à<br />
présenter des défaillances – et cela, même le loving care le plus<br />
compétent et le plus passionné est incapable de l’éviter.<br />
Toutes les machines, même quand elles fonctionnent au régime<br />
déterminé par la fiabilité intrinsèque, subissent des dégradations<br />
(figure 1.2). Pour certaines, elles peuvent se produire lentement<br />
(dans la figure 1.2, ce cas est représenté par la courbe A) ; pour<br />
d’autres, plus brutalement, surtout si leur ADN est faible (courbe B) ;
Celso de Azevedo<br />
Guide de Gestion<br />
des actifs industriels<br />
Si les machines parlaient...<br />
Traduit du portugais par Michel Crotté<br />
Préface de Jean-Claude Francastel<br />
Durant ces trente dernières années, surtout depuis la mondialisation<br />
de l’économie, l’industrie réduit régulièrement ses coûts pour rester<br />
compétitive.<br />
Mais il est de plus en plus difficile de contenir le budget d’une de<br />
ses branches : la maintenance des sites industriels. On s’efforce<br />
d’assurer la maintenance de la façon la plus économique possible,<br />
mais on ne parvient pas à éviter l’augmentation de certaines<br />
dépenses, comme la réparation des machines – sans parler du<br />
manque à gagner dû aux arrêts de la production. La réduction des<br />
coûts de la maintenance aurait-elle atteint ses limites ?<br />
Pour l’auteur de ce livre, consultant industriel de renommée<br />
internationale, c’est dans la manière dont les entreprises ont<br />
l’habitude de gérer leurs budgets de maintenance que se trouvent<br />
les limites. En se mettant à la place des machines, l’auteur propose<br />
une approche nouvelle et originale de la gestion des actifs industriels<br />
(Asset Management) : il démontre quels bénéfices peuvent être tirés<br />
de la comparaison entre coûts et risques pour différents aspects de<br />
la maintenance industrielle, assurant ainsi une compétitivité accrue<br />
et des résultats financiers substantiels pour les entreprises.<br />
6663991<br />
ISBN 978-2-10-052102-9 www.dunod.com<br />
CELSO <strong>DE</strong> AZEVEDO<br />
est fondateur et directeur général<br />
d’Assetsman, société d’études<br />
spécialisée en Asset Management<br />
Industriel dont le siège est en France<br />
et la filiale au Brésil. Spécialiste en<br />
méthodologies de gestion d’actifs<br />
industriels, en ingénierie de<br />
maintenance et en analyse de<br />
la relation risque/coût dans<br />
la production industrielle,<br />
il est reconnu comme le pionnier<br />
de l’introduction des méthodes<br />
de Life-Cycle Costing et de<br />
Reliability-Centered Maintenance<br />
dans des projets visant à améliorer<br />
la production dans divers secteurs<br />
industriels en France, au Brésil<br />
et dans dix autres pays. Il est<br />
par ailleurs intervenant au Mastère<br />
Spécialisé de l’ENSAM et responsable<br />
pédagogique de l’Executive<br />
Certificate in Asset Management<br />
de l’École Centrale de Paris.