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Ciïfi<br />

Ôua rante-Sixléme Anne© 3' Trimestre -<strong>1941</strong> N- 167<br />

râ([2_1 DEC 19^21 j2§<br />

BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Oociété<br />

de Oéographie d'Alger<br />

DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

ALGER —<br />

IMP. IMBKRT


Société de Géographie d'Alger<br />

et de l'Afrique du Nord<br />

CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />

Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, Conseiller à la Cour<br />

d'Appel d'Alger.<br />

Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé<br />

rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />

MM. BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />

BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographie au<br />

Lycéë~d'<br />

Alger.<br />

BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes,<br />

mixtes.<br />

CHAMSKI-MANDAJOES, Trésorier-payeur général.<br />

JOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />

Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />

des Colonies françaises.<br />

Commandant LEHURAUX.<br />

Général MEYNIER.<br />

Colonel PEYRONNET.<br />

PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />

RIMBAULT Paul, ancien rédacteur en chef de la « Dépêche Algé<br />

rienne » et de P « Effort Algérien ».


BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Société de Géographie d'Alger<br />

ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

Quarante-Sixième Année 3" Trimestres -<strong>1941</strong><br />

N°<br />

-167<br />

La Monnaie au Service de la France ai<br />

M. de Rincquesen expose tout d'abord le rôle de la monnaie dans l'Econo<br />

mie générale. La monnaie a, pour premier çbjet, de faciliter les échanges,<br />

puis de mesurer la valeur des objets échangés. Pour bien remplir cet objet, la<br />

monnaie doit être en quantité suffisante,<br />

valeur demeure-t-elle stable.<br />

mais non pas en excès : ainsi sa<br />

Le Conférencier expose ensuite comment les métaux précieux, or et argent,<br />

non périssables, furent vite choisis comme monnaie. Puil il montra comment,<br />

pour répondre au développement économique, fut inventée la monnaie de<br />

crédit : le billet de banque d'abord, puis les monnaies scripturaires, c'est-àdire<br />

les procédés de règlements bancaires.<br />

Ces préliminaires posés, M. de Rincquesen expose la situation monétaire<br />

avant 1914. A cette époque heureuse, entre la plupart des Nations, les échan<br />

ges s'effectuaient normalement, les balances des comptes étaient en effet bien<br />

équilibrés. Les déséquilibres étaient rares et de faible amplitude, et par suite<br />

les envois d'or qui servaient à les compenser étaient minimes. Avant 1914,<br />

l'Or était effectivement « roi », réglant souverainement les échanges entre<br />

les pays, et exerçant sur la plupart des grandes nations une royauté bienfai<br />

sante et facile.<br />

Survint la Guerre de 1914 qui, dans tous les domaines, détraqua tout. La<br />

solide ordonnance des échanges internationaux fut bouleversée, l'équilibre<br />

des balances des comptes entre peuples fut ébranlé, le bel édifice monétaire<br />

d'avant 1914 détruit. L'or fut dans l'impossibilité de continuer son rôle anté<br />

rieur : le mécanisme monétaire de l'or, merveilleusement sensible et délicat,<br />

ne pouvait continuer à fonctionner normalement avec une économie mondiale<br />

détraquée. Il devait abdiquer sa royauté et rentrer dans l'ombre pendant un<br />

certain temps. On voulut cependant le maintenir roi, dans des conditions<br />

impossibles, et ce fut là l'erreur.<br />

Lé Conférencier aborde maintenant le problème actuel de la monnaie,<br />

d'abord sur le plan international puis sur le plan intérieur.<br />

Sur le plan international, l'équilibre des échanges dans le monde fut rompu<br />

du fait de la guerre de 1914, l'or ne peut plus maintenir son rôle de monnaie,<br />

il nous faut revenir en arrière, reprendre les échanges, non plus par l'inter<br />

médiaire d'une monnaie, mais directement par troc : un pays ne pourra<br />

vendre à un autre que pour, la seule valeur de ses achats.<br />

Sur le plan national, la guerre de 1914 et l'après-guerre amena les Etats à<br />

faire aux Banques d'émission des emprunts massifs. Celles-ci durent émettre<br />

des billets pour des chiffres fort élevés, établir par suite le cours force. La<br />

aussi la royauté de l'or devint impossible, et ce fut encore une erreur de pré<br />

maintenir quand même une relation entre la valeur d'un billet et celle<br />

tendre<br />

du métal or.<br />

m Compte rendu de la Conférence de M. de Rincquesen à la Société de<br />

(géographie d'Algéer faite le samedi 15 mars <strong>1941</strong>.


^"J;<br />

re?ee<br />

•<br />

monnaie<br />

Que faut-il donc faire actuellement pour que la<br />

d'émanciper la monnaie<br />

Il semble indispensable, du moins pour l'instant,<br />

fiduciaire de la tutelle du métal jaune. Mais alors


La Première Occupation militaire<br />

de ïOasis d'EI-Goléa<br />

A Iticcasion du cinquantième anniversaire de l'occupation militaire de<br />

.'l'oasis d'EI-Goléa, M. le Commandant Lehuraux a fait un intéressant histo<br />

rique sur les origines connues de cette cité saharienne et a rappelé les évé<br />

nements qui ont précédé et suivi son occupation militaire par une compa<br />

gnie du 1"<br />

Régiment de Tirailleurs Algériens, commandée par le Capitaine<br />

Lamy, qui devait plus tard immortaliser son nom en tombant héroïquement<br />

au champ d'honneur au combat de Kousri, sur les bords du lac Tchad, en<br />

avril 1900.<br />

C'est le célèbre explorateur Henri Duveyrier, célèbre surtout par son<br />

inoubliable séjour chez les Touaregs Ajjer, où il se lia d'amitié avec le fa<br />

rouche Amenonkal Ikhenouken, qui, le premier Français, visita El-Goléa en<br />

septembre 1859. Il était heureusement porteur d'une lettre de recomman<br />

dation du puissant chef de la confrérie religieuse musulmane des Oulad<br />

Sidi Cheikh, Si Hamza, notre Khalifa du sud, dont l'influence s'étendait<br />

jusqu'à ces contrées lointaines. Sans ce précieux talisman, il est probable<br />

que Duveyrier eut payé de sa vie sa téméraire* entreprise.<br />

Trois années plus .<br />

tard, en 1863, le capitaine Burin du Buisson, comman<br />

dant supérieur du Cercle de Géryville, vint occuper El-Goléa au nom de la<br />

France. C'est un épisode peu connu de la pénétration saharienne et il semble<br />

que le commandant Cauvet, qui n'ignore rien des choses sahariennes, soit<br />

le seul historien qui ait signalé cette expédition hasardeuse.<br />

La population d'EI-Goléa se compose de sédentaires et de nomades. Les<br />

sédentaires comprennent une centaine de Zénètes, descendants des anciens<br />

Berbères dont parle Ibn Khaldoun, et quelques centaines de harratines, pro<br />

duits métissés de la race blanche orientale et de la race noire. Ces harratines<br />

sont les seuls travailleurs du sol. Mais la vraie population d'EI-Goléa est<br />

celle que l'on ne voit pas, dont on,n'aperçoit quelquefois, dans le lointain,<br />

au creux d'une dune de sable, que les demeures de laine comme de minus<br />

cules points noirs sur le sol fauve. Ce sont les nomades, les» Chaamba Mouadhi,<br />

qui se disent et se croient de pur sang arabe.<br />

L'arrivée de ces Chaamba dans la région d'EI-Goléa, uniquement habitée<br />

jusque-là par des Berbères remonte vraisemblablement au XVIe siècle. Cette<br />

intrusion fut pour le pays une calamité. El-Goléa, ou plutôt Taourirt, qui<br />

était alors son véritable nom, était en effet un centre vivant ; la population<br />

s'adonnait à la culture du palmier-dattier, aux travaux aericoles et de luxu<br />

riants jardins s'étendaient dans toute la vallée de l'oued Seggueur, au mi<br />

lieu de laquelle se trouve l'actuelle palmeraie. Les nouveaux arrivants sac<br />

cagèrent toutes ces richesses naturelles et il fallut attendre l'occupation<br />

française pour rendre à l'oasis sa prospérité d'autrefois.<br />

Après la guerre de 1870 et lors de l'insurrection qui suivit la défaite, l'oa<br />

sis d'EI-Goléa était devenue un repaire de bandits, de dissidents. Le général<br />

de Gallifet reçut la mission d'aller y rétablir l'ordre. En janvier 1873, il<br />

quittait Ouargla à la tête d'une colonne légène pour gagner El-Goléa par la<br />

route des caravanes, en traversant une région très aride. Le 24 janvier.<br />

après une marche rapide et vigoureusement conduite qui avait émerveillé<br />

les populations, le général dressait sa tente sur les murs de Taourirt et fai<br />

sait flotter le drapeau français au sommet du vieux ksar berbère. Le 1er fé-


vrier, la colonne reprenait la route du nord, de sorte que peu après son dé<br />

part,<br />

saharien.<br />

les pirates du désert redevenaient les maîtres redoutables du maquis<br />

Cela n'empêcha point l'héroïque Soleillet d'y<br />

séjourner en 1874 et même<br />

de pousser jusqu'au Tidikelt. Mais il ne put pénétrer dans In-Salah et il<br />

dut s'empresser de rebrousser chemin pour ne pas être massacré.<br />

Moins heureux furent les Pères Blancs Paulnier, Menoret et Bouchaud<br />

étaient partis résolument pour accom<br />

qui, deux années plus tard, en 1876,<br />

plir la mission de paix que le grand Cardinal Lavigerie leur avait assignée.<br />

A huit étapes au sud d'EI-Goléa, les trois missionnaires furent assassinés<br />

et leurs restes reposent aujourd'hui dans un petit enclos du bordj d'Inifel,<br />

que le sable envahissant recouvre chaque année davantage.<br />

- Jusque là, nos troupes n'avaient pas dépassé Laghouat, qu'elles occu<br />

paient de façon permanente depuis que le général Télissier avait emporté<br />

la ville d'assaut, avec l'aide du général Yousouf, le 4 décembre 1852. Plus<br />

tard, en 1882, l'occupation définitive du Mzab fut décidée et l'on y créa<br />

un Cercle dont le premier commandant supérieur fut le commandant -Di<br />

dier, remarquable officier, dont le conférencier trace le pittoresque por<br />

trait. Le commandant Didier avait la mission de surveiller étroitement les<br />

agitateurs, mais il lui était interdit d'occuper El-Goléa. Il tourna la diffi<br />

culté en y installant un pigeonnier militaire avec un sapeur colombophile.<br />

Malheureusement, le sapeur ne put résister au climat et dut être évacué<br />

d'urgence. Quant aux pigeons, ils devinrent la proie des rapaces ailés et de<br />

ceux du bled.<br />

Le premier officier détaché officiellement à El-Goléa fut le lieutenant<br />

Berlié. Il n'y resta que quelques mois et fut remplacé par un volontaire, le<br />

lieutenant Cauvet, qui fut l'un des plus brillants officiers de bureau arabe.<br />

Avec des accents où l'on discernait l'émotion et l'admiration, le commandant<br />

Lehuraux retraça la magnifique carrière de M. Cauvet, qui prit sa retraite<br />

avec le grade de commandant, après avoir rempli les plus hautes et les<br />

plus tâches au délicates^ Sahara. Il rappela ses nombreux travaux scienti<br />

fiques, ses initiatives fécondes et hardies, la part prépondérante qui lui re<br />

vient dans la pénétration en pays touareg par l'envoi de la reconnaissance<br />

Cottenest en 1902. qui battit les Touaregs à Tit, dans le Hoggar, et nous<br />

ouvrit ainsi définitivement le Haut-Sahara.<br />

Mais l'occupation militaire d'EI-Goléa devenait de plus en plus nécessaire<br />

et le Gouvernement se décida enfin à prendre cette mesure, en y envoyant<br />

une compagnie de Tirailleurs Algériens pour y tenir garnison d'une façon<br />

permanente.<br />

C'est en janvier 1891 que le détachement, composé en majorité de Kabyles<br />

encadrés par une vingtaine de gradés français, quitta Laghouat. Le confé<br />

rencier décrivit avec détails les lonsrues étapes dans la région des daias<br />

d^abord, puis à travers les ravins profonds et abrupts de la Chebka du Mzab,<br />

où la pierre noire, calcinée, aux arêtes tranchantes, coupait et meurtrissait<br />

cruellement les pieds nus des Tirailleurs. Mais l'arrivée "à El-Goléa fut une<br />

splendeur. L'oasis se révéla aux Turcos comme le paradis promis aux vrais<br />

Croyants par le Livre sacré. TTn bordj fut rapidement construit. On creusa<br />

des forages artésiens aux emplacements qu'avait indiqués le lieutenant Cau-<br />

yet^après des études sérieuses. Lamy dressa, d'autre part, a petite troune<br />

à l'équitation du méhari et il lui fit exécuter des reconnaissances dans les<br />

environs immédiats de l'oasis.<br />

Le commandant Lehuraux fit alors connaître à son auditoire la curieuse<br />

et attachante figure de ce chef remarquablement doué nour la vie austère<br />

du Sahara. Les indieènes le désignaient sous le nom de El Hadj Lamin, tant<br />

il les impressionnait par sa grande connaissance de leur langue sa charité<br />

sa simplicité et sa façon de s'entretenir avec eux tout en égrenant un cha<br />

pelet d ambre entre ses doiets à la façon des fervents musulmans. C'est pen<br />

dant le séjour de Lamy à El-Goléa qu'eut lieu l'installation des Pères Blancs<br />

dans cette oasis. La prise de possession morale marchait ainsi de pair avec<br />

la conquête militaire et il en sera de même douze années plus tard, lorsque


Laperrine entreprendra avec son ami le Père Charles de Foucauld la paci<br />

fication du pays touareg.<br />

El-Goléa paraissait devoir rester longtemps notre poste le plus avancé<br />

du désert. L'occupation des oasis du Tidikelt, du Gourara et du Touat, puis<br />

celle du Hoggar mirent fin à son rôle de sentinelle extrême. El-Goléa ne<br />

resta plus qu'un poste intermédiaire sans intérêt militaire. Les belles ca<br />

sernes édifiées pour recevoir la troupe furent abandonnées et servent au<br />

jourd'hui en partie d'hôtel confortable pour les voyageurs de passage.<br />

Le conférencier termina sa causerie par une belle description de l'oasis<br />

qui a conservé et développé pour l'agrément des touristes nombreux qui la<br />

visitaient naguère et qui reviendront la revoir, son charme prenant, sa grâce<br />

exquise, sa lumière souveraine, sa parfaite harmonie.


La RAM1E<br />

Textile Algérien possible<br />

(Conférence faite sous les auspices de la Section de l'Agriculture<br />

et de la Colonisation de l'Office Colonial)<br />

1°) La nécessité impérieuse d'une production textile<br />

en Algérie<br />

La Métropole,<br />

aujourd'hui privée des importations étrangères<br />

qui étaient à la base de son industrie textile,<br />

se tourne, inquiète,<br />

vers son Empire et lui demande d'entreprendre sur la plus vaste<br />

échelle possible la production des matières premières indispen<br />

sables à ses filatures pour la couverture de ses besoins les plus<br />

réduits et les plus urgents.<br />

S'il ne semble pas possible d'envisager sérieusement et rapide<br />

ment une production impériale telle qu'elle puisse pallier aux im<br />

portations d'avant-guerre (évaluées à : 350.000 quintaux de fibres<br />

de lin, 150.000 quintaux de chanvre, 2.700.000 quintaux de co<br />

ton, etc.), il apparaît cependant que la France d'outre-mer puisse<br />

apporter à la Mère Patrie une contribution non négligeable par<br />

le développement accéléré de certaines cultures qu'une économie<br />

mal comprise avait jusau'ici empêché de s'établir ou de s'étendre.<br />

L'Algérie peut et doit s'intégrer dans l'effort à entreprendre.<br />

Comme pour d'autres productions, elle est prête à répondre gé<br />

néreusement à l'appel qui lui est adressé, d'autant que ses besoins<br />

propres, satisfaits avant guerre par les importations métropoli<br />

taines et aujourd'hui de ravitaillement précaire, réclament une<br />

solution urgente par l'établissement d'une politique .textile locale<br />

bien comprise et de résultats rapides.<br />

Importations textiles algériennes (1938)<br />

Quintaux<br />

Fils Tissus<br />

Lin 101 1.<strong>42</strong>5<br />

Chanvre 319<br />

Ramie 476<br />

Jute 6.989 9.029<br />

Divers 8.352 8.441<br />

A reporter


Report<br />

Coton 215.545<br />

Laine<br />

Soie naturelle<br />

Soie artificielle<br />

Sacs jute<br />

Velours<br />

Rayonne<br />

Alpaga<br />

Vêtements et divers<br />

215.545 124.192<br />

2.343 192.754<br />

66 201<br />

129 »<br />

76.709<br />

159<br />

9.956<br />

372<br />

233.844 <strong>42</strong>4.314<br />

658.158<br />

211.570<br />

Total. 869.728 quintaux<br />

valant 563 millions de francs.<br />

2°) Les cultures textiles possibles en Algérie<br />

L'éventualité du développement de la culture de plantes textiles<br />

ou à fibres en Algérie n'est pas d'ailleurs chose nouvelle. Agitée,<br />

en effet, dès le début de notre colonisation, la production de plantes<br />

textiles en Algérie n'a jamais progressé ni sérieusement ni dura<br />

blement, non par suite d'impossibilités culturales vraiment désa<br />

vantageuses,<br />

mais toujours parce que des difficultés industrielles<br />

ou économiques ont surgi chaque fois qu'il s'est agi de les dévelop<br />

per ou de les implanter à nouveau.<br />

Parim les nombreuses plantes textiles dont la culture a pu au<br />

trefois être préconisée, essayée ou développée en Algérie, il est<br />

nécessaire de faire un choix sévère, au moment où les nécessités<br />

s'avèrent si cruelles et où l'on repart de zéro, de façon :<br />

à ne pas disperser les efforts,<br />

à ne développer que les cultures les plus certaines et les plus<br />

rémunératrices,<br />

à ne conseiller que la culture de plantes à rendement immédiat<br />

et élevé en fibres vraiment intéressantes pour l'industrie.<br />

Il ne peut donc s'agir de reprendre le jute, le kapock, les hibis<br />

cus, abistilon, etc.,<br />

plantes tropicales ou subtropicales introduites<br />

autrefois dans la Colonie à des fins industrielles par une mécon<br />

naissance totale du véritable climat agricole local.<br />

Le chanvre et le lin, bien que de bonne venue sous nos condi<br />

tions,<br />

ne semblent pas se propager rapidement et énormément en<br />

raison des difficultés de rouissage signalées depuis longtemps en<br />

Afrique du Nord (et apparemment non encore solutionnées heu<br />

reusement jusqu'ici) et de la qualité inférieure des filasses obte-


10<br />

nues. Je signalerai toutefois en passant que si la culture du lin<br />

textile n'est pas à entrevoir (à moins cependant que les essais<br />

marocains actuellement en cours n'aboutissent à des résultats<br />

tangibles et intéressants), l'utilisation à des fins textiles de la<br />

paille de lin à graines (dont la culture comme oléagineux est en<br />

voie d'extension sensible tant au Maroc qu'en Algérie) mérite<br />

de retenir très sérieusement l'attention pour la fabrication de tis<br />

sus grossiers et de toiles d'emballage (tabac, coton, etc.).<br />

Le grand textile algérien jusqu'ici préconisé et qui a toujours<br />

tenté la culture algérienne a été et reste encore le coton. Bien con<br />

nu de l'agriculture locale (puisqu'il a occupé plus de 8.000 Ha en<br />

1926), le cotonnier est susceptible aujourd'hui, à la faveur des<br />

hauts cours pratiqués (le prix du quintal fibre est lié au prix du<br />

blé par le coefficient 10 majoré d'une prime de 20 %), de l'exis<br />

tence de contrats de culture garantis pendant 5 ans par le Gou-"<br />

vernement et d'une organisation professionnelle très poussée<br />

(syndicat obligatoire des planteurs et coopérative obligatoire d'é-<br />

grenage et de vente), de couvrir des superficies importantes,<br />

principalement dans les périmètres irrigables nouvellement<br />

créés. Parties de 30 Ha en 1939, les cotonneraies ont occupé, en<br />

<strong>1941</strong>, 2.500 Ha environ. La possibilité maximum de la culture<br />

algérienne a été évaluée à 20.000 Ha, mais il ne semble pas ce<br />

pendant que ce plafond théorique puisse être rapidement atteint,<br />

car il ne faut pas oublier, lorsqu'on parle coton en Algérie, que<br />

notre Colonie est à la limite Nord de l'aire de culture économique<br />

du cotonnier et que les rendements et les récoltes y sont trop sous<br />

la dépendance de l'inclémence des climats saisonniers (printemps<br />

et automne).<br />

Même si on atteignait ces 20.000 Ha et en se basant sur le ren<br />

dement cotonnier moyen algérien qui est de 2 quintaux 5 de fibre<br />

à l'hectare, la production algérienne ne représenterait jamais que<br />

50.000 quintaux, soit le 1/50"<br />

des besoins normaux en coton de<br />

la Métropole et le 1/6°<br />

des besoins strictement algériens.<br />

Le coton, réclamant en Algérie le secours de l'irrigation (à part<br />

quelques zones sans grandes possibilités actuelles d'extension),<br />

on ne peut entrevoir le dépassement futur de ces 20.000 Ha, en<br />

core loin d'ailleurs de pouvoir être atteints. Donc, notre appoint<br />

actuel et ultérieur à la Métropole reste pour ce textile des plus<br />

limités.<br />

Il convient donc de rechercher d'autres plantes à fibres dont<br />

la production s'ajouterait à celle du coton.<br />

C'est alors qu'il devient intéressant de ressortir de l'ombre où<br />

elle était tenue, une plante textile bien connue par sa belle filasse,<br />

brillante, imputrescible, servant à la confection de tissus fins!<br />

soyeux (et chose particulièrement appréciable de nos jours<br />

pûtes « inusables », je veux parler de la Ramie, dont la culture<br />

a ete préconisée en Algérie en diverses reprises depuis le milieu<br />

du siècle dernier.


Tentée par Hardy<br />

il<br />

au Jardin d'Essai du Hamma (où sa culture<br />

a été depuis religieusement conservée) , la Ramie a connu une cer<br />

taine importance en 1870 aux environs d'Alger,<br />

en 1884 à Bou-<br />

farik, en 1890 dans la Région de Perrégaux et de Saint-Denis-du-<br />

Sig, en 1903 à Rivet (plantation Dazey), en 1916 au Lac Alloula<br />

(Mitidja) et enfin, en 1919, dans la Région de Collo.<br />

Mais tous ces essais se sont poursuivis sans que la culture<br />

s'étende en Algérie, bien que la Ramie vienne admirablement<br />

dans les terrains riches et frais (ou pouvant être irrigués facile<br />

ment) de la Colonie et y donne des récoltes abondantes en fibres<br />

de qualité.<br />

La culture a été chaque fois abandonnée par suite de conditions<br />

économiques mauvaises et de difficultés industrielles suscitées<br />

par le défibrage.<br />

La Ramie a été de nouveau essayée en 1928 en Algérie à la<br />

suite de la mise au point de nouvelles machines à décortiquer et<br />

sous l'impulsion de M. F. Ancey, vice-président de la Chambre<br />

d'Agriculture d'Alger, dans_ les régions de Mirabeau (Kabylie),<br />

de Perrégaux, d'Orléansville et d'Alger (Baba-Ali). Pour des rai<br />

sons diverses (culturale et mécaniques), les plantations dispa<br />

rurent au bout de quelques années, sauf celle du Jardin d'Essai<br />

et la Ramie connut à nouveau l'oubli.<br />

L'après-guerre et ses besoins lui redonnent de l'actualité. Des<br />

ramières sont en voie de constitution dans les périmètres irri<br />

gables (vallée du Chéliff, région des Attafs, Carnot), des résul<br />

tats expérimentaux encourageants venant d'être obtenus à Alger<br />

par des ingénieurs constructeurs de machines à défibrer perfec<br />

tionnées. La production en 19<strong>42</strong> des quelques dizaines d'hectares<br />

des plantations algériennes permettra de juger industriellement<br />

de la valeur des machines proposées et des fibres obtenues.<br />

Sous la pression des circonstances, l'Ortie de Chine (le<br />

Boehmeria ou Urtica nivea des botanistes) intéresse à nouveau<br />

l'agriculture algérienne ; le nouvel essai sera-t-il plus heureux<br />

que les précédents ?<br />

3°) Les conditions de développement de la culture<br />

de la remise en Algérie<br />

Si on recherche les causes qui, dans le passé, s'opposèrent au<br />

développement et au maintien de la culture de la Ramie, on<br />

s'aperçoit que le problème de la Ramie est surtout dominé par<br />

des considérations d'ordre économique et industriel.<br />

Avant guerre, la production chinoise de Ramie (china grass)<br />

suffisait aux demandes de l'Europe (Allemagne surtout) et rien<br />

ne faisait prévoir que ce textile, malgré la beauté et les grandes<br />

qualités de ses fibres, deviendrait d'une actualité pressante et


12<br />

s'érigerait en concurrent sérieux possible des autres<br />

plantes à<br />

fibre, comme le coton, le lin, le jute ou le chanvre, couramment<br />

cultivés dans le monde et utilisés par tous les peuples. Il y avait<br />

donc un marché mondial de la Ramie très limité.<br />

De plus, l'industrie textile européenne,<br />

périorité reconnue de la fibre de Ramie,<br />

malgré la grande su<br />

a toujours voulu acheter<br />

cette matière première à des prix avantageux pour elle et qui<br />

l'étaient moins pour la production. Cette erreur (commune à beau<br />

coup d'industries d'utilisation des produits agricoles) freinait les<br />

agriculteurs coloniaux dans les tentatives d'une culture par ail<br />

leurs rendue délicate par des difficultés d'extractions des fibres.<br />

A l'heure actuelle, la question du prix n'est plus, sous la pression<br />

des circonstances, un obstacle au développement de la culture de<br />

la Ramie.<br />

Mais la Ramie ne se développera,, vraiment dans les Colonies<br />

Françaises et en Algérie que le jour où une machine à décortiquer<br />

pratique et au point sera mise à la disposition des agriculteurs<br />

et où les difficultés concernant l'emploi de la Ramie par les fila-<br />

teurs seront aplanies.<br />

L'extraction des fibres de Ramie est, en effet,<br />

que pour le lin et le chanvre un simple rouissage suffit,<br />

difficile. Tandis<br />

que pour<br />

le coton des égreneuses simples peuvent être utilisées, il en est<br />

tout autrement pour la Ramie, dont les fibres ne sont pas réunies<br />

à l'intérieur des tiges en faisceaux ou en cordelettes, mais sont<br />

au contraire isolées les unes des autres au milieu d'éléments<br />

mous, ce qui en fait leur beauté, mais aussi leur difficulté d'ex<br />

traction.<br />

Pour isoler ces fibres, deux opérations sont nécessaires :<br />

a) Une opération mécanique ; le décortiquage, ayant pour but<br />

de séparer sous forme de lanières le tissu extérieur des tiges (où<br />

setrouvent les fibres) du bois. Cette opération doit être complé<br />

tée par le dépelliculage,<br />

qui consiste à enlever des lanières obte<br />

nues la membrane brune extérieure (correspondant à l'épiderme<br />

de ia tige) et dont la présence dans les fibres industrielles, même<br />

sous forme de petits fragments, constitue une source de forte dé<br />

préciation de la valeur commerciale ;<br />

b) Une opération chimique : le dégommage, destiné à séparer<br />

la fibre des tissus mous ou gommes qui l'entourent.<br />

Le décorticage est l'un des plus gros problèmes que pose l'ex<br />

ploitation industrielle de la Ramie. Il peut se faire à la main<br />

ou à la machine.<br />

Les Chinois et les Hindous, qui- cultivent familialement la Ra<br />

mie dans leurs jardins, écorcent les tiges une à une à temps perdu<br />

en se servant d'un couteau et d'un morceau de bambou. Un bon<br />

ouvrier peut obtenir de 6 à 8 kgs par jour de lanières grossièrer<br />

ment dégommées ayant l'aspect de bandelettes jaunâtres qui sont<br />

importées en Europe sous le nom de China-grass. Mais ce travail


à la main est long et onéreux si on s'adresse à une main-d'œuvre<br />

autre que familiale et bon marché comme l'ouvrier asiatique. Il<br />

est impossible de concevoir, dans nos conditions économiques<br />

de production,<br />

ploi de machines à défibrer.<br />

une exploitation européenne importante sans l'em<br />

Depuis qu'en France on s'occupe de Ramie on a essayé de cons<br />

truire des machines à décortiquer et on a proposé divers mo<br />

dèles, parmi lesquels les plus connus sont les appareils Michotte,<br />

Massé, etc. Des tentatives ont été faites pour améliorer le ren<br />

dement et le travail des machines existantes et, très récemment,<br />

de nouveaux procédés, comme ceux de Deschaux, de Braumuller,<br />

etc., ont été proposés sans que satisfaction entière ait été<br />

obtenue quant au rendement et à la qualité des fibres jusqu'ici ;<br />

on peut dire que si avec les machines existantes, sans cesse amé<br />

liorées et dont certaines font un travail intéressant, il est sans<br />

doute possible de défibrer mécaniquement les tiges provenant de<br />

petites exploitations de Ramie, il ne semble pas que jusqu'ici au<br />

cune machine à grand rendement, permettant de décortiquer ra<br />

pidement de grosses quantités de tiges, ait été mise sur le marché.<br />

Or, la mise à la disposition des planteurs d'une bonne machine<br />

à décortiquer est à la base du développement de la culture.<br />

Des essais très récents poursuivis à Alger par M. Lefèvre,<br />

d'une part, et MM. Gérard, Durand et Kettels, de l'autre, parais<br />

sent susceptibles de jeter un jour nouveau sur cette question cru<br />

ciale du défibrage par la mise au point de deux machines ayant<br />

fonctionné heureusement au Jardin d'Essai du Hamma en <strong>1941</strong>.<br />

Le décorticage peut se faire sur les tiges vertes de Ramie ou<br />

sur les tiges sèches.<br />

Le traitement en vert (qui est celui pratiqué manuellement par<br />

les Chinois) a été étudié par de nombreux inventeurs, qui ont<br />

cherché à construire des machines préparant directement le chi-<br />

na-grass. Par ce traitement (utilisé à Alger par M. Kettels), le<br />

décorticage et dépelliculage sont effectués simultanément et la<br />

séparation du bois paraît se faire de façon satisfaisante. On ob<br />

tient rapidement du china-grass dépelliculé. Mais le traitement<br />

en vert implique :<br />

— Le<br />

traitement sur place des tiges (car on ne peut concevoir<br />

pratiquement et économiquement le transport sur de longues dis<br />

tances d'une matière première aussi encombrante et pesante que<br />

les tiges de Ramie),<br />

13<br />

soit dans les exploitations mêmes ou dans<br />

les usines réparties dans les zones de production ;<br />

cile ;<br />

des<br />

Le. traitement rapide,<br />

car le décorticage devient plus diffi<br />

L'échelonnement des cultures pour éviter l'encombrement<br />

machines ;<br />

L'emploi simultané de plusieurs machines pour traiter une<br />

récolte d'importance moyenne.


14<br />

On lui raproche son caractère saisonnier, l'obligation de trai<br />

ter au fur et à mesure des récoltes, le grand nombre des machines<br />

à mettre en service (chacune traitant 2.500 kgs de tiges vertes<br />

par jour seulement) ,<br />

une certaine perte des fibres par production<br />

d'une bourre inutilisable en filature (mais par ailleurs recher<br />

chée pour la fabrication de la pâte à papier spéciale destinée à<br />

la fabrication des billets de banque).<br />

Le traitement en sec (préconisé par l'Ingénieur Lefèvre) se<br />

fait à partir des tiges séchées et nécessite donc une installation<br />

de séchage naturel, ce qui complique le travail de l'agriculteur ;<br />

en revanche, il présente l'avantage de libérer les exploitations du<br />

souci d'un traitement immédiat, les tiges séchées pouvant être<br />

conservées et stockées soit chez le planteur, soit à l'usine,<br />

Du travail continu à l'aide d'un nombre de machines réduit ;<br />

Dune perte très réduite de matières premières.<br />

On lui reproche : de donner des matières non dépelliculées<br />

(l'opération du dépelliculage pouvant se faire cependant par la<br />

suiteau moment du peignage ou du dégommage et des fibres sou<br />

vent salies par des restants de pellicules),<br />

d'être imparfait comme travail, les fibres pouvant être brisées<br />

ou froissées ou encore mal débarrassées de débris d'écorce (ou<br />

flammes) ,<br />

de nécessiter des aires de séchage étendues (bien que le séchage<br />

puisse se faire sur les terrains de culture,<br />

ce qui toutefois apporte<br />

une gêne au développement normal des pousses de la coupe sui<br />

vante, particulièrement rapide en été),<br />

de nécessiter un séchage dont la bonne exécution peut être gê<br />

née par l'humidité de l'air, les pluies ou les brouillards, tout au<br />

moins en arrière-saison.<br />

Les deux traitements ont donc leurs avantages et leurs incon<br />

vénients. On a voulu qu'ils s'applicment, le premier à l'agricul<br />

ture, le second à une usine spécialisée. Les éléments satisfaisants<br />

d'appréciation manquent actuellement pour départager les par<br />

tisans de l'une ou l'autre méthode devant l'inconnue qui repré<br />

sente un traitement industriel qui, malgré toutes les recherches<br />

dont il a fait l'objet jusqu'ici, ne semble pas définitivement au<br />

point puisqu'en fait aucune usine (industrielle ou agricole)<br />

n'existe encore.<br />

Il est trop tôt pour préjuger si le planteur aura intérêt à livrer<br />

soit des tiges séchées à une usine, soit à vendre des lanières dé<br />

pelliculées obtenues directement à la ferme ou dans de petites<br />

usines locales.<br />

Les essais algériens de MM. Lefèvre et Kettels ne sont que des<br />

essais expérimentaux. Il faut attendre que des réalisations à<br />

l'échelle pratique soient entreprises pour que les divers facteurs


d'ordre économique (prix de revient, valeur industrielle des fibres<br />

obtenues, etc.) puissent prendre toute leur valeur et servent de<br />

base à une étude sérieuse .financière et technique.<br />

D'ailleurs, il apparaît que plus de savoir si on traitera la ramie<br />

algérienne en vert ou en sec, il importe de savoir si la culture<br />

aura à sa disposition la machine à décortiquer pratique et satis<br />

faisante qui lui a été si souvent promise. Toute la question est là<br />

à notre avis. Puissent les essais actuellement en cours apporter<br />

une solution heureuse au problème du défibrage de la Ramie et<br />

décider du développement de la culture.<br />

Le dégommage n'intéresse pas la production et s'effectue en<br />

filature. Un grand nombre de procédés français et étrangers<br />

(ayant pour base la plupart l'action d'une solution chaude de<br />

soude) sont préconisés ou tilisés et constituent des secrets de fa<br />

brication personnels des filateurs, variables avec les usages aux<br />

quels les fibres sont destinées.<br />

4°) La Culture de la Ramie en Algérie<br />

La culture de la Ramie est possible en Algérie en nombre de<br />

régions sans cependant qu'elle apparaisse comme susceptible d'y<br />

occuper de larges surfaces. Les estimations les plus optimistes<br />

lui accordent une possibilité de 5 à 10.000 Ha au maximum. C'est<br />

qu'en effet la Ramie craint la gelée et résiste mal aux abaisse<br />

ments de température (6-7°),<br />

pement de la plante. Pour cette raison,<br />

15<br />

qui gênent et retardent le dévelop<br />

on ne peut guère envisa<br />

ger de la cultiver en Algérie que dans la zone littorale, dans les<br />

grandes plaines de la Mitidja, de Bône, dansles zones les mieux<br />

abritées et lés plus chaudes de la vallée du Chéliff et des vallées<br />

de Kabylie (en dehors des parties basses où les gelées sont à re<br />

douter). Il faut écartes les zones continentales trop froides et<br />

n'envisager la culture qu'au-dessous de trois à quatre mètres d'al<br />

titude.<br />

La Ramie vient bien dans tous les sols, à l'exception cenendant<br />

des terrains troo commets, trop humide, où l'eau stagne. Elle re<br />

doute également la salure des terres et des eaux d'arrosages. Son<br />

excessive sensibilité au chlorure de sodium est un sérieux obstacle<br />

à la diffusion de la culture de la Ramie en Algérie, originale<br />

ment dans la vallée du Chéliff. où les terrains et les eaux d'irri<br />

gations sont souvent salés à plus de 10 0/00, teneur oui constitue<br />

un seuil pour la réussite des nlantations. Les essais tentés à Orléansville<br />

et à Sidi-Slimane (Maroc) montrent, comme l'ont mon<br />

tré autrefois ceux de Perrégaux, qu'à l'état jeune la Ramie est<br />

tuée par des doses très faibles de sel (0 gr. 220-0 gr. f) et aue<br />

les « remontées » de sel sont néfastes et même aux vieilles plan<br />

tations. Cette susceptibilité exclut des zones possibles de culture<br />

la<br />

majeure partie des périmètres irrisrables, en particulier les ré<br />

gions d'Inkermann, de Relizane, de Perrégaux et de l'Habra.


16<br />

•<br />

La Ramie préfère les terrains d'alluvion légers et toutes les<br />

bonnes terres riches profondes, naturellement fraîches (sans ex<br />

cès) ou susceptibles d'être arrosées. Pouvant occuper le sol pen<br />

dant 10 à 12 ans et parfois plus(la ramière expérimentale du Jar<br />

din d'Essai a près de 20 ans), elle réclame un terrain préparé<br />

profondément Cà 60-50 cm.), bien ameubli et particulièrement net<br />

de mauvaises herbes vivaces comme le chiendent et le cypérus<br />

qu'elle redoute dans son jeune âge. La préparation du sol doit<br />

être complétée par un nivellement et la prévision du système d'ir-<br />

rieation (en dehors des terres fraîches) ainsi oue par une forte<br />

fumure organique (25 à 30.000 kgs de -fumier à l'ectare) et mi<br />

nérale (2 à 3 quitaux de sulfate de. potasse et antant de supernhosohate).<br />

Les jeunes plantes se trouveront bien d'un apport<br />

d'enerrais azoté en couverture (10 à 150 kgs par hectare).<br />

La muliiolication la plus assurée et la plus économique se fait<br />

à nartir de rhvzomes lonq-s de 8 à 12-15 cm. obtenus oar éclate<br />

ment, de souches adultes. Le mise en nlace se fait fin de l'hiver ou<br />

début du nrintemns en litmes datantes de 75 à 80 cm, en lais<br />

sant un intervalle de 25 à 30 cm entre chaaue pied. La densité<br />

normale de plantation est d'ordinaire de 50.000 individus (oue<br />

l'on peut orélever sur 5 à 6.000 souches) ; certains auteurs in<br />

diquent des plantations plus denses : 60 à 80.000 nieds à l'hec<br />

tare. La Ramie, devenant vite envahissante, à tel point qu'au bout<br />

de quelques années le sol est entièrement occupé et qu'au défri<br />

chement il est difficile de le onroer des racines, il n'est nas indis-<br />

pnsable de recourir à une plantation initiale trop serrée.<br />

Le semis, par contre, est difficile à réussir, plus difficile que<br />

oour le tabac. Il réclame l'établissement de couches tièdes ou.<br />

froides ; le persillage des graines, à une grande dextérité d'épan-<br />

daore (les semences sont très fines et légères), un couverture au<br />

terrau et des bassinages fréquents et doux. Les jeunes plants sont<br />

repiqués avant dêtre mis en nlace définitivement, quatre mois<br />

environ après le semis qui a lieu au printemps.<br />

Les façons d'entretien sont simples au cours de la première<br />

année ; elles consistent en bissages et sarclages, de façon à main<br />

tenir le sol constamment frais et propre : en culture irriguée, ces<br />

façons suivent les arrosages. Ceux-ci sont nécessaires en Algérie<br />

en dehors des endroits très frais et des régions littorales à.pluies<br />

abondantes. Ils doivent commencer de bonne heure (début mai)<br />

et se terminer tard (novembre). En principe, ils demandent à se<br />

suivre tous les 10-15 jours, ce qui représente un cube d'eau d'en<br />

viron 10.000 m3 Ha. Il est recommandé de les arrêter quelques<br />

jours avant l'exécution des coupes pour ne pas obtenir des tiges<br />

trop aqueuses, ce qui nuirait au séchage et au décorticage. En<br />

hiver, après la dernière récolte, on procède à l'enfouissement des<br />

engrais et, dans les régions où les froids sont à redouter, au but-<br />

tage des pieds.<br />

La Ramie est une plante rustique dont la culture en Algérie n'a<br />

actuellement à souffrir ni de maladies ni de parasites.


Lorsque les tiges sont ,<br />

mûres, ce qui se réconnaît au brunisse<br />

ment progressif de leur partie inférieure, elles sont coupées à la<br />

main. Elles mesurent généralement à ce moment 2 mètres de<br />

hauteur (parfois 3). Il ne faut pas attendre la floraison et bien<br />

saisir le moment de coupe indiqué qui correspond à la meilleure<br />

qualité de la filasse.<br />

Après la coupe, la plante repousse vigoureusement et très ra<br />

pidement, surtout au cours des mois chauds. La première année,<br />

on peut espérer 2 coupes, parfois 3.<br />

Au cours de la deuxième année et des campagnes suivantes, les<br />

façons d'entretien consistent au remplacement des manquants<br />

(indispensable pour maintenir l'homogénéité et la compacité des<br />

jeunes plantations), en épandage d'engrais azoté au printemps<br />

pour favoriser le départ en végétation (les autres engrais étant<br />

épandus en hiver pendant la période de repos) ,<br />

il<br />

en recépage effec<br />

tué sur la première végétation impropre pour la production de<br />

filasse, en binages, sarclages, scarifiages (dont l'exécution est<br />

inutile ou rendue dificile dans les plantations âgées), en arro<br />

sage, etc.<br />

Le rendement d'une ramière est difficile à donner avec préci<br />

sion en Algérie, les essais ayant porté sur de petites surfaces, sur<br />

des terrains choisis, ou n'ayant pas été poursuivis assez long<br />

temps. De plus, les chiffres cités par les divers auteurs ou plan<br />

teurs sont très divergents ou contradictoires et une certaine con<br />

fusion règne dans la destination des récoltes, les coupes, de la<br />

nature des produits récoltés (tiges vertes effeuillées ou non, tiges<br />

sèches, etc.).<br />

Hardy indique des rendements de l'ordre de 60.000 kgs de tiges<br />

non effeuillées et dé 36.500 kgs après effeuillage. Rivière et Lecq<br />

signalent 20.000 et 10.400, et Dazey 13.800 et 6.900 seulement.<br />

Il semble qu'on puisse, d'après les essais poursuivis ces années<br />

dernières au Maroc par M. E. Miège, adopter, avec ce savant<br />

agronome, les chiffres ci-dessous pour une plantation adulte<br />

(c'est-à-dire de 3-4 ans) établie dans des conditions parfaites et<br />

bien entretenues : 30 à 100 tonnes de matières vertes par Ha et<br />

par coupes, celles-ci pouvant être répétées 3 à 4 fois l'an, ce qui<br />

représenterait une possibilité théorique de productivité globale<br />

de l'ordre de 150 à 200-300 tonnes par an et par hectare.<br />

Les renseignements sont plus concordants en ce qui concerne<br />

le rendement moyen en fibres, qui peut être estimé à environ 2 à<br />

2,5 % des tiges vertes feuillées. D'après les données marocaines,<br />

1 Ha en plein rendement, fournissant 100 tonnes brunes par Ha<br />

et par coupe,<br />

et 2 à 3,6 tonnes par an,<br />

Ce rendement,<br />

devrait donner 1.000 à 1.200 kgs de fibres par coupe<br />

selon le nombre des coupes.<br />

considérable par rapport aux autres textiles<br />

algériens possibles (par exemple le coton,<br />

qui donne seulement<br />

2 quintaux 5 à 5-8 quintaux de fibres à l'Ha), est d'ailleurs sous<br />

la dépendance, étroite des soins culturaux et de la fertilité du<br />

sol.


18<br />

Il faut cependant attendre pour juger des véritables possibi<br />

lités locales que la culture ait pris une certaine extension et se<br />

garder d'emballements prématurés.<br />

L'installation d'une ramière (préparation soignée du sol et<br />

plantation) coûte cher, tandis que les frais culturaux annuels<br />

sont plus réduits. M. Miège évaluait, en 1937, le prix de revient<br />

d'un hectare à 3.000 francs environ (effeuillage et défibrage non<br />

compris). Il' faudrait vraisemblablement à l'heure actuelle dou<br />

bler ce chiffre.<br />

On ne saurait actuellement fixer la valeur marchande de la<br />

fibre en l'absence de tout marché. Il semble toutefois qu'il faille<br />

se garder d'emballements excessifs basés sur des bénéfices extra<br />

ordinaires résultant de cours élevés et exagérés de la matière pre<br />

mière agricole. Des articles de propagande ont fait luire l'espoir<br />

de gains à la production de l'ordre de 25.000 à 40.000 francs par<br />

hectare. Il est prudent de ne pas y attacher trop d'importance.<br />

Sans doute la production de la Ramie sera encouragée par l'établisement<br />

de prix suffisamment rémunérateurs et de contrats de<br />

culture (à l'instar des autres productions textiles comme le coton,<br />

par exemple) si elle s'avère viable par la mise au point d'un pro<br />

cédé pratique de défibrage. Néanmoins, il est souhaitable, pour le<br />

développement et le maintien de cette culture nouvelle, que le<br />

planteur ne s'attende point à des bénéfices aussi importants. Plus<br />

raisonnablement,<br />

si la Ramie rapportait de 5 à 10.000 francs<br />

nets par hectare et que les difficultés de défibrage soient vain<br />

cues, l'intérêt du planteur serait largement satisfait et le lance<br />

ment de la culture serait facilement assuré.<br />

5°) L'avenir de la culture de la Ramie en Algérie<br />

L'avenir de la culture de la Ramie est lié, en Algérie, à la réus<br />

site des essais de décorticage en cours ; à la certitude d'un béné<br />

fice rémunérateur au moins aussi élevé que celui laissé -par les<br />

autres cultures irriguées possibles (au moins égal à celui que peut<br />

laisser le coton, 5 à 10.000 fr. par hectare) ; à la possibilité d'é<br />

tendre les plantations.<br />

A ce sujet, il ne faut pas s'attendre à un démarrage très ra<br />

pide. La culture de la Ramie, après les échecs de 1928, avait com<br />

plètement disparu en Algérie, où il ne subsistait plus que la plan<br />

tation du Jardin du Hamma, établie sur quelques ares seulement.<br />

En l'absence de toute autre source, c'est à partir de cette unique<br />

souche que doivent se constituer les ramières algériennes en uti<br />

lisant soit les graines disponibles, soit les rhizomes.<br />

Le Jardin d'Essai a pu distribuer quelques kilogs de graines,<br />

malheureusement trop anciennes et de faculté germinative infé<br />

rieure pour la plus grande partie. Ces déboires, joints à un semis<br />

d'automne trop précipité et hors saison, n'ont pas permis de re-


tirer des semences existantes tout le parti possible. La multipli<br />

cation par rhizones et éclats de souche est le seul moyen rapide<br />

qui puisse être actuellement envisagé pour l'établissement des<br />

plantations à partir de la collection algéroise. Elle est malheu<br />

reusement limitée et ne peut permettre d'envisager pour 19<strong>42</strong><br />

l'établissement de ramières étendues, étant donné la grande den<br />

sité de plantation réclamée par la culture (50.000 pieds à l'Ha).<br />

Pour utiliser au maximum des disponibilités limitées du Jardin<br />

d'Essai, son distingué directeur, M. Boyer, a mis heureusement<br />

au point une méthode de multiplication accélérée par réduction<br />

à quelques centimètres de la longueur des fragments de rhizones.<br />

Sans qu'on puisse compter voir la culture de la Ramie s'implan<br />

ter rapidement, car cela supposerait que les difficultés indus<br />

trielles seraient vaincues ; que l'industrie française (qui ne trai<br />

tait avant guerre que 1.200 à 1.300 tonnes environ de fibres de<br />

ramie) soit adaptée au travail particulier de ces fibres, on doit<br />

suivre avec le plus grand intérêt les essais et tentatives actuelle<br />

ment en cours (tant industrielles que culturales), car la Ramie,<br />

qui vient très bien sous notre climat, est un textile des plus inté<br />

ressants en quantité et en qualité.<br />

Plante à fibre la plus productive, elle fournit la plus belle, la<br />

plus longue, la plus tenace et la plus fine, supérieure pour l'en<br />

semble de ses qualités à celle que, donnent le lin, le chanvre et le<br />

coton.<br />

Puisse, dans l'intérêt général, la culture de la Ramie, tentée<br />

à nouveau dans des conditions économiques exceptionnellement<br />

favorables à sa réussite, s'établir en Algérie et y donner des ré<br />

sultats satisfaisants qui couronneraient ainsi heureusement<br />

quatre-vingt-dix années d'expérimentation et de recherches.<br />

P. LAUMONT,<br />

Ingénieur agronome,<br />

Professeur d'<br />

Agriculture<br />

à l'Institut Agricole d'Algérie.<br />

19


Quarante-Sixième Année<br />

1" Trimestre <strong>1941</strong><br />

BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Oociété<br />

•e-yn<br />

N° 165<br />

de Géographie d'Alger<br />

DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

ALGER — IMP. IMBERT


Société de Géographie d'Alger<br />

et de l'Afrique du Nord<br />

CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />

Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, Conseiller à la Cour<br />

d'Appel d'Alger.<br />

Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé<br />

rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />

MM. ARNAUD Robert, Gouverneur Honoraire des Colonies.<br />

AUBRY Jules, Professeur honoraire du Lycée, Président du Conseil<br />

d'administration des tramways du Sahel.<br />

BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />

BERGER- VACHON Victor, Professeur à la Faculté de Droit d'Alger.<br />

BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographie au<br />

Lycée d'Alger.<br />

BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes<br />

mixtes.<br />

CHAMSKI-MANDAJORS, Trésorier-payeur général.<br />

JOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />

Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />

des travaux des Colonies.<br />

MATHIEU Louis, Préfet honoraire.<br />

Général MEYNIER.<br />

Général PAQUIN.<br />

PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />

RIMBAULT Paul, Rédacteur en Chef de la « Dépêche Algérienne »<br />

et de P « Effort Algérien ».<br />

M. le Colonel PEYRONNET.<br />

Conseillera techniques. ^ M. le Commandant LEHURAUX.<br />

M. le Commandant BIDAN.


BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Société de Géographie d'Alger<br />

ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

Quarante-Sixième Année<br />

"1" Trimestre <strong>1941</strong><br />

Procès-Verbaux des Séances de la Société<br />

SEANCE DU 9 NOVEMBRE 1940<br />

Conférence<br />

N'<br />

-165<br />

« Un programme d'action », par Me Lefèvre-Paul, Président<br />

de la Société de Géographie.<br />

Promotions<br />

Me LefêVEE-Paul, officier de la Légion d'honneur.<br />

Commandant Lehuraux, officier de la Légion d'honneur.<br />

Décès<br />

M. Huguenin, Inspecteur général honoraire des P.T.T.<br />

M. Sounes, Conseiller à la Cour d'Appel d'Alger.<br />

Mme Delavelle, Institutrice .en<br />

retraite.<br />

Adhésion<br />

M. Lahaye Lucien, Ingénieur, 2 bis, chemin du Télemly ; pré<br />

senté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />

SEANCE DU 14 DECEMBRE 1940<br />

Conférence<br />

« Trente ans de la vie de Dakar », par M. Robert RANDAU, Gou<br />

verneur honoraire des Colonies.<br />

M. CHAMSKI-MÀNDAJORS,<br />

Amis du Vieil Alger.<br />

Nominations<br />

nommé Président de la Société des<br />

M. le Général Paquin, Président de la Légion des Combattants<br />

de l'Algérie.


2 BULLETIN DE LÀ SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE<br />

Mme Delavelle, Institutrice.<br />

M. DELOUY,<br />

Décès<br />

Directeur honoraire des P.T.T.<br />

M. Piquery Auguste, Négociant.<br />

Nouvelles adhésions<br />

M. de Falguerolles. 22, avenue Albert Ier, El-Biar ; présenté<br />

par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />

M. Salles Albert, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger ; présente<br />

par MM. Lefèvre-Paul et Prunnelle.<br />

SEANCE DU 28 DECEMBRE 1940<br />

Conférence<br />

« Au Maroc avec le Maréchal Pétain »,<br />

LEHURAUX, Directeur des Territoires du Sud.<br />

par M. le Commandant<br />

Nouvelles adhésions ,<br />

Le R.P. Henry Koehler, Franciscain, Chapelle Saint-Louis,<br />

36, rue Léon-Roche, Alger ; présenté par Mgr Leynaud et M. Rey-<br />

gasse.<br />

M. Makaci Kaddour, Instituteur, 4, rue Empereur- Vespasien,<br />

Alger ;<br />

présenté par Mme et M. Bugéja.<br />

M. Bouchet-Virette Georges, officier des Affaires indigènes<br />

aux Territoires du Sud ; présenté par MM. Lehuraux et Lefèvre-<br />

Paul.<br />

M. Comes Pierre,<br />

officier des Affaires indigènes au Gouverne<br />

ment Général ; présenté par MM. Lehuraux et Lefèvre-Paul. ,<br />

M. Thouvenin Gabriel, Commandant, 97, rue Michelet, Alger.<br />

M. Lemmet Justin, Chef du Service Agricole des Territoires du<br />

Sud, 11, rue Emile-Lacanaud ; présenté par MM. Lehuraux et<br />

Lefèvre-Paul.<br />

SEANCE DU 18 JANVIER <strong>1941</strong><br />

Conférence<br />

« Psichari », par M. le Colonel de Lavarenne.


■ M.<br />

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE<br />

Nouvelles adhésions<br />

M. MAURY Albert, Commissaire central en retraite, 1, rue Ro-<br />

vigo, Alger ;<br />

présenté par MM. Lagier et -Mabit.<br />

M. le Lieutenant-colonel Assier de Villatte, Chef du Cabinet<br />

militaire du Gouverneur Général, Palais d'été ; présenté par MM.<br />

Lehuraux et LefèVre-Paul.<br />

Mlle Boipfils Yvonne, 43, rampe Mageuta, Alger ; présentée<br />

par Mme Anciaume et M. Lefèvre-Paul.<br />

■M. Aloï Georges, 24, rue Michelet ; présenté par MM. Vaugien<br />

et Lefèvre-Paul.<br />

M. Plateau, 80, rue Michelet ; présenté par M. Lefèvre-Paul.<br />

Par :<br />

Subventions accordées<br />

Compagnie Algérienne 100 fr.<br />

Barclays Banck 25 fr.<br />

Bon Marché 100 fr.<br />

Crédit Foncier 100 fr.<br />

SEANCE DU 1"<br />

Conférence<br />

FEVRIER <strong>1941</strong><br />

€ Robert Houdin au service de la France », par le Chevalier X...<br />

Subventions accordées<br />

Banque de l'Algérie 1.000 fr.<br />

Compagnie Transatlantique 100 fr.<br />

Chambre de Commerce 99 fr.<br />

Transports Maritimes<br />

3<br />

100 fr.<br />

Société Marseillaise 100 fr.<br />

Compagnie dé Navigation Mixte 100 fr.<br />

Nouvelle adhésion<br />

Cardinal, Industriel, agence de l'A.O.F., 2, boulevard Car-<br />

not, Alger ; présenté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.


4 bulletin de la société de géographie<br />

SEANCE DU 15 FEVRIER <strong>1941</strong><br />

Conférence<br />

« L'Alsace », par Mgr HlNCKY.<br />

Nouvelles adhésions<br />

M. Morin Fernand, place Liébert, Saint-Eugène (Alger) ; pré<br />

senté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />

M. Mirabella Louis, Chef de bureau honoraire des CF. A.,- villa<br />

Rosine, route Malakoff, Saint-Eugène (Alger).<br />

Mlle Michel Ariette, 3, rue Auber, Alger ; présentée par MM.<br />

Sturla et Roux.<br />

Mlle AlbaRranc Suzanne, 18, boulevard Baudin, Alger ; pré<br />

sentée par MM. Roux et Sturla.<br />

Mme Costedoat Jean, 27, boulevard Carnot, Alger ; présentée<br />

par Mme Malleval et M. Prunnelle.<br />

Mlle Pignodel Stéphanie, 4, rue Clauzel, Alger ; présentée par<br />

MM. de Sambœuf et Mélia.<br />

M. Pfeiffer, Notaire à Alger, 20, rue de la Liberté.<br />

Me<br />

Saussol, 40, boulevard Saint-Saëns, Alger ; présenté par<br />

Mlle Chellier et M. Brugnet.<br />

Décès-<br />

M. le Colonel de Bonnefoy, château de Redon, Lagardelle (Hte-<br />

Garonne) .<br />

M. Besnard, Propriétaire à Oued-Amizour.<br />

Subventions<br />

Préfet d'Alger 2.500 fr.<br />

Chambre de Commerce de Bône '. 100 fr.<br />

SEANCE DU 1"<br />

Conférence<br />

MARS <strong>1941</strong><br />

« L'Aiglon, sa légende et l'histoire », par M. Rimbault, rédac<br />

teur en chef à la « Dépêche Algérienne ».


BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE<br />

Promotion<br />

M. SERGENT : Président de l'Académie de Médecine.<br />

Subventions<br />

Chambre de Commerce de Bône 100 fr.<br />

Société Générale 80 fr.<br />

Nouvelles adhésions<br />

M. Heitz Fernand, Conseiller à la Cour d'Appel d'Alger ; pré<br />

senté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />

Mme Brouillet Elie, 91, rue Michelet ; présentée par MM.<br />

Brouillet et Lagier.<br />

M. GORRÉE Georges, Missionnaire, Ermitage Charles de Fou-<br />

cauld, Tiflet (Maroc) ; présenté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />

M. Cattin, Chef de bureau auxiliaire B.A. en retraite, 2, rue<br />

Lyautey, Alger ; présenté par MM. Simounet et Aubry.<br />

Mlle Le Febvre Christiane, 1 bis, rue du Dauphiné, Alger ; pré<br />

sentée par MM. Le Febvre et Lloret.<br />

SEANCE DU 15 MARS <strong>1941</strong><br />

Conférence<br />

« La monnaie au service de la France »,<br />

Subvention<br />

par M. de Rinquensen.<br />

Préfecture : Subvention coloniale 3.000 fr.<br />

Nouvelles adhésions<br />

M. le Colonel Perrossier, 33, boulevard Saint-Saëns, Alger ;<br />

présenté par MM. les Colonels Cortot et de Lavarenne.<br />

Mme Praréja Félicie, 11, rue Charras, Alger ; présentée par<br />

MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />

M. Gaubert Charles, Préfet, Inspecteur général du Service Ad<br />

ministratif, Alger ; présenté par MM. Zeraffa et Chamski.<br />

5


Conférence faite le 9 novembre 1940 par M."<br />

Lefèvre-Paul, s<br />

Président de la Société de'<br />

Géographie<br />

La réouverture des conférences pour l'année 1940-<strong>1941</strong> se fait sous l'émo<br />

tion d'une telle douleur que la seule ressource pour, la pouvoir dominer est<br />

de se rejeter hors du temps présent vers l'avenir et de se tracer un pro<br />

gramme de l'action nécessaire. Ce programme se résume pour le conférencier<br />

en trois mots : « Continuer et maintenir ».<br />

Continuer chacun à son poste, dans sa fonction, dans sa profession, dans<br />

son activité matérielle intellectuelle... avoir la force d'âme de continuer comme<br />

si rien n'était compromis.<br />

Continuer pour maintenir : ce qu'il faut maintenir, c'est nous-mêmes, qui<br />

faisons la vie immortelle de la Nation, maintenir nos situations, nos senti<br />

ments, nos caractères, notre esprit français.<br />

Sur la terre Africaine,<br />

de France,<br />

plus encore que partout dans les autres provinces<br />

ce programme s'impose impérieusement. Le conférencier rappelle<br />

le discours qu'il prononçait il y a une quinzaine d'année pour le vingt-cinT<br />

quième anniversaire de la Société de Géographie : la conclusion était que sur<br />

la terre d'Afrique où la France a apporté la Paix libératrice des jougs<br />

anciens et la flamme de sa pensée, le plus haut devoir est d'entretenir cette<br />

flamme et d'en faire un ardent brasier où viennent se confondre et se con<br />

volon<br />

sumer ensemble toutes les pensées, tous les sentiments, toutes les<br />

toutes les activités de tous ceux qui peuplent la terre d'Afrique. Et la pvti-<br />

sance d'assimilation du Génie Français s'est toujours révélée telle que, si<br />

nous continuons et maintenons ce génie, nous serons sûrs de l'avenir, mal<br />

gré tout.<br />

Le conférencier insiste sur le rôle que la société de Géographie a joué, et<br />

doit continuer à jouer dans cette œuvre spirituelle : alimenter la flamme<br />

de la pensée française sur la terre africaine.-<br />

Ce sera là notre manière de continuer et de maintenir : nous y aurons<br />

de la peine : les fonds nous manquent pour continuer de publier notre bul<br />

letin... nous nous efforcerons, quand même, de ne pas interrompre cette<br />

chaîne de pensées, continue depuis bientôt 40 ans. Les conférences nous res<br />

tent où nos collègues, de cœur désintéressé et d'esprit éminent, viennent<br />

dispenser tour à tour les grâces et les forces de l'esprit français.<br />

Nous multiplierons les conférences ; nous vous demandons d'y venir nom<br />

breux, 'd'y amener des auditeurs, d'enrôler de nouveaux sociétaires : c'est<br />

plus que jamais le temps de se grouper.<br />

Le conférencier expose rapidement quelques réflexions sur le. programme<br />

immense et splendide de l'Algérie, de l'Afrique Française dans le temps<br />

présent : terre de refuge où nous avons le devoir sacré d'accueillir ceux que<br />

la catastrophe arrache à leurs foyers, à leurs affaires, à toute leur vie de<br />

la Métropole.<br />

Il faut nous attendre et nous préparer à recevoir beaucoup de compa<br />

triotes... beaucoup d'affaires métropolitaines... qui seront transférées ici.<br />

Et puis, il y aura tous les jeunes désemparés que la catastrophe a laissés<br />

pantelants, l'esprit désorienté, et doutant de l'avenir : qu'ils viennent à nous<br />

nombreux, car, plus que tout autre province française, nous sommes pour eux<br />

l'Avenir.<br />

Et le conférencier, d'écarter une objection fréquente : il n'y<br />

aurait plus de<br />

place ici, surtout en Algérie. Il y a beaucoup de places, même en Algérie."


UN PROGRAMME D'ACTION 7<br />

Il suffira de changer d'objectif, ne plus songer seulement à la- prospérité<br />

matérielle, ne plus réaliser seulement les conditions du succès financier dans<br />

les grandes Affaires Algériennes, dans les grandes propriétés.<br />

Le moment est venu de ne plus songer qu'au peuplement en se servant de<br />

cette prospérité : la grande propriété peut et doit subsister, mais en prenant<br />

des formes nouvelles d'exploitation pour fixer au sol et y faire, vivre de nom<br />

breuses familles venues de France.<br />

Et puis il y a l'Industrie que les circonstances lancent, rompant toutes les<br />

barrières accumulées par les intérêts particuliers et les routines d'autrefois...<br />

Jl y a les liaisons de l'Algérie avec les pays d'Afrique Française, liaisons<br />

trop longtemps entravées par l'esprit particulariste... Il y a ce bloc de la<br />

France Africaine du Golfe de Guinée à la Méditerranée.<br />

Il y a beaucoup de places à prendre et qu'il faut remplir pour la prospé<br />

rité de la France.<br />

Que du malheur présent naisse la Grandeur future, cela sera possible si,<br />

par fortune, nous pouvions accueillir et fixer sur nos terres d'Afrique Fran<br />

çaise un million de Français. Quelle espérance, quel programme propres à<br />

réveiller le courage, à ranimer l'énergie, à vaincre la douleur.<br />

Toutes ces idées, toutes ces espérances, notre Société se doit de les agi<br />

ter, de les discuter, de les répandre, de les aider à réussir...<br />

si modeste n'aura pas été inutile : tel est notre programme d'action, à nous,<br />

Société de Géographie.<br />

Et*<br />

notre rôle


Irente Ans de la Wie de Dakar<br />

Conférence faite le 14 décembre 1940 par M. Robert Eandau,<br />

gouverneur honoraire des colonies<br />

Après avoir indiqué les avantages que présente pour la navigation et le<br />

commerce la position géographique de Dakar, dans la presqu'île du Cap<br />

Vert : protection contre les vents de l'Océan, absence de la barre qui rend<br />

précaire sur la côte Atlantique africaine les communications entre les bateaux<br />

et la terre, aiguade de sécurité militaire, le conférencier fait l'historique de<br />

la cité impériale. Dans le passé le plus lointain, et<br />

jusqu'à'<br />

1860, celle-ci ne<br />

fut qu'un hameau de pêcheurs. Ce fut l'îlot qui se trouvait devant l'anse de<br />

Dakar qui retint d'abord l'attention des commerçants et des marins. Les<br />

Hollandais le baptisèrent Gorée, du nom d'une île de là Zélande. Gorée étajt<br />

facile à défendre, mais offrait l'inconvénient de manquer d'eau, qu'on devait<br />

acheter aux indigènes du continent.<br />

En 1677, l'Amiral d'Estrées enleva l'île aux Hollandais et, en septembre<br />

de la même année, M. du Casse en prit possession au nom de la Compagnie<br />

du Sénégal. Il visita ensuite Rufisque, Joal, Portudal, importants lieux<br />

d'échanges sur la côte; Les droits dé la France s'affirmaient déjà sur cette<br />

partie du Sénégal. En 1679, nous signâmes avec le teigne (ou roi) du Baol<br />

un traité de paix qui attribuait en toute propriété à la Compagnie du Sé<br />

négal la côte du Baol avec six lieues dans les terres et le privilège du com<br />

merce. Un traité analogue fut conclu avec le Bourba (ou roi) du Sine ;<br />

d'autres traités conclus en 1764 et 1765 avec le damel du Cayor cédait à la<br />

France, qui avait délivré de l'esclavage un proche parent du Souverain<br />

vendu comme esclave Anglais, les pointes de Dakar et de Bin. A la fin<br />

du XVIII8<br />

siècle, la presqu'île du Cap Vert se sépara de l'empire Djolof et<br />

devint une petite république indépendante, peuplée de dix mille noirs, gou<br />

vernés selon les principes de la loi coranique mitigée par la coutume. Les<br />

autorités de Gorée payaient alors au chef de Dakar une redevance d'une<br />

livre de pain frais par jour et de 54 francs par mois. Le principal commerce<br />

de l'îlot était, avec la gomme, la traite -des esclaves. En 1780, nous fûmes<br />

chassés de Gorée par les Anglais ; le traité de Versailles nous le restitua en<br />

1783. En 1800, de nouveau, les Anglais s'emparent de Gorée, où .nous ne nous<br />

réinstallâmes qu'en 1817. Nous continuâmes de payer des coutumes aux indi<br />

gènes du Cap Vert pour racheter en terre ferme l'eau et les produits néces<br />

saires à notre subsistance.<br />

.<br />

Après une tentative malheureuse de colonisation agricole, nous dûmes in<br />

tervenir dans les affaires de la presqu'île et interdire aux gens de la côte le<br />

équipages."<br />

des* En 1832, on<br />

pillage des navires naufragés et la mise à rançon<br />

établit, à Pointe de Bel-Air, le cimetière de Gorée et les notables des villages<br />

du Cap Vert nous accordèrent le droit de construire un fort à Dakar. Eft<br />

1843, sept missionnaires catholiques créèrent un établissement dans cette lo<br />

calité. L'importance militaire de là presqu'île fut reconnue en ce temps: Le<br />

capitaine Pivet Laprade constatait, en 1851, combien cette partie de la côte<br />

était facile à fortifier et montrait l'importance économique oue prendrait le*'<br />

futur port dans l'avenir. Le 25 mai 1857, le capitaine de vaisseau Protêt fit<br />

débarquer à Dakar les marins de la « Jeanne d'Arc » et prit possession, au<br />

nom de la France, du petit fort récemment construit et du territoire du Cap<br />

Vert. En 1859, Faidherbe vint de Saint-Louis châtier les petits chefs qui mo<br />

lestaient nos commerçants et les religieux ; le 18 mai 1859, il mit en déroute<br />

à Fatik l'armée du roi du Saloum, qui pillait les villages soumis et ruinait


TRENTE ANS DE LA VIE DE DAKAR<br />

la contrée, puis il négocia le rachat des coutumes avec les quatre chefs de<br />

la presqu'île. Et, dès lors, toutes les difficultés d'ordre pratique cessèrent<br />

entre les habitants et le commerce européen.<br />

En 1858, la Compagnie des Messageries impériales (devenues depuis les<br />

Messageries Maritimes) décida d'établir à Dakar un dépôt de charbon. Mais<br />

le fondateur de la ville fut Pinet-Laprade, devenu, en 1860, Gouverneur du<br />

Sénégal ; il en traça, en 1862, le plan qui est resté, dans ses grandes lignes,<br />

celui de la cité actuelle. Il soumit à la signature du Ministère de la Marine<br />

un projet de construction d'un port de relâche. Les travaux, qui commen<br />

cèrent en février 1862, comportaient, entre autres, l'établissement d'un ba-<br />

rachois et d'une jetée en enrochement à l'est du mouillage. Les gens de Gorée<br />

achetaient déjà les terres de Dakar dans un but de spéculation. Le Phare<br />

-des Manielles, à 10 kilomètres de la ville, qui signalait l'important écueil des<br />

août 1864. Le 1er<br />

Almadies, fut allumé le 1"<br />

décembre 1866, deux autres<br />

phares signalaient, l'un le cap Maniel, l'autre la pointe des Almadies. Le<br />

4 novembre 1866, le premier paquebot régulier des Messageries impériales<br />

toucha Dakar, où la marine militaire venait d'installer un magasin, un ate<br />

lier et des appartements.<br />

L'évolution de la ville fut cependant très lente. En 1878, Dakar ne comp<br />

tait que 1.556 habitants ; il s'anima, en 1882, quand s'inaugurèrent les tra<br />

vaux de construction du "chemin de fer Dakar à Saint-Louis, qui se termi<br />

nèrent en 1884. Un décret du 17 juin 1887 sépara la commune de Dakar de<br />

celle de Gorée, avec un budget de 72.000 francs. En 1891, la population de la<br />

future capitale de PA.O.F. ne s'élevait encore qu'à 8.737 habitants. En 1892,<br />

le Conseil Général du Sénégal consacrait sur les fonds de l'emprunt qu'il était<br />

autorisé à Contracter 7.000.000 de francs à divers travaux dans le port de Da<br />

kar. La cité était ouverte en 1897, hors les parties du port et d'administration,<br />

des champs "de mil et de maïs. En 1898, le parlement décida de créer à Dakar<br />

un point d'appui de la flotte. On se mit aussitôt au travail (digue de 2.400 m.<br />

au nord de la passe, dragage à 9 mètres d'un mouillage de 50 hectares, bas<br />

sin de radoub de 200 mètres de longueur, etc...).<br />

En 1902, le siège du Gouvernement général de PA.O.F. avait été transféré<br />

à Gorée. C'est le 5 octobre 1903 que fut approuvée par Paris la construction<br />

d'un port de commerce ; sur la proposition du Gouverneur général Roume, le<br />

ministre des colonies approuva, le 7 juillet 1904, l'adjudication des travaux<br />

qui comportaient des terre-pleins, deux môles, trois bassins, des réserves de<br />

mouillages aux grands paquebots et aux charbonniers, l'alimentation en eau<br />

douce, etc... On vit grand et avec raison.<br />

La population était de 18.447 âmes en 1904 et pourtant une terrible épi<br />

démie de fièvre jaune l'avait ravagée en 1900 et la peste était à l'état endé<br />

mique dans les quartiers indigènes. L'assainissement de la côte fut entre<br />

pris d'urgence et des crédits considérables y furent consacrés ; on construisit<br />

des collecteurs d'écoulement des eaux pluviales et un réseau complet d'égouts,<br />

on remblaya et draina des marécages ; les voies étaient macadamisées et plan<br />

tées d'arbres, dix kilomètres d'avenues étaient aménagés en même temps que<br />

les rues dé la petite voirie. Un palais monumental était édifié qui dominait<br />

la rade, hôpital et casernes modernes remplaçaient des installations provi<br />

soires. Des châteaux d'eau s'élevaient en des endroits judicieusement choisis.<br />

On créa une usine électrique et les rues furent éclairées à l'électricité. Mai<br />

sons et pavillons pulullaient.<br />

En 1907, le Gouverneur général quittait Gorée et s'installait en son palais<br />

complètement terminé à Dakar. Un grand palais de justice, un hôtel du secré<br />

tariat, où se groupaient les divers services administratifs, s'édifiaient sur la<br />

place Protêt. On aménageait des écoles, un hôtel des postes et télégraphes, le<br />

casernement des douanes, l'hôtel des travaux publics, celui du commandant<br />

supérieur des troupes, deux camps de tirailleurs, un bel hôtel de ville. Le<br />

quartier européen se composait de chalets, de vérandas fort élégants ; l'est de<br />

"la ville était réservé aux bâtiments militaires, le sud aux formations sani<br />

taires ; au voisinage de la place du marché se groupaient les maisons de com<br />

merce. En 1908, il entrait à Dakar 648 navires et le mouvement du port s'éle<br />

vait à 395.554 tonnes. En 1914, la population comptait 23.883 âmes. Le budget<br />

V)


10 TRENTE ANS DE LA VIE DE DAKAR<br />

municipal était de 839.550 francs. Pendant la grande guerre, l'activité de la<br />

capitale africaine ne se ralentit point.<br />

Un décret du 21 octobre 1924 institua un régime particulier pour la com<br />

mune de Dakar et sa banlieue ; elle eut son autonomie administrative et un<br />

gouverneur à sa tête. Le recensement de 1926 attribuait 32.679 habitants à<br />

l'agglomération. En 1929, la circonscription comportait environ 58.500 âmes, le.<br />

port recevait 5.187 navires d'un tonnage de 8.389.793 tonneaux qui débar»<br />

quaient 575.367 tonnes de marchandises et embarquaient 466.207 tonnes de<br />

produits. Quantité d'écoles, d'établissements scientifiques et culturels^ de puis<br />

santes maisons de commerce y avaient leur siège. Les services d'hygiène<br />

avaiëht complètement assaini la ville parcourue par des voies magnifiques.<br />

Un marché couvert monumental à resserres frigorifiques accueillait les cha<br />

lands. La banlieue était transformée, en un immense jardin potager, entre- ^<br />

tenu par des milliers de maraîchers indigènes. En 1933, la ville haute était<br />

une vaste cité-jardin ;.fe centre en est maintenant occupé par une cathédrale<br />

d'une architecture originale appropriée au climat.<br />

Depuis cette époque on a construit dans le port deux nouveaux môles de<br />

170 m., un terre-plein de 55 hectares pour l'exportation des arachides, un<br />

môle à combustible, un môle d'escale, un bassin, abri pour l'accostage de trois<br />

grands croiseurs et on a jeté les fondements d'une digue destinée à relier<br />

l'îlot de Gorée à la terre ; toutes les plus récentes découvertes de la science<br />

trouvent à Dakar leur application pratique.<br />

Cinq hangars silos d'arachides peuvent contenir chacun 2.400 tonnes de<br />

graines ; des transporteurs mécaniques les longent qui assurent la manuten<br />

tion de 2.000 sacs d'arachides, soit cent tonnes par heure. Les cultures maraî<br />

chères se sont étendues de plus en plus loin aux environs de Dakar, en même<br />

temps que s'est accrue et perfectiohnée la fourniture de l'eau au port et à<br />

la ville, gfâce à d'immenses travaux de captation de nappes souterraines.<br />

Le développement de la ville de Dakar, qui se poursuit avec une activité<br />

accrue depuis une cinquantaine d'années, est un chef-d'œuvre de l'esprit co<br />

lonisateur français. Nos pionniers ont triomphé d'une nature qui ne leur pré<br />

sentait dabord qu'un paysage désolé de dunes de sable. Ils y ont lancé des che<br />

mins de fer et bâti de toutes pièces une des plus puissantes villes maritimes<br />

du monde.


Conférence feule le 28 1940 par M. le Commandant Lehuraux,<br />

Directeur des Territoires du Sud<br />

Le sujet de la conférence donnée le 28 décembre 1940 par M. le Comman<br />

dant Lehuraux avait attiré de nombreux membres de la Société de Géogra<br />

phie, parmi lesquels se trouvaient plusieurs officiers généraux et des officiers<br />

supérieurs de la garnison d'Alger. L'Amiral Abrial, Gouverneur général de<br />

l'Algérie, s'était fait représenter par le Lieutenant-colonel de Villatte, chef<br />

de son Cabinet militaire.<br />

L'on connaît généralement assez peu dans le grand public le rôle décisif<br />

qu'a joué le Maréchal Pétain dans la campagne du Riff en 1925. Le vain<br />

queur de Verdun et le généralissime des armées, françaises de la grande<br />

guerre ayant atteint le summum de la gloire, l'on s'inquiétait fort peu de l'im<br />

portance de son intervention dans cette guerre coloniale et cette guerre elle-<br />

même, survenue peu d'années après l'armistice de 1918, considérée comme un<br />

épisode secondaire sans intérêt, passait presque inaperçue. L'opinion publique<br />

trouvait plus de piquant à la lecture des faits divers pittoresques, aux aven<br />

tures retentissantes d'un escroc d'envergure ou aux palpitants détails d'un<br />

crime passionnel.<br />

Le Commandant Lehuraux présenta tout d'abord une synthèse des événe<br />

ments qui précédèrent notre action. L'Espagne est aux prises avec un chef<br />

rebelle, Abdelkrim, dont le prestige, d'abord localisé, ne tarde pas à s'étendre<br />

dans tout le Riff espagnol, puis jusque dans les régions frontalières du ter<br />

ritoire chérifien placé sous le protectorat français. Dès ce moment, en 1924,<br />

le Maréchal Lyautëy, conscient du ^danger, sollicite instamment du Gouver<br />

nement l'envoi de renforts qui ne lui parviennent pas. Le grand colonial, en<br />

présence de cette carence du Gouvernement, prend alors l'initiative de dé<br />

garnir tous ses théâtres d'opérations secondaires peur rassembler le plus de<br />

monde possible sur la frontière. du Riff. A ce moment, nous ne disposions au<br />

Nord de Fez que d'une réserve de quatre bataillons à l'effectif de 600 hommes<br />

chacun.<br />

Le 9 avril 1925, Abdelkrim déclanche son attaque. Bientôt,<br />

notre poste de<br />

Béni Derkoul est violeïùment assailli et le pays des Beni-Zeroual est occupé<br />

par l'adversaire. Heureusement, les troupes du général de Chambrun et celles<br />

du général Hensch tiennent fermement et réussissent à sauver Fez. Fin mai,<br />

quelques renforts commencent enfin à arriver et le général Daugan, appelé<br />

d'urgence de Marrakech, réussit.l'énorme besogne de colmatage du front par<br />

un incessant mouvement de colonnes. C'est à cette époque que, parmi tant<br />

d'actes d'héroïsme, le sous-lieutenant Lapeyre se fit sauter avec son poste de<br />

Béni Derkoul pour ne pas se rendre.<br />

La situation était extrêmement critique et le Maréchal Lyautey ne cessait<br />

de la signaler au Gouvernement en sollicitant l'envoi de renforts d'extrême<br />

urgence ; ce n'est qu'en juillet 1925 que l'on se décida enfin à donner satis<br />

faction à cette demande, et pour bien marquer sa résolution d'en finir au plus<br />

vite avec ces événements du Riff, le Gouvernement envoyait au Maroc, pour<br />

y étudier la situation, le plus grand, le plus glorieux soldat de France, le<br />

Maréchal Pétain.<br />

Dès le 20 juillet, trois jours après l'arrivée du Maréchal Pétain à Fez, une<br />

offensive de nos troupes permettait de reprendre des positions momentané-


PÉTAIN'<br />

12 AU MAROC AVEC LE MARÉCHAL<br />

ment abandonnées. Ces positions conquises, une foi? consolidées, le Maréchal<br />

procédait à une répartition du commandement, fixait les responsabilités de<br />

chacun, puis, sa mission terminée, il rentrait en France après avoir conféré<br />

avec le Général Primo de Rivera en vue d'une collaboration plus étroite entre<br />

les forces françaises et les troupes espagnoles.<br />

Le séjour du Maréchal dans la Métropole devait être de courte durée. Le<br />

18 août, en effet, le glorieux chef quittait à nouveau Paris pour gagner Ca<br />

sablanca et il prenait la direction générale des opérations militaires et le<br />

commandement des troupes du Maroc. Le Maréchal Pétain devenait ainsi le<br />

chef unique.<br />

Le 8 septembre, les renforts et le matériel attendus de France se trou<br />

vaient à pied d'œuvre. Le 10, deux jours après le débarquement des Espa<br />

gnols à Ajdir, le Maréchal prescrivait une intense préparation d'artillerie<br />

sur tout le front de POuergha et, dès le lendemain, il donnait Fbrdre, depuis-<br />

si longtemps attendu, de prendre l'offensive. Celle-ci fut irrésistible, fou<br />

droyante ; l'adversaire fuyait en désordre devant nos colonnes ; partout, des<br />

succès étaient enregistrés et nos vaillants soldats avaient repris position sur<br />

les lignes que nous occupions avant l'agression riffaine. Tout danger était<br />

écarté et l'avenir pouvait être envisagé avec confiance.<br />

La guerre du Riff n'était cependant pas terminée pour autant, mais l'ère<br />

des grandes opérations paraissait close au moins jusqu'au retour du prin<br />

temps. Le Maréchal Pétain établit alors un programme à la fois politique et<br />

militaire à réaliser durant l'hiver 1925-26 et il précisa ses directives au cours<br />

d'un Conseil de Guerre réuni à Fez le 1er<br />

novembre, en insistant tout parti<br />

culièrement sur l'habitation, la nourriture, les distractions à procurer à nos<br />

soldats pendant la période d'hivernage, afin de soutenir leur moral et dé<br />

récompenser leur belle conduite. Le 6_ décembre, le Maréchal débarquait à<br />

Marseille et partait pour Paris rendre compte des résultats de sa mission.<br />

L'hiver 1925-1926 s'écoula comme il avait été prévu, sans incident notoire ;<br />

mais à l'approche du printemps, il convenait d'envisager, de concert avec<br />

l'Espagne, les opérations définitives destinées à achever l'œuvre, si bien com<br />

mencée, de l'automne précédent.<br />

Le 4 février 1926, le Maréchal Pétain partait pour Madrid muni de pou<br />

voirs exceptionnels du Gouvernement en vue d'arrêter, avec PEtat-major<br />

espagnol, un plan d'action commun et les détails d'une collaboration militaire<br />

au Maroc Septentrional. Cette visite, accompagnée d'entretiens amicaux avec<br />

le Roi Alphonse XIII et son Gouvernement, eut pour heureux résultat de<br />

resserrer plus étroitement les liens qui unissaient les deux pays et de nous<br />

assurer le concours des troupes espagnoles.<br />

Conformément au plan du Maréchal, une grande offensive était décidée<br />

au début du printemps de 1926. C'est à ce moment qu'eurent lieu les pre<br />

miers pourparlers de paix qui ne purent aboutir en raison des exigences du<br />

chef riffain. La bataille s'engageait le 18 mai et, le 23 au soir, les opéra<br />

tions se terminaient par une victoire complète sur toutes les parties du front.<br />

Le 27 mai, à 2 heures du matin, le Rogui Abdelkrim quittait Smada avec<br />

une escorte de spahis pour faire sa soumission au commandement français.<br />

La campagne du Riff était terminée. Une fois de plus, le Maréchal Pétain<br />

avait sauvé la France d'un grand danger.<br />

Le Commandant Lehuraux ne manqua pas, à ce propos, de mettre en va<br />

leur l'esprit d'abnégation du Maréchal. « La guerre du Riff ne pouvait rien<br />

ajouter à sa renommée, dit-il ; les hasards de la lutte si particulière engagée<br />

au Maroc pouvaient, au contraire, donner lieu à des insuccès locaux dont l'opi<br />

nion publique, versatile dans ses idées comme dans ses affections et volon<br />

tiers frondeuse, n'eut pas manqué de rendre responsable le Commandant en<br />

chef des troupes françaises. Mais le Maréchal, quand on fit appel à lui ne<br />

songea certainement pas à ces éventualités : Soldat avant, tout, il fit don de<br />

sa gloire à la France comme, depuis, il lui a fait don de sa personne. »<br />

Le Commandant Lehuraux termina sa belle conférence par un rappel des<br />

événements douloureux qui amenèrent le Maréchal Pétain au pouvoir « C'est<br />

alors que tout à coup, des ténèbres dans lesquelles nous étions plongés, sur<br />

git une éclatante lumière. Dominant un peuple en déroute, prêt aux plus


folles extrémités,<br />

il parle un langage nouveau,<br />

AU MAROC AVEC LE MARÉCHAL PÉTAIN 13<br />

un noble vieillard apparaît tel le Messie sur les sommets ;<br />

un langage très simple qui va droit au cœur<br />

de tous les "Français désespérés. Un cri de foi jaillit des poitrines :<br />

Pétain !... » Et le conférencier, après avoir rappelé les raisons d'espérer sous<br />

Pégide d'un chef aussi prestigieux-, donna à son auditoire ces ultimes conseils :<br />


(1)<br />

IP^IICIMaVIRII<br />

Conférence du 18 janvier <strong>1941</strong>,. par M. le Colonel de LavarÊNE<br />

Tout faisait présager en Ernest Psichari, petit-fils de Renan,<br />

un Grand<br />

Avenir littéraire. Mais, à 20 ans, l'anarchie intellectuelle et une crise senti<br />

mentale violente le plongent dans le désarroi. II mène alors une vie de liber<br />

tin qui le conduit jusqu'à une tentative de suicide. ,<br />

Après être tombé si bas, il ressent un besoin d'ordre, de discipline et, à la<br />

stupeur du monde intellectuel, il contracte un engagement, puis en 1906, il<br />

passe dans l'artillerie coloniale et part pour le Congo en expédition militaire.<br />

Au point de vue religieux, il est dans un état de complète indifférence, mais<br />

sous l'influence de Barrés et de Péguy, il commence à découvrir- les idées<br />

de patrie et de tradition.<br />

En 1908, il revient du Congo avec son premier livre : Terres de soleil et<br />

de sommeil.<br />

En septembre „L909, il sort de l'Ecole Militaire de Versailles comme souslieutenant<br />

et il part pour la Mauritanie.<br />

Le problème religieux le hante le long des pistes désolées, dans les sables,<br />

sous les étoiles ; les conversations religieuses des Maures l'impressionnent...<br />

En décembre 1912, il rentre en France et il se dit « catholique sans la foi ».<br />

L'Appel des Armes, publié peu après, retrace cette étape.<br />

La prière, l'étude réfléchie, l'influence d'amis (surtout Maritain), l'amour<br />

de la patrie française l'inclinent de plus en plus vers la profession de foi<br />

catholique et, le 4 février 1913, il fait le pas décisif.<br />

Le Voyage du Centurion raconte cette conversion et montre l'éveil du<br />

croyant dans le soldat.<br />

La ferveur de Psichari ne fait que croître de jour en jour ; il s'inscrit à<br />

la conférence de Saint Vincent de Paul, il entre dans le Tiers-Ordre Domi<br />

nicain ; l'idée du sacerdoce et de la vie religieuse germent dans'son esprit.<br />

Arrivent les journées tragiques d'août 1914 ; le lieutenant Psichari est<br />

frappé d'une balle derrière l'oreille ; il meurt comme il voulait mourir, "En<br />

soldat et en chrétien.<br />

Ernest Psichari laisse après lui un sillon de lumière ; la force de son<br />

œuvre, le rayonnement de sa personne, son esprit de sacrifice, son patriotisme:<br />

qui l'a conduit au catholicisme, tout incite à le donner comme un des Maîtres<br />

de la Jeunesse de <strong>1941</strong>.<br />

N'y a-t-il pas un indice émouvant de l'attirance exercée par Psichari, dans<br />

les soins fraternels dont sa tombe, en terre belge, est entourée, et dans l'em<br />

pressement avec lequel amis inconnus ou écrivains cherchent à le faire con<br />

naître et aimer.<br />

(1) Lieutenant Ernest Psichari, né à Paris le 27 septembre 1883. Mort au champ<br />

d'honneur le 22 août 1914.


René Trautmann. —<br />

La<br />

KAPili:;<br />

divination à la côte des esclaves et à Madagascar.<br />

Un volume in-4°. Mémoires de l'Institut français d'Afrique noire (Librai<br />

rie Larose, Paris, 1939).<br />

Il est heureux pour la science de l'homme que de grandes enquêtes aient<br />

été enfin entreprises sur les croyances sor- ><br />

magiques et les pratiques de la<br />

cellerie dans les populations indigènes d'Afrique. On sait à ce jour le rôle<br />

prépondérant qu'elles jouent dans la formation de la mentalité des noirs. Je<br />

'<br />

devrais ajouter qu'il s'agit en réalité d'un trait particulier à l'humanité,<br />

même éclairée, qui tend à attribuer à l'intervention d'entités plus ou moins<br />

précises la fortune ou l'infortune de l'individu et du groupe. La psychologie<br />

des noirs est profondément imprégnée d'une foi mystique traditionnelle qui<br />

se manifeste par des actes au moindre incident, même chez les gens évolués<br />

ou convertis soit à l'Islam, soit au christianisme (que l'on se reporte, à ce<br />

propos, à l'ouvrage capital de Raoul Allier sur la psychologie de la conver<br />

sion) ; j'ai constamment attiré, naguère, au cours de mes voyages d'inspec<br />

tion dans les cercles du Soudan, l'attention des administrateurs sur l'utilité<br />

primordiale que présentait, pour la connaissance intime des états d'âme de<br />

leurs indigènes, l'étude de la Magie, déjà préconisée par Delafosse. A mon<br />

instigation, un jeune fonctionnaire noir fort distingué de l'Empire, Dim Delobson,<br />

rédigea un livre qui fut publié sous le titre : « Les secrets des sor<br />

ciers noirs ». Des contributions du même genre, parfois excellentes, produi<br />

sent les résultats de recherches personnelles de savants de diverses nationa<br />

lités, chez les peuples de couleur.<br />

L'Institut Français d'Afrique Noire, dont le siège est à Dakar, qui, depuis<br />

de longues publie un bulletin du plus haut intérêt, vient d'éditer un<br />

important ouvrage sur la divination au . Dahomey ; des ouvrages fondamen<br />

taux ont été écrits déjà sur ce pays (ceux, entre autres, de Le Hérissé, de de<br />

Foa, de Waterlot, de Labouret et Rivet, et,, en dernier lieu, le remarquable<br />

roman de Doguicimi par l'indigène dahoméen Paul Hazoumé). L'auteur, M.<br />

René Trautmann, dont on appréciait déjà une bonne « littérature populaire<br />

de la côte des esclaves », a passé plus de vingt ans en Afrique et a recueilli<br />

quantité de documents de première main avec la collaboration de nombreux<br />

indigènes. Il ne traite guère ici que des Vaudou de la Divination. Il s'agit<br />

de Dieux qui, plus ou moins tutélaires, demandaient, au moins dans le passé,<br />

dés sacrifices sanglants. Observons en passant que nombreux sont les écri<br />

vains qui,<br />

bien qu'ignorant la question ou ayant sur elle les idées les plus<br />

""'""'<br />

—<br />

ncé le culte du Vaudou qui s'est transporté et peut-être<br />

■S au temps de la grande traite des esclaves. Pour ma<br />

e confiance dans les divulgations sensationnelles du<br />

:oock dans son « île magique ».<br />

?rçu de la religion dahoméenne dans ses rapion<br />

et la vie des dieux. Il se borne à exposer,<br />

es scientifiques, les renseignements qu'il<br />

■mateurs et quantité de procédés et de<br />

;s. ~^.ius apprenons qu'à l'occa-<br />

mes et des- indiscrets et que la<br />

du sorcier. Il nous apprend, en<br />

eligieux dont la révélation est<br />

de figurer dans la bibliothèque<br />

l'ouvrage, sont consacrées à la<br />

Robert Randat


16<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

Georges Gorrée. — Les Amitiés Sahariennes du Père de Foucauld. — Edi<br />

tions Félix Moncho, Rabat.<br />

Le premier tome des « Amitiés Sahariennes du Père de Foucauld » vien<br />

de paraître au Maroc.<br />

Le travail minutieux et précis du Père Georges Gorrée et les nombreuse<br />

lettres inédites de l'Ermite du Hoggar, qui constituent le fond documentair<br />

de cet important ouvrage, méritent l'affectueuse attention de tous les Fran<br />

çais soucieux du redressement spirituel de leur patrie.<br />

Par un hommage délicat, le livre, est dédié au Maréchal Pétain, "Chef d<<br />

l'Etat Français, qui fut un camarade, à Saint-Cyr, de Charles de-Foueaulc<br />

et aux officiers des Affaires Indigènes pour leur œuvre grandiose. accompli<br />

au Sahara et au Maroc, en témoignage d'admiration et de reconnaissance.<br />

. L'Amiral Abrial, Gouverneur Général de l'Algérie, qui a bien voulu ho<br />

norer ce premier volume d'une Préface, dit notamment : « La vie du Pèn<br />

de Foucauld fait partie de l'épopée de la pénétration française au Sahara<br />

Elle est un magnifique exemple de la force des valeurs spirituelles et de leur<br />

rayonnement bienfaisant sur le plan humain. On verra dans ces pages qui<br />

le Moine ascétique que fut Charles de Foucauld était aussi un grand Fran<br />

çais,<br />

un réalisateur et un conquérant des âmes et des cœurs...<br />

Le livre que voici est le premier d'une série d'ouvrages dont Charles di<br />

Foucauld sera le centre et qui familiariseront lès lecteurs avec tous les hé<br />

roïques- ouvriers de la Conquête saharienne...<br />

Ce livre, j'en suis sûr, aidera les Français à retrouver la voie qui leur per<br />

mettra de rendre à notre Patrie blessée sa véritable grandeur. »<br />

Le magnifique succès que les premières éditions de cet ouvrage vienne»<br />

de remporter est un signe de sa haute valeur. Bientôt, sur la demande du Mi<br />

nistre de la Guerre, toutes les garnisons de France et des Colonies possé<br />

deront « les Amitiés Sahariennes du Père de Foucauld ». C'est un devoir d<<br />

diffuser cette œuvre consacrée à la gloire de l'Apôtre et des Héros du Sahara^


1"<br />

— Partie.<br />

SOMMAIR<br />

ACTES DE LA SOCIETE<br />

GSfft<br />

•fes<br />

Pages<br />

Procès-verbaux des séances de la Société 1<br />

M" Lefèvre-Paul<br />

Robert Randau<br />

*'<br />

Commandant Lehuraux<br />

Colonel Lavarenne<br />

Partie. —<br />

3'<br />

— Partie.<br />

CONFERENCES<br />

Paroles d'action 6<br />

Trente ans de la vie de Dakar 8<br />

Au Maroc avec le Maréchal Pétain. . 11<br />

Psichari 14<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

Ebbert Randau « René Trautmann, la 'divination »<br />

N... : Georges Gorrée « Les Amitiés Sahariennes, du Père de Foucauld » 16<br />

15


Ou»ranf«»-ôrxiéma Année<br />

■4-<br />

Trfmestrô -i&A-i<br />

!4LGER*^<br />

BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Oociété<br />

&im<br />

m- -res<br />

de Oéographie d'Alger<br />

DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

HLBER — IMP 1MBERT


Société de Géographie d'Alger<br />

et de l'Afrique du Nord<br />

CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />

Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, Conseiller à la Cour<br />

d'Appel d'Alger.<br />

Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé<br />

rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />

MM. BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />

BESSIERE Lucien, Professeur agrégé -d'histoire et de géographie au<br />

Lycée d'Alger.<br />

BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes<br />

mixtes.<br />

CHAMSKI-MANDAJORS, Trésorier-payeur général.<br />

JOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />

Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />

des Colonies françaises.<br />

Commandant LEHURAUX.<br />

Général MEYNIER.<br />

Colonel PEYRONNET.<br />

PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />

RIMBAULT Paul, ancien rédacteur en chef de la « Dépêche Algé<br />

rienne » et de P « Effort Algérien ».


BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Société de Géographie d'Alger<br />

ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

Quarante-Sixième Année<br />

4" Trimestres 1 941<br />

Procès-Verbaux des Séances de la Société<br />

SEANCE DU 8 NOVEMBRE <strong>1941</strong><br />

Conférence<br />

« Le Centenaire d'Olivier de Serres,<br />

Préfecture : 3.150 francs.<br />

M. Zedeck Mahfoud,<br />

Subvention<br />

Décès<br />

par M. Berthault.<br />

N" 168<br />

administrateur de la Banque de l'Algérie.<br />

M. Gaubert Charles, préfet honoraire.<br />

M. Vaugien Adolphe, ancien trésorier de la Société de Géogra<br />

phie d'Alger.<br />

Nouvelle adhésion<br />

M. SAlvau Paul, place de l'Albeuque, Castres (Tarn) ; présenté<br />

par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />

SEANCE DU 15 NOVEMBRE <strong>1941</strong><br />

Conférence<br />

« En Audience chez les Rois », par M. Jacques des Roches.<br />

Nouvelles adhésions<br />

M. Arnaud de Quillacq, capitaine de frégate de réserve, 107,<br />

boulevard Saint-Sàëns, Alger ; présenté par MM. Lefèvre-Paul<br />

et Chamski-Mandajors.<br />

M. FERROUX, directeur du Crédit Foncier d'Algérie, boulevard<br />

Maréchal-Pétain ; présenté par MM. Lefèvre-Paul et Chamski-<br />

Mandajors.


SEANCE DU 6 DECEMBRE Ï94I<br />

Conférence<br />

Conférence sur le. R.P. Charles de Foucauld : « Souvenirs sur<br />

le Père de Foucauld à l'occasion du 25e<br />

anniversaire de sa mort »,<br />

par le Commandant Lehuraux.<br />

Nouvelle adhésion<br />

Mme Blanchin Marthe, propriétaire, 96, rue Michelet, Alger;<br />

présentée par MM. Lefèvre-Paul et Docteur Josse.<br />

Décès<br />

M. de Sambœuf, avocat honoraire, ancien vice-président de la<br />

Société de Géographie d'Alger.


illes relatives a la Franc-Maçonnerie<br />

Collection des Médailles sur l'Algérie<br />

Médaille frappée par la Loge Maçonnique d'Oran :<br />

Date de frappe : 1870.<br />

Métal : étain.<br />

Diamètre : 38 m/m.<br />

Droit :<br />

Revers :<br />

LOGE L'UNION AFRICAINE D'ORAN —<br />

2 colonnes —<br />

autel — lion<br />

Attributs maçonniques.<br />

Dans le champ :<br />

Autour :<br />

—<br />

coq.<br />

PAIN OU VIANDE<br />

BON DE VINGT CENTIMES<br />

LOGE MAÇONNIQUE L'UNION AFRICAINE —<br />

Date de frappe : 1882.<br />

Métal : cuivre.<br />

Diamètre : 30 m/m.<br />

Droit :<br />

Revers :<br />

La République —<br />

Même collection :<br />

REPUBLIQUE DES COMMUNES<br />

buste<br />

gien avec cocarde.<br />

Exergue : JACQUES FRANCE.<br />

Sur le col : 1870 —<br />

équerre<br />

ALGERIE<br />

ORAN<br />

à droite, coiffée du bonnet phry<br />

—<br />

TLEMCEN<br />

SOUVENIR<br />

compas.<br />

DE LA FETE DU<br />

14 JUILLET<br />

1882


La Musique Méditerranéenne<br />

secrète et sacrée<br />

La musique est l'expression même des sentiments de l'âme hu<br />

maine. Si donc, il y a une communauté d'origine quelconque entre<br />

les divers peuples méditerranéens, c'est la musique qui, plus que<br />

toute autre manifestation humaine, nous en donnera une preuve<br />

à peu près certaine, puisqu'elle nous fera pénétrer dans l'âme et<br />

le cœur de ces peuples.<br />

C'est d'autant plus vrai, en ce qui concerne notre grand Lac<br />

Bleu, que,<br />

comme chez tous les individus, mais avec un accent-<br />

plus .plus prenant, sincère, plus profond, la musique est, avant<br />

tout, religieuse, même dans ses manifestations apparemment les<br />

plus profanes et les plus frivoles.<br />

Cependant, on a une tendance à juger de cette question d'une<br />

façon très superficielle et de ne vouloir donner la dénomination de<br />

mnciaue à ce que l'on appelle des grincements ou des miaulements<br />

arabes. On va même plus loin et on n'hésite pas à soutenir que<br />

les Nord-Africains n'ont aucun sens musical. Ils sont,<br />

au con<br />

traire, extrêmement doués et comme oreille et comme exécution.<br />

On cite ce cas absolument extraordinaire d'un instituteur des<br />

A


En arabe, il se dénomme guessab, guesba, q'as'ba ou aôuada,<br />

bien que l'instrument possède un autre nom dérivé du berbère,<br />

jouak l'arbaben (en arabe rheïta), est un véritable hautbois percé<br />

de sept trous, avec une anche de paille. Il donne un son aigu et<br />

strident,<br />

alors que les précédents donnent le son des instruments<br />

européens qui leur correspondent ;<br />

l'agouel ou attabbal (en arabe, taraja ou tebel, qui semble être<br />

la racine de timbale) est une simple grosse caisse à peau parche<br />

minée que l'on frappe du côté droit avec une crosse de bois, assez<br />

semblable, en plus court, à la crosse avec laquelle les enfants<br />

jouent à la koura (sorte de golf), tandis que sur le côté gauche,<br />

une badine mince fait la contre-partie. Il n'y a pas de corde de<br />

timbre ;<br />

Talloul ou abendir (en arabe bendir), qui n'est pas autre chose<br />

qu'un tambour de basque, mais sans timbres de cuivre. On le re<br />

trouve en Espagne, de même que la rheïta, qui y prend le nom de<br />

flûte pastoril.<br />

Quelquefois,<br />

on rencontre un ajouak plus grand que celui cité<br />

plus haut ; il mesure 65 centimètres, mais toujours à sept trous.<br />

Il se dénomme aksabta et donne les sons graves de la flûte tra-<br />

versièreallemande des XVI8<br />

et XVIP siècles.<br />

Les instruments à vent se jouent isolément, les instruments à<br />

percussion ne se joignent à eux que pour former un orchestre<br />

assez primitif, il faut le reconnaître,<br />

auquel s'adjoint quelquefois<br />

un gnibri, appelé vulgairement en français écaille de tortue, parce<br />

que c'est une carapace de chélonien, munie d'un assez long manche<br />

de .bois et garnie de deux cordes en boyau.de chacal. Certains<br />

amateurs possèdent des guitares de ce genre plus harmonieuses<br />

faites en abricotier recouvert de parchemin, alorsque<br />

des^ ama<br />

teurs ont des caisses faites toujours en la forme d'une écaille,<br />

mais de zinc artistiquement repoussé. Ce sont des petites œuvres<br />

d'art, avec leurs rinceaux de fleurs et de feuillage, mais ce ne<br />

sont plus des instruments de musique usuels.<br />

Ces instruments peuvent composer deux sortes d'orchestres.<br />

Un premier, ambulatoire, défilant dans les rues à certaines occa<br />

sions, sans gnibri ; un second, immobile et plus complet, accom<br />

pagnant ces courtes chansons dont nous parlerons plus loin ou<br />

soutenant des danses de leur rythme endiablé. Si l'on n'a pas soi-<br />

même un sens extrêmement aigu de la musique, on est amené à<br />

conclure que les exécutants n'ont aucune idée de l'harmonie. Ce<br />

qui est un jugement non pas téméraire, mais erroné. Souvent, sur<br />

rythme qui sert de trame, un exécutant se livre à des improvi<br />

le<br />

sations que certains algériens bien inspirés ont comparé à des<br />

broderies. Nous irons même plus loin, les véritables amateurs de<br />

ce genre -de musique ne sauraient pas ne pas lui reconnaître une<br />

supériorité marquée sur ce que, depuis plusieurs années, nous dé<br />

versent des jazz nègres.


Mais, nous le répétons,<br />

nous n'osons dire champêtre,<br />

nologie à la mode.<br />

c'est là de la musique de la campagne,<br />

même pour nous plier à la termi<br />

Dans certaines régions du Maroc, on trouve un instrument qui<br />

étonne à première vue. C'est l'amid'az, sorte de biniou fait d'une<br />

peau de chèvre et de deux cornes percées detrous (2) . C'est le<br />

très proche parent et probablement l'ancêtre de la sumponia<br />

juive et de la samphonia calabraise, où les cornes sont rempla<br />

cées par des roseaux. Dans d'autres endroits,<br />

instrument en arabe zemmara,<br />

en berbère ghanim (3).<br />

on dénomme cet<br />

Mais si l'on passe de la fruste musique berbère, qu'elle soit<br />

aurasienne, kabyle, khroumire ou chleue, à la musique citadine,<br />

on se trouve alors en présence d'un véritable orchestre extrême<br />

ment nuancé, grâce à de précieux instruments, tels que le ka-<br />

noune, harpe à 75 cordes, d'usage assez rare, il est vrai ; la kouitra,<br />

guitare à huit cordes avec plectre en plume d'aigle ; Ist ka-<br />

mendja, qui fait office d'alto ; le rebab, violon à une, deux ou<br />

trois cordes, en bois d'abricotier, dont le nom est à rapprocher<br />

de celui du violon médiéval des ménestrels ; le rebec, ou mieux le<br />

rubeb. Ce dernier instrument se joue debout sur le genou de l'ar<br />

tiste, comme le violon italien.<br />

L'orchestre de chambre du Sultan du Maroc se compose de<br />

quatre luths, trois violons, deux rebebs et un tar, faisant office<br />

de timbale (c'est un autre nom du taraja ou tebel).<br />

Certains riches bourgeois n'hésitent pas à engager la dépense<br />

considérable que représente la location d'un orchestre, lorsqu'ils<br />

donnent une réunion musicale appelée mesriya.<br />

Il ne faut pas oublier enfin les orchestres de café maure, dont<br />

certains sont excellents, avec un nouvel instrument qu'on appelle<br />

derbouka, bien que quelquefois on lui donne, ce qui pourrait créer<br />

confusion, le nom d'agoual ou de taarija. C'est un vase en poterie<br />

oblong de 33 centimètres de longueur et de 12 de diamètre moyen.<br />

Il est aminci au milieu de la hauteur et évasé à ses bases ; il res<br />

semble un peu à un grand diabolo. Il est tendu d'une peau de chè<br />

vre sous laquelle se trouve une double corde de résonnance et oue<br />

l'on chauffe légèrement pour en développer le timbre (4). Plus<br />

rarement, on rencontre le toubila, assemblage de deux petites tim<br />

bales de terre cuite, que l'on tient dans le bras gauche. On l'ap<br />

pelle aussi : bezoulat m'taa dada (les seins de ma nourrice) . Lors<br />

qu'il y a un récitant, il est soutenu, comme l'est le meddah, par<br />

un deff, tambourin de Marrakech, de forme carrée, portant sur<br />

chaque face une peau et deux cordes de résonnance.<br />

Mais il est évident que, même devant ces orchestres plus ou<br />

moins savants, l'européen du Nord est un peu surpris, alors que<br />

(2) Biarnay. —<br />

bères, 1915.<br />

Notes<br />

sur les chants populaires du Riff. Archives Ber<br />

(3) Capitaine — Querleux. Les Zemmours. — — (4) Castells. Note sur la fête de l'Achoura à — Rabat.<br />

Ibid. 1915<br />

Ibid. 1916.


celui du Midi ne peut s'empêcher de trouver quelque similitude<br />

avec certains orchestres folkloristes. En effet,<br />

pour le premier,<br />

il y a, à la base, une incompréhension. La gamme arabe, car c'est<br />

d'elle dont il s'agit beaucoup plus que de la gamme berbère, a des<br />

sons différents des nôtres. Au nombre de sept, ils donnent nais<br />

sance chacun à un ou plusieurs modes, sans quart ni tiers de tons,<br />

mais avec des divisions irrégulières difficilement perceptibles<br />

pour un européen. On compte, en effet, jusqu'à 84 modes au lieu<br />

des deux : majeur et mineur, de notre musique.<br />

Puis il y a ce rythme qui bourdonne continuellement, bien que<br />

le jazz ait dû, depuis longtemps, nous y accoutumer. Or, c'est la<br />

base rigoureuse de la musique arabe. Ishac Mossouli a écrit :<br />

« Celui qui se trompe est des nôtres. Celui qui ajoute ou re<br />

tranche une mélodie est des nôtres. Mais celui qui s'écarte du<br />

temps, sans s'en rendre compte, ne peut pas être des nôtres. » (5)<br />

Nous laisserons donc de côté la musique arabe, bien que celle-<br />

ci ait considérablement évoluée depuis son introduction dans<br />

l'Afrique du Nord pour se rapprocher de la musique berbère, qui<br />

est la véritable musique du bassin méditerranéen.<br />

D'autant plus véritable,<br />

que le problème se pose pour savoir<br />

si c'est elle qui procède du grec antique ou si c'est à l'inverse qu'il<br />

faut envisager l'énigme.<br />

Comme nous l'avons vu pour la musique arabe,<br />

ce qui établit<br />

bien leur parenté, il faut considérer qu'elle se compose simple<br />

ment d'une trame sur laquelle l'exécutant brode à sa fantaisie.<br />

Mais cette trame, comme une broderie sur le métier de l'artisan,<br />

est soutenue par un rythme extrêmement accentué, très caracté<br />

risé,<br />

tout en étant riche et varié.<br />

Ce sont là les caractéristiques de la musique méditerranéenne,<br />

mais il convient de plus de relever les genres courants du rythme<br />

et on est stupéfait de se trouver en présence d'une musique qui<br />

ressemble à s'y<br />

méprendre à la musique grecque antique.<br />

Les principales mesures sont :<br />

binaire,<br />

c'est-à-dire proche parente du genre « égal » des hel<br />

lènes, avec dactyle et spondée ;<br />

ternaire,<br />

ce qui correspond au genre « double » : trochée (lon<br />

gue et brève), chorée (danse), ionique ;<br />

quinaire, surtout,<br />

que les Berbères emploient le plus fréquem<br />

ment lorsqu'ils veulent s'exprimer avec sincérité et véhémence;<br />

c'est le genre sesquialtère (une fois et demie) et péonique.<br />

Si l'on considère que la plupart de ces genres étaient également<br />

employés par les latins, on voit très bien, dès maintenant, se des<br />

siner la parenté musicale de tout le bassin méditerranéen (6).<br />

(5) L Jean-Darrouy. — La<br />

musique musulmane. Société de Géogra<br />

phie d'Alger, 1931. .<br />

—<br />

(6) Alexis Chottin. Etude sur la musique marocaine. — Gonstantine,<br />

1930.


La musique citadine d'origine arabe, comme nous l'avons dit,<br />

tout en<br />

a subi l'influence de la musique berbère et il est curieux,<br />

conservant les principes généraux dont nous avons parlé précé<br />

demment, de constater que cette musique va se modifiant au fur<br />

et à mesure que l'on s'avance vers l'ouest, que l'on s'éloigne de<br />

l'Arabie, où la mélopée monotone du Nedjdj et de l'Iraq s'est mo<br />

difiée déjà en se colorant de la mélodie persane et de la gamme<br />

byzantine. Grâce à cette immixtion, cette musique caravanière,<br />

si nous pouvons employer cette expression en faisant allusion aux<br />

chants primitifs des nomades du Yémen, s'est grécisée quelque<br />

peu et se rapproche déjà du système des modes et des moules mé<br />

lodiques et rythmiques doués d'un ethos spécial. Aussi est-elle<br />

dès lors prête à subir de nouvelles modifications au contact de<br />

ia musique berbère plus grécisée encore qu'elle ne peut l'être elle-<br />

même. Il est bien entendu que nous ne prétendons pas, du fait de<br />

(a phrase précédente,<br />

grec, ni d'ailleurs l'inverse ;<br />

vouloir affirmer que le berbère<br />

du<br />

procède'<br />

nous pouvons simplement dire qu'ils<br />

procèdent l'un de l'autre et que qui a affinité avec l'un, peut<br />

l'avoir non moins facilement avec l'autre.<br />

Les rythmes usités sont très nombreux en Egypte où ils sub<br />

sistent encore,<br />

des populations.<br />

peut-être du fait de la déberbérisation partielle<br />

A Tunis, la musique est une mélodie ailée, rapide, peu respec<br />

tueuse des précisions rythmiques et des formes rigoureuses.<br />

A Alger, règne la nouba, c'est-àdire la succession de morceaux<br />

de musique vocale ou instrumentale ou du mélande des deux, avec<br />

une unique tonalité,<br />

mais des rythmes et des caractères diffé<br />

rents.; c'est, à proprement parler, une « suite ».<br />

A Tlemcen, les chants « cenâa » sont ornés avec abondance,<br />

agrémentés de fioritures et en filiation directe avec les ara<br />

besques de Grenade et de Cordoue.<br />

Mais,_ à Oran, le compositeur s'assagit, il met le chant de la<br />

cenâa (ici chanson) dans sa forme classique (7). C'est ainsi que<br />

le compositeur oranais Juan Huertas, en collaboration avec le<br />

maître Saoud Medîoni, musicien arabe et virtuose de mérite, a<br />

mis au point plus de vingt mélodies, dont la « Touchia Dib, dont<br />

la notation et l'orchestration sont d'une surprenante richesse et<br />

absolument conformes à la tradition qui est faite, en même temps,<br />

de la nostalgie de l'Orient et de l'ardeur de l'Islam.<br />

Enfin, au Maroc, au contact très vivant de l'art berbère, tous<br />

ces rythmes multiples se réduisent à cinq, se déroulant suivant<br />

un plan uniforme que nous retrouvons dans la sonate. Ce sont<br />

dans la cenâa : prélude (touchia) ; couplets (sanaïa) ; coda (kantra)<br />

; strette. (insiraf) ; dans la sonate : allegro, adagio, minuetto<br />

et rondo.<br />

(7) L. Jean-Darrouy. —<br />

Loc.<br />

cit.


Aussi a-t-on coutume de dire en Afrique du Nord : Tunis in<br />

vente, Oran met la forme et Alger le cachet. Le Maroc est consi<br />

déré comme berberisé.<br />

Mais, pour le moment, il convient de tenir d'autant .<br />

moins<br />

compte de cette musique citadine que les musulmans de nos jours<br />

cherchent à se débarrasser de ces règles qui, se substituant à<br />

l'harmonie, constituent le troisième élément des modes, des mé<br />

lodies et du rythme (8) .<br />

Il ne nous reste, et cela rentre parfaitement dans notre thèse,<br />

que la véritable musique populaire, c'est-à-dire la musique médi<br />

terranéenne sans apport étranger. Mais il était nécessaire de dire<br />

un mot de la musique citadine, de façon à éviter la confusion qui<br />

se crée souvent à son sujet.<br />

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que, de même que l'art<br />

méditerranéen a perdu de sa pureté en Europe méridionale par<br />

suite des apports nordiques,<br />

H<br />

ce même art a subi des modifications<br />

en Berbérie du fait de l'Islamisme et il sera impossible de le re<br />

trouver dans sa pureté, même dans les tribus les plus reculées,<br />

dans celles qui ont réussi, jusqu'à ces derniers temps, à conserver<br />

leur indépendance politique dans la mesure où cela était possible,<br />

chez les Touareg, par exemple.<br />

L'Islam a marqué la musique du caractère intellectuel ou<br />

mieux religieux dont il a frappé tous les arts. Mais il faut<br />

l'avouer,<br />

en toute franchise et sans aucun faux-fuyant qui ne sau<br />

rait avoir quelque valeur en matière scientifique,<br />

que cette em<br />

preinte est peut-être plus superficielle qu profonde. Nous consta<br />

tons en matière musicale ce que nous avons déjà constaté à toutes<br />

sortes d'autres points de vue (9). On voit sous une couche sé<br />

rieuse, il faut le reconnaître, transparaître des traces des civili<br />

sations précédentes et, faut-il l'avouer, moins ces civilisations ont<br />

été policées, plus ces traces sont nettes, elles semblent avoir mar<br />

qué davantage sur la nature un peu fruste de certaines tribus re<br />

culées, ayant, par conséquent, ressenti moins d'influences. Les<br />

premières ont alors survécu, souvent à peine déformées, pour le<br />

grand bonheur de l'ethnologue et du sociologue, beaucoup plus<br />

que du touriste superficiel qui voit, hausse les épaules et ne com<br />

prend pas.<br />

C'est ainsi qu'à la base de quantité de cérémonies pratiquées<br />

actuellement en Afrique du Nord, accomplgnées de danses et de<br />

chants, on trouve le culte agraire tel qu'on le pratiquait dans<br />

l'antiquité et tel que ne l'a jamais prescrit le Qoran. Ainsi, la fête<br />

du Printemps,<br />

qui se célèbre partout et qui n'est autre chose qu'un<br />

souvenir éleusien de la période polythéiste grecque et romaine ou<br />

plus exactement dont on trouve trace à cette période, découlant,<br />

comme nombre de cérémonies africaines, du très vieux culte hit-<br />

—<br />

(8) L. Jean-Darrouy. Loc. cit.<br />

—<br />

(9) A Maitrot de la Motte. Survie des symboles religieux dans 1 Afri<br />

Société d'Archéologie de Constantine, 1922.<br />

que du Nord. —


12<br />

tite de la déesse Isthar, qui était le principe même de la fécondité<br />

avant que de se muer en Cérès. En Egypte, pendant très long<br />

temps, jusqu'au règne du musulman Amer, on offrait au dieu<br />

une jeune<br />

Nil, pour obtenir une généreuse fécondation des terres,<br />

fille pompeusement parée. Le musulman fit cesser ce criminel<br />

sacrifice humain, mais son intransigeance fut contrainte à transiger.<br />

On construisit, sur le bord du fleuve, peut-être le fait-on<br />

encore en quelques région, une petite pyramide de terre, appelée<br />

arousset en Nil, la fiancée du Nil et la récolte devait être bonne<br />

quand le fleuve l'avait entraînée (10).<br />

Cette conception agraire existe encore dans tout le bassin mé<br />

diterranéen, non tant dans la fête du printemps que l'on célèbre<br />

partout sous des formes différentes, et cela suivant le même prin<br />

cipe, mais surtout en cas de sécheresse. L'église catholique, res<br />

pectueuse des vieilles pratiques lorsqu'elles ne sont pas con<br />

traires au dogme, a conservé en partie ces manifestations éleu-<br />

siennes, lorsqu'elle a institué les Rogations, c'est-à-dire les prières<br />

publiques qui sont dites trois jours avant l'Ascension pour atti<br />

rer sur les champs la bénédiction du ciel. Mais tous ceux qui ont<br />

habité l'Europe méridionale, et notamment la Corse, ont vu se<br />

dérouler sous une forme chrétienne ce qui est également pratiqué<br />

dans l'Afrique septentrionale sous une forme qui n'est pas spé<br />

cifiquement coranique, tant s'en faut.<br />

Nous voulons parler de la procession de la Randja. dite aussi<br />

Bou Ghondja, ce qui est plus conforme à la syntaxe. En effet, ce<br />

mot vient du berbère Tarandjaï, qui veut dire grosse cuillère à<br />

couscouss, une sorte de louche en bois. Bou indique non pas la<br />

cuillère elle-même, mais le fait de se servir d'elle.<br />

Lorsque la sécheresse menace de compromettre les récoltes, les/<br />

femmes prennent la grosse cuillère en auestion, croise avec son<br />

manche un bâton quelconque et revêtent de linges divers cette<br />

sorte de poupée primitive, le fond de la cuillère formant le crâne:<br />

Sans s'en douter, elles constituent un mannequin rappelant va<br />

guement la déesse Isthar dans sa longue robe, la tête recouverte<br />

d'une coiffure cylindrique. Pour l'honorer davantage, certaines<br />

n'hésitent pas à la parer de lenrs pauvres'- bijoux, ce qui est de<br />

leur part un acte de profonde dévotion.<br />

La poupée ainsi fabriquée est promenée à travers la campagne,<br />

dans tout le Maroc, en Grande et Petite Kabylie, tous pavs net<br />

tement berbères et la superstition gagne les pays oui se disaient<br />

arabes et qui sont,<br />

en réalité,'<br />

arabo-berbères. Portée par une vé<br />

nérable matrone, la cuillère est aspergée de quelques gouttes d'eau<br />

par les passants rencontrés ; nous ne voudrions pas commettre<br />

d'irrévérence, mais il y, a, tout de même, quelque rapprochement<br />

à faire avec l'aspersion d'eau bénite des Rogations occasionnelles<br />

„I10} A Robert —<br />

Fêtes<br />

d Archéologie de Constantine, 1925.<br />

religieuses et pratiques musulmanes. —<br />

Société


de la Corse. Pendant ce temps, des femmes se sont groupées der<br />

rière la cuillère et chantent. Ces chants, qui étaient à l'origine de<br />

purs rîtes verbaux,<br />

A Sétif, elles chantent :<br />

sont donc devenus des prières.<br />

Bou Randja, imbibée de liquide,<br />

O Dieu ! augmente les nuages.<br />

On se demande, sous cette forme, si la prière est adressée à<br />

Dieu par l'intermédiaire de Randja, le bou semblerait l'indiquer.<br />

Ou si c'est Randja qui est élevée à la puissance divine. Ce serait<br />

alors un souvenir très net de la déesse antique.<br />

A Aïn-Sefra :<br />

ou bien :<br />

Ghondja, Ghondja a découvert sa tête ;<br />

O mon Dieu, tu arroseras ses pendants d'oreilles ;<br />

L'épi est altéré,<br />

Donne-lui à boire, ô Maître.<br />

O Ghondja, ô Ghondja comme l'espérance,<br />

O mon Dieu, donnez-nous de la pluie,<br />

Djéldjala, pour que la veuve puisse vivre ;<br />

L'épi est altéré.<br />

Ici la supplique s'adresse nettement à Dieu, par l'intercession<br />

de Ghondja, dont le nom est déformé et ne vient plus directement<br />

de la racine berbère ; nous sommes en pays arabe. Djéldjala est<br />

une exclamation fréquente en musique populaire, nous y revien<br />

drons.<br />

A Tlemcen :<br />

Les récoltes sont altérées,<br />

Arrosez-les, ô vous qui les avez crééek (11).<br />

Une autre cérémonie qui est caractéristique, c'est le Carnaval,<br />

sur lequel il n'est pas besoin d'insister en ce qui concerne l'Es<br />

pagne, la Provence et l'Italie. C'est, ou ce serait,<br />

13<br />

une sorte de pré<br />

paration au jeûne du carême si l'on ne considérait que le rite ca<br />

tholique ; c'est tout autre chose si on fait le rapprochement, qui<br />

est nécessaire avec l'Afrique du Nord.<br />

Là, il ne saurait s'agir du carême chrétien. Il y a bien le ca<br />

rême musulman avec ses deux fêtes, l'Aî'd es Seghir qui le suit<br />

immédiatement et qui, malgré sa position inversée par rapport<br />

au jeûne, pourrait être assimilé au Mardi Gras, et l'Aïd el Kebir,<br />

qui a lieu quelques semaines plus et, toujours sans tenir<br />

compte des places respectives, pourrait être assimilé à la Mi-<br />

Carême. Mais il y a un troisième carnaval, c'est l'Achoura. Cette<br />

fête n'est nullement qoranique, contrairement aux précédentes.<br />

C'est une fête inventée après coup. On l'appelle aussi quelquefois<br />

ennaïr parce qu'elle se célèbre au mois de janvier.<br />

(11) —<br />

— A. Robert. Loc. cit. E.<br />

— frique du Nord. Alger, 1909.<br />

Doutté. —<br />

Magie<br />

et religions de l'A


14<br />

Qu'est-ce que le mois de janvier, qui est un mois latin, peut<br />

avoir de commun avec les adeptes d'une religion dont la façon<br />

de décompter les mois est complètement différente de la nôtre<br />

et dont l'année est plus courte de onze jours, ce qui met le carême<br />

aussi bien au printemps qu'en hiver. C'est que justement il est<br />

nécessaire de faire cadrer ces fêtes avec les saisons, car dans la<br />

réalité, carême chrétien, comme achoura pseudo-musulmane, sont<br />

des souvenirs des vieilles fêtes saisonnières de la Méditerranée.<br />

Nous en revenons à Isthar et à Cérès.<br />

La mise à mort de carnaval qui existe aussi bien à Nice qu'en<br />

Berbérie, dans cette dernière région sous la forme d'une poupée<br />

de paille, qui fait l'objet d'une lutte entre les participants, on la<br />

prend, on la reprend, pour finalement la brûler ; cette mise à<br />

mort est, elle aussi, de rite agraire. C'est l'esprit de la végéta<br />

tion qui meurt de l'année précédente pour renaître pour l'année<br />

qui s'ouvre ; car il ne faut pas oublier que ces fêtes dans l'anti<br />

quité coïncidaient avec l'équinoxe du printemps. C'est un rituel<br />

de meurtre et de résurrection du dieu : Adonis en Syrie, Atys en<br />

Phrygie, Osiris en Egypte, Dyonisios en Grèce ; ce sont les sa<br />

turnales à Rome avec, autrefois, les sacrifices humains, c'est la<br />

fête de Pourim chez les Hébreux. C'est nettement un rite médi<br />

terranéen. Il y a même chez les Berbères une fête qui n'existe<br />

plus chez les peuples chrétiens, c'est l'Aî'd el Foui, la fête de la<br />

fève, de caractère sacré, qui pourrait être rapprochée des Bouphonia<br />

d'Athènes, où un bœuf était sacrifié et partagé entre les<br />

assistants, après les moissons. Cette survivance est d'autant plus<br />

curieuse que la fête athénienne n'a pas eu très longue vie et que<br />

le souvenir devrait en être perdu.<br />

Mais nous répétons que ces fêtes carémesques ne sauraient<br />

avoir chez les musulmans une importance quelconque au point de<br />

vue agraire, étant donné leur décalage par rapport aux mois so<br />

l'<br />

laires, les mois musulmans étant lunaires. Aussi Achoura at-elle<br />

été créée et comme son symbole lui-même n'est pas très net<br />

dans l'esprit des foules, elle aussi a été décalée. Ce n'est pas que<br />

l'ontrouve<br />

une preuve historique de ce décalage, mais il est cer<br />

taines petites coutumes qui sont symptomatiques. Elle se fête au<br />

commencement de janvier ; on a essayé de faire des rapproche<br />

ments avec la Noël, en disant que Jésus a été un des plus grands<br />

prophètes du Qoran et qu'il est tout naturel qu'on célèbre sa nais<br />

sance. Il y<br />

l'<br />

a bien dans Achoura une idée de naissance, mais ce<br />

n'est certainement pas celle de Sidna A'issa. On a pensé au sols<br />

tice d'hiver, mais ce serait le symbole de la mort de la nature et<br />

non de sa résurrection.<br />

_<br />

Achoura est bien un anniversaire de renouveau ; car il est cu<br />

rieux de constater des vœux "assez singuliers qui se trouvent in<br />

clus dans une chanson que l'on entend au Maroc qu'à cette épo<br />

que et qui est particulière aux hommes qui mettent en mouve-<br />

(12) Castells. —<br />

Loc.<br />

cit. —<br />

Doutté.<br />

—<br />

Loc. cit.


Ment une grande roue à balançoires, qui est elle-même le symbole<br />

solaire (l'appareil s'appelle naora et la roue elle-même la zaaloula).<br />

Dans la chanson des manœuvres, il y a mot : Mounoune,<br />

qui revient assez souvent et qui n'a aucune signification aussi<br />

bien en arabe qu'en berbère. Dans des fêtes semblables, en Algé<br />

rie, on emploie également des mots incompréhensibles. Boume-<br />

nani à Tlemcen, Bou Ini et Bounan dans l'Aurès, Babiiannou à<br />

.Ouargla. En examinant bien ces mots, en les rapprochant les uns<br />

des autres, finit par y découvrir les mots latins : bonus annus,<br />

bonne année, et on s'explique le décalage ; l'achoura non qora-<br />

nique est bien la fête du printemps qui était, à l'époque romaine<br />

et jusqu'à l'époque de la réforme julienne du calendrier, le com<br />

mencement de l'année et les Berbères, autrefois romains,<br />

ont con<br />

servé la vieille salutation des ancêtres, puis quand la nouvelle<br />

année est venue se placer en janvier, ennaïr, la fête est également<br />

venue en janvier, contrairement au principe qui l'avait créée.<br />

Mais les rites sont restés les mêmes, bien que leur raison d'être,<br />

inconnue des berbères modernes, n'ait plus aucune valeur en plein<br />

hiver. C'est ainsi que ces fêtes sont particulièrement bruyantes,<br />

mais, et là encore, il y a une survivance méditerranéenne à rap<br />

procher de la crécelle chrétienne du Vendredi-Saint, si vivante<br />

encore en Corse notamment. On ne peut, lors de l'<br />

Achoura, se<br />

servir que de certains instruments : à Rabat de la derbouka de<br />

terre dont il a été déjà parlé, dans d'autres endroits du tar et<br />

de l'agoual. A Constantine, d'un petit instrument au nom bien<br />

leTchekatchek. C'est une petite boîte cylindrique de fer-<br />

berbère,<br />

blanc, munie d'un long<br />

manche et dans laquelle sont enfermés<br />

quelques petits cailloux. Au Maroc, on le trouve également, mais<br />

plus rarement, alors que la crécelle est fréquente, ainsi que d'au<br />

tres jouets de bois assez primitifs qu'on ne vend que ce jour-là.<br />

Ce sont, pour la plupart, avec allusion agraire, une poule arti<br />

culée assez ingénieusement qui picore le grain qui sera abondant;<br />

un serpent articulé,<br />

comme le dispositif sur lequel dans notre<br />

enfance on plaçait des soldats de bois pour les faire manœuvrer,<br />

cela en souvenir du culte du serpent ; un acrobate qui monte le<br />

long d'un mât, en l'honneur des Oulad Moussa, à qui l'on attribue<br />

le pouvoir magique que dans l'Europe on donne aux gitanes et,<br />

enfin, une petite enclume de bois. Sur cette enclume, par un très<br />

deux marteaux également de bois viennent<br />

simple glissement,<br />

frapper alternativement. Non pas battage des moissons qui se<br />

fait aux pieds des animaux, même pas affûtage des faucilles,<br />

mais beaucoup plus probablement conjuration contre l'Haddad,<br />

le forgeron.<br />

Bien que les habitants de l'Afrique du Nord aient le souvenir<br />

vénérant le Daoud (David), qui forgea la première cuirasse, le<br />

forgeron est méprisé et redouté et nombreuses sont les chansons<br />

dans lesquelles ce mépris est manifesté très ouvertement :<br />

La fille du patron forgeron<br />

S'avance. Ne t'approche pas,<br />

reste là-bas...


i6<br />

... Achète une enclume et une tenaille ;<br />

Epuise-toi, démène-toi à travailler.<br />

Fréquente le forgeron, tu gagneras de la suie,<br />

tu gagneras la bonne odeur ieaj.<br />

Fréquente le parfumeur,<br />

C'est encore un souvenir antique. Dans les vieilles sociétés, cet<br />

artisan appartenait à une classe spéciale qui restait isolée. Par<br />

crainte, on arriva à le diviniser chez certains peuples ; chez<br />

d'autres, ce furent des devins, des sorciers, des médecins ! Chez<br />

nous, ce furent les rebouteux. N'est-ce pas un souvenir des Dac<br />

tyles, des Courètes, des Corybantes et des Cyclopes de la mytho<br />

logie grecque ? (14). Au Maroc, en Algérie, en Tunisie, chez les<br />

Touareg, les forgerons forment une classe méprisée, même re<br />

doutée, car là, le Qoran vient rejoindre les vieilles croyances. En<br />

*<br />

effet, le Livre Saint attribue au fer un pouvoir magique : « Nous<br />

avons donné le fer qui porte en lui de terribles malheurs » (15).<br />

La musique des arabo-berbères peut être ou sacrée ou profané,<br />

en dehors de tout ce que nous avons dit sur la musique citadine.<br />

La première peut, elle-même,<br />

se présenter sous trois formes<br />

que nous retrouvons presque sans modification chez les peuples<br />

méditerranéens, chrétiens malgré la différence de croyance. Tou<br />

tefois, chez les seconds, a été, en partie, perdue la coutume de se<br />

priver d'instruments, sauf dans le chant grégorien dont nous<br />

trouvons la réplique presque identique chez les grands ordres<br />

religieux musulmans, les tidjaniyme et les derquaouiyne. Les<br />

choristes, qui ne sont pas des professionnels, mais des bénévoles,<br />

tout comme l'étaient et le sont les moines rénovateurs du chant<br />

grégorien, célèbrent le panégyrique du Prophète en mètres clas<br />

siques. C'est uniquement religieux, sans apport mondain, tou<br />

jours comme le chant chrétien.<br />

Mais il y a également des professionnels qui puisent non plus<br />

dans les livres sacrés, mais dans les répertoires moins orthodoxes<br />

et s'expriment en langue vulgaire. C'est la réplique des artistes<br />

de l'Opéra chantant à l'orgue des mélodies qui n'ont de sacré<br />

qu'une simple apparence.<br />

Enfin, les ordres populaires, comme les Aïssaoua et les Ham-<br />

maïchia, chantent des prières dites dikr, brèves, très rythmées,<br />

sur un mode quinaire et quelquefois accompagnées de danses.<br />

Qu'est-ce autre chose que les cantiques, pas toujours extrême<br />

ment classiques, souvent naïfs, très rythmés eux aussi, quelque<br />

fois, rarement il faut le dire, accompagnés de quelques pas dans •<br />

les processions extérieures, mais qui furent autrefois mimés dans<br />

(13) A. Robert. —<br />

(14) E. Doutté. —<br />

L'arabe<br />

Loc.<br />

(15) Chapitre LVII,<br />

tel qu'il est. —<br />

cit.<br />

verset 25.<br />

Alger, 1900.


les mystères et dont certains sont particuliers à des ordres eux<br />

aussi inférieurs, dits de pénitents,<br />

méditerranéens.<br />

^<br />

tôt à cause d'elles,<br />

17<br />

si fréquents sur les rivages<br />

On conviendra là, malgré la divergence des croyances, ou plu<br />

une coïncidence extrêmement troublante.<br />

La musique proprement populaire se présente, elle aussi, sous<br />

des aspects différents, assez difficiles à analyser parce qu'il y a<br />

des rites tout à fait particuliers presque de tribu à tribu. Nous<br />

allons cependant essayer de les présenter de façon claire.<br />

Les meilleurs de ces chants sont ceux des Berbères du Moyen<br />

Atlas, et ceux des Chleus du Grand Atlas. Bien après, viennent<br />

ceux des tribus riffaines qui ont généralement peu de qualités lit<br />

téraires et une richesse d'inspiration assez mince. Tous sont gé<br />

néralement de peu d'étendue.<br />

On distingue deux sortes de chansons qui se subdivisent elles-<br />

mêmes en plusieurs genres.<br />

Ce sont, tout d'abord, les a'it'a, que l'on rencontre dans les tri<br />

bus qui sont restées assez primitives et qui, en plus naïf, res<br />

semblent un peu à nos vieilles chansons de gestes.<br />

Ce sont ou bien des invocations à un saint en renom,<br />

ou bien<br />

des proclamations par le chanteur lui-même de sa force et de sa<br />

vigueur. Elles ont, pour sujets principaux, la fantasia ou la<br />

guerre.<br />

Les autres chansons sont autrement intéressantes pour nous ;<br />

ce sont les i'zran. Elles sont de composition et de tendances di<br />

verses ; on les chante généralement au cours des fêtes de nuit<br />

données à l'occasion des mariages surtout. Les unes sont chantées<br />

par des hommes, les autres par des femmes et il y a, entre elles,<br />

des différences telles qu'il est nécessaire de s'y arrêter un mo<br />

ment.<br />

Les premières sont appelées chikh, pluriel chiakh ; elles rap<br />

pellent l'antique qacida, mais la belle forme littéraire est souvent<br />

oubliée et on se trouve en présence d'une cantilène plus ou moins<br />

longue, à couplets et refrain, coupée souvent, on ne sait pourquoi,<br />

d'exclamations hors texte, sans signification apparente. La mé<br />

lopée est rudimentaire et le rythme est très marqué. Ces chiakh<br />

peuvent être chantées par un jeune improvisateur qui se com<br />

porte de la façon suivante : Tenant son fusil, indispensable à la<br />

vie de la tribu de la main dro'te. il tend sa main gauche à une<br />

jeune fille et tous deux font le tour de l'assistance, assise en rond.<br />

Ils sont suivis de l'izammaren ou joueur de cornemuse (amid'az).<br />

Deux ou trois amis leur font escorte ; la fin de la chanson est<br />

ponctuée par une décharge des hommes et des you-you des<br />

femmes.<br />

Mais, dans la réalité,<br />

ces chants sont présentés le plus souvent<br />

par un professionnel appelé lui-même chikh, pluriel chioukh.


18<br />

Leurs chants n'ont généralement pas beaucoup d'inspiration ni<br />

de valeur poétique, mais ils suivent de très près les règles mé<br />

triques et sont pourvus de rimes riches. Si ce n'était pas abuser<br />

du lecteur, noua pourrions donner ici un izri, composé de quatre<br />

strophes de quatre vers qui ont la seule rime : en.<br />

Les autres chants, présentés par les femmes, le plus souvent<br />

des jeunes filles,. se nomment chikhate ; c'est le féminin du nom<br />

des chansons précédentes. Ils sont généralement assez brefs, deux<br />

ou trois vers, quelquefois quatre. La structure mélodique est bril<br />

lante, mais assez libre ; elle est riche en vocalises. Ce sont sou<br />

vent de petits chefs-d'œuvre toujours improvisés. Deux jeunes<br />

filles se lèvent de l'assistance et s'avancent en agitant leur fou<br />

lard ; elles chantent à mi-voix, accompagnées par le tambourin<br />

de leurs compagnes. L'idée est finement exprimée, l'imagé est<br />

quelquefois à peine esquissée, les serments d'amour sont pronon<br />

cés contrairement à ce qui se fait chez les Arabes. Mais jamais<br />

on ne doit parler de crainte, car il ne faut pas attirer un malheur<br />

toujours possible. Le ton mineur employé par la chanteuse pro<br />

duit presque toujours une profonde impression sur l'auditoire.<br />

Ces chants se présentent de deux façons, ou bien ce sont des<br />

rhoua (el haoua, l'amour) chantés par les femmes, ou bien des<br />

ra'rour (qui fait honte à sa famille), poèmes satiriques, souvent<br />

assez grossiers et injurieux, c'est le fait des professionnels. Quel<br />

quefois, ce sont des chants mixtes où les deux1 genres sont juxta<br />

posés, le rhoua est alors un ra'rour sur un tel ou une telle.<br />

D'autres fois, l'allusion est voilée, c'est l'énigme (geuga) , extrê<br />

mement goûtée des Berbères. Ou bien encore le pastiche d'une<br />

œuvre célèbre, mais cela demande de la part du chanteur une<br />

culture que l'on rencontre assez rarement (16).<br />

Quelquefois, le couplet se termine par un vers qui sert de cou<br />

plet et qui n'a aucune signification apparente, pour nous tout au<br />

moins. Peut-être un jour se trouvera-t-on, de ce fait, en présence<br />

d'une énigme ésotérique ou même hermétique.<br />

En voici un exemple :<br />

Ihé'a lalla a lalla ! a lalla bouia'm<br />

Le plus souvent, ce sont les strophes qui sont coupées par cette<br />

sorte de leit-motiv qui finit par devenir obsédant :<br />

Que ne suis-je le mur de sa boutique ?<br />

Le soir, j'entendrais<br />

Ya lalla,<br />

Aman ! aman ! aman ! aman !<br />

Chardonneret, je remplirais son cœur,<br />

Car rester sans belle,<br />

(16) Biarnay. —<br />

Loc.<br />

cit. — Alexis — Chotin.<br />

Loc.<br />

sa voix unique.<br />

cit.


Ya lalla,<br />

Aman ! aman ! aman ! aman !<br />

De ces lieux familiers, la vue est dure,<br />

A mes yeux en pleurs,<br />

Ya lalla,<br />

Aman ! aman ! aman ! aman !<br />

Si je passais un instant près son cœur,<br />

Ce soir, mon amour,<br />

Ya lalla,<br />

Aman ! aman ! aman ! aman !<br />

Que le maçon me construise bien grande,<br />

Avec une baie,<br />

Ya lalla,<br />

Aman ! aman ! aman ! aman !<br />

C'est là une chanson d'amour,<br />

beaucoup<br />

ou encore :<br />

plus courtes :<br />

est un malheur.<br />

c'est douleur pure.<br />

serait vainqueur.<br />

pour que je scande :<br />

(17)<br />

19<br />

mais généralement elles sont<br />

Mon cœur bat entre mes côtes ;<br />

Je ne m'apaise que '<br />

lorsque je t'aperçois,<br />

O toi que j'aime !<br />

Mon ami n'est pas taleb<br />

Pour lui écrire une lettre ;<br />

Et moi je ne suis pas bonne cavalière,<br />

Pour arriver jusqu'à lui.<br />

Les hommes, de leur côté,<br />

chantent :<br />

Je suis monté à plusieurs reprises jusqu'à ta cime,<br />

O fier palmier ;<br />

Tu portais bien des dattes, mais elles étaient sans saveur.<br />

ou bien :<br />

Je veux pleurer jusqu'à en devenir aveugle,<br />

Jusqu'à en avoir les cheveux blancs ;<br />

C'est par la faute de l'homme qui a changé<br />

La tente pour amener une maison (18).<br />

Ces poèmes légers et brefs, généralement de quatre vers, sont<br />

à rapprocher des copias espagnols si goûtés des amateurs de fla<br />

menco. On les retrouve également en Algérie, sous la forme arabe<br />

(17) A. Maitrot de la Motte. —<br />

le piano par Mlle Marie Barrail.<br />

(18) Abès. —<br />

bères, 1918.<br />

Les<br />

Aman, des « Africaines », arrangé pour<br />

Aïth Ndhir (environs de Meknès). —<br />

Archives<br />

Ber


20<br />

et la dénomination de zendaria. L'analogie est telle que lorsque<br />

dans une salle de cinéma d'Oran ou d'Alger, on présente un fïlm<br />

comportant ce genre de poésie, les spectateurs arabes marquent<br />

immédiatement la mesure avec une parfaite justesse (19).<br />

Enfin, sous le nom d'haddarat, moussennat ou derquaouiat,^ on<br />

trouve des chansons chantées par les femmes à propos d'un évé<br />

nement familial quelconque, nativité, circoncision, hyménée, fu<br />

nérailles. Qui a entendu, en Corse, les vocératrices lors des funé<br />

railles, ne discute même pas la similitude parfaite entre les chants<br />

des deux rives de la Méditerranée. Elles sont composées par les<br />

chanteuses elles-mêmes. Mais elles ont des répliques secrètes, qui<br />

se chantent en petit comité, ou lorsque la femme est seule. Elles<br />

expriment de la tristesse résignée, une douce mélancolie, des cris<br />

de tendresse ou de révolte, mais ne sortent jamais du cercle des<br />

amies, lorsque les premières sont répétées au cours -des travaux<br />

de la demeure 'ou des champs. On les entend quelquefois, se ré<br />

pondant d'une colline à une autre (20).<br />

Les mouvements que nous avons vu faire à l'intérieur du cercle<br />

des invités, lors des mariages, ne sont pas de la danse, mais en<br />

procèdent, car on ne saurait, en pays méditerranéen, séparer la<br />

chanson de la danse.<br />

Là encore il y a diyers modes suivant les régions. Dans les pays<br />

berbères algériens et tunisiens, ce sont des mouvements du bas<br />

sin avec de petits sauts successivement sur chaque pied et des<br />

mouvements lascifs des mains tenant un mouchoir. Malgré les<br />

noms qu'on leur donne, ces danses sont presque toujours sem<br />

blables les unes aux autres, Kesraoui (à Kasr Bogharie), Abdaoui<br />

(Oued Abdi, dans l'Aurès), Naïli (Oulad Naïl), Kbaïli (Kabylie),<br />

Saadaoui (Bou-Saada).<br />

Ces danses sont menées par des femmes, sauf l'ez zabel des<br />

Iferkas de Bougie et de Condé-Smendou, qui est dansée par des<br />

jeunes gens de 12 à 18 ans, costumés en mauresques et sur les<br />

mœurs de qui il vaut mieux ne pas insister (21).<br />

Au Maroc, en pays berbères, se tient l'ahidous, qui est une sorte<br />

de ballet national. Il ressemble singulièrement au dithyrambe co<br />

rinthien consacré à Dyonisios et aux chansons Cretoises avec<br />

danses. Il est conduit sur le même rythme fébrile et enthousiaste.<br />

Comme cela se faisait en Grèce, les acteurs sont réunis en cercle<br />

autour de l'amessad, comme les. hellènes l'étaient autour de l'aulète.<br />

Ils se tiennent par la main, une femme alternant avec un<br />

homme. Us sont au nombre de dix à douze. Ils tournent en rond<br />

avec déhanchements et balancements du corps. A un signal, ils<br />

projettent leur buste en avant d'un bref coup de reins avec un<br />

(19) J.-H. Probst-Biraben et A. Maitrot de la Motte. Ce que l'Ibérie<br />

doit à l'Islam.<br />

(20) Biarnay. —<br />

(21) A. Robert. —<br />

Loc. cit.<br />

Loc.<br />

cit.


Cri poussé par tous comme un refrain et en le scandant de leurs<br />

pieds frappant le sol en cadence . (22) C'est là encore un mode que<br />

l'on retrouve en Europe méridionale.<br />

Mais il est une chose sur laquelle il est nécessaire d'insister,<br />

on a une tendance en Europe à considérer ces danseuses comme<br />

des femmes de mœurs faciles. Il y a des danseuses profession<br />

nelles dont les façons d'être ne sont pas irréprochables, mais elles<br />

n'ont absolument rien de commun, avec ces jeunes filles et ces<br />

honnêtes matrones de tribus.<br />

De même qu'il ne faut pas les confondre avec les azriat; A pro<br />

pos de ces dernières, il a été commis tellement d'erreurs qu'il est<br />

nécessaire d'en dire un mot qui ne nous écartera pas beaucoup de<br />

notre sujet.<br />

Les azriat sont des femmes libres, familièrement parlant, c'està-dire<br />

veuves ou divorcées. Dans certaines régions de l'Aurès,<br />

elles offrent au voyageur une hospitalité complète et reçoivent<br />

de lui un présent. On a, très à la légère, traité ces femmes comme<br />

des prostituées et on a voulu les parquer dans des lieux séparés<br />

des villages. Les habitants ont protesté et ont failli être, de leur<br />

côté,<br />

considérés comme de vulgaires souteneurs. C'est là une<br />

erreur capitale. C'est, réduite à un petit coin de territoire, une<br />

coutume qui s'étendait autrefois sur toute l'Afrique du Nord et<br />

qui est tout simplement un reste de culte agraire antique, en y<br />

comprenant même le gain qui n'est qu'accessoire, alors que la<br />

survivance de la pratique est l'essentiel.<br />

Et même autrefois, le présent était de règle dans le passé an<br />

tique ; c'était une condition de fécondité de la terre et des trou<br />

peaux en même temps qu'une révérence ; cela faisait partie du<br />

culte de la divinité, qui assurait cette fécondité (23).<br />

On trouve, en effet, la même coutume à Héliopolis et à Baalbeck.<br />

Les vierges devaient se donner au moins une fois à des<br />

étrangers dans le temple d'Astarté, pour assurer la fécondité du<br />

sol, des troupeaux et des hommes. A Babylone, dans le temple de<br />

Myletta, les femmes percevaient un salaire qui était versé au tré<br />

sor du temple. On trouve la même façon de faire en Lydie jus<br />

qu'au II*<br />

siècle, en Syrie,<br />

u<br />

jusqu'au règne de Constantin. C'est là<br />

une pratique nettement méditerranéenne dont la vague est venue<br />

battre les parties élevées de la Provence et du Dauphiné (Ca<br />

thares et Vaudois ) (24).<br />

Mais par réciprocité, il ne faut pas davantage confondre ces<br />

femmes avec les cours d'amour des Touareg, qui nous ramènent<br />

à nôtre sujet. Ce sont des réunions musicales, appelées ihallen<br />

Les femmes y apportent leur violon, imz'aden, et les<br />

(sing ahal) .<br />

(22) —<br />

Capitaine Querleux.<br />

Loc.<br />

—<br />

(23) J.-H.. Probst-Biraben. Prêtresses<br />

d'Anthropologie, 1935.<br />

(24) Frazer, —<br />

Golden Bough.<br />

cit.<br />

Adonis<br />

d'amour berbères. —<br />

à Chypre. —<br />

Revue<br />

Paris, 1923.


22<br />

les hommes y viennent autant qu'ils sont certains dé n'y<br />

pas ren<br />

contrer quelqu'un à qui ils doivent le respect. Les chants sont<br />

accompagnés par les violons ; ce sont de petites pièces de vers<br />

chantées par les hommes, qui célèbrent les mérites de leur dul<br />

cinée et leurs propres exploits ou ce sont des satires dirigés contre<br />

des adversaires ou des rivaux. Les femmes, de leur côté, vantent<br />

le courage de leur sigisbée ; les femmes nobles jouent du violon,<br />

mais ne chantent pas. Les femmes mariées peuvent assister à ces<br />

réunions, elles s'y conduisent parfaitement bien, alors que les<br />

jeunes filles ne sont pas toujours irréprochables.<br />

Les chants ont trois rythmes différents très distincts :<br />

seyenine, vif, assez rapide ;<br />

ahinena, lent, traînant, comme une mélopée ;<br />

asaher'.<br />

Les poèmes, de rime unique généralement,<br />

courts :<br />

Tera in tàmott our teri boudet<br />

R'inn tadj din foull as essar'et<br />

Der'<br />

idjidj kaï teouihalet<br />

sont toujours très<br />

L'amour d'une femme exige qu'on ne soit pas toujours devant<br />

{.elle ;<br />

Reste au contraire loin d'elle un moment ;<br />

Eloignée de toi, elle désirera vivement te revoir. (25)<br />

Enfin, avant de terminer, un mot sur les cris des marchands<br />

qui rappellent celui des nôtres, plus développés cependant et sou<br />

vent beaucoup plus expressifs. Quelques-uns sont de véritables<br />

poèmes, les rimes sont toujours assez riches.<br />

Le marchand de beignets :<br />

Bessokor<br />

Koul ou tfekor.<br />

Faits avec du sucre,<br />

Mange et souviens-toi.<br />

L'encanteur, sorte de commissaire-priseur ambulant, dont la<br />

corporation extrêmement ancienne était réglée par les règlements<br />

de la Régence turque et fut, après avoir été supprimée, rétablie<br />

par les décrets impériaux du 5 mars et du 28 avril 1855. Son<br />

chant est fait de couplets de quatre vers, tous sur une même<br />

rime :<br />

Hada sif,<br />

Ou kessoua belkif<br />

Albess Khefif<br />

Hâta iatik el krif<br />

(25) M. Benhazera. — Six mois chez les ouareg du Ahaggar. Alger,<br />

1908.,


C'est l'été,<br />

L'habit qui plaît,<br />

Habille-toi légèrement<br />

Jusqu'à l'arrivée de l'automne. (26)<br />

Mais ce qui est surtout curieux,<br />

23<br />

ce sont les réunions mar<br />

chandes dans les villes surtout, où les marchands, qui se connais<br />

sent, improvisent des chansons répliques pour attirer à eux l'at<br />

tention du chaland.<br />

(Le marchand de figues de Barbarie, dites figues de l'Inde) :<br />

Les Indiens ! les Indiens ! Je détiens le couteau<br />

Pour délivrer le fruit de sa peau épineuse<br />

Et présenter sa chair douce comme un gâteau.<br />

(Le marchand de melons) :<br />

C'est là du laid fumier, à l'allure trompeuse<br />

Et pour en acheter, il faut être un vieux fou.<br />

C'est de la laine avec un peu d'eau sirupeuse.<br />

Regardez, ô croyants, mes superbes bijoux.<br />

Sur une robe verte, un jeté de dentelles,<br />

A rendre, par Allah, les grands brodeurs jaloux.<br />

Pour les raffinés qui aiment la bagatelle<br />

C'est le sein délicat, blanc, jeune et arrondi<br />

Que très discrètement voile une brocatelle.<br />

(Le marchand de pommes de terre) :<br />

Que dit-il,<br />

De ma très respectable et fort vieille nourrice.<br />

S'il te tombe sur la tête, il t'en étourdit !<br />

ce vieux fou ? C'est le bezoul alourdi<br />

Si tu veux contenter ton âme admiratrice<br />

Des beaux fruits, prends-les donc, rondes comme koura,<br />

Ces filles de la terre aimée et bienfaitrice.<br />

(Le marchand de figues) :<br />

O ma verte figue, en ta robe de surah,<br />

Ton arbre trapu croît sans eau et dans le sable,<br />

Cousine de corail des dattes de Biskra.<br />

(Le marchand de tomates) :<br />

Leur<br />

corail anémique est bien moins chérissable<br />

Que celui de mes fruits plus rouges que tout fard<br />

De jeune citadine,<br />

(Le marchand de poivrons) :<br />

(26) Loc.<br />

ô la méconnaissable !<br />

A côté des poivrons, leur teint n'est que blafard.<br />

Qu'ils sont forts et piquants ! O celui qui désire<br />

achetez ! Les cuire est tout un art !<br />

En griller,<br />

A. Robert. —<br />

cit.


24<br />

(Le marchand de radis) :<br />

Comme il est tendre et doux ; voyez ce joli sire.<br />

Il vient du sable d'or ; deux paquets pour, un sou !<br />

En dehors d'émail d'or et en dedans de cire.<br />

(Le marchand de pastèques) :<br />

O celui lourd et noir, dont le sort se résoud<br />

A n'être qu'égorgé par une lame aiguë<br />

Que ses dents d'émail, d'un sourire rouge, absout !<br />

(Tous ensemble, sauf le marchand de figues de Barbarie) :<br />

O vous tous, frères, qui circulez dans la rue,<br />

Venez ! Vous trouverez sans doute à mon étal,<br />

De quoi vous satisfaire à tous les points de vue.<br />

(Le marchand de figues de Barbarie) :<br />

De quoi vous étouffer pis qu'un acte deylical ! (27)<br />

Mais ce qui plus que toute autre chose prouve la communauté<br />

de compréhension en cet art mystérieux qui existe d'une rive à<br />

l'autre de la Méditerranée, c'est que relativement rares sont ceux<br />

qui, parmi les Européens, ont compris la musique orientale, à<br />

moins qu'ils ne soient méditerranéens, qu'il s'agisse de Bizet dans<br />

Carmen, de Félicien David dans Désert, d'Henri Rabaud dans<br />

Marouf, de Marcel Rousseau dans Huila, de Verdi dans Aida,<br />

de Puccini dans Othello et surtout de Camille Saint-Saëns dans<br />

le ballet de Samson et Dalila, dans la Rêverie arabe de la suite<br />

algérienne et, enfin, dans le cinquième concerto où il utilise, de<br />

façon si géniale, le thème des bateliers du Nil. Leur âme méditer<br />

ranéenne était, par atavisme, faite pour comprendre ce langage<br />

sacré qui chante à l'âme. Alors que Glassinof, dans sa Mélodie<br />

orientale, est peut-être très russe, mais n'est pas du tout méditer<br />

ranéen. C'est moins sensible que Rymski Korsakoff qui, dans<br />

ses œuvres dites orientales, a d'excellents passages, surtout dans<br />

les préludes ; puis on a l'impression qu'il se fatigue à vouloir<br />

suivre ce mode qui n'est pas le sien et, au bout d'un temps plus ou<br />

moins long, on est, en l'écoutant, transporté très loin de l'Orient.<br />

Si on a le sens de l'ésotérisme méditerranéen, on est alors complè<br />

tement perdu dans un milieu qui n'a plus ni la forme, ni le fond<br />

de ce qui est, pour un méditerranéen, sa raison même de vivre,<br />

de respirer musicalement (28).<br />

(27) A. Maitrot de la Motte. —<br />

gumes<br />

(28)<br />

A. Maitrot de la Motte-Capron.<br />

Les<br />

Africaines. —<br />

Sur<br />

le souk aux lé<br />

J.-H. Probst-Biraben et A. Maitrot de la Motte. L'ésotérisme<br />

Musique et l'Esotérisme.<br />

méditerranéen. — La


Ôuarante-Slxièma Année<br />

Ê« Trimestre -A 941<br />

BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Oociété<br />

Mfft<br />

N- 166<br />

de Géographie d Alger<br />

DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

AL«ER — IMP. iMBERT


Société de Géographie d'Alger<br />

et de l'Afrique du Nord<br />

CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />

Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, Conseiller à la Cour<br />

d'Appel d'Alger.<br />

Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé<br />

rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />

MM. ARNAUD Robert,<br />

Gouverneur Honoraire des Colonies.<br />

AUBRY Jules, Professeur honoraire du Lycée, Président du Conseil<br />

d'administration des tramways du Sahel.<br />

BEAULIEU Jules,<br />

BERGER-VACHON Victor,<br />

Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />

Professeur à la Faculté de Droit d'Alger.<br />

BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographie au<br />

Lycée d'Alger.<br />

BUGEJA Manuel,<br />

Administrateur principal honoraire de Communes<br />

mixtes.<br />

CHAMSKI-MANDAJORS,<br />

JOSSE Honoré,<br />

MATHIEU Louis,<br />

Général MEYNIER.<br />

Général PAQUIN.<br />

PRUNNELLE,<br />

RIMBAULT Paul,<br />

Trésorier-payeur général.<br />

Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />

Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />

des Colonies françaises.<br />

Préfet honoraire.<br />

Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />

Rédacteur en Chef de la « Dépêche Algérienne »<br />

et de 1' « Effort Algérien ».<br />

/ M. le Colonel PEYRONNET.<br />

Conseillers techniques, j<br />

(<br />

M. le Commandant LEHURAUX.<br />

M. le Commandant BIDAN.


1"<br />

SOMMAIRE<br />

Partie. —<br />

Procès-verbaux des séances de la Société<br />

2"<br />

ACTES DE LA SOCIETE<br />

Partie. —<br />

CONFERENCES<br />

Pages<br />

Paul Rimbault L'Aiglon 4<br />

Chevalier X Robert-Houdin au service de la France 5<br />

3'<br />

Partie. —<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

Bulletin des Etudes Arabes 8<br />

Chambre de Commerce d'Alger 10<br />

1


BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Société de Géographie d'Alger<br />

ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

Quarante Sixième Année<br />

2" Trimestre <strong>1941</strong><br />

Procès-Verbaux des Séances de la Société<br />

SEANCE DU 26 AVRIL <strong>1941</strong><br />

Conférence<br />

« La Gouvernante des petites Mancini » (lre<br />

Chamski-Mandajors.<br />

Décès<br />

partie),<br />

N°<br />

166<br />

par M.<br />

M. AUBRY, professeur honoraire au Lycée d'Alger, vice-prési<br />

dent de la Société de Géographie d'Alger.<br />

Nouvelles adhésions<br />

M. le Général Barbeyrac de Saint-Maurice, 119,<br />

Alger ;<br />

Paul.<br />

rue Michelet,<br />

présenté par MM. le commandant Lehuraux et<br />

Lefèvre-<br />

M. le Général Weiss, 113, chemin du Télemly, Alger ; présenté<br />

par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />

Mme PARAIRE, 23, boulevard Guillemin,<br />

sentée par Mmes Combier et Bausson.<br />

SEANCE DU 3 MAI <strong>1941</strong><br />

Conférence<br />

El-Biar (Alger) ; pré<br />

« Quelques-uns de ceux qui ont écrit sur le Maroc »,<br />

TEDJINI.<br />

M Prady Georges,<br />

Marseille ;<br />

Nouvelle adhésion<br />

par M.<br />

chef de la Société des Grands Travaux de<br />

présenté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.


SEANCE DU 10 MAI <strong>1941</strong><br />

Conférence<br />

Suite de la conférence « Les demoiselles Mancini »,<br />

Chamski-Mandajors.<br />

SEANCE DU 17 MAI <strong>1941</strong><br />

Conférence<br />

par M.<br />

Suite de la conférence « La Gouvernante des petites Mancini »,<br />

par M. Chamski-Mandajors.<br />

Noîwelles adhésions<br />

M. Hacêne Joseph, brigadier des Douanes, 10, rue du Docteur-<br />

Trolard, Alger ; présenté par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />

Mme Beraud-Reynaud, villa Marguerite, 29,<br />

Mun ; présentée par MM. Chopart et Lefèvre-Paul.<br />

SEANCE DU 31 MAI <strong>1941</strong><br />

Conférence<br />

rue Albert-de-<br />

« Comment venir en aide à nos prisonniers » (par un prisonnier<br />

de la guerre 1939), par M. le Docteur Arnaud.<br />

Nouvelle adhésion<br />

M. Chambon-Laget Armand, directeur de l'Institut industriel<br />

d'Algérie, à Maison-Carrée ; présenté par MM. Verain et Lefèvre-<br />

Paul.<br />

SEANCE DU 14 JUIN <strong>1941</strong><br />

Conférence<br />

« De quelques erreurs diplomatiques », par M. Jacques DES<br />

ROCHES.


SEANCE DU 28 JUIN <strong>1941</strong><br />

Conférence<br />

« Un cinquantenaire : la première occupation de l'Oasis d'EI-<br />

Goléa »,<br />

par M. le Commandant Lehuraux.<br />

Décès<br />

M. Marcel Le Dentu, avocat à la Cour.<br />

Nouvelles adhésions<br />

M. Roget Jacques, lieutenant, 5, rue Laca'naud, Alger ; présenté<br />

par MM. Valat et Bessière.<br />

Mme Veuve Bouvier, 31, boulevard Baudin, Alger ; présentée<br />

*<br />

par MM. Lefèvre-Paul et Mathieu.<br />

M. de Balliencourt, général à Meknès ; présenté par MM. Le<br />

fèvre-Paul et Mathieu.<br />

M. GODFROY.René, docteur en médecine, 8, rue Altairac, Alger ;<br />

présenté par MM. Costantini et Lefèvre-Paul.<br />

M. Azoulay Albert, commis à la Caisse Algérienne, Gouverne<br />

ment Général, 17, rue Dupuch, Alger ;<br />

teur Josse et Lefèvre-Paul.<br />

présenté par MM. le doc


L'AlCLCN<br />

Conférence de M. Paul Rimbault<br />

Le 10 janvier <strong>1941</strong> ,M. Paul Rimbault, secrétaire général de la Société,<br />

a donné une conférence sur « l'Aiglon », fils de Napoléon Ier-<br />

Le roi de Rome est né le 20 mars 1811 aux Tuileries, dans des conditions<br />

assez pénibles pour sa mère, l'impératrice Marie-Louise. Affreusement gâté<br />

par son père, idole de la Nation, l'enfant est emmené à Vienne en 1814, lors<br />

de la prmière abdication de l'Empereur et son départ pour l'île d'Elbe. Le<br />

petit prince ne reverra jamais plus sa patrie.<br />

Enfermé au château de Schônnbrun, il n'en sortit plus guère ; Mettermich<br />

l'a interdit, et son grand-pere maternel, l'Empereur François, l'aime égoïste-<br />

ment. A 21 ans, il mourra poitrinaire.<br />

Soigné à temps, il eut pu être sauvé ; mais le chancelier d'Autriche lui<br />

interdisait même d'aller prendre les eaux à la montagne et de changer d'air !<br />

Psychologiquement parlant, le petit Napoléon passera par trois phases<br />

successives. Durant les premières années de son exil, il sera tout à ses sou<br />

venirs d'enfant et la pensée de son père ne le quittera guère. Puis, par suite<br />

de l'éducation purement autrichienne qu'il a reçue, il est enclin à accepter<br />

son sort. Son grand-père est d'ailleurs très bon pour lui.<br />

A l'approche de la 20e<br />

année, nouveau changement. Il prend conscience du<br />

grand nom qu'il porte. Il sait qu'on s'agite en France autour de ce nom, et<br />

qu'on veut le faire évader. Alors il devient misanthrope, passant tour à tour<br />

de toutes les gammes de l'espoir à celles du découragement. Il essaie d'ou<br />

blier sa misère en travaillant et en se divertissant sans mesure.<br />

Colonel de l'armée autrichienne, il prend son titre au sérieux, fait des<br />

imprudences, bref s'épuise. Il essaie de s'évader... Mais Mettermich veille<br />

sur lui. L'Aiglon est enchaîné !<br />

Par ailleurs, Napoléon II est un beau jeune homme, grand, élancé, avec<br />

des yeux et des cheveux splendides. Il a beaucoup de grâce et d'esprit. Les<br />

femmes et le peuple en font leur idole. Avec cela, beaucoup de maturité dans<br />

le jugement, une forte culture, de l'autorité dans le commandement. Malheu<br />

reusement, tous ces dons sont gâtés par une indécision obstinée qu'accentue<br />

une santé précaire.<br />

Une de ses dernières paroles sur son lit d'agonie sera celle-ci. : « Si jeune...<br />

faut-il terminer une vie inutile et sans renommée. Ma naissance et ma mort,<br />

voilà toute mon histoire ! »<br />

Oui,<br />

ce fut toute son histoire...<br />

Histoire pitoyable, commencée dans l'apothéose, et achevée à la fleur de<br />

l'âge sur le grabat du phtisique.<br />

A ce propos, M. Rimbault répond à la légende qu'on a fait courir sur sa<br />

mort. L'Aiglon, dit cette légende, aurait été empoisonné ou même se serait<br />

suicidé. Rien n'est plus faux ; quand on a fait son autopsie, on a constaté<br />

que le poumon droit n'existait plus, que le poumon gauche était atteint dans<br />

sa partie supérieure et que tous ses organes étaient sains ; il avait reçu de<br />

sa mère le germe de la tuberculose.<br />

Au cours de sa conférence, M. Rimbault effleure certains sujets fort inté<br />

ressants, tels que ceux du mariage de Napoléon I" et de Marie-Louise, des<br />

rapports de cette dernière avec Neipperg, de la popularité de l'Aiglon à<br />

Paris aux alentours de 1830, de l'amour du jeune prince pour sa tante Sophie<br />

de Habsbourg, de son amitié pour Prokesch, etc...<br />

Conférence fort bien documentée qu, derrière la sympathique et doulou<br />

reuse figure d'un enfant,<br />

nale.<br />

«Il «Il<br />

englobe tout un chapitre de notre histoire natio


Ronw ilOUDIN<br />

au çfermee de êa &famée/<br />

Conférence du Chevalier X...<br />

En 1856, alors qu'il vivait retiré de la vie artistique à Saint-Gervais, le<br />

célèbre prestidigitateur Robert-Houdin reçut du Colonel de Neveu, Chef de<br />

Cabinet du Maréchal Randon, Gouverneur Général de l'Algérie, une lettre<br />

lui demandant de venir dans notre jeune colonie pour y donner des représen<br />

tations.<br />

Mme Robert-Houdin ayant demandé à son mari s'il donnerait une suite<br />

à cette invitation, le magicien répondit spontanément : "•« Il ne s'agit pas<br />

d'une invitation. Les marabouts, avec leurs tours grossiers, prennent trop<br />

d'ascendant sur leurs coreligionnaires. Le Maréchal me convoque au service<br />

de la France : j'ai un fils qui est officier ; je suis soldat comme lui, je dois<br />

servir ».<br />

C'est ainsi que le 10 septembre suivant, M. et Mme Robert-Houdin s'em<br />

barquèrent pour Alger. Mais avant de raconter à nos lecteurs ce qu'y fit<br />

notre prestidigitateur, nous allons rappeler sa carrière telle que l'a racontée<br />

dernièrement le Commandant Martin devant les membres de la Société de<br />

Géographie de l'Afrique du Nord.<br />

Eugène Robert-Houdin est né en 1805, à Blois. Son père, M. Robert, était<br />

horloger. Dès l'âge de huit ans, le jeune Eugène Robert s'amusait à cons<br />

truire des automates et s'essayait à réparer des montres à l'insu de son père,<br />

qui passait son temps à lui dire : « Maladroit, tu ne feras jamais rien de<br />

tes dix doigts »... Prophétie malheureuse !<br />

A lix ans, on le met au collège d'Orléans où il restera huit ans, durant<br />

lesquels il s'exercera à faire des tours. Ses études achevées, on le place comme<br />

clerc de notaire dans sa ville natale. Il y rencontre le prestidigitateur Carlos<br />

qui lui donne des leçons. Mais la paperasse l'ennuie, et un beau jour, il dé<br />

clare à son père qu'il veut être prestidigitateur. Mais le père ne l'entend pas<br />

de cette oreille-là, et l'envoie à Tours faire son apprentissage d'horloger.<br />

A la suite d'un empoisonnement accidentel et dans un moment de délire,<br />

le jeune homme fait une fugue. Au cours de son équipée, il rencontre sur la<br />

route le docteur Torrini, prestidigitateur en renom, qui l'accueille dans sa<br />

roulotte, et l'emmène avec lui à Angers et à Nantes où il doit donner des<br />

représentations. Eugène Robert l'assiste et se perfectionne dans l'art qui<br />

lui est cher.<br />

Mais si le jeune homme était têtu,<br />

Robert est obligé de rentrer à Blois, et de là on l'envoie à Paris,<br />

son père ne l'était pas moins. Eugène<br />

comme hor<br />

loger dans la famille Houdin. Ainsi que cela se passe dans les bons romans,<br />

Eugène devient amoureux de la fille de son patron et se marie avec elle. Dé<br />

sormais,<br />

il s'appellera Eugène Robert-Houdin.<br />

Malheureusement, le beau-père fait de mauvaises affaires et la misère<br />

tombe sur le jeune ménage. Mais, contrairement à ce qu'avait prédit son<br />

père, le jeune Robert-Houdin avait une fortune dans les dix doigts. Il s'as<br />

socie avec le prestidigitateur Antonio, qu'il, connaissait déjà, et, ensemble,<br />

ils font une première tournée à Orléans, Blois et Nantes. Eugène pousse<br />

même jusqu'à Rome et donne une représentation devant le Saint-Père, où il<br />

escamote magnifiquement la montre du Cardinal Morini.


10<br />

Il revient à Paris, déjà célèbre et presque riche. Le 25 juin 1845, il monte<br />

le théâtre qui porte son nom et, pendant sept ans, c'est un triomphe ininter<br />

etc... La renommée l'appelle : « Le<br />

rompu. Il va en Angleterre, en Belgique,<br />

prestidigitateur des rois ».<br />

C'est durant cette période qu'il montre au public ses tours célèbres : la<br />

suspension éthérienne, la double vue, le coffre cristal, le carton fantastique,<br />

le trapéziste et surtout son « chef-d'œuvre », la bouteille inépuisable.<br />

En 1852, riche et considéré, le fils de l'horloger Robert prenait une retraite<br />

bien méritée : il n'avait que 47 ans !<br />

Le voilà donc s'embarquant pour Alger, le 10 septembre 1856. Il descend<br />

dans notre ville à l'Hôtel Oriental, et se met de suite au travail. Dès les pre<br />

miers jours, il se rend à une représentation que donnent les Aïssaoua, sec<br />

tateurs de Sidi Aïssa. Ceux-ci sont passés maîtres dans l'art qui a rendu<br />

célèbres les fakirs. Au milieu des chants et des danses, les Aïssaoua se trans<br />

percent la joue avec des poignards, avalent du verre pilé, manient vipères<br />

et couleuvres, se mettent un fer rouge sur la langue, posent leur ventre sur<br />

un sabre, etc..<br />

Robert-Houdin,<br />

qui connaît tous les truquages que cachent ces manifesta<br />

tions, se promet de mieux faire encore. Dès le retour du Maréchal Randon<br />

d'une expédition militaire alors en cours, il donne en sa présence une pre<br />

mière représentation au théâtre d'Alger. Il y fait applaudir son étonnante<br />

habileté dans des tours qui l'ont rendu célèbre dans le monde entier : Le café<br />

chaud et les dragées, la corbeille de fleurs, le coffret lourd et léger, le tir au<br />

pistolet, l'escamotage sur une table,<br />

etc...'<br />

Les Arabes sont véritablement<br />

affolés. Ils prennent le magicien pour le Diable. Quand ils l'aperçoivent, ils<br />

le fuient en criant : Cheïtan !<br />

D'Alger, Robert-Houdin va à Biskra chez le caïd Bou Amada. Au cours<br />

d'une diffa, il présente à nouveau ses tours devant une assistance ébranlée.<br />

Un marabout le défie dans un duel au pistolet...<br />

— « Laisse-moi en prières pendant six heures », fait le prestidigitateur,<br />

et tu verras.<br />

Le lendemain, il fait son fomeux tour de « la balle dans la bouche et du<br />

sang sur le mur ». Le Marabout a trouvé son maître.<br />

Le Maréchal Randon voulut recevoir dans son Palais Robert-Houdin avant<br />

son retour en France.<br />

— — Monsieur<br />

lui<br />

dit-il —<br />

avez fait pour lui. Vous-même,<br />

le pays vous est reconnaissant de ce que vous<br />

ne pouvez pas vous en rendre compte exac<br />

tement. Savez-vous que vous êtes devenu une personnalité redoutable.<br />

— Redoutable<br />

? fit le prestidigitateur.<br />

— Je sais ce que je dis, explique le Maréchal. S'il vous prenait fantaisie<br />

de prêcher la guerre sainte, vous auriez beaucoup de chance d'être écouté.<br />

En tous cas, sachez qu'en un mois, vous avez fait plus qu'un régiment de<br />

Zouaves en un an.<br />

* *<br />

Après ces paroles mémorables prononcées par un des meilleurs créateurs<br />

de l'Algérie française, on peut affirmer que le « Magicien » Robert-Houdin<br />

servit en soldat la nouvelle France. Aussi le Commandant Martin a-t-il rai<br />

son de vouloir lui réserver une petite place dans le Musée Franchet-d'Espe-<br />

rey, dont il est le conservateur. Son projet est le suivant :<br />

Une toile représentant en buste le prestidigitateur à l'âge de 51 ans<br />

âge qu'il avait lors de son passage à Alger — et en dessous cette simple<br />

mention :<br />

ROBERT-HOUDIN (1805-1871) AU SERVICE DE LA FRANCE<br />

EN ALGERIE SUR ORDRE DU MARECHAL RANDON<br />

GOUVERNEUR GENERAL DE L'ALGERIE<br />

A, PAR SES QUALITES DE CŒUR, SON GRAND TALENT ET SON<br />

PATRIOTISME, CONTRIBUE A L'ŒUVRE DE PACIFICATION DE<br />

L'ALGERIE EN 1856


1856 !... C'était, ne l'oublions pas, une époque cruciale pour l'Algérie Fran<br />

çaise. Encore quelques mois, et nos Kabyles « si nobles et si fiers » allaient<br />

entrer dans la grande communauté française. Sous la conduite de la prophétesse_<br />

de Sémour, Lalla Fathma, la dame aux bandeaux et au henné, qui<br />

« faisait couler des larmes comme le printemps la pluie », ils défendaient<br />

magnifiquement leurs institutions séculaires. Autant que les armes, la diplo<br />

matie était nécessaire pour les amener à nous.<br />

— Randon qui était aussi bon diplomate que bon soldat — le comprenait.<br />

Voilà pourquoi il se servit de tous les instruments qui pouvaient établir le<br />

prestige de la France.<br />

Robert-Houdin fut un de ces instruments. Sa mémoire doit être gardée<br />

parmi nous. Si, en France, il fut celui qui amuse et distrait, en Algérie, il<br />

fut l'homme qui convainc et en impose. Peu importe ce que furent ses moyens<br />

d'action. Le talent n'a pas de frontière quand il s'agit de la gloire et du bon<br />

renom de la Patrie.<br />

(Extrait de « Algéria », mars <strong>1941</strong>.)<br />

Paul Rimbault.<br />

11


12<br />

BULLETIN DES ETUDES ARABES<br />

(INTERMEDIAIRE DES ARABISANTS)<br />

Paraissant tous les % mois (sauf en Août et Septembre)<br />

DIRECTION ET REDACTION :<br />

Henri Pérès, Professeur à la Faculté des Lettres d'Alger,<br />

Parc de Galland, Télemly, 175, Alger.<br />

ADMINISTRATION ET ABONNEMENTS :<br />

EDITIONS JULES CARBONEL, 2, Rue de Normandie, Alger.<br />

Compte Chèque Postal : N°<br />

118-72, Alger.<br />

Abonnements : de Janvier à Décembre inclus 50 Francs<br />

I. —<br />

II. —<br />

III. —<br />

IV. —<br />

V. —<br />

VI. —<br />

VU. —<br />

VIII. —<br />

IX. —<br />

Communication,<br />

Page<br />

Page<br />

Page<br />

Page<br />

Contributjon<br />

Consultation<br />

Hors<br />

Entre<br />

RUBRIQUES<br />

en français ou en arabe (littérature, histoire, géo<br />

graphie, philosophie, institutions, sociologie, folk-lore, hygiène,<br />

sciences, musique), Compte rendu d'un ouvrage ou Analyse<br />

d'un manuscrit (2 pages).<br />

de Poésie Arabe, poète ancien ou moderne, avec traduction<br />

française en regard : le texte comprendra 15 à 20 vers (2 pages).<br />

de Prose Arabe, auteur ancien et moderne, avec traduction<br />

française en regard : le texte arabe comprendra 22 lignes au<br />

maximum (2 pages).<br />

de Poésie ou de Prose Française, écrivain du XVIP, XVIII*<br />

ou XIXe<br />

siècle, avec traduction arabe en regard : le texte fran<br />

çais comprendra 25 à 30 lignes (2 pages).<br />

d'Arabe dialectal, prose, poésie populaire, chansons, dictons,<br />

proverbes, texte arabe avec transcription phonétique simplifiée<br />

en regard et traduction française au bas (2 pages).<br />

a l'étude de la langue classique, moderne et dia<br />

lectale : — phonétique, morphologie, syntaxe, vocabulaire éty-<br />

;<br />

—<br />

mologie — ; prononciations correctes ; ne dites pas..., mais<br />

— dites... ; ne — confondez pas ; comment traduire tel mot ou<br />

telle expression de l'arabe en français ou du français en arabe ;<br />

— index de mots arabes : noms — propres, mots typiques ; pour<br />

lire les auteurs arabes : notes bibliographiques et philologiques<br />

(2 pages).<br />

bibliographique (2 pages).<br />

texte : reproduction de photo ou de document (vue panora<br />

mique ; rue, place, bazar, marché ; art musulman ; scène de<br />

mœurs et coutumes ; miniature, calligraphie, tableau d'artiste).<br />

Arabisants : qui nous renseignera sur... ? livres ou ar<br />

ticles recherchés ou —<br />

proposés ; notices bio-bibliographiques ;<br />

— travaux<br />

a paraître, sous presse, en préparation, en projet ;<br />

— petite correspondance (2 pages) .


3{. —<br />

XI. —<br />

XII. —<br />

XIII. —<br />

Enseignement<br />

Examens<br />

Recensions<br />

Revue<br />

XIV. ; — Revue<br />

XV. —<br />

Echos<br />

: cours et conférences ; — instructions et règle<br />

ments ; programmes ;<br />

— directions<br />

et Conco&rs : dates ;<br />

pédagogiques (2 pages).<br />

— règlements ;<br />

texte des épreuves avec corrigé, le cas-<br />

ou lecteurs ;<br />

(2 pages).<br />

— où<br />

de livres ou d'articles ;<br />

pages) .<br />

échéant,<br />

13<br />

— programmes ;<br />

par les abonnés<br />

prépare-t-on tel examen ou tel concours ?<br />

— viennent<br />

de paraître (2<br />

des Revues : « Revue Afrique », « Revue Tunisienne »,<br />

ce Hespéris », « Annales de l'Institut d'Etudes Orientales d'Al<br />

ger », « B.S.G. d'Alger », « B.S.G. d'Oran », « Journal Asia<br />

tique », « Revue des Etudes Islamiques », « En Terre d'Islam »,<br />

« Outre-Mer », « Revue des Questions Algériennes », « Afrique<br />

Française », « Asie Française », « Algeria », « Er-Rihala »,<br />

« La Kahéna », « Afrique Littéraire », « Les Cahiers du Sud »,<br />

« Oriente Moderno », « Al-Andalus », « Al-Machriq », « Al-<br />

Hilâl », « al-Muqtataf », « al-Hadîth », « al-Makchoûf »,<br />

Amâlî » (2 pages).<br />

de la Presse Arabe et de la Radio (2 pages).<br />

« al-<br />

et Nouvelles de l'Orient et de l'Occident : Instituts et<br />

associations : — conférences et causeries. Nominations et muta<br />

— — tions. Distinctions honorifiques.<br />

— Congrès internationaux. Carnet<br />

SOMMAIRE du N"<br />

Voyages<br />

(2 pages).<br />

1 (Janvier-Février 19Al)<br />

et missions. —<br />

Pages<br />

Georges Marçais. Les idées d'Ibn Khaldoûn sur l'histoire 3<br />

— Poésie arabe : Nuit d'amour, d'Ibn Baqî.<br />

Mu'tamid ibn '<br />

Trois empêchements, d'al-<br />

Abbâd, traduction française par G. Dugat 6<br />

Prose, arabe : L'histoire, par Ibn Khaldoûn (extrait des Prolégomènes),<br />

traduction française par de Slane 8<br />

Poésie française : Le vase brisé, de Sully-Prudhomme, traduction<br />

arabe par Abu Qaïs 10<br />

Arabe dialectal : Sâlah-Mîmûn, texte arabe, transcription phonétique<br />

et traduction française par H.-S 12<br />

Contribution à l'étude de la langue : Etymologie de « Alger ». — Pro<br />

nonciations correctes : Ne dites pas... Ne confondez pas 16<br />

Hors texte : Le village et l'oasis de Roufi, dans l'Aurès (Algérie).<br />

Bibliographie : La poésie populaire en Afrique du Nord,<br />

par H. P. 17<br />

Entre arabisants : Qui nous renseignera sur... ? —Travaux sous<br />

— presse ; en préparation ; en projet. Livres et articles recher<br />

chés ou offerts 20<br />

Enseignement : Cours et conférences à la Faculté des Lettres d'Al<br />

—. ger. Enseignement secondaire : programme d'arabe de Se<br />

conde B (Section spéciale, Elèves-Maîtres et . . Elèves-Maîtresses) 22<br />

Examens et Concours : — Interprètes judiciaires. Agrégation et Cer<br />

— tificat des Lycées. Diplômes d'Etudes supérieures (Sujets de<br />

mémoires). — Thème du Certificat de Philologie arabe (Session<br />

d'octobre 1940) 25<br />

Recensions : Rubriques de classement. — Recension<br />

ticles récents<br />

de livres et d'ar<br />

Revue des Revues : « Revue Africaine », « Revue Tunisienne »,<br />

« Hespéris », « En Terre d'Islam », « Algeria » ; « Afrique Lit<br />

téraire », « Al-Andalus », « Oriente Moderno » 29<br />

—<br />

Revue de la Presse et de la Radio.<br />

— de l'Occident. Système<br />

Echos et nouvelles de l'Orient et<br />

de transcription de l'arabe classique et<br />

de l'arabe dialectal 31-32<br />

27


û<br />

Chambre de Commerce d'Alger<br />

SEANCE DU 26 MARS <strong>1941</strong><br />

Présidence de M. Ch. Simian, Président<br />

TRANSPORTS TERRESTRES<br />

PROMULGATION DE LA LOI PORTANT AUTORISATION<br />

DE LA CONSTRUCTION DU CHEMIN DE FER MEDI<br />

TERRANEE-NIGER<br />

ADRESSE DE LA CHAMBRE DE COMMERCE<br />

Le Président expose ce qui suit<br />

Messieurs,<br />

A M. LE PRESIDENT MORARD<br />

C'est avec un réel sentiment d'enthousiasme et de haute et patriotique<br />

satisfaction que la Chambre de Commerce d'Alger a pris connaissance de la<br />

décision éminente par laquelle le Gouvernement du Maréchal vient de faire<br />

promulguer la loi tant attendue autorisant la construction du Méditerranée-<br />

Niger.<br />

Un tel événement est bien à la mesure du grand Chef que la France a,<br />

dans son infortune, eu le rare bonheur de trouver pour guide.<br />

Je ne puis m'empêcher, en cet instant que je qualifierai de solennel, de<br />

songer à nos prédécesseurs qui, depuis 1879, avec une inlassable opiniâtreté,<br />

ont apporté chaque fois, dans leur clairvoyance, des arguments nouveaux en<br />

faveur de la réalisation de cette œuvre impériale, et d'adresser à leur mé<br />

moire l'hommage qui leur revient aujourd'hui.<br />

Mais parmi ces précurseurs, il en est un, messieurs, qui, dès son arrivée<br />

ici, a repris le flambeau ; qui, par ses écrits comme par ses actes, en pèlerin<br />

ardent et convaincu, a contribué à créer l'esprit d'Empire q^i devait être<br />

notre salut et a entrepris une véritable croisade en faveur de son unité par<br />

la multiplication de nos relations avec nos Colonies d'Afrique et principale<br />

ment par la construction, du Transsaharien. Ce sera une page à écrire que de<br />

rappeler tout ce qui est dû au Président Morard pour cette extension dont<br />

il pressentair la capitale urgence. Pour l'instant, nous nous bornerons à le<br />

suivre à compter du jour où il a fait du Transsaharien le thème quotidien<br />

de son action.<br />

><br />

Le 23 février 1938, à un moment où la question ne paraissait plus devoir<br />

être tirée de son sommeil, le Président Morard prenant la parole au Ban<br />

quet donné à l'issue de la session du Comité Régional, reprenait le problème<br />

de l'établissement de voies de communications rapides et aisées entre l'Afriqul<br />

du Nord et l'A.O.F. et il déclarait : « Nous pouvons dire aujourd'hui qu'il<br />

n'y a plus seulement là un intérêt, mais une nécessité vitale. »<br />

Quelques jours plus tard, le 3 mars 1938, il faisait adopter par l'Assem<br />

blée générale du Comité Algérie-A.O.F. une motion en faveur du chemin de<br />

fer transsaharien.


■<br />

Puis ayant convaincu l'économie algérienne de la nécessité de cette voie<br />

ferrée, M. Morard poursuivait dans la Métropole sa croisade en faveur de<br />

la soudure par le rail du bloc africain français.<br />

Le 10 mai 1938, il donnait une Conférence au Secrétariat de la Défense<br />

Nationale ; avec son éloquence persuasive, il accumulait les arguments et<br />

réfutait les objections ; il montrait — nous citons — que « la construction<br />

du transsaharien représente une nécessité absolue, impérieuse, urgente, que<br />

l'œuvre est capitale, qu'elle est susceptible de concourir au maintien de la<br />

Paix et qu'elle enferme les plus sûrs éléments d'équilibre économique », et il<br />

terminait son exposé par cette formule lapidaire : « Il faut que le Trans<br />

saharien se fasse et se fasse vite ».<br />

Cette formule il l'a fait adopter par la Région Economique d'Algérie, dans<br />

sa réunion du 16 juin 1938. Mais, les formules, si éloquentes soient-elles, ne<br />

valent qu'appuyées par des actes : le Président Morard lance donc un appel<br />

à tous les organismes d'intérêt général de France et d'Algérie, les invitant<br />

à se grouper pour faire aboutir rapidement le Transsaharien.<br />

Celui qui devait aux heures sombres devenir le Chef de l'Etat Français<br />

demande à être renseigné. Il convoque le Président Morard.<br />

Ce que fut cette entrevue du 23 janvier 1939 ? Nous pouvons, Messieurs,<br />

l'imaginer : Aux objections, auxx hésitations peut-être du Grand Chef, M.<br />

Morard répond par de tels arguments qu'à l'issue de l'entretien le Maréchal<br />

déclare être tout à fait convaincu de l'utilité économique autant que militaire<br />

du Transsaharien.<br />

Inlassable, le Président Morard poursuit sa campagne : Le 8 mars 1939,<br />

il donne, à l'Association des Grands Ports Français, une conférence, au cours<br />

de laquelle il enregistre l'adhésion du Général Georges, présent, et du Grand<br />

Etat-Major ; le 10 mai, à l'issue d'un déjeuner offert par le Comité de<br />

l'Afrique du Nord, sous la présidence du Maréchal Franchet d'Esperey, il<br />

fait voter une motion en faveur du Transsaharien ; le 15 mai, il obtient, à<br />

Casablanca, un vote unanime de la Conférence des Chambres de Commerce<br />

Françaises du Bassin Méditerranéen.<br />

Puis viennent les hostilités et les tristes heures de juin 1940. Un instant<br />

pour se ressaisir et M. Morard reprend sa croisade.<br />

Dès septembre 1940, il demande que la construction du Transsaharien soit<br />

comprise dans le programme des Grands Travaux ; puis, le 16 janvier <strong>1941</strong>,<br />

la Région Economique d'Algérie émet, sur l'initiative de son Président, le<br />

vœu « que le Maréchal Pétain reprenne le projet et le réalise pour la gran<br />

deur et la gloire de la France Nouvelle » .<br />

Au moment, Messieurs, où l'âme de la France émerge à peine des ruines<br />

accumulées, au moment où malgré et contre la tempête, le Maréchal vient<br />

de décider de réaliser le Méditerranée-Niger, la Chambre de Commerce d'Al<br />

ger a le devoir, il me semble, de rendre hommage à la patriotique clair<br />

voyance, à la persévérance, à l'opiniâtreté de son Président d'hier, M. Morard,<br />

dont elle peut être légitimement fière et de lui adresser l'expression.<br />

unanime d'une gratitude qui se confond avec celle des générations de com<br />

merçants et d'industriels, qui feront la relève et rendront à la France, grâce<br />

à l'Empire, son rayonnement et sa puissance.<br />

Lecture entendue de cet exposé, la Chambre de Commerce le ratifie unani<br />

mement et ses termes et conclusions et le transforme en délibération.<br />

Pour copie conforme.<br />

15<br />

P. le Président de la Chambre de Commerce :<br />

Le Vice-Président délégué,


Quarante-Septième Année<br />

A' Trimestre -19A2<br />

wr'bV',W1r^3J'@]<br />

k v<br />

><br />

.<br />

^c J ^ i<br />

BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la oociété<br />

/■<br />

nn<br />

N* 163<br />

de Orographie d'Alger<br />

DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

JlLgER<br />

— IUP. IMBIRt


Société de Géographie d'Alger<br />

et de l'Afrique du Nord<br />

CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />

Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, conseiller honoraire à la<br />

Cour d'Appel d'Alger.<br />

Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé-_<br />

rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />

MM. BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />

BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographie au<br />

Lycée d'Alger.<br />

BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes<br />

mixtes.<br />

CHAMSKI-MANDAJORS, Trésorier-payeur général.<br />

JOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />

Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />

des Colonies françaises.<br />

Commandant LEHURAUX.<br />

Général MEYNIER.<br />

Colonel PEYRONNET.<br />

PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />

RIMBAULT Paul, ancien rédacteur en chef de la « Dépêche Algé<br />

rienne » et de P « Effort Algérien ».


BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Société de Géographie d'Alger<br />

ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

Quarante-Septième Année<br />

-I"<br />

Trimestres -1 9<strong>42</strong><br />

Procès-Verbaux des Séances de la Société<br />

SEANCE DU 10 JANVIER 19<strong>42</strong><br />

Conférence<br />

« De François Coppée à Louis Bertrand », par M. Paul Rim<br />

bault, secrétaire général de la Société.<br />

Nouvelle adhésion<br />

Capitaine Lapeyre André, Albert Hôtel ; présenté par le Com<br />

mandant Lehuraux et M. Reygasse.<br />

Décès<br />

M. de Sambœuf, avocat honoraire,<br />

N*<br />

-169<br />

ancien vice-président de la<br />

Société de Géographie d'Alger.<br />

M. Barret, directeur d'Hôpital colonial en retraite.<br />

Prix<br />

Le docteur en pharmacie Francis Llabador, de Nemours, a<br />

reçu de la Société de Géographie et d'Archéologie d'Oran le prix<br />

de la fondation Fabre pour sa « Monographie illustrée de la ville<br />

de Nemours ».<br />

Gouvernement Général<br />

Subvention<br />

SÉANCE DU 24 JANVIER 19<strong>42</strong><br />

Conférence<br />

« Alimentation et Restrictions »,<br />

tendier.<br />

15.000 fr.<br />

par le docteur ARNAUD-Bat


i<br />

Nouvelles adhésions<br />

Mme Petrolacci Sïéphanopoli, 2, boulevard Maréchal-Foch,<br />

Alger ; présentée par Mlle Leclerc et M. Lefèvre-Paul.<br />

M. le Colonel Teste, rue de l'Oasis, à Kouba présenté ; par le<br />

Commandant Lehuraux et M. Lefèvre-Paul.<br />

Mme Teste, rue de l'Oasis, à Kouba ;<br />

mandant Lehuraux et M. Lefèvre-Paul.<br />

présentée par le Com<br />

Mme Sultana Antoine, 37, rue Michelet, Alger ; présentée par<br />

MM. Rimbault et Sultana.<br />

Mme Devaux Alexandre, 6, rue Henri-de-Grammont, Alger ;<br />

présentée par MM. Rimbault et Sultana.<br />

Subventions<br />

Barclays Bank 75 fr.<br />

Bon Marché 100 fr.<br />

Cie Navigation 100 fr.<br />

Banque de l'Algérie 1.000 fr.<br />

Cie Transatlantique 100 fr.<br />

SEANCE DU 14 FEVRIER 19<strong>42</strong><br />

Conférence<br />

« La Légion d'honneur, son passé, son présent, son avenir »,<br />

par M. le Docteur Josse. ■<br />

Nouvelles adhésions<br />

Mme Vve Mouchez Gaston, 28, boulevard Saint-Saëns, Alger ;<br />

présentée par Mlle Mouchez et M. Lefèvre-Paul.<br />

M. Hognon, lieutenant-colonel en retraite, maire de Batna<br />

(Constantine) ; présenté par MM. Lefèvre-Paul et Prunnelle.<br />

Subventions<br />

Conseil Général 3.150 fr.<br />

Chambre de Commerce d'Alger ....<br />

Chambre de Commerce d'Oran .<br />

300 fr.<br />

. . 500<br />

fr.<br />

Crédit Foncier 100 fr.<br />

Compagnie Algérienne 100 fr.<br />

Maroc 1.000 fr.<br />

'


SEANCE DU 10 MARS 19<strong>42</strong><br />

Conférence<br />

« La femme en Islam d'après les propos du philosophe mo<br />

derne : Abou Hatéa », faite par M. Tedjini.<br />

Subventions<br />

Préfecture 765 fr.<br />

Cie Schiaffino 500 fr.<br />

Société Généraje 80 fr.<br />

Décès<br />

M. Vitalis, administrateur en retraite.<br />

SEANCE DU 24 MARS 19<strong>42</strong><br />

Conférence<br />

« Le mouvement culturel chez les Musulmans algérois de 1895<br />

à 1914 », faite par M. Benchened, sous la présidence de M.<br />

Marçais.<br />

Nouvelle adhésion<br />

Mlle BRUN Giiiette, 117 bis, immeuble D, rue Michelet, Alger;<br />

présentée par Mme Combier et M. Lefèvre-Paul.<br />

Ville de Bône<br />

Société Marseillaise<br />

Subventions<br />

Société Générale des Transports Mari<br />

times<br />

100 fr.<br />

100 fr.<br />

100 fr.<br />

5


ASSEMBLEE GENERALE DU MARDI 24 FEVRIER 19<strong>42</strong><br />

Rapport de M. Bessière,<br />

chargé du Bulletin et de In Bibliothèque<br />

Fin décembre <strong>1941</strong>, les membres de notre Société ont eu l'agréa<br />

ble surprise de recevoir le premier numéro de notre Bulletin <strong>1941</strong>.<br />

Certes, le gros retard et la réduction importante du nombre<br />

de pages ne permettent pas de considérer l'événement comme<br />

exceptionnellement heureux; mais, je tiens à le rappeler, les<br />

perspectives furent si sombres fin 1940 que nous avons craint<br />

un moment de ne plus pouvoir paraître du tout. Notre trésorerie<br />

nous permettrait-elle de faire les frais de l'édition ? Aurions-nous<br />

droit à un contingent de papier ? Ces gros problèmes ont été<br />

traités sans trop de peine, au mieux de nos intérêts, dans le sens,<br />

il est vrai, d'une solution modeste mais pratique, et dont se révé<br />

lera peu à peu l'efficacité.<br />

Nous nous proposons en effet d'assurer la publication de qua<br />

tre numéros trimestriels de seize page au minimum. Ces quatre<br />

numéros renseigneront les membres de la Société sur l'activité<br />

de notre groupement. Ce sera auprès de tous nos membres algé<br />

rois et dispersés, l'indispensable moyen de liaison. A ces infor<br />

mations, reflet de notre grande famille dans sa vie quotidienne,<br />

viendront s'ajouter de brefs mais substantiels comptes rendus de<br />

nos conférences et une rapide revue bibliographique. Nous espé<br />

rons achever d'ici quelques mois la collection de l'année <strong>1941</strong> et<br />

rattraper le retard dont nous souffrons pour 19<strong>42</strong>.<br />

En conséquence, de ce côté, nous pensons que même réduit, le<br />

Bulletin de la Société de Géographie n'abdique pas. Il continue,<br />

réduit certes, mais suffisant dans l'attente des jours meilleurs;.<br />

les pouvoirs publics, les membres de la Société nous ont maintenu<br />

leur concours le plus fidèle, l'ont même accentué. Nous les en re<br />

mercions; c'est là pour nous le meilleur motif d'encouragement<br />

dans le présent, de confiance dans l'avenir.<br />

Dans un autre ordre d'idées,<br />

au sujet de nos collections de li<br />

vres, brochures et revues diverses, je suis heureux de vous<br />

préciser que si notre Bibliothèque ne peut pour l'instant s'enri<br />

chir, du moins a-t-elle gagné en ordre et en clarté, sur l'initiative<br />

pertinente de notre Président ; un classement vient d'être fait, qui<br />

a demandé plusieurs mois de soins persévérants; un catalogue<br />

a été rédigé à la disposition de nos lecteurs. Je suis assuré, pour<br />

en avoir fait l'expérience personnelle, que ce classement et ce ca<br />

talogue sont appelés à rendre les plus précieux services. Je me<br />

permets d'en remercier en votre nom ceux qui ont assuré la tâ<br />

che de mener à bonne fin cette œuvre délicate.


Rapport de M. Paul Rimbault, secrétaire général<br />

LES CONFERENCES<br />

Malgré les. préoccupations et les difficultés de l'heure présente,<br />

notre Société a donné dans son année d'étude novembre 1940juin<br />

<strong>1941</strong>, quatorze conférences. C'est un des plus forts chiffres<br />

qu'elle ait atteint depuis plusieurs années.<br />

Ces conférences sont réparties de la façon suivante en ce qui<br />

concerne les sujets traités :<br />

Histoire : 6 conférences;<br />

Colonies : 2 conférences;<br />

Littérature : 2 conférences;<br />

Géographie : 1 conférence;<br />

Economie : 1 conférence;<br />

Question sociale : 2 conférences.<br />

Tous les conférenciers ont traité avec beaucoup de conscience<br />

leur sujet. On nous permettra de signaler tout particulièrement<br />

l'étude très documentée que, dans trois conférences, M. Chamski-<br />

Mandajors a donnée sur les nièces de Mazarin. Nous avons eu<br />

également l'honneur et le plaisir d'entendre un éminent réfugié<br />

alsacien, Mgr Hincky, qui nous a parlé en termes émus de sa<br />

belle petite patrie. Nous saluons en lui les souffrances et les<br />

espoirs d'une province qui, depuis le dix-septième siècle, fut tou<br />

jours chère aux cœurs des Français.<br />

Nous remercions vivement tous les conférenciers qui ont bien<br />

voulu soustraire quelques heures de leurs occupations pour les<br />

donner à notre Société. Nous faisons encore appel à eux pour<br />

que, durant l'année courante, ils nous continuent leur dévoue<br />

ment. Cet appel s'étend également à ceux qui n'ont pas encore<br />

parlé devant nous et qui, par leurs connaissances et leurs loisirs,<br />

seraient susceptibles de le faire. Sur ce point, notre Société en<br />

tend rester très éclectique. Elle admet tous les sujets, surtout<br />

ceux qui, par leurs données philosophiques, littéraires et socia<br />

les,<br />

peuvent contribuer à ce renouvellement de l'esprit qu'exigent<br />

les circonstances.<br />

Dans sa modeste sphère, notre Société entend en effet être un<br />

des éléments de cette évolution, grâce à laquelle notre patrie bien-<br />

aimée pourra renaître, plus jeune et plus rayonnante que jamais,<br />

de ses malheurs et de ses ruines.<br />

•<br />

Messieurs,<br />

Rapport de M. Prunnelle,<br />

Trésorier de la Société de Géographie d'Alger<br />

pour l'année <strong>1941</strong><br />

l'année qui vient de s'écouler a vu se réduire notre<br />

comptable à quelques opérations prudentes.<br />

activité


Conformément à la décision prise à la fin de l'année précé<br />

dente,<br />

notre dette envers la Maison Bacconnier (Bulletin de 1940)<br />

a été complètement éteinte grâce à l'aliénation de certaines va<br />

leurs prélevées sur notre fonds de réserve.<br />

Il a été vendu :<br />

270 francs de rentes françaises 5.507 50<br />

8 obligations du Gouvernement Gé<br />

néral de l'Algérie 4 1/2 % 1930. .<br />

7.496 35<br />

Total 13.003 85<br />

et cette somme a été employée spécialement à l'acquit de la créan<br />

ce Bacconnier qui s'élevait à 13.127 fr. 65.<br />

De sorte que notre portefeuille s'est trouvé réduit à :<br />

14 obligations du Gouvernement général de l'Algérie à 4 1/2 %,<br />

valant au dernier cours environ 14.000 fr.<br />

832 fr. 50 de rentes françaises 4 1/2 % 1932, tran<br />

che B, valant au dernier cours environ<br />

19.000 fr.<br />

23 obligations des Chemins de fer du Maroc 9.200 fr.<br />

10 obligatoins du Gouvernement Marocain (Legs Mîs-<br />

sarel)<br />

9.600 fr.<br />

Total 51.800 fr.<br />

Il est à noter que la valeur de ces titres à la date courante est<br />

supérieure à celle qui leur a été accordée l'an passé, de sorte<br />

que le montant total de notre portefeuille n'a été réduit en réa<br />

lité que de quelques milliers de francs (de 54.280 à 51.800).<br />

Les cotisations de l'année <strong>1941</strong> ont été recouvrées sans dimi<br />

nution. Les subventions se sont élevées considérablement grâce<br />

au recouvrement de celle du Gouvernement Général de l'Algé<br />

rie dont le retard avait été signalé depuis plusieurs années. De<br />

sorte que, dans l'ensemble, la situation reste favorable. Les opé<br />

rations comptables de <strong>1941</strong> se présentent de la façon suivante :<br />

En recettes :<br />

Cotisations •. 20.476 70<br />

Subventions 10.143 40<br />

Vente de titres et coupons 13.223 90<br />

Intérêts 2.300 70<br />

46.144 70<br />

Restait au 31 décembre 1940 1.744 50<br />

Total 47.889 20


En dépenses :<br />

Siège social 5.252 »<br />

Secrétariat 1.681 85<br />

Personnel .<br />

8.7Ô0<br />

»<br />

Bulletin 13.649 30<br />

Conférences 1.472 60<br />

Dépenses diverses 145 45<br />

30.901 20<br />

Reste au 31 décembre <strong>1941</strong> 16.988<br />

ainsi représenté :<br />

Compte chèque postal 6.904 12<br />

Compagnie Algérienne 2.296 70<br />

Banque de l'Algérie 267 65<br />

Caisse d'épargne 7.413 53<br />

Secrétariat 106 »<br />

Cette situation nous permet d'aborder l'année 19<strong>42</strong> sans trop<br />

d'inquiétude, bien que nous n'ayons aucun renseignement au su<br />

jet du prix de revient du Bulletin, tout réduit qu'il a été...<br />

Il serait donc possible d'établir le budget de l'année nouvelle<br />

sur les bases suivantes :<br />

Recettes :<br />

Cotisations en diminution de 2.000 fr. sur le chiffre de <strong>1941</strong> (en<br />

cas de défaillances possibles) 18.000 »<br />

Subventions (chiffre de <strong>1941</strong>) 6.500 »<br />

Intérêts 2.300 »<br />

Dépenses :<br />

Siège social 6.500 »<br />

Secrétariat 1.500 »<br />

Personnel 9.600 »<br />

Conférences et autres dépenses 2.000 »<br />

Bulletin 6.000 »<br />

*<br />

26.800 »<br />

25.600 »<br />

— ■■■■ ■■•<br />

Excédent de recettes 1.200 »<br />

Tels sont les chiffres que je crois devoir soumettre à votre ap<br />

probation en vous faisant remarquer qu'il vous reste, outre votre<br />

fonds de réserve,<br />

un reliquat de caisse au 31 décembre <strong>1941</strong> qui<br />

s'élève à 16.988 francs et qui ne doit rien à personne.<br />

9


10<br />

La jeunesse d'HITLER<br />

Conférence donnée le 28 mai 1940 par M. Paul Rimbault<br />

Secrétaire général de la Société<br />

Mesdames, Messieurs,<br />

La causerie que je vais avoir l'honneur de vous faire ne sau-;<br />

rait comporter tous les détails de la vie de l'homme qui tient au<br />

jourd'hui le monde en suspens et l'Europe dans la terreur. Je<br />

voudrais simplement développer les trois points suivants :<br />

1° D'où vient Adolf Hitler ?<br />

2° Que faut-il penser de son caractère ?<br />

3° Comment cet homme, sorti de rien, a-t-il pu arriver au<br />

sommet de la domination et des honneurs ?<br />

Comme on pourrait m'accuser d'être partial dans mon juge<br />

ment, je n'ai puisé, ma documentation que dans des ouvrages<br />

étrangers et dans les discours du Fiihrer lui-même.<br />

La silhouette d'<br />

Adolf Hitler est extrêmement complexe. C'est<br />

un mélange de qualités indiscutables,<br />

d'atavismes douteux et<br />

aussi d'artifices savamment combinés. Une pareille psychologie<br />

est, vous l'avouerez, assez difficile à démêler,<br />

*«4i résultera sera nécessairement incomplet.<br />

et le portrait qui<br />

Tel quel, je pense toutefois qu'il pourra satisfaire dans son<br />

ensemble votre besoin de vérité, et que,<br />

en sortant de cette salle,<br />

vous aurez une idée assez exacte d'un homme que nous pouvons<br />

appeler — comme nos ancêtres le faisaient d'Attila —<br />

de Dieu ».<br />

« le fléau<br />

Je me garderai bien d'ailleurs de mettre de la passion dans<br />

mes paroles. Nous sommes ici entre gens instruits, réunis pour<br />

étudier ce que en psychiatrie on appelle « un cas ». Ce cas doit<br />

être examiné objectivement.<br />

J'ajoute que pour bien comprendre les événements actuels, il<br />

est indispensable de connaître le caractère d'Hitler; car si —><br />

— comme nous le verrons à la fin le Fiihrer incarne exactement.<br />

les aspirations de la jeunesse allemande, il a sa personnalité pro<br />

pre, et c'est lui qui décide de tout.<br />

Sir Neville Henderson, dernier ambassadeur britannique à<br />

Berlin, a écrit :<br />

« Le plus absolu des dictateurs est sensible à l'influence de son<br />

entourage. Néanmoins, les décisions de Herr Hitler, ses calculs^<br />

son choix des opportunités sont bien à lui. Le Feld-marschaRi<br />

Gœring me l'a dit une fois : « Quand il s'agit de prendre une<br />

« décision, aucun cie nous ne compte plus que les cailloux que


« nous foulons, et le Fiihrer seul décide. » C'est donc lui le per<br />

sonnage central, omnipotent, et dès lors le bien connaître est d'une<br />

importance capitale. »<br />

I<br />

Adolf Hitler est né le 20 avril 1889, à Braunau, dans la Haute-<br />

Autriche. Il a donc actuellement 51 ans. Ses ancêtres étaient des<br />

paysans. Son père, Aloys Hitler, était l'enfant illégitime d'une<br />

fille de ferme. Il fut d'abord cordonnier, puis entra dans les<br />

douanes et fut retraité comme surnuméraire. Il mourut en 1903.<br />

Sa mère était la troisième femme d'Aloys Hitler, en même temps<br />

que sa fille adoptive. Elle avait 23 ans de moins que son mari<br />

et mourut phtisique en 1908. Elle eut cinq enfants, dont deux<br />

sont encore vivants : le Fiihrer et sa sœur Paula.<br />

Contrairement à ce qui a été écrit, les ancêtres d'Hitler n'é<br />

taient pas israélites. On a retrouvé les actes de baptême et de<br />

.mariage catholique de ses grands-parents sur les registres pa<br />

roissiaux. Ce qui a accrédité cette légende, c'est que — pour des<br />

raisons d'ordre privé —<br />

nom.<br />

les<br />

11<br />

Hitler ont changé plusieurs fois de<br />

Toute cette famille était anormale. Un oncle d'Adolf Hitler<br />

était bigame et fut condamné à plusieurs reprises pour vol. Une<br />

de ses tantes était à moitié folle. Son grand-père était considéré<br />

comme un romanesque et un aventurier. Enfin, tant du côté<br />

paternel que du côté maternel, les santés étaient mauvaises, et<br />

beaucoup de parents d'Hitler moururent de la poitrine.<br />

Le jeune Adolf fait ses classes primaires dans différentes éco<br />

les de villages et de petites villes, notamment dans celle du cou<br />

vent de Lambach, d'où il fut congédié pour avoir été surpris en<br />

train de fumer.<br />

A l'âge de 9 ans, il entre à l'école réale de Linz. C'est un<br />

élève assez médiocre, sauf en histoire, en géographie,<br />

en dessin<br />

et en gymnastique. Il a l'esprit éveillé, l'imagination vive, aime<br />

les matières brillantes et faciles, et néglige tout ce qui est travail<br />

de réflexion. Il est assez indiscipliné.<br />

Son père a des ambitions pour lui, et voudrait le faire entrer<br />

dans la haute administration. Le fils répond à son père : « Je<br />

veux être artiste peintre. » Le père n'entre pas dans ces vues,<br />

—<br />

et l'enfant boude ses livres. A cette époque c'est-à-dire vers<br />

l'âge de- 12 ans —<br />

il<br />

a la réputation d'un jeune^ garçon assez<br />

sympathique, beau parleur, beau meneur, qui combine avec ses<br />

camarades des voyages autour du monde et lit en cachette des<br />

romans d'aventures. Toutefois, il a une tendance très marquée<br />

à la dissimulation.<br />

Plus il avance en âge, plus sa vocation de dessinateur s'af<br />

firme. En même temps, il s'emballe pour la politique et pour


12<br />

la musique. Il a un vieux professeur d'histoire qui est panger-<br />

maniste 100 pour 100,<br />

et qui l'embauche dans les rangs de la<br />

jeunesse nationaliste allemande autrichienne. .<br />

Sur ces entrefaites, Adolf tombe très gravement malade de<br />

la poitrine,<br />

et doit abandonner ses études. Il semble que la ma<br />

ladie ait changé son caractère : il devient calme, réservé, sauf<br />

quelques accents de violentes colères, très timide devant les fem<br />

mes. A 16 ans, il part pour Vienne, suit les cours de l'école de<br />

préparation des Beaux-Arts et est refusé deux fois à l'examen de<br />

l'Académie de Peinture. Désespéré, il revient auprès de sa mère<br />

mourante. Celle-ci disparaît bientôt et le père est mort. Adolf<br />

a 19 ans : il n'a plus ses parents, pas d'amis, pas de fortune,<br />

aucun diplôme dans sa poche : c'est un malheureux.<br />

Il retourne à Vienne, et pendant près de cinq ans, c'est la<br />

misère noire. Pour ne pas mourir de faim, il s'embauche comme<br />

manœuvre dans un chantier et devient aide-maçon. Ses camara<br />

des lui demandent d'entrer dans leur syndicat. Non seulement<br />

il refuse, mais encore il les irrite par ses propos. On l'expulse<br />

du chantier.<br />

Comme il ne peut pas payer son logement, il couche dans les<br />

cafés ou sur les bancs de pierre des promenades; il mendie dans<br />

la rue, et reçoit sa soupe quotidienne, d'abord d'un couvent<br />

catholique, puis d'un refuge fondé par un israélite. Enfin, il<br />

échoue dans un asile de nuit. Parfois, on rencontrait dans la rue<br />

ce jeune homme maigre et pâle, vêtu d'un, veston bleu râpé, en<br />

train de déblayer la neige ou portant à la gare les malles des<br />

voyageurs.<br />

Enfin, il fait la connaissance d'un dessinateur de talent,<br />

Reinhold Hanisch. Il est aussi gueux que lui, mais il est éner<br />

Adolf est une loque. Hanisch lui rend courage,<br />

qu'<br />

gique, alors<br />

lui fait dessiner des cartes postales et bien que ses dessins soient<br />

assez médiocres, ils se vendent.<br />

Le jeune Hitler continue d'ailleurs à vivre de mendicité. Sa<br />

sœur Paula lui envoie de temps en temps quelques couronnes,<br />

et le Juif hongrois Neumann lui donne des chemises et une re<br />

dingote qu'il portera pendant plusieurs années.<br />

En même temps, ce dernier l'introduit parmi les déclassés de<br />

la ville de Vienne. La plupart de ses camarades de misère sont<br />

des israélites, et c'est à leur contact que naîtra son antisémitisme.<br />

A l'asile de nuit, Hitler rencontre aussi d'autres déchets d'huma<br />

nité : des nobles au blason dédoré, des professeurs sans élèves,<br />

des industriels et commerçants en faillite. En vivant au milieu<br />

de cette lie, la haine de l'homme et de la vie s'empare de lui. Mais<br />

ceux qu'il méprise le plus, ce sont les ouvriers : « Les ouvriers,<br />

écrit-il, alors, forment une masse amorphe. Ils ne connaissent<br />

que leur ventre, leurs beuveries et les femmes. »<br />

A partir de cette époque, Hitler se passionne de plus en plus<br />

pour la politique. Il lit beaucoup, mais sans méthode. Lui qui


n'a pas un sou devant lui et couche dans un asile, il veut fonder<br />

un parti ouvrier antimarxiste. Il pérore au lieu de travailler.<br />

Le dessinateur Henisch, découragé d'avoir un tel protégé,<br />

l'abandonne à son propre sort. Hitler se venge, et sous prétexte<br />

que ce dernier lui a volé un, dessin, il le fait condamner à la<br />

prison. Puis il part pour Munich en prononçant des impréca<br />

tions contre la ville de Vienne, imprécations dont il se souvien<br />

dra lorsqu'en 1938 il y entrera en souverain.<br />

Voilà donc Adolf Hitler dans la capitale bavaroise. Un ingé<br />

nieur lui donne l'hospitalité dans sa chambre, à l'hôtel. Pen<br />

dant un an encore, de 1913 à 1914, il vivra dans la misère, un<br />

jour fondant un office de publicité, un autre jour inventant un<br />

produit pour protéger, les carreaux contre la gelée, c'est-à-dire<br />

bricolant, démuni de tout, solitaire,<br />

sauf quand il s'agit de po<br />

litique. Comme à Vienne, il fait d'interminables discours aux<br />

terrasses des cafés, au milieu d'auditeurs de hasard. Il prédit<br />

les événements futurs qui doivent bouleverser l'Allemagne, et<br />

hélas ! se réaliseront.<br />

Décidément, ce raté loqueteux, qui se nourrit de bouts de<br />

saucisses et ne boit jamais de bière, a un dynamisme étrange.<br />

Enfin, voici 1914 : La guerre éclate. A cette nouvelle, Hitler<br />

se jette à genoux et remercie Dieu de ce grand événement. Sa<br />

situation militaire n'était pas très claire. Citoyen autrichien, il<br />

aurait dû se présenter au conseil de révision en 1910. Ne l'ayant<br />

pas fait, il avait été déclaré insoumis. En février 1914, il re<br />

tourne pour quelques jours en Autriche,<br />

13<br />

afin de régulariser sa<br />

situation. Il est déclaré inapte au service pour faiblesse de cons<br />

titution, ce qui augmente sa haine contre l'Autriche. Lorsqu'é-<br />

clate la guerre, il envoie une requête au roi de Bavière pour<br />

servir dans l'armée allemande. Sa demande est agréée,<br />

et il est<br />

incorporé comme volontaire au 16e bavarois d'infanterie de ré<br />

serve.<br />

En 1915, on le trouve dans les Flandres comme agent de<br />

liaison à l'état-major de son régiment. Blessé d'un éclat d'obus<br />

en 1916, il est évacué, puis retourne au front, et en 1918 reçoit<br />

la Croix de Fer de 1"<br />

classe dans des conditions d'ailleurs assez<br />

obscures.<br />

C'est un soldat discipliné, consciencieux,<br />

obséquieux avec ses<br />

chefs, peu aimé de ses camarades. On le trouve bizarre; il reste<br />

des heures entières, le regard fixe, sans parler à âme qui vive.<br />

Il ne dépassera pas le grade de.caporal... « Je ne ferai jamais un<br />

sous-officier de cet hystérique... », dira de lui son capitaine.<br />

En octobre 1918, il est intoxiqué par les gaz et devient pres<br />

que aveugle. Il apprend à l'hôpital la défaite, la révolution, l'ar<br />

mistice. Il se met à pleurer de rage,<br />

ses camarades n'osent l'approcher.<br />

et pendant plusieurs jours


Ainsi se termine la première période dé la vie<br />

d' Adolf Hitler.<br />

Il a 30 ans : jusqu'ici il n'a été qu'un déraciné, un malheurëfx<br />

gagnant péniblement sa vie, paresseux, imaginatif, hypersensi<br />

ble, méprisant les hommes, mais désirant jouer un rôle.<br />

Nous allons maintenant entrer dans la deuxième période, celle<br />

qui va de 1919 à 1932. L'homme va sortir de sa gangue, grâce<br />

à un concours exceptionnel de circonstances.<br />

Il faudrait une conférence entière pour rappeler toutes les<br />

misères politiques, économiques, sociales de l'Allemagne d'aprèsguerre<br />

: changements de gouvernement, scandales privés, failli<br />

tes financières, coups de main révolutionnaires, etc.<br />

Les Hohenzollern et tous les princes allemands ayant été dé<br />

posés après la défaite de 1918, il fallait fonder un ordre politi<br />

que nouveau. Le socialisme, puis le centre catholique prirent la<br />

succession de Guillaume II. Mais l'un et l'autre ayant signé l'ar<br />

mistice, une vague contre-révolutionnaire de mécontentement et<br />

même d'assassinats s'éleva contre ceux qu'on appelait des traî<br />

tres.<br />

Cette vague comprenait en premier lieu la classe des « bas-<br />

officiers », classe insurgée du fait que tout avancement était<br />

rendu impossible par suite de la réduction de l'armée : c'était<br />

les « demi-soldes » de l'Allemagne.<br />

A côté d'eux, il y avait la masse des « petits bourgeois » que<br />

l'inflation de 1932 avait ruinés : elle prit la direction spirituelle<br />

du mouvement contre-révolutionnaire.<br />

Nous rencontrerons également à cette époque le vieux « parti<br />

des patriotes », composé de junkers, de grands bourgeois, et<br />

surtout de professeurs, d'artistes, d'écrivains, etc.<br />

Enfin, dominant le tout, pénétrant dans toutes les classes,<br />

devenant comme on l'a dit, d'abord un jeu de société, puis une<br />

folie collective, se place l'antisémitisme antimarxiste. Guillau<br />

me II avait toujours été bienveillant pour les Juifs. Le kaiser<br />

parti, le vieux fonds antisémite allemand se réveille. On repro<br />

che aux israélites d'être socialistes et d'avoir accepté les traités<br />

de 1919. Bien avant l'accession d'Hitler au pouvoir, l'antisémi<br />

tisme, sous l'impulsion du général von Wrisberg, était déjà une<br />

réalité ; et une ligue raciste offensive et défensive avait été<br />

fondée par Ludendorf, et s'était abouchée avec les antisémites<br />

munichois.<br />

Bien entendu, tout ce monde-là, bas-officiers, petits bourgeois,<br />

junkers, racistes, bien que réunis par leur haine de la Républi<br />

que de Weimar, se mangeaient entre eux, se jalousaient, se<br />

tuaient réciproquement. Si le gouvernement légal de Berlin avait<br />

eu un peu de poigne, tout ce panier de crabes aurait été maté<br />

facilement. Malheureusement, l'Etat était tombé entre les mains


d'un vieillard, sympathique aux Allemands et vénéré sans doute,<br />

mais trop âgé, le maréchal Hindenburg.<br />

Ce spectacle intolérable ne pouvait pas durer. Comme au temps<br />

de la décadence de Rome, l'Empire allemand était mis à l'encan,<br />

et le premier aventurier venu pouvait s'en emparer : « Qui donc<br />

nous sortira de cette pourriture ? » entendait-on de toutes parts.<br />

Hitler va pouvoir descendre dans cette fange, et c'est sur elle<br />

qu'il pourra édifier la nouvelle, la Grande Allemagne.<br />

Parmi les nombreux partis antisémites, il en est un très mo<br />

deste et dont on ne parle pas, le parti ouvrier-allemand. Son<br />

fondateur est un nommé Drexler, ajusteur aux ateliers de che<br />

min de fer. Ce parti commence par avoir sept membres, puis<br />

quarante. Ce sont presque tous des soldats en déroute, des bohè<br />

mes, des demi-prolétaires. Il a son siège dans l'arrière-fonds<br />

d'une brasserie, « Das alte Rosenbad ».<br />

Hitler, qui, à sa sortie de l'hôpital, s'est fait embaucher par<br />

la Reichswehr dans un service d'espionnage antisoviétique, est<br />

introduit dans le cercle des 40 par l'ingénieur Feder. On l'y ins<br />

crit d'office et un peu malgré lui.<br />

C'est un parti assez timide, sans programme bien défini.<br />

Hitlerr qui, seul dans ce milieu pâlot, a quelque dynamisme, fait<br />

comprendre à ses camarades qu'il faut faire de la propagande<br />

si l'on veut aboutir à quelque chose.<br />

Un des chefs du parti, un nommé Karl Harrer, se dresse con<br />

tre le nouveau venu. Il lui reproche de vouloir irriter les masses,<br />

de mépriser les ouvriers, et s'oppose à son antisémitisme agres<br />

sif. On discute pendant des mois; finalement Hitler veut se re<br />

tirer de ce parti sans avenir. Drexler le retient, Karl Harrer<br />

est écarté, et Adolf est nommé chef du mouvement. Telles sont,<br />

Messieurs, les origines du national-socialisme.<br />

Sans perdre de temps, et grâce à ses relations parmi les bas-<br />

officiers de la Reichswehr, Hitler fait entrer dans le parti deux<br />

hommes qui lui seront particulièrement précieux : le capitaine<br />

Rohm —<br />

(qu'Hitler<br />

fera assassiner plus tard) —<br />

15<br />

et le poète<br />

Eckart. Le premier introduira dans le parti les officiers et les<br />

hommes de sa compagnie; le second sera le professeur du futur<br />

Fiihrer : il lui apprendra à parler et à écrire.<br />

Ces trois hommes portent sans le savoir le destin de l'Allema<br />

gne entre leurs mains.<br />

Adolf est plus que jamais un bohème : il est pâle, maigre, _<br />

porte la barbiche et a le caractère bilieux des ambitieux.<br />

Eckart est de ces poètes dont toutes- les pièces ont été des<br />

fours. Gros, le crâne rasé, il jure et boit à journées longues.<br />

Il a un cran extraordinaire : « Il faut, dit-il, que nous ayons à<br />

notre tête un type qui n'ait pas peur du bruit d'une mitrailleu<br />

se. Il faut que la canaille fasse dans ses culottes de peur. La poli<br />

tique étant le plus sot des métiers, le chef du parti n'a pas<br />

besoin d'être très intelligent. Un singe vaniteux est pour moi


16<br />

bien préférable à une douzaine de savants professeurs qui se<br />

tiennent en tremblant, et les cidottes humides, sur le terrain des<br />

réalités. »<br />

Quant au capitaine Rohm, ses camarades<br />

l'appelaient « le<br />

poing de fer ». Il présidait au café Fahrig de Munich des col<br />

loques sans fin au milieu d'un orchestre qui, tous les quarts<br />

d'heure, jouait le « Chant du Drapeau ». Malheur alors à l'as<br />

sistant qui ne se levait pas ! Une main solide l'empoignait, le<br />

traînait dehors et le rouait de coups.<br />

Le triumvirat fixa immédiatement son programme : abolition<br />

des traités de Versailles, réunion de tous les Allemands à la<br />

Grande Allemagne, abolition de l'esclavage de l'intérêt, c'est<br />

à-dire du judaïsme international, participation des ouvriers aux<br />

bénéfices. Ceci se passait fin 1919.<br />

En 1920, première assemblée plénière du parti,<br />

qui a pris le<br />

nom de « national-socialisme » : 2.000 personnes y assistent.<br />

La même année, un nouveau venu, Rosenberg, fonde un journal.<br />

En 1921, les 2.000 sont devenus 5.000. En 1923, les 5.000 ont<br />

grossi considérablement.<br />

Tout cela n'a pas été tout seul. Au début,<br />

on a hué Hitler;<br />

on a tout fait pour l'empêcher de parler. Un jour, il se présente<br />

sur l'estrade les mains dans les poches... « Enlevez les mains<br />

de vos poches... » crient ses adversaires répandus dans la salle.<br />

Adolf ricane et s'écrie : « Messieurs, moi je ne suis pas de ces<br />

gens qui parlent avec leurs mains ! »<br />

Un soir de novembre de cette même année, Hitler invite le<br />

commissaire général de l'Etat de Bavière pour le compte du<br />

Reich, von Kahr, à une conférence dans la salle du parti à Mu<br />

nich. Il arrive revolver au poing, monte sur une table; tire un<br />

coup de feu en l'air et proclame d'une voix de stentor : « La<br />

Révolution nationale est commencée ! »<br />

Tout le monde est ahuri, von Kahr le premier. Hitler, profi<br />

tant du désarroi, dit-il<br />

continue son bluff :« Je nomme —<br />

—<br />

von<br />

Kahr président du Conseil. Le Gouvernement de Berlin est des<br />

titué. »<br />

Mais pour soutenir ce putsch, Hitler n'a guère en ville que<br />

600 hommes mal armés. Von Kahr, revenant de sa surprise,<br />

appelle la troupe à son secours et coffre Hitler et sa bande. .<br />

Adolf s'arrache les cheveux et crie : « Kahr est un traître, 'un<br />

goujat. Je suis Scipion; lui, est Marius. Je l'anéantirai sous ma<br />

botte. »<br />

Condamné à cinq ans de réclusion, Hitler ne restera que dix<br />

mois en prison durant lesquels il écrira son fameux ouvrage<br />

« Mein Kampf ».<br />

Redevenu libre, il retourne à son parti et constate qu'il est<br />

en pleine décomposition : « C'est une étable à cochons, rien de


plus », dira de ce parti le commandant de marine Mûcker. Il perd<br />

les quelques sièges qu'il avait obtenus au Reichstag. On croit<br />

que c'est la firi; mais Hitler va le renflouer.<br />

En 1930, le national-socialisme emporte 107 mandats de dé<br />

putés avec 6 millions d'électeurs. Puis c'est l'accès au pouvoir,<br />

la mort du maréchal Hindenburg, l'emprise totale sur l'Alle<br />

magne,- enfin la dictature, la gloire, la guerre.<br />

Il y<br />

Bavière,<br />

a lieu de remarquer que le nazisme a pris naissance en<br />

c'est-à-dire dans une contrée qui a été toujours répu<br />

tée comme très catholique, très monarchiste et à tendances anti<br />

prussiennes. Les gens bien renseignés sont à peu près d'accord<br />

aujourd'hui pour faire retomber cette fâcheuse naissance sur<br />

le prince de Bavière, héritier du trône bavarois, qui avant 1930,<br />

était très populaire et avait tous les atouts en mains pour réta<br />

blir la monarchie en Allemagne du Sud et tuer ainsi dans l'œuf<br />

le parti naissant. Ses hésitations et son manque de confiance<br />

en lui ont été, semble-t-il, à l'origine de tout le mal.<br />

II<br />

Maintenant que nous connaissons les traits essentiels de la<br />

vie d'Hitler jusqu'à son élévation au pouvoir, nous allons étudier<br />

avec un peu de détail sa mentalité et son caractère.<br />

Physiquement, Hitler est de taille moyenne, plutôt petite. _<br />

porte les cheveux lisses, un front large un peu bombé, de petits<br />

yeux en vrille, un nez mou, des moustaches affreuses, comme<br />

collées à la peau, une bouche petite, toujours en mouvement, et<br />

un menton saillant et fort. Les pieds sont grands et les mains<br />

(parlantes. En résumé, physionomie quelconque, plutôt vulgai<br />

re... ce qui n'empêche pas les adoratrices du Fiihrer de l'appe<br />

ler « Der Susse Adolf »... « Le bel Adolf ».<br />

Il s'habille modestement, ne sait pas monter à cheval, mais est<br />

toujours botté ! Il a des manies, notamment celle de se mettre<br />

les doigts dans le nez. II se lève généralement assez tard, ne<br />

fume jamais, ne fait pas d'excès de table, sauf en sucreries. On<br />

a épilogue sur ses habitudes sexuelles. On prétend qu'il n'est<br />

pas inaccessible à la grivoiserie,<br />

17<br />

mais qu'il est timide devant les<br />

femmes. Ce célibataire aurait toutefois une passion pour la cé<br />

lèbre propriétaire de la fabrique de pianos bien connue, Frau<br />

Bechstein. Cette dame, d'âge déjà mûr, très riche, aurait donné<br />

toute sa fortune au parti nazi pour faire plaisir à Hitler qu'elle<br />

appelle toujours « Mon bon garçon »... « Mein guter junge ».<br />

C'est elle également qui l'aurait introduit dans les cercles prin<br />

ciers et aristocratiques d'Allemagne, où ce parvenu se sent d'ail<br />

leurs peu à l'aise.<br />

Quant au caractère du Fiihrer, il est très complexe, comme<br />

je l'ai dit plus haut. C'est un mélange de qualités et de défauts,<br />

de force et de faiblesse, de sentimentalité et de cruauté, le tout<br />

dominé par cette puissance de dissimulation qui, dès son jeune<br />

Il


18<br />

âge,<br />

a constitué le fond même de son caractère. Sa grande force<br />

réside dans son instinct. Bien qu'il ait beaucoup lu, ses con<br />

naissances sont déficitaires et souvent superficielles. Il s'en van<br />

te d'ailleurs, et prétend que le livre a tué l'action et même l'intel<br />

ligence. « Fiez-vous, a-t-il dit à ses camarades de parti, à votre<br />

intuition, à votre instinct ou à tout ce que vous voudrez, mais<br />

jamais à vos connaissances. Notez bien cela une fois pour tou<br />

tes. Les techniciens n'ont jamais d'instinct. » Cette puissance.<br />

d'intuition chez Hitler résulte de ses origines. Issu d'un milieu<br />

primaire, il en a la simplicité intellectuelle. Il édifie quelques<br />

idées rudimentaires dans ses longues promenades solitaires;<br />

elles s'incorporent à lui; elles ne le lâchent plus,<br />

et il n'a de<br />

repos que lorsqu'elles se sont transformées en actes. Lisez son<br />

ouvrage de méditation « Mein-Kampf »,<br />

et voyez les événements<br />

actuels. Ceux-ci ne sont que l'application intégrale de ce qu'il<br />

a rêvé d'abord, et écrit ensuite, dans sa prison. Il pourra peut-<br />

être temporiser un moment,<br />

mais l'idée fixe réapparaît bientôt<br />

en lui infailliblement. Elle s'exhausse parfois jusqu'au mysti<br />

cisme : « Je travaille à la construction de la nouvelle Allema<br />

gne, a-il dit, non pas comme les artistes égoïstes de notre époque<br />

dont l'effort reste stérile parce qu'li est individuel, mais comme<br />

les pieux constructeurs des grandes églises du Moyen Age. »<br />

Partant de ce principe, Hitler lit rarement les rapports qu'on.<br />

lui présente,<br />

sauf ceux de politique extérieure et militaire. Il<br />

a en horreur la bureaucratie. « Ces bureaucrates, dit-il encore,<br />

sont de vieilles rosses qui ne trottent que si elles reconnaissent la<br />

vieille carriole qu'elles ont toujours tirée. »<br />

Il laisse d'ailleurs ses collaborateurs écrire tant qu'ils veulent<br />

et faire de beaux projets techniques. Lui, il -préfère flâner dans<br />

les allées de son parc, ou rester assis, les yeux fixes, pendant<br />

des heures, puis gesticulant, s'exaltant, parlant tout seul. On<br />

prétend que dans ses gestes, ses habitudes, ses manies, il imite<br />

Frédéric le Grand. Dans tout cela, bien entendu, il y<br />

de mise en scène.<br />

a pas mal<br />

Ajoutons qu'il est d'un extraordinaire orgueil. Il a un profond<br />

mépris pour les autres peuples, et les paroles les plus cruelles<br />

qui aient été adressées à l'Italie l'ont été par lui... « Mussolini<br />

ne fera jamais de ses fascistes des héros », a-t-il dit un jour.<br />

Il méprise également ses camarades. Au début, ceux-ci le pre<br />

naient pour un brave garçon; mais bientôt ils s'aperçurent que<br />

c'était un sournois qui faisait sienne la formule « Diviser pour<br />

régner ». Il a tout fait pour opposer ses partisans les uns aux<br />

autres, et il a fait disparaître tous ceux qui étaient susceptibles<br />

de lui barrer l'accès au pouvoir. L'assassinat de Rohm, conduit<br />

par lui, a été exécuté dans des conditions vraiment odieuses.<br />

Hitler ne regarde jamais aux moyens à employer.<br />

A ses ambassadeurs à l'étranger il dira : « Rappelez-vous<br />

qu'un bon ambassadeur ne doit pas être un fonctionnaire cor-


ect, mais avant tout un commissaire aux menus plaisris. Il doit,<br />

si c'est utile, se faire entremetteur et faussaire. » Hitler a in<br />

venté la politique de ce qu'il appelle « la corruption dirigée »...<br />

« J'ai, dit-il, besoin d'hommes à poigne, et qui ne méditent pas<br />

sur les principes avant d'assommer quelqu'un. Et s'ils chapar<br />

dent à l'occasion montres et bijoux, je m'en fiche comme d'une<br />

crotte. »<br />

— fait<br />

— va<br />

Un de ses fonctionnaires ayant un déficit dans ses comptes<br />

d'autant plus grave qu'il s'agissait d'une banque d'Etat<br />

trouver Hitler qui lui dit : « Je donnerai des ordres pour<br />

qu'on mette à votre disposition les devises dont vous pourrez<br />

avoir besoin pendant la période de la vérification des comptes.<br />

Vous les restituerez ensuite. »<br />

Ainsi, il n'a aucun scrupule, et lui-même l'a avoué cynique<br />

ment : « L'homme scrupuleux, dit-il, qui se croit obligé de con<br />

sulter sa conscience avant de donner sa signature, n'est qu'un<br />

nigaud : qu'il se tienne à l'écart de la politique. Pourquoi ne pas<br />

faire aux adversaires le plaisir de signer des paperasses et s'as<br />

surer le bénéfice de ces accords,<br />

19<br />

si les adversaires se déclarent<br />

satisfaits et s'imaginent qu'ils ont réglé quelque chose ? Pour<br />

quoi ne signerais-je pas aujourd'hui des contrats, et de la meil<br />

leure foi du monde, quitte à passer outre froidement dès demain,<br />

si l'avenir du peuple allemand me paraît l'exiger ? Mais oui... je<br />

signerai n'importe quel papier. Cela ne m'empêchera pas d'agir,<br />

le moment venu, de la manière que je croirai conforme à l'in<br />

térêt de l'Allemagne. »<br />

C'est d'après ce principe qu'Hitler s'est emparé de l'Autri<br />

che, de la Bohême, de la Moravie et de la Pologne,<br />

et qu'il a<br />

violé la neutralité danoise, norvégienne, hollandaise et belge<br />

après avoir promis de la respecter.<br />

Cette puissance de dissimulation qui, je le répète, me paraît<br />

le trait marquant de la psychologie d'Hitler, est accompagnée<br />

d'un enclin à la cruauté.<br />

Sans doute, joue-t-il au sentimental. Il s'entoure de canaris<br />

qu'il soigne comme ses enfants. Il aime rêver au clair de lune,<br />

contempler le ciel et ses merveilles,<br />

s'isoler dans les bois pour<br />

communier avec la nature; mais à côté de cela, il a des ins<br />

tincts de fauve. Il a prononcé cette phrase atroce : « La nature<br />

est cruelle; nous avons donc le droit de l'être aussi... » Et encore<br />

cette autre : « Le monde ne peut être gouverné que par l'exploi<br />

tation de la peur... Si l'on n'a pas la volonté d'être cruel, on<br />

n'arrive à rien. »<br />

Est-il peu courageux, comme on l'a prétendu ? Sur ce point,<br />

nous ne pouvons rien affirmer, car nous ne voulons dire ici que<br />

ce qui est. de notoriété publique et appuyé par des faits. Hitler<br />

s'est fait construire dans le roc,<br />

ses,<br />

un<br />

au sommet des Alpes Bavaroi<br />

une maison souterraine de cristal à laquelle on aecède par<br />

ascenseur de plusieurs centaines de mètres. Ce repaire est


20<br />

entouré de mitrailleuses et d'hommes de main qui lui sont dé<br />

voués corps et âme. Il a ses espions partout, et à cet effet, il<br />

emploie surtout les femmes.<br />

Enfin —<br />

et il a cela de commun avec beaucoup d'aventuriers<br />

— du passé Hitler est superstitieux. Cet homme, qui se croit<br />

investi d'une mission divine, a peur de l'avenir. Ce qu'il appelle<br />

son effrayant destin, à la fois l'exalte et l'effraie. Aussi consul-<br />

te-t-il les chiromanciennes, les tireuses de cartes, les voyantes.<br />

Telle est, Messieurs, largement esquissée, la silhouette d'Hitler.<br />

C'est un mélange de trivial et d'extraordinaire. Il a des qualités<br />

d'homme d'Etat et des tares de médium.<br />

Dans la pratique, il a des idées claires et simples qu'il con<br />

duit avec esprit de suite et ténacité. Par contre, sa théorie du<br />

monde et des hommes relève des héros de Wagner et de Dos<br />

toïevski.<br />

Quelqu'un qui le connaît bien a dit de lui : « C'est l'irruption<br />

du monde primitif dans l'Occident. »<br />

con-<br />

Comme vous pouvez bien le penser, un homme de cette<br />

texture est extrêmement dangereux, mais il l'est surtout parce<br />

qu'il est de ces aventuriers de génie dans lequel s'est reconnue<br />

la populace qui, ainsi, en a fait son drapeau et son idole.<br />

III<br />

J'arrive ainsi au troisième point que je voulais développer :<br />

comment un primaire parti de rien,<br />

misérable durant 30 ans de<br />

sa vie, sans diplôme, sans grande culture, sans appui,<br />

est-il par<br />

venu à envoûter un peuple aussi riche en intelligence et en spiri<br />

tualité que le peuple allemand ?<br />

J'y<br />

vois deux causes :<br />

1° Hitler a su magnétiser la jeunesse allemande ;<br />

2° Cette jeunesse a retrouvé en Hitler ses propres aspirations.<br />

Hitler a été un propagandiste remarquable, un metteur en<br />

scène de premier ordre. L'insigne, le drapeau, le salut, la mu<br />

sique, la lumière... tout ce qui fait en un mot l'ambiance d'une<br />

foule, il l'a créé de toutes pièces.<br />

Voici la façon dont Hitler se présente au peuple dans les<br />

meetings d'après ses biographes Robert Tourly et Z. Lvosky (1) :<br />

« Dès qu'une salle se remplit d'auditeurs, quelques hérauts<br />

vêtus d'un uniforme spécial, paraissent sur l'estrade, précédés<br />

d'une fanfare qui exécute une marche militaire. Aussitôt après<br />

un détachement de la milice hitlérienne fait une entrée solennelle<br />

sur la scène, chaque agent bénévole portant un drapeau à l'em<br />

blème « déposé » qui représente une croix gammée.<br />

Un ordre impérieux retentit :<br />

— Alignez-vous<br />

à droite !<br />

(1) Hitler, par R. Tourly et Z. Lvosky.-<br />

(Editions du Siècle, 1932).


L'auditoire, docile, se lève unanimement et se tourne vers la<br />

droite. Alors, du fond des coulisses, d'un pas lent et mesuré,<br />

apparaît un homme de taille moyenne, de corpulence assez forte.<br />

au visage qui serait quelconque sans la moustache à la Chariot.<br />

Il porte l'uniforme consacré de son clan, de couleur sombre,<br />

et est entouré de ses gardes du corps. A son entrée, ses partisans<br />

—<br />

— fanatiques c'est-à-dire toute l'assistance fait un tapage in<br />

fernal. Ils crient, hurlent, piétinent, frappent le parquet de leurs<br />

souliers. Un signe — et le vacarme cesse comme par enchante<br />

ment. Règne alors un silence absolu.<br />

Adolf Hitler monte alors à la tribune ; le public s'assied, bouche<br />

bée, les yeux êtincelamts et parfois humides ; ce sont les novices<br />

qui pleurent d'émotion (et cette émotion n'a rien d'artificiel) .<br />

Quelque minutes après, le meeting bat son plein. Si vous avez<br />

l'heureux hasard d'y assister, livrez-vous sans hésiter à la con<br />

templation de la foule qui remplit la salle à craquer. Bientôt vous<br />

aurez l'impression très nette, la sensation bizarre qu'il n'y a<br />

qu'un souffle qui anime d'un bout à l'autre toute l'assistance.<br />

Bien plus,<br />

tion visuelle ; vous ne verrez plus qu'une tête,<br />

vous deviendrez souvent victime d'une sorte d'aberra<br />

qu'un visage. Pro<br />

menez aussitôt votre regard fasciné sur la scène, et vous serez<br />

frappé par une chose extraordinaire : vous verrez, sur l'estrade,<br />

l'image exacte de la foule.<br />

C'est Adolf Hitler qui, miraculeusement,<br />

qu'il possède, qu'il répète,<br />

21<br />

personnifie cette foule<br />

qu'il reflète dans toutes ses réactions. »<br />

« En débutant, Hitler piétine légèrement, l'air indécis. On<br />

dirait qu'il hésite devant le silence religieux qui s'est emparé de<br />

toute la salle ; il promène son regard où l'assurance fait encore<br />

défaut sur la foule recueillie.<br />

Il commence à parler d'une voix lente, grêle, tremblante même.<br />

Tel un jongleur bien expérimenté, il fait à dessein quelques<br />

faux pas, se reprend ; il laisse échapper soudain une note basse,<br />

signe avant-coureur de la tempête qui approche ; il semble en<br />

core contraint, mal à son aise, mais cinq minutes après le com<br />

mencement de ses exercices, le voilà enfin bien en selle. Comme<br />

par miracle, ayant brisé la gangue qui l'enserrait, il devient brus<br />

quement passionné et passionnant. La foule est prise, conquise<br />

et suit, haletante,<br />

chacune de ses paroles.<br />

Et c'est une avalanche précipitée de phrases courtes, sonores,<br />

battant avec la force métallique d'un marteau. Un tambour !<br />

C'est un tourbillon de sentences, d'images où la forme pré<br />

Adolf frisent<br />

vaut sur le fond. Les uns disent que les discours d'<br />

la folie ;<br />

d'autres soutiennent que c'est l'esprit divin qui parle<br />

en lui ; mais les uns et les autres sont unanimement d'accord<br />

pour reconnaître que Hitler est le plus grand orateur d'Aile-


22<br />

magne,<br />

et certains vont jusqu'à prétendre qu'il est peut-être le<br />

premier orateur du monde !... »<br />

Remarquons que pour arriver à ce résultat il faut avoir un<br />

sens très aigu de la psychologie des masses. Hitler le possède au<br />

suprême degré. Voici ce qu'il a dit lui-même à ce sujet :<br />

« Je ne puis diriger la masse que lorsque je l'arrache à son<br />

apathie. La masse n'est maniable que lorsqu'elle est fanatisée.<br />

Ue masse qui reste apathique et amorphe est le plus grand danger<br />

pour une communauté politique quelle qu'elle soit. L'apathie est,<br />

pour la masse,<br />

provisoire, .<br />

une des formes de la défense. Elle est un repli<br />

un sommeil de forces qui<br />

éclateront subitement en<br />

actions et réactions inattendues. L'homme d'Etat qui n'intervient<br />

pas immédiatement, lorsqu'il voit les masses. devenir apathiques,<br />

mérite de passer en Haute-Cour.<br />

« J'ai fanatisé la masse pour en faire l'instrument de ma poli<br />

tique. J'ai réveillé la masse. Je l'ai forcée à s'élever au-dessus<br />

d'elle-même, je lui ai donné un sens et une fonction. On m'a re<br />

proché de réveiller dans la masse les instincts les plus bas. Ce<br />

n'est pas cela que je fais. Si je me présente devant la masse<br />

avec des arguments raisonnables, elle ne me comprend pas ; mais<br />

quand j'éveille en elle des sentiments qui lui conviennent, elle<br />

suit immédiatement les mots d'ordre que je lui donne.<br />

a plus de place pour la<br />

« Dans une assemblée de masse, il n'y<br />

pensée. Et comme j'ai précisément besoin de créer une telle<br />

ambiance, parce qu'elle me donne seule la certitude que mes dis<br />

cours produiront leur effet maximum, je fais rassembler dans<br />

mes réunions le plus grand nombre possible d'auditeurs de toutes<br />

sortes et les contrains à se fondre dans la masse, qu'ils le veuil<br />

lent ou non : des intellectuels, des bourgeois aussi bien que des<br />

ouvriers. Je brasse le peuple et je ne lui parle que lorsqu'il est<br />

pétri en une seule masse. »<br />

Et Hitler d'ajouter :<br />

« La vraie domination des masses n'est pas une chose qui<br />

s'apprenne. Et, notez bien que plus la masse est nombreuse, plus<br />

il est facile de la diriger. Plus riche est le mélange des ingrédients<br />

humains, paysans, ouvriers, fonctionnaires, plus l'amalgame<br />

prend le caractère typique d'une masse désindividualisée. Rien à<br />

faire avec des réunions limitées de gens cultivés, de représen<br />

tants d'intérêts professionnels ou autres : ze qu'aujourd'hui vous<br />

obtiendrez d'eux par une démonstration logique, sera détruit de<br />

main par une argumentation diamétralement opposée. Mais ce<br />

que vous dites au peuple, lorsqu'il forme une masse, alors qu'il<br />

se trouve dans un état réceptif de dévouement fanatique, cela<br />

s'imprime et demeure comme une suggestion hypnotique ; c'est<br />

une imprégnation indestructible qui résiste à n'importe qUelle<br />

argumentation raisonnable. ■»<br />

-<br />

':


Et, enfin, cette dernière remarque qui montre exactement com<br />

bien Hitler connaît les ressorts cachés de l'âme populaire :<br />

« Mais prenez garde : de même qu'il existe des névroses indi<br />

viduelles auxquelles le médecin n'ose pas toucher, de même on<br />

trouve dans la masse des complexes qu'on n'a jamais le droit<br />

d'éveiller... Je peux exiger tranquillement de la masse des priva<br />

tions pénibles, mais il faut que je lui procure en même temps les<br />

suggestions émotives qui lui permettent de les supporter. »<br />

Ce magnétisme d'Hitler —<br />

23<br />

et ceci est la deuxième raison<br />

de son succès — ne pouvait jouer que dans un pays désaxé par<br />

la défaite, ruiné par la folle économie de ses gouvernements, et<br />

n'ayant qu'une idée fixe, la revanche contre tous les auteurs de<br />

ses malheurs-<br />

Hitler a joué en Allemagne le rôle que Lénine a joué en Russie.<br />

Ils sont arrivés, l'un et l'autre, alors que tout paraissait perdu...<br />

ils ont été les hommes du désespoir.<br />

Hitler est démagogue. Il a réuni autour de lui tous les dévoyés,<br />

les aigris, les réformateurs, les anticléricaux fanatiques que<br />

l'après-guerre a fait surgir en Allemagne. Aussi a-t-on pu appeler<br />

le national-socialisme « la danse de Saint-Guy du XXe<br />

siècle ».<br />

Il a promis à tout ce monde, et tout spécialement à la jeunesse,<br />

monts et merveilles.<br />

Cette jeunesse est cruelle comme lui, et il la veut cruelle. N'at-il<br />

pas dit que « n'importe quel crime, dans le vieux sens du<br />

mot, est encore un acte de plus grande valeur que l'immobilité<br />

bourgeoise ?... » Et encore ceci : « La conscience est une inven<br />

tion judaïque ; c'est,<br />

l'homme. »<br />

comme la circoncision, une mutilation de<br />

Hitler a donc appris à être<br />

A tous ces exaltés qui l'entourent,<br />

durs et cruels. Il a exalté ce besoin de vengeance qui travaille<br />

tant d'Allemands depuis 1918. Il s'est identifié à eux ; aussi ne<br />

nous étonnons pas si des millions d'Allemands lui sont dévoués<br />

corps et âme. A toute cette foule fanatisée il a dit notamment :<br />

« De même que les juifs ont dû souffrir la dispersion avant de<br />

conquérir la puissance universelle,<br />

c'est nous qui sommes main<br />

tenant le peuple élu de Dieu qui va rassembler ses membres épars<br />

pour dominer toute la terre. » Et il ajoutera : « Si nous ne par<br />

venons pas à vaincre,<br />

tié du monde,<br />

l'Allemagne. »<br />

nous entraînerons dans notre chute la moi<br />

et personne ne pourra se réjouir d'une victoire sur<br />

Hitler est d'ailleurs persuadé qu'il réussira, puisqu'il a avec lui<br />

les jeunes. Ecoutons-le encore : « C'est avec la jeunesse que je<br />

commencerai ma grande œuvre éducatrice. Nous, les vieux, nous<br />

sommes usés. Nous sommes gâtés jusqu'à la moelle. Nous n'avons<br />

plus d'instincts sauvages. Nous sommes lâches, nous sommes


24<br />

sentimentaux. Nous .portons<br />

le<br />

poids d'une histoire humiliante<br />

et le souvenir confus des époques d'asservissement et d humilia<br />

tion. Mais ma splendide jeunesse ! Y en a^t-il de plus belle dans<br />

le monde ? Voyez donc ces jeunes hommes et ces jeunes garçons !<br />

Quel matériel humain ! Avec eux, je pourrai construire un nou<br />

veau monde. Ma pédagogie est dure. Je travaille au marteau et<br />

détache tout ce qui est débile ou vermoulu.<br />

« Je ne veux aucune instruction des esprits. Je veux que ma<br />

jeunesse ait la force et la beauté des jeunes fauves. » Et dans<br />

un grand mouvement d'hystérie mystique, il achève par cette<br />

apostrophe : « La Providence m'a désigné pour être le grand<br />

libérateur de l'humanité. J'affranchis l'homme de la contrainte<br />

d'une raison qui voudrait être son propre but ; je le libère d'une<br />

avilissante chimère qu'on appelle conscience ou morale,<br />

et des<br />

exigences d'une liberté individuelle que très peu d'hommes sont<br />

capables de supporter.<br />

« A la doctrine chrétienne du primat de la conscience indivi<br />

j'oppose la doctrine<br />

duelle et de la responsabilité personnelle,<br />

libératrice de la nullité de l'individu et de sa survivance dans<br />

l'immortalité visible de la nation. Je supprime le~ dogme du ra<br />

chat des hommes par la souffrance et par la mort d'un Sauveur<br />

divin,<br />

et propose un dogme nouveau de la substitution des mé<br />

rites : le rachat des individus par la vie et l'action du nouveau<br />

Législateur-Fuhrer qui vient soulager les masses du fardeau de<br />

la Liberté. »<br />

Ainsi, Hitler lui-même nous dit l'enjeu de la bataille actuelle.<br />

Il ne s'agit pas seulement d'une lutte d'hégémonie politique entre<br />

nations ou groupes de nations,xmais également d'un combat entre<br />

deux façons de comprendre la vie, entre deux civilisations. Certes,<br />

la nôtre a perdu beaucoup de sa pureté primitive, et nous payons<br />

cher aujourd'hui l'erreur que nous avons commise de ne pas gar<br />

der dans son intégrité ce trésor incomparable. Mais, malgré tout,<br />

les points fondamentaux demeurent, et c'est cela qu'il faut sau<br />

ver sous peine des plus terribles malheurs.<br />

Ce qu'il faut retenir également, c'est que cette nouvelle civili<br />

sation que nous propose Hitler, s'appiarente étroitement à la<br />

vieille idéologie germanique de l'époque des Barbares que beau<br />

coup d'Allemands charrient dans leur sang.<br />

Si en France un homme d'Etat se permettait les débordements<br />

oratoires d'un Hitler, on crierait : Au fou ! et on le mènerait<br />

dans un asile d'aliénés. En Allemagne, Hitler a eu des millions<br />

d'adorateurs pour avoir prononcé ces folles paroles.<br />

Le Fûhrer, d'ailleurs, n'a fait que répéter ce que tant d'autres<br />

avaient dit avant lui. J'ai retrouvé tout récemment une poésie<br />

datée de 1914, et dont l'auteur est le poète allemand Heinrich<br />

Vierordt. Les discours d'Hitler ne l'ont jamais dépassée en hor<br />

reur. Voici cette poésie : elle est intitulée « Chant de la Haine ».


« O . Allemagne, hais ! Egorge tes millions d'adversaires, et<br />

édifie un monument de cadavres fumants qui monte jusqu'aux<br />

nuages !<br />

« O Allemagne, hais maintenant ! Cuirasse-toi d'airain et<br />

perce de ta baïonnette le cœur de chaque ennemi ! Pas de pri<br />

sonniers ! Rends-les tous muets ! Transforme en déserts les pays<br />

voisins !<br />

« 0 Allemagne, hais ! Le salut viendra de ta colère ; enfonce<br />

leurs crânes à coups de crosse ou de hache; ces brigands sont<br />

des bêtes fauves; ce ne sont pas des hommes ; que ton poing<br />

exécute le jugement de Dieu !<br />

« O Allemagne, le moment est venu de haïr ! Et frappe et<br />

pousse ferme ! Bataillons, batteries, escadres, tous en avant !<br />

Après, tu te dresseras sur les ruines du monde ! »<br />

Qu'il y ait des Allemands qui subissent, plutôt qu'ils ne l'ap<br />

prouvent, la politique actuelle du Fùhrer, c'est possible. Mais<br />

ne nous y fions pas trop. M. Robert d'Harcourt, qui est un spé<br />

cialiste des questions allemandes, dans un récent article paru<br />

dans la « Revue des Deux Mondes », assure que la masse alle<br />

mande est actuellement amorphe, apathique, que ses réflexes sont<br />

usés, et que son admiration pour Hitler est « un crépi, une fa<br />

çade d'unanimité ï »<br />

C'est possible ; mais ce qui nous intéresse, nous Français, ce<br />

n'est pas ce que pense l'Allemand, mais ce qu'il fait. Or, il tra<br />

vaille d'arrache-pied à la victoire, il accepte toutes les restric<br />

tions, et sur les champs de bataille il se bat avec une ardeur,<br />

une furie que personne ne peut nier.<br />

Ce qui est vrai également,<br />

c'est que toute la jeunesse alle<br />

mande est derrière Hitler, et que dans ce pays,<br />

25<br />

c'est la jeunesse<br />

qui donne toujours le ton. Or, ce ton, le voici... c'est le chant sui<br />

vant que ces « jeunes fauves » ont adopté :<br />

« Les os pourris du monde tremblent de peur à la pensée de<br />

la Grande Guerre. Nous autres,<br />

quand tout tombera en morceaux. »<br />

nous continuerons à marcher


m<br />

Messieurs, j'ai terminé.<br />

CONCLUSION<br />

L'œuvre de la jeunesse allemande dont Hitler n'est que le dra<br />

peau n'est pas viable.<br />

Notre cœur et notre raison nous le disent.<br />

Dans le drame actuel, nous avons l'intuition qu'un pays qui,<br />

comme le nôtre, défend le Droit, la Justice et la Liberté, a pour<br />

lui des atouts considérables. Comme le disait dernièrement un<br />

chef indigène : « Nous autres, musulmans, nous croyons à la<br />

victoire de la France, parce que nous croyons en Dieu. » Sa jus<br />

tice, qui est lente parce qu'elle est éternelle, interviendra bien à<br />

un moment donné pour remettre toute chose à sa place, pour<br />

déposer les puissants et exalter les faibles : deposuit potentes de<br />

sede et exaltavit humiles.<br />

Par ailleurs, l'humanité, malgré ses tares congénitales, s'est<br />

toujours en fin de compte révoltée contre l'iniquité et l'orgueil ;<br />

et finalement la vaste coalition du Bien a triomphé tôt ou tard<br />

de celle du Mal.<br />

Enfin, sur le plan de l'Histoire, la situation est parfaitement<br />

claire. Que veut l'Allemagne ? Etablir son hégémonie sur l'Eu<br />

rope, et peut-être au delà. Or, le Passé nous dit que de telles<br />

entreprises finissent misérablement, surtout quand on veut les<br />

réaliser en quelques années. C'est le cas d'Hitler, qui, lui, est<br />

pressé, car -— a-t-il dit —<br />

ques années à vivre. »<br />

«<br />

la vie est courte et je n'ai que quel<br />

Dans la lutte actuelle, il y aura pour nous des hauts et des bas ;<br />

il y aura beaucoup de victimes et bien des larmes. Mais ne nous<br />

troublons pas. Hitler est pareil à ce fou de la Mythologie qui, de<br />

sa tête, voulait ébranler les cieux. Ce colosse aux pieds d'argile<br />

s'effondrera d'un seul coup, et à l'heure peut-être où nous y pen<br />

serons le moins. Ce jour-là, il devra lâcher toutes ses conquêtes.<br />

Ce n'est pas d'ailleurs à des Français qu'il faut prêcher la<br />

vertu d'espérance. Elle fait partie de leur bagage quotidien et<br />

est leur viatique à l'heure de l'épreuve.<br />

Donc,<br />

courage et confiance. La victoire finale serait-elle « pen<br />

due aux nues », comme disait la bonne Lorraine., qu'elle vien<br />

drait quand même à nous : le cœur et la raison nous en donnent<br />

la plus ferme espérance !<br />

Et avant de nous séparer, permettez à un homme qui a fait<br />

la guerre de 1914 comme fantassin, et qui, étant donné son âge,


ne peut plus servir son pays que par la parole et par la plume,<br />

d'envoyer, au nom de notre Société, nos hommages affectueux<br />

à nos magnifiques soldats et à nos grands chefs.<br />

Nous aussi, combattants ou non,<br />

27<br />

soyons les fantassins de la<br />

Patrie en souffrance. Soyons-le par notre modeste labeur quo<br />

tidien, notre charité à l'égard de ceux qui souffrent, par notre<br />

foi et notre indéfectible espérance.<br />

La France ne meurt pas... Vive la France !<br />

Paul Rimbault.


Quarante-Septième Année<br />

A' Trimestre A 9<strong>42</strong><br />

BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Oociété<br />

tm<br />

de Oéographie d'Alger<br />

DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

ALGER<br />

— IMP. IMBBBt<br />

N'<br />

-172


Société de Géographie d'Alger<br />

et de l'Afrique du Nord<br />

CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />

Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, conseiller honoraire à la<br />

Cour d'Appel d'Alger.<br />

Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé<br />

rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />

MM. BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />

BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographi» an<br />

Lycée d'Alger.<br />

BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes<br />

'<br />

mixtes.<br />

CHAMSKI-MANDAJORS, Trésorier-payeur général.<br />

JOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />

Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />

des Colonies françaises.<br />

Commandant LEHURAUX.<br />

Général MEYNIER. ;<br />

Colonel PEYRONNET.<br />

PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />

RIMBAULT Paul, ancien rédacteur en chef de la « Dépêche Algé<br />

rienne » et de T « Effort Algérien ».


BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Société de Géographie d'Alger<br />

ET,<br />

Quarante Septième Année<br />

DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

Décès :<br />

A* Trimestre i 9<strong>42</strong><br />

MM. Grégoire Henri, interprète judiciaire honoraire ;<br />

Germain-Branthomme ;<br />

N'<br />

-172<br />

Rey, avocat à la Cour d'Appel d'Alger, ancien bâtonnier;<br />

Lung Frédéric ; -<br />

Enault Georges, commis principal des P.T.T. ;<br />

DRAGO, juge au Tribunal de Constantine ;<br />

Mgr Teullières, vicaire général d'Alger ;<br />

Mme Vve Emile Gironde.<br />

Subventions<br />

Résidence du Maroc 1.000 fr.<br />

Préfecture d'Alger 2.230 fr.<br />

Bon Marché 100 fr.<br />

Cie Navigation 100 fr.<br />

Cie Messageries Maritimes 100 fr.<br />

Chambre Commerce A 270 fr.<br />

Barclays Bank 75 fr.<br />

Compagnie Algérienne<br />

100 fr.<br />

Schiaffino et Cie 500 fr.<br />

Cie Transatlantique 100 fr.<br />

Banque de l'<br />

Algérie l.OÔO fr.<br />

Chambre Commerce Oran 500 fr.<br />

Société Marseillaise 100 fr.<br />

Crédit Foncier 100 fr.<br />

Société Générale<br />

Sidi-bel-Abbès<br />

100 fr.<br />

250 fr.


Assemblée Générale du 16 Mars 1943<br />

Rapport de M. Prunnelle,<br />

trésorier de la Société de Géographie d'Alger (année 19%2)<br />

Les opérations de l'année qui a expiré le 31 décembre 19<strong>42</strong> se<br />

résument ainsi qu'il suit :<br />

Restait en caisse au 31 décembre <strong>1941</strong> 16.988 »<br />

Recettes faites pendant l'année 19<strong>42</strong> 51.812 85<br />

Soit ensemble<br />

68.800 85<br />

Dépenses de 19<strong>42</strong> 37.766 50<br />

Reste au 31 décembre 19<strong>42</strong> .<br />

représentés par :<br />

31.034<br />

35<br />

le reliquat du Compte postal 3.879 70<br />

le compte de dépôt de la Cie Algérienne 19.681 »<br />

le montant du livret à la Caisse Nationale d'Epargne. 7.413 55<br />

et les fonds de caisse au Secrétariat 60 10<br />

Total 31.034 35<br />

Ces opérations appellent les observation suivantes :<br />

Recettes :<br />

Le total des recouvrements de cotisations,<br />

qui s'élevait en<br />

<strong>1941</strong>, à 20.476 70<br />

est tombé, en 19<strong>42</strong>, à 17.302 05<br />

Ce fléchissement s'explique par les circonstances que nous tra<br />

versons ; il faut s'attendre à ce qu'il s'accroisse en 1943.<br />

Par contre, les diverses subventions attribuées à la Société ont<br />

suivi une marche ascendante :<br />

"Elles s'étaient élevées en <strong>1941</strong> au total de 10.143,40<br />

alors qu'en 19<strong>42</strong> elles ont atteint 20.937,50<br />

Cette augmentation représente largement la réparation du déic't<br />

qui avait été subi les années précédentes, par suite de la ca<br />

rence de certaine allocation gouvernementale précédemment si<br />

gnalée.<br />

Nous donnons ici le détail des sommes reçues au titre de Sub<br />

ventions pour vous permettre d'exprimer votre gratitude aux di<br />

verses personnalités qui ont les ont attribuées ;


Barclys Bank et Coudray fils 175 »<br />

Bon Marché 100 »<br />

Cie Transatlantique 100 »<br />

Résidence Générale du Maroc 999 »<br />

Société Algérienne de Navigation 500 »<br />

Don de Mme Ritter 100 »<br />

Crédit Foncier 100 »<br />

Chambre de Commerce d'Alger 270 »<br />

Société Générale 80 »<br />

Chambre de Commerce d'Oran 500 »<br />

Compagnie Algérienne 100 »<br />

Gouvernement Général de l'Algérie 13.499 50<br />

Département d'Alger 764 50<br />

Banque de l'Algérie 1.000 »<br />

Société Marseillaise 100 »<br />

Chambre de Commerce de Bône 100 »<br />

Gouvernement Général de l'Algérie (Préfectures) ....<br />

2.249<br />

50<br />

20.937 50<br />

Les recettes diverses représentent un chiffre relativement im<br />

portant parce que l'on y a fait figurer le montant du rembourse<br />

ment de 23 Obligations des Chemins de fer du Maroc qui a été<br />

opéré le 1"<br />

juin 19<strong>42</strong>,<br />

remboursement qui a été en grande partie<br />

remployé ainsi qu'on le verra au Chapitre des dépenses.<br />

Dépenses :<br />

Il n'y a rien à signaler en dehors de ce remploi qui s'élève à<br />

9.200 fr., valeur de souscription de 10 obligations du Gouverne<br />

ment Général de l'Algérie.<br />

Les frais de gestion proprement dits, c'est-à-dire personnel,<br />

siège de la Société et secrétariat, sont restés strictement dans les<br />

limites prévues au budget, malgré l'augmentation modeste qui a<br />

pu être accordée au personnel en cours d'année.<br />

Quant aux frais d'impression du Bulletin, ils se sont trouvés ré<br />

duits à 6.830 fr.<br />

Voici d'ailleurs le détail des dépenses :<br />

Siège social : téléphone, entretien et participation aux<br />

frais de la Fédération S.I 7.340 »<br />

Personnel (traitement de la secrétaire) 11.000 »<br />

Frais divers du secrétariat, papeterie, affranchisse<br />

ment, etc '..... 2.329 90<br />

Conférences, Bibliothèques, Prix 488 50<br />

Impression du Bulletin 6.830 »<br />

Dépenses diverses (remploi d'obligations remboursées)<br />

9.778 10<br />

Total 37.766 50


Tout étant payé, nous n'avons plus aucun passif et nous pou<br />

vons équilibrer ainsi qu'il suit le Bilan de la Société au 31 dé<br />

cembre 19<strong>42</strong> :<br />

Reste en caisse disponible<br />

Fonds de réserve :<br />

14 obligations de l'Algérie (1"<br />

groupe).. 14.000 »<br />

10 obligations de l'Algérie . (remploi) . . 10.000 »<br />

Rentes françaises 4 1/2 % 1932 évaluées<br />

10 obligations du Gouvernement Marocain<br />

20.000 »<br />

(Legs Missarel) ..'.<br />

9.600<br />

»<br />

31.034 35<br />

53.600 » 53.600 »<br />

En réserve à la Banque de l'Algérie 1.846 55<br />

Total de l'actif 86.480 90<br />

Etant donné, d'une part, qu'il y a lieu de prévoir un fléchisse<br />

ment considérable dans le recouvrement des cotisations de 1943,<br />

et, d'autre part, en tenant compte du reliquat disponible en Caisse,<br />

nous vous proposons d'établir notre budget 1943 en partant<br />

d'abord des dépenses.<br />

Celles de l'année écoulée ont été réduites au strict minimum i il<br />

serait donc possible d'adopter, en 1943, les chiffres suivants en<br />

rapport avec ceux de l'année précédente :<br />

1° Siège social A (participation S.I.), 650 fr. par<br />

mois 7.800 fr.<br />

Siège social B (téléphoné et autres)<br />

1.200 fr.<br />

9.000 fr.<br />

2° Secrétariat, papeterie et timbres 2.500 fr.<br />

3° Salaire de la Secrétaire 16.800 fr.<br />

4° Bulletin 8.000 fr.<br />

5° Conférences et autres 500 fr.<br />

36.800 fr.<br />

Pour faire face à cette dépense de 36.800 fr., nous ne pouvons<br />

prévoir que les recettes ci- après : 36.800 fr.<br />

Cotisations ...<br />

. 12.000 fr.<br />

Subventions à solliciter 10.000 fr.<br />

22.000 fr. 22.000 fr.<br />

14.800 fr.<br />

Resterait à prélever la différence sur le reliquat en caisse du<br />

3 décembre 19<strong>42</strong>.


Rapport<br />

par M. Rimbault,<br />

sur'<br />

les Conférences<br />

secrétaire général<br />

Malgré les circonstances de guerre peu favorables aux réunions,<br />

notre Société a pu donner au cours de l'année d'études neuf con<br />

férences, à savoir :<br />

Deux sur l'Islam (MM. Tedjini et Benchnedj) ;<br />

Deux sur l'Afrique (Commandant Lehuraux et Professeur Eme-<br />

rit) ;<br />

Une sur l'Agriculture (M. Berthault) ;<br />

Une sur la Littérature (M. Paul Rimbault) ;<br />

Trois sur des sujets divers (Docteurs Arnaud et Josse, M. Jac<br />

ques des Roches).<br />

Nous remercions ces conférenciers qui, malgré les préoccupa<br />

tions actuelles, ont bien voulu distraire quelques heures de leurs<br />

travaux habituels pour préparer des sujets parfois épineux et tou<br />

jours intéressants, et en faire profiter a'vec talent les membres<br />

de notre Société. Nous pensons pouvoir reprendre ces réunions<br />

dès que les circonstances le permettront. Faisons le vœu que ce<br />

soit le plus tôt possible.<br />

'


Quarante-Septième Année 3-Trlmestre 19<strong>42</strong><br />

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-4(Jiê*;cpio*3j )|o]<br />

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BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Oociété<br />

im<br />

N- A1A<br />

de Géographie d'Alger<br />

DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

— kUMR mp. hibg«t


Société de Géographie d'Alger<br />

et de l'Afrique du Nord<br />

CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />

Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE, conseiller honoraire à la<br />

Cour d'Appel d'Alger.<br />

Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé<br />

rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />

MM. BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />

BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographie au<br />

Lycée d'Alger.<br />

BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes<br />

mixtes.<br />

CHAMSKI-MANDAJORS, Trésorier-payeur général.<br />

■TOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />

Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />

des Colonies françaises.<br />

Commandant LEHURAUX.<br />

Général MEYNIER.<br />

Colonel PEYRONNET.<br />

PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />

RIMBAULT Paul, ancien rédacteur en chef de la « Dépêche Algé<br />

rienne » et de V ce Effort Algérien ».


BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Société de Géographie d'Alger<br />

ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

Quarante Septième Année<br />

3' Trimestre 19<strong>42</strong><br />

Procès-Verbaux des Séances de la Société<br />

SEANCE DE RENTREE DU 11 NOVEMBRE 19<strong>42</strong><br />

Conférence<br />

par M"<br />

« Souvenirs et leçon d'histoire »,<br />

sident de la Société de Géographie d'Alger.<br />

Nouvelle adhésion<br />

N*<br />

-i7A<br />

Lefèvre-Paul, pré<br />

M. Opitz Paul, de Birkadem ; présenté par MM. Lefèvre-Paul<br />

et Gauthier.


LES GÉNÉALOGIES DES PATRIARCHES SÉMITES<br />

par le Commandant G. CAUVET (,)<br />

Les peuples sémites férus de généalogies, se sont efforcés de tra<br />

cer non seulement celles des peuples qui se rattachent à leur groupe<br />

naturel, mais aussi celles de toutes les autres nations qui exis<br />

taient à leur époque et qu'ils pouvaient connaître de nom. Jaunes,<br />

noirs, blancs dolycéphales, brachycéphales y<br />

ont été entassés in<br />

distinctement. Japhet, présumé ancêtre des Européens blancs, est<br />

le frère de Cham dont descendent les nègres.<br />

Les plus minutieux de ces relevés sont ceux que contiennent les<br />

premiers chapitres de la Genèse, dans la Bible, et ils ont été<br />

pendant longtemps le dernier mot de nos connaissances ethnolo<br />

giques. Les Musulmans ont d'ailleurs, d'une manière générale,<br />

les mêmes idées à ce sujet que les Israélites et les Chrétiens. Le<br />

Prophète Mohammed, dans le Koran, y fait de multiples allusions,<br />

mais comme il n'a pas eu la précaution de dresser des listes aussi<br />

précises que celles de la Genèse, la fantaisie de ses commentateurs<br />

a pu se donner libre cours et certains détails diffèrent notable<br />

ment de part et d'autre.<br />

Ainsi par exemple, d'après les légendes arabes (1), Noé aurait<br />

non seulement maudit, comme on le sait, son petit-fils Kanaan pour<br />

une faute commise par son père Cham, mais il l'aurait en outre<br />

empêché d'entrer dans l'arche. Comme il a eu par la suite de nom<br />

breux enfants, ce qui prouve qu'il n'était pas mort, on est autorisé<br />

à croire qu'il a pu comme les fils des hommes, qui survécurent<br />

aussi et auxquels s'allièrent plus tard les descendants du peuple<br />

de Dieu, trouver un refuge ailleurs, dans des montagnes élevées<br />

qui n'auraient pas été recouvertes d'eau, contrairement aux textes<br />

sacrés.<br />

Les généalogies patriarcales ne nous font pas connaître l'origine<br />

des peuples énumérés, ce qui nous intéresserait fort. Jusqu'à pré<br />

sent les recherches des auteurs modernes ne nous ont pas fait<br />

faire de grands progrès dans cet ordre d'idées.<br />

Mais l'étude des généalogies berbères, fabriquées après l'inva<br />

sion arabe en Afrique et qu'on ne croit pas d'une rédaction anté<br />

rieure au XIP siècle (2) , nous a montré les procédés employés pour<br />

donner des ancêtres aux peuples qu'ils classaient ainsi, et en s'aidant<br />

des données les plus récentes de la science moderne, il semble<br />

que l'on doit pouvoir arriver à soulever le voile qui cache les ori<br />

gines premières des Sémites.<br />

M. J. de Morgan, dont on connaît les belles études sur la Préhiis-<br />

(1) D'Herbelot, Bibliothèque orientale.<br />

(2) René Basset : Les Généalogistes berbères, Archives berbères, vol. I.<br />

fasc. II, 1915.


toixe orientale, arrive à cette conclusion (1) que les Sémites se<br />

sont formés sur place et il semble bien qu'il en soit ainsi.<br />

Divers éléments ethniques venus de directions opposées, noirs<br />

■éthiopiens ou même négritos, envahisseurs indous, et en fin de<br />

•compte, exode de Touraniens venus de toutes les régions du Nord<br />

de l'Asie ont contribué, après de longues luttes et des tourbillon<br />

nements de grande envergure, dont l'histoire du peuple d'Israël<br />

nous donne une vision adéquate. (2), à former les nations que<br />

nous montre l'histoire ancienne.<br />

C'est surtout la part des Touraniens, objet de mes études anté<br />

rieures, que je chercherai à mettre en lumière ici.<br />

Je commencerai par rappeler que le nom même de Sem, père<br />

des Sémites, est celui d'une rivière appartenant au haut bassin du<br />

fleuve Obi. C'est un affluent de gauche de la Katunja qui est une<br />

•des têtes de ce cours d'eau.<br />

Le père de Sem, Noé (Nouh dans les langues sémitiques), notre<br />

•aïeul vénéré, porte aussi le nom de la rivière Nouya, affluent de<br />

gauche de la Lena et ses deux autres fils Kam et Japhet offrent<br />

respectivement le nom de cours d'eau sibériens, le premier af<br />

fluent de gauche de l'Ienissei, le Kam ou Kama, le second tribu<br />

taire de l'Océan Glacial à l'Est de l'embouchure de la Lena, le<br />

Yape ou Yana (3).<br />

Ce dernier cours d'eau mérite une mention spéciale en raison<br />

de la variabilité de son nom et de l'importance des essaims qu'il<br />

■a envoyés et qui ne sont pas rangés parmi les Sémites. C'est dans<br />

le bassin même de la Yana, à Verkhoïansk,<br />

nouveau pôle du froid,<br />

que s'est formé le<br />

chassant tous les habitants de la région<br />

qui, par la suite, furent remplacés par des peuples d'autre ori<br />

gine, une fois que la température fut redevenue un peu moins<br />

rude. Ce peuple de la Yana s'enfuit dans toutes les directions, de<br />

venant au Sud-Ouest, les Ioniens qui furent des"<br />

premiers parmi<br />

les Grecs, les Japonais qui furent aussi des premiers parmi les<br />

Asiatiques, les Javanais dans le pays Malais. Les altérations pho<br />

nétiques du nom primitif se sont produites dans les milieux dif<br />

férents où s'est répandu ce peuple puissant, remplacé par les Ya-<br />

•goutes qui sont venus du Sud-Ouest.<br />

A la troisième génération, le peuple de Dieu, sauvé miraculeu<br />

sement du déluge, se divisa en tribus qui ne portaient plus les<br />

noms de fleuves sibériens. Il avait dû, en effet, s'allier aux « en<br />

fants des hommes ». Qu'entend-on par cette désignation ?<br />

Il"<br />

s'agit tout simplement d'autres peuples sibériens qui avaient<br />

précédé les Noachides.<br />

C'étaient les Kananéens venus des rives de la Kananeya tribu-<br />

(1) J. de Morgan ; Les origines des Sémites et des Indo-Européfens. —<br />

n"<br />

Hevue de Synthèse historique, T. XXXIV, 100-102.<br />

(2) L'histoire d'Abraham est particulièrement probante à cet égard.<br />

(3) Les patriarches n'étant pas des êtres humains,<br />

l'on ait pu leur attribuer des longévités extravagantes.<br />

cela explique que


taire du Pacifique, qui comprenaient non seulement toutes les tri<br />

bus de leur région, mais celles du fleuve Amour (Amourron, Amoiv<br />

rhéens, Amorites des anciens qui ont actuellement repris leur<br />

ancien nom en Syne et en Berbérie) -et les Phéniciens, peuple<br />

attirés avec eux:<br />

de la rivière Feu, affluent du Hoanhtto, en Chine,<br />

dans leur torrentueux exode.<br />

Mais tout ce monde, débouchant dans les plaines de la Mésopo<br />

tamie,<br />

venus du Sud-Est, de l'Inde et de l'Iran, et sur l'immigration des<br />

s'était trouvé en présence d'une masse énorme d'émigrants.<br />

quels nous n'avons même pas les maigres renseignements que nous<br />

procure la Bible.<br />

Ce n'est que par leurs noms que nous pouvons constater leur<br />

arrivée ou leur passage car ils poussèrent plus loin et inondèrent<br />

aussi l'Afrique de leurs flots pressés et même l'Europe.<br />

Nous pouvons citer ainsi en Mésopotamie les Asoura de l'Inde<br />

ancienne, devenus les Assyriens et comptés comme sémites par<br />

suite de leur mélange avec les nouveaux arrivants, les Bhrigoa<br />

(Phrygiens et Arméniens), les Djats (Getes, Goths, Hoteins et<br />

Hittites des hébraïsants getules d'Afrique), les Matsya (Maces,.<br />

Mittani, Matiènes), les Prithon (Bretons), etc.<br />

En Arabie, les noms des Adites (Adityas des Hindous), des;<br />

Thémondites (Tamoule du Dekkan), des Abiliens (Havila, Ka<br />

boul), des Chammar (Sumériens) et autres,<br />

des émigrants de la péninsule.<br />

marquent le passage<br />

En Afrique et un peu partout, des noms hindous comme Aadja,<br />

Agni, Anon, Banda, Bram, Kama, Kanouri,. Mandés, Mauryas,.<br />

Minas, Nagos, Nemadis, Sandis ou Asantés, Sérènes, témoignent<br />

aussi de ce mouvement sur lequel nous n'avons aucune indication<br />

laissée par l'histoire ni par les traditions,<br />

de Procope, trop faciles à réjeter (1).<br />

sauf les vagues propos1<br />

Il faut sans doute ajouter à cet afflux de peuples du Sud-Est<br />

des apports venant de l'Ethiopie, et peut-être un reliquat de pyg-<br />

mées négroïdes, décelés par l'anthropologie dans les régions<br />

basses de la Mésopotamie.<br />

Mais revenons à nos patriarches. A la troisième génération les<br />

noms de fleuves sibériens ne se retrouvent plus comme noms de<br />

tribus par suite des mélanges que nous venons de mentionner.<br />

En outre, le séjour des Israélites en Egypte a eu comme effet<br />

de donner aux douze tribus définitives .<br />

tout à fait différents de ceux de l'Asie.<br />

des<br />

Hébreux des noms<br />

Dans la descendance de Noé, après la troisième génération,<br />

nous trouvons le nom d'Elam (Elan) douteux, puis celui de Sale<br />

dans les aïeux directs d'Abraham. Salé, affluent de gauche de<br />

l'Irtuh, dans le bassin de l'Obi, a donné son nom à Saliany, ville<br />

sur la Caspienne, non loin de la région où se forma le peuple hé<br />

breu et à divers peuples et régions de l'Ouest. Il est facile de ne<br />

(1) Saint-Gsell : Histoire ancienne de l'Afrique du Nord, I, 338-340.


pas le confondre avec les multiples appellations tirées du nom de<br />

Sel (Sal).<br />

Chez les enfants de Cham, les noms de Saba et Sabatha sont<br />

Touraniens : il y a eu un peuple de Sabatzi au Nord de la Lena.<br />

Mais le plus caractéristique est Bel qui portait aussi le nom de<br />

Nemrod, connu de tous. Bel, fils de Kouch (Kaïs des Arabes) porte<br />

le nom d'un affluent de droite de l'Obi. Mais ce fut aussi un dieu<br />

venu de l'Inde. Les noms de tribus touraniennes qui sont passées<br />

par l'Inde, se sont répandues plus tard dans l'Asie antérieure<br />

comme noms de dieux Citons outre. Bel : Anou, Braham, Nara,<br />

Tara, etc.<br />

Mais ce qui rend surtout sensible l'énormité de l'exode toura-<br />

nien auquel nous devons les premiers patriarches de la Genèse,<br />

ce sont les noms dont ils ont recouvert l'Asie mineure, la Syrie,<br />

la Palestine et l'Arabie. En voici une liste significative qui s'étend<br />

au pourtour de la Méditerranée. C'est à cet intense brassage que<br />

sont dues les premières civilisations, car c'est le mélange des races<br />

qui est la source de tout progrès réel en dépit des affirmations<br />

du racisme.<br />

Ces noms ont été transportés par une grande migration chana-<br />

néenne primitive, dont nous ne savons absolument rien et qu'il ne<br />

faut pas confondre avec la petite migration chananéenne signa<br />

lée par les historiens anciens à propos du peuplement de l'Afrique.<br />

Je ne crois pas qu'on puisse nier sérieusement la valeur de ces<br />

étymologies dont le nombre et la conformité augmentent l'impor<br />

tance (1).<br />

— Aca,<br />

affluent de gauche de la Selenga (Ienisci), Acé, Acco,<br />

St-Jean d'Acre en Palestine.<br />

— Alaseu, Alaseja,<br />

Glacial. Alasia, ancien nom de l'île de Chypre, le nom est très ré<br />

pandu en Europe.<br />

rivières sibériennes tributaires de l'Océan<br />

— Araitscha, tributaire du Pacifique. Aradus, port phénicien de<br />

Syrie. Arad, d'Asie et de la côte tunisienne.<br />

— Aman,<br />

affluent de droite de l'Irtich (Obi),<br />

Amram. Amamus de Palestine.<br />

ville du Nedjeb.<br />

— Amour, grand fleuve sibérien : Amourron. Amorites peutêtre<br />

Araméens par métathèse (il y a toutefois une rivière sibé<br />

rienne qui s'appelle l'Amaril (2), tribus actuelles des Amour de<br />

Syrie et d'Algérie.<br />

— Àoulei,<br />

syrien,<br />

— Anaka<br />

affluent de gauche de l'Obi : Nahr el Awali, fieuve<br />

et Anonka, rivières tributaires de l'Irlide (Obi) : tri<br />

bu des Anagim de la Bible.<br />

(1) Voir Xavier Guicihard :. Eleusis Alésia.<br />

(2) P.-F.-M. Abel : Géographie de la Palestine, livre à consulter pour les<br />

noms palestiniens cités.


—<br />

— Bel, affluent de droite de l'Obi nom de Nem^f'[enant<br />

app*<br />

d'Afrique<br />

Babylone. Tribu des généalogies berbères<br />

aux Aurigha,, disparue. .. ,<br />

— Berd,<br />

affluent de droite de la tête de l'Obi.<br />

B^V^ des<br />

nom de la ville de l'Albanie Caucasienne qui fut la cap , .<br />

Parthes de l'antiquité. Bardai,<br />

des Anciens. .<br />

— Baka,<br />

région du Tibesti, mont isai<br />

affluent de droite de l'Amour. La Baga était la limite<br />

entre la Galilée et le territoire de Tyr.<br />

— Bonsouraya,<br />

tra,<br />

affluent de gauche de la Lena. Bassora ou Bos^<br />

ville d'Arabie.<br />

Damaske ou Tsadona, petite rivière de la côte du Pacifique^<br />

dans la réyion de la Kananeya, qui a donné son nom à toutes les<br />

populations de cette région émigrées en Asie Occidentale. A fourn:<br />

son nom à la grande ville syrienne de Damas.<br />

— EMs, tributaire de l'Océan Glacial, entre Jénisser et Lena<br />

le nom des Kalmouks Elenthes et des Helvètes paraît en venir<br />

Elenthere (Nar el Kebir),<br />

— Elgé,<br />

pagne.<br />

rivière ancienne de Syrie.<br />

affluent de l'Amour : Elche,<br />

ville phénicienne d'Es<br />

Fen ou Fenho, affluent des Houngho du Nord de la Chine<br />

Poussés ou entraînés par les émigrants Kananéens ou Amouriens<br />

les Fenisci allèrent avec eux en Mésopotamie. Sci est le suffixe 1<<br />

plus répandu chez les anciens Tourames. Les anciens en firent le<br />

nom de Phoinikes en l'entourant de leurs calembredaines habi<br />

tuelles. On doit aussi rattacher à la rivière Fen les Finnois d'Eu<br />

rope et les Fen, Fang, etc., devenus noirs en Afrique et chez les<br />

quels on retrouve la tache mongolique très fréquemment (1).<br />

— Gasea,<br />

affluent de droite de l'Obi : Gaza, ville importante<br />

de la côte syrienne.<br />

— Gerba,<br />

Djerba.<br />

— Kalka,<br />

affluent de gauche de l'Iénissei : île africaine de<br />

affluent de l'Amour ; a donné sn nom à la peuplade<br />

kalmouke des Khalkhas et sans doute aux localités du pourtour<br />

de l'Egée Chalie, Chalcis, Chalcédoine, Calchedon, etc. Les Grecs<br />

donnaient comme étymologie à ce nom le mot Calchos (cuivre), qui<br />

ne paraît pas toujours valable. Il y a lieu néanmoins de faire quel<br />

ques réserves.<br />

— Kam,<br />

affluent de gauche de l'Iénissei : A donné son nom<br />

à un des fils de Noé et à de multiples populations d'Asie, d'Amé<br />

rique et d'Afrique. J'ai étudié spécialement ce nom, qui est celui<br />

d'une de nos grandes tribus du Sud Algérien. Le nom primitif de<br />

Carthage était Kambé, qui paraît avoir la même origine (2).<br />

(1) Voi Autran : Phéniciens, et Dr Contenan : La civilisation phénicienne,<br />

qui admettent les étymologies grecques.<br />

(2) Commandant Cauvet : Les Chamba d'Afrique, B.S.G.A., I, 1938.


^?' petit nortan^- ^ibutaire de l'Océan Pacifique, dont l'im-<br />

de ce<br />

Mncr« at ^ ^ fait Que sa tête voisinait avec celles de la<br />

**** affluents de la Lena et offrit un bon passage<br />

,S<br />

de ce<br />

«2mS a£onf bassin fuyant devant les rigueurs de la tem<br />

pérature, loutes les tribus qui passèrent par là pour gagner<br />

l Amour et les contrées méridionales prirent ce nom de Kananéen-<br />

nes. Un peu plus au Nord, il y a une autre rivière portant un nom<br />

raisin : la Kanineya.<br />

— Kasim,<br />

affluent de l'Obi : Nar Kasimyeh de Syrie (Léontes,<br />

les Grecs).<br />

— Liban,<br />

c'est le pluriel sémitique du mot Lob ; le Lob Nor est<br />

e grand réservoir collecteur du bassin intérieur du Tarim. De là<br />

iont venues les appellations de Libna (Syrie), Libye, Lebon, Lobi<br />

l'Afrique (1).<br />

— Lich,<br />

affluent du Tobol tributaire de l'Obi : Lyens des an-<br />

iens (Nar el Kelb actuel) en Syrie.<br />

— Logach, affluent de droite de l'Olekma (Lena) : Lagach, ville<br />

ancienne de Mésopotamie, au Nord d'Our Lachis.<br />

— Malakhak, affluent de gauche de la Lena : presqu'île de Malacca,<br />

dont les mines d'étain furent exploitées par les Phéniciens.<br />

Malaga, colonie d'Espagne.<br />

— Maya, sous-affluent de droite de la Lena : Maya du Yucatan,<br />

Mceates et Mceotes d'Europe, Meoniens d'Asie mineure, Maïa<br />

et Mehaïa de Berbérie.<br />

— Medei,<br />

Medi,<br />

au peuple Mède.<br />

rivières sibériennes qui ont donné leur nom<br />

— Mossenska, affluent de l'Irtich (Obi), Mosches ou Mosques<br />

de l'Asie antérieure, Mosgou et Kel Mosgou (Touareg) d'Afrique.<br />

— Neva,<br />

vata du Haut-Nil.<br />

— Ninna,<br />

— Nora,<br />

affluent du Haut Ienisseï : Nabatéens d'Arabie Na-<br />

Ninaja, rivières sibériennes ; Ninus, Ninive.<br />

affluent de l'Amour : ville de Sardaigne.<br />

— Orongo, affluent de la Selenga (Haut Iénissei) : Oronte<br />

(Nar el Assy), fleuve syrien. Orange en France. La Maison<br />

d'Orange a répandu ce nom sur tout le globe.<br />

— Our,<br />

chaldée) que partit Abraham, ancêtre des Israélites.<br />

affluent de droite de l'Iénissei : C'est d'Our (Ur en<br />

— Pal, Pallan, rivières sibériennes : Palestine, habitat des Chananéens,<br />

puis des Israélites, qui les en expulsèrent ; Philistins.<br />

Romaiu, tributaire de l'Océan Glacial, à l'Est de la Lena.<br />

Rouma (Rume actuel), de Palestine, Rome, etc..<br />

(1) Id. : Que sont devenus les Libyens des anciens, Congrès de la Fédé<br />

ration des Sociétés savantes de l'Afrique du Nord, 1939.


10<br />

— Samar,<br />

— Sim,<br />

— Sinia<br />

— Sardœna,<br />

affluent de l'Iénissei : Samaréens, Samaritains.<br />

affluent de l'Obi : Simgra, ville de Syrie.<br />

(Syniya), ville syrienne de Sein, soit Sinaï.<br />

sous-affluent de l'Amour ; a pu servir<br />

suivant à dénommer la Sardaigne.<br />

avec .le<br />

— Sart, affluent de droite de l'Obi : a donné son nom à Sardes<br />

(Sart), antique capitale de la Lydie. Sirt, ville de la côte tripolitaine,<br />

colonie phénicienne, etc..<br />

— Syda,<br />

affluent de droite de l'Iénissei autres rivières sibé<br />

riennes ; Sidoi, Suta, Suton ont pu donner leur nom à Saïda (Si-<br />

don) des Phéniciens, Saïda d'Algérie.<br />

— Tapsoni, Tapsis, affluent de gauche de l'Obi ;<br />

ciennes de Thapsacum en Syrie, Thapsus en Tunisie.<br />

villes an<br />

— Tartas, affluent de l'Obi. Tortons (Tortose) de Palestine,<br />

près d'Aradus. Tartesse d'Espagne. Tartas de France.<br />

— Tyra, affluent de la Lena ; village ghiliake de Tyr, à l'em<br />

bouchure de l'Amour ; Tyr, ville phénicienne d'abord dans les<br />

îles Bahrem, puis sur la côte méditerranéenne.<br />

— Toba ou Touba, affluent de droite de l'Iénissei, dont le nom<br />

s'est répandu comme ethnique en Arabie, en Berbérie et en Amé<br />

rique.<br />

— Utka, rivière tributaire de l'Océan Pacifique,<br />

Kananeya ; Utique, ville phénicienne de Tunisie.<br />

non loin de la<br />

— Zemaïa, affluent de l'Iénissei : Zonzomenin, anciens d'Ara<br />

bie. Puits de Zemzen, à la Mecque. Ouadit Zemzen de Tripolitaine.<br />

Tribu des Ida ou Zemzem du Maroc.<br />

En compulsant cette liste,<br />

rivières sibériennes se groupent autour de la Kananeya,<br />

on voit que la plupart des noms de<br />

qui a<br />

donné son nom à cette émigration. Mais certaines se trouvent, au<br />

contraire, dans l'Ouest de la Sibérie. Peut-être les tribus qui les<br />

portaient ont-elles fui les premières vers l'Orient, en contribuant<br />

ainsi à la mise en marche des émigrants Kananéens et Amouriens !<br />

Peut-être, au contraire, certaines populations ont-elles pu dès<br />

lors franchir, en dépit de toutes les difficultés, les montagnes<br />

placées qui s'opposaient à leur passage vers le Sud ! Toutes les<br />

hypothèses paraissent possibles en l'occurrence.<br />

Est-il loisible d'en faire également sur l'époque à laquelle se pro<br />

duisit cet exode, qui paraît être en relation étroite avec les tra<br />

ditions qu'ont conservées tous les peuples de l'Est sur le déluge<br />

universel ?<br />

Les renseignements que nous fournit la Bible sont tellement<br />

vagues que les commentateurs qui ont essayé de se mettre en<br />

œuvre ont abouti à des chiffres qui varient entre les deux extrêmes<br />

de 2448 et 3598 avant notre ère.


Admettons le chiffre moyen de 3000 avant notre ère ; mais<br />

pour arriver là, le voyage avait sans doute duré un temps extrê<br />

mement long, surtout s'il fallut aller jusqu'à l'Est du continent<br />

asiatique. Il avait dû être coupé de séjours prolongés pour pré<br />

parer sur place les approvisionnements, se frayer un passage au<br />

milieu d'autres populations hostiles.<br />

Nous savons par les recherches de J. de Morgan que, pendant<br />

plusieurs millénaires, des flots d'hommes s'écoulèrent de la Sibérie<br />

pour se déverser dans le reste du monde et pour échapper au<br />

changement de climat qui se produisait dans leur pays à la suite<br />

des phénomènes dus à la précession des équinoxes et aux crises<br />

diverses, contractions, pulsations et éruptions du soleil, cet astre<br />

qui préside aux destinées de notre planète.<br />

On peut donc admettre que les peuples qui ont formé l'exode<br />

qui a contribué à la constitution des sémites l'avaient commencé<br />

au moins entre le cinquième millénaire avant notre ère, sans qu'il<br />

soit possible de donner la moindre précision à cet égard, et le<br />

dixième.<br />

11


Quarante-Septième Année<br />

2- Trimestre 1S<strong>42</strong><br />

V'>'/-r.?>s«^. *"'A%y<br />

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BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Oociété<br />

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de Orographie d'Alger<br />

D,E L'AFRIQUE DU NORD<br />

ALGER — IMP. IMBERT


Société de Géographie d'Alger<br />

et de l'Afrique du Nord<br />

CONSEIL D'ADMINISTRATION<br />

Président honoraire : M. Ferdinand DUCHENE,<br />

Cour d'Appel d'Alger.<br />

conseiller honoraire à la<br />

Président : M. LEFEVRE-PAUL, Ancien Elève de l'Ecole Normale Supé-,<br />

rieure, Avocat à la Cour d'Appel d'Alger.<br />

MM. BEAULIEU Jules, Vice-président honoraire du Tribunal d'Alger.<br />

BESSIERE Lucien, Professeur agrégé d'histoire et de géographie au<br />

Lycée d'Alger.<br />

BUGEJA Manuel, Administrateur principal honoraire de Communes<br />

mixtes.<br />

CHAMSKI-MANDAJORS, Trésorier-payeur général.<br />

JOSSE Honoré, Docteur médecin, directeur de la Revue Générale de<br />

Médecine et de Chirurgie de l'Afrique du Nord et<br />

des Colonies françaises.<br />

Commandant LEHURAUX.<br />

Général MEYNIER.<br />

Colonel PEYRONNET.<br />

PRUNNELLE, Receveur honoraire de l'Enregistrement.<br />

RIMBAULT Paul, ancien rédacteur en chef de la ce Dépêche Algé<br />

rienne » et de 1'<br />

« Effort Algérien ».


BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Société de Géographie d'Alger<br />

ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

Quarante-Septième Année<br />

2'<br />

Trimestres -1 9<strong>42</strong><br />

Procès-Verbaux des Séances de la Société<br />

SEANCE DU 23 AVRIL<br />

Conférence :<br />

N'<br />

1 70<br />

« Les Explorateurs Saint-Simoniens en Arabie et en Afrique<br />

Orientale », par M. Emerit, professeur à la Faculté des Lettres<br />

d'Alger.<br />

M. BARRET Jean,<br />

Pétrole Standard, 10,<br />

Nouvelle adhésion :<br />

adjoint chef du contentieux de la Compagnie<br />

boulevard Saint-Saëns, Alger; présenté<br />

par M. Lefèvre-Paul et le général Thévenet.


, dégagés,<br />

CONFERENCE DU 10 JANVIER 19<strong>42</strong><br />

de François Coppée<br />

à Louis Bertrand<br />

par Paul Rimbault<br />

L'année 19<strong>42</strong> ramenant le centenaire de la naissance de Fran<br />

çois Coppée, et Louis Bertrand, le grand écrivain nord-africain,<br />

venant de mourir, ce sujet était d'actualité. Il l'était aussi à<br />

un autre titre : Coppée et Bertrand ont été, en effet, deux enT<br />

fants d'une même époque philosophique. Or, par une seconde<br />

coïncidence, ces deux disciples du rationalisme moderne se sont<br />

et le second en plein âge<br />

le premier au soir de sa vie,<br />

mûr, de cette gangue un peu lourde et courte du rationalisme<br />

scientifique, pour gagner un stade plus élevé, et par conséquent<br />

plus éthéré, celui de l'Idéal spiritualiste. Cet idéal étant à l'ordre<br />

du jour, l'étude conjuguée de ces deux écrivains se justifiait.<br />

Après avoir rappelé l'œuvre littéraire de l'un et de l'autre,<br />

c'est cette transformation d'ordre moral et intellectuel que le<br />

conférencier a présentée; et ainsi, du même coup, c'est un peu<br />

la mentalité de toute une époque —<br />

immédiatement l'an 1900 —<br />

toire.<br />

Coppée, né en 18<strong>42</strong>,<br />

celle<br />

qui précéda et suivit<br />

qu'il fit revivre devant son audi<br />

s'appelait lui-même « un pâle enfant du<br />

vieux Paris ». Du Parisien, il avait l'esprit gouailleur, bon en<br />

fant, émotif. Avec cela primesautier et cocardier. Excellent con<br />

frère, il avait en horreur les combinaisons d'argent, et avait le<br />

culte de la jeunesse auprès de laquelle il était très populaire.<br />

Son œuvre devait être très variée et très inégale, qu'il s'a<br />

gisse de ses drames, de ses comédies ou de ses poèmes. Son grand<br />

mérite, c'est qu'il a fait entrer les humbles dans la littérature.<br />

Il a « chanté » tous les petits métiers, les sentiments les plus<br />

ordinaires, les mœurs les plus modestes.<br />

Jusqu'à l'âge de 55 ans il vécut dans l'indifférence religieuse<br />

comme beaucoup de ses contemporains, toutefois sans sectaris<br />

me. Etant tombé gravement malade, grabataire pendant de<br />

longs mois, il eut tout le temps de réfléchir, demanda à lire<br />

l'Evangile, puis se convertit. Pour lui, la souffrance avait été<br />

« la Bonne Souffrance ». Le poète devait se maintenir dans cet ,<br />

état jusqu'en 1908, date de sa mort. Très patriote, pieux sans<br />

affectation, pitoyable aux pauvres, vivant une vie modeste avec<br />

sa sœur dans son petit hôtel de la rue Oudinot, ses amis, pour<br />

le taquiner, l'avaient surnommé le « François d'Assise trico<br />

lore ».


Personne ne fut plus sympathique que cet écrivain délicat<br />

plein de cœur et de talent qui, pour avoir fréquenté l'Evangne,<br />

voyait partout, au soir de sa vie, le Beau et le Bien.<br />

Par ses origines, Louis Bertrand différait totalement de<br />

François Coppée. Il était Lorrain, pays froid, maussade, austère.<br />

Son enfance fut dure. Après avoir passé par l'Ecole normale su<br />

périeure, il était nommé professeur à Aix-en-Provence, puis au<br />

lycée d Alger. Là il allait trouver sa vraie voie.<br />

Il y découvrit un ciel bleu et clair, des foules bariolées, les tra<br />

ces d'une vieille civilisation, ainsi que l'inédit d'un monde nou<br />

veau pour lui. Il y composa ses œuvres les meilleures, et à la<br />

suite de cette fortune inespérée, il abandonna sa chaire de pro<br />

fesseur pour se consacrer à la littérature. Ne voulant pas quit<br />

ter les rives ensoleillées qui lui étaient si favorables, il s'établit<br />

à Nice, puis au Cap d'Antibes, où il devait mourir.<br />

Louis Bertrand aura été avec quelques écrivains algériens un<br />

des rares romanciers qui aient compris l'Algérie et l'aient dé<br />

peinte avec une exactitude scrupuleuse. C'est qu'il la connaissait<br />

et l'aimait de tout son cœur.<br />

La souffrance avait converti Coppée ; l'art convertira Ber<br />

trand. Ses voyages en Méditerranée avaient développé en lui le<br />

sens t<br />

religieux qu'il avait laissé sommeiller pendant longtemps.<br />

Il commença bientôt à douter de son incroyance, et sous l'impul<br />

sion d'un écrivain catholique, Emile Baumann, il rentrait, corps<br />

et âme, dans la religion de ses pères, cette religion qui lui avait<br />

donné de si douces sensations artistiques au pays du soleil.<br />

Ainsi, à cette époque, le retour au spiritualisme emprunta les<br />

chemins les plus divers : ceux de la philosophie, de la politique,<br />

de l'art, de la souffrance... Le conférencier, en terminant, les<br />

examine un à un, et cite les pèlerins qui y cheminèrent. C'est<br />

que, fait-il en matière de conclusion,<br />

« L'âme humaine est une<br />

harpe dont les cordes vibrent différemment suivant les doigts<br />

qui les touchent... L'ensemble de tous ces sons forment le Bon,<br />

le Bien et le Vrai. »


CONFERENCE DU 14 FEVRIER 19<strong>42</strong><br />

La Légion d'Honneur<br />

Son PASSÉ, Son PRÉSENT, Son AVENIR,<br />

par le Docteur H. JOSSE<br />

Le conférencier, après avoir constaté que les définitions de<br />

l'honneur que l'on trouve d'ordinaire dans les dictionnaires, les<br />

ouvrages de philosophie, de morale ou de sociologie sont vagues<br />

et parcellaires, se rapportant parfois à des époques où les mœurs<br />

plus ou moins barbares le défiguraient,<br />

en fixe d'abord les ba<br />

ses, les caractères et le domaine. Dire que l'honneur est une ques<br />

tion de conscience est insuffisant parce que cela aboutit à laisser<br />

chacun libre de se faire sa loi individuelle et "son code particulier<br />

de l'honneur.<br />

L'honneur est une loi éminente, divine et spirituelle dans son<br />

principe, humaine et sociale dans ses applications,<br />

qui place<br />

l'homme en présence de sa responsabilité morale devant un Dieu<br />

personnel ou devant quelque chose de sacré participant de la<br />

divinité,<br />

comme le respect des ancêtres pour les Nippons. Il vaut<br />

pour tous les temps, pour tous les lieux, pour toutes les nations<br />

et pour toutes les civilisations. Quand le code de l'honneur exige<br />

— de l'homme jusqu'au sacrifice de sa vie terrestre<br />

— ne le demande donc pas à ses soldats ? il<br />

et quel pays<br />

est bien évident qu'il<br />

suppose un législateur suprême qui attend ses justiciables au<br />

sortir de cette vie terrestre, et, par voie de conséquence, postule<br />

une âme immortelle. C'est pourquoi il ne peut s'accommoder de<br />

ces modalités de l'honneur à œillères ou à éclipses, à réservea ou<br />

à réticences qui permettent toutes les abdications et toutes les<br />

soi-disant objections de conscience. Il ne s'accommodera donc ni<br />

du fumeux rationalisme, matérialisme honteux, ni du communis<br />

me marxiste, qui fait enfanter l'esprit par la matière,<br />

ralisme économique, sans frein spirituel, de Ricardo, d'Adam<br />

Smith, de Stuart Mill et de Malthus, ni du déterminisme philo<br />

ni du libé<br />

sophique et particulièrement religieux qui prêche la prédestina<br />

tion des âmes et pose en principe que la réussite d'entreprises<br />

crée le droit, en le considérant comme l'expression du détermi<br />

nisme mondial, voulu par le Créateur. Hitler, le Parjure, en divi<br />

nisant la pseudo-race allemande, en voulant ériger au rang d'une<br />

religion l'ancien paganisme germain qui, au dire de Tacite, ne<br />

créa aucune civilisation, en faisant assassiner par raison d'Etat<br />

un millier de ses adversaires politiques, en reniant sa signature<br />

comme il respire, en foulant aux pieds l'âme des nations qui ont<br />

le malheur d'être voisines de l'Etat prussien, a réalisé à lui seul<br />

le type du forban de l'honneur, comme homme privé, comme<br />

chef d'Etat et comme homme tout court.


Les peuples n'ont pas, c'est un fait de constatation banale, la<br />

même conception de la vie et de l'univers, qu'ils soient latins,<br />

c<br />

est-a-dire^ catholiques, anglo-saxons, germains, nippons, russes<br />

ou manometans. Mais tous les peuples civilisés peuvent s'enten<br />

dre 'entre eux sous réserve de la compréhension mutuelle du ca<br />

ractère de la partie spécifiquement nationale de leur conception<br />

de la vie et de l'univers, de l'adoption d'un commun diviseur, le<br />

fonds commun de morale purement humaine que l'on trouve<br />

heureusement dans toutes les civilisations parce qu'elle a son<br />

fondement dans la raison et dans la nature. Il ne faut donc pas<br />

s'étonner que la plus haute autorité spirituelle de la terre, et<br />

précisément parce qu'elle se trouve à la tête d'une religion uni<br />

verselle qui_ met sur un même pied toutes les nations et toutes<br />

les races, ait formulé les règles impérieuses de l'honneur inter<br />

national. Les Encycliques sociales des cinq derniers Papes ont<br />

formulé le Credo adopté par toutes les nations chrétiennes qui<br />

relèvent de la civilisation occidentale.<br />

C'est pour avoir méconnu ces règles tutélaires de l'honneur in<br />

ternational que deux fous paranoïaques ont entraîné le monde<br />

dans une tuerie sans précédent.<br />

Mais l'honneur ne saurait être dissocié en honneur national,<br />

professionnel, militaire, diplomatique ou individuel. Il forme un<br />

bloc. Ce n'est que pour la facilité des exposés qu'on le comparti<br />

mente comme les devoirs. Tel qui satisfait à une modalité de<br />

l'honneur comme professionnel, et manque à l'honneur patrioti<br />

que,<br />

n'en est pas moins un taré de l'honneur. L'exaltation incon<br />

sidérée d'une modalité de l'honneur manque facilement de me<br />

sure et d'équilibre. C'est ainsi que le duel couronne trop souvent<br />

une offense par un assassinat, et que l'objection de conscience<br />

sert de paravent à la poltronnere. Telle est la raison pour la<br />

quelle un glorieux ancien combattant est rayé de la Légion d'hon<br />

neur s'il est condamné à une peine infamante. Ce que le Prési<br />

dent de la Cour d'appel, au nom du Code de l'honneur, traduit<br />

en ces termes : « Vous avez manqué à l'honneur, je déclare, au<br />

nom de la Légion,<br />

que vous avez cessé d'en être membre. »<br />

L'honneur, réalisation des vertus humaines communes, et pas<br />

seulement de l'héroïsme et 'de la sainteté, se conquiert, comme<br />

toutes les vertus, de haute lutte. C'est, comme le caractère, une<br />

longue patience avant de devenir une habitude, une seconde na<br />

ture. C'est un choix et c'est un combat contre toutes les sugges<br />

tions du mal, le renoncement aux poussées dévergondées de l'ins<br />

tinct, à l'aiguillon acéré de l'intérêt et de l'argent, à un certain<br />

bien-être, à la popularité de mauvais aloi, à la tentation de pié<br />

l'honneur du voisin. Il brave les brimades et les persécu<br />

tiner<br />

tions la prison, c'est-à-dire les lois humaines injustes, la mort<br />

même. H brave le respect humain qui serait mieux nommé l'ir<br />

de sa propre personnalité. Il comporte une hiérarchie,<br />

respect<br />

de préséance ordre comme les devoirs, mais cette hiérarchie<br />

î^ns leS devoirs n'en supprime aucun, n'en minimise aucun, par-


ce que la primauté d'un devoir n'est qu'une forme plus haute de<br />

ceux qu'elle semble supplanter alors qu'elle les englobe et lès<br />

couronne.<br />

L'honneur demande donc à être cultivé et entretenu dans un<br />

climat propre à son épanouissement,<br />

en commençant par l'édu<br />

cation de l'enfant. C'eêt un combat perpétuel, d'autant plus rude<br />

qu'on mesure mieux les aspérités de la route. C'est parfois un<br />

calvaire, avec, au sommet, une croix. Pour ne parler que de<br />

l'honneur militaire, Jean des Vignes-Rouges, dans l'Ame des<br />

Chefs, nous dit que « le courage c'est de la peur vaincue ». Estil<br />

besoin de rappeler le mot de Turenne à la veille d'une bataille :<br />

« Tu trembles carcasse, mais tu tremblerais bien davantage en<br />

core si tu savais où je vais te conduire » ?<br />

L'homme d'honneur est celui qui définit en toute simplicité la<br />

vieille expression française « d'honnête homme », celui qui, dans<br />

tous ses actes,<br />

répond à cette phrase de Pasteur dans son dis<br />

cours de réception à l'Académie Française : « Heureux qui porte<br />

en soi un Dieu, un idéal de beauté et qui lui obéit : idéal de l'art,<br />

idéal de la science, idéal de la patrie, idéal des vertus de l'Evan<br />

gile. Ce sont là les sources vives des grandes pensées et des gran<br />

des actions. Toutes s'éclairent des vertus de l'Evangile. »<br />

Ces prémisses posées, le conférencier aborde l'historique de la<br />

Légion d'honneur créée par la loi du 29 floréal de l'an X (19 mai<br />

1802) proclamée par le Premier Consul. En fait, la Légion d'hon<br />

neur n'a été que la continuation de l'Ordre de Saint-Louis. Le<br />

décret du 30 juillet 1791 avait supprimé tout ordre de chevale<br />

rie pu autre, toute corporation,, toute décoration, tout signe exté<br />

rieur, tout titre qui suppose des distinctions de naissance, réser<br />

vant à la Constituante le soin de statuer s'il y<br />

aurait une déco<br />

ration unique pouvant être accordée aux vertus, aux talents, aux<br />

services rendus à l'Etat. En fait, tous les gouvernements, dans<br />

tous lés temps, même en U.R.S.S., ont ressenti le besoin de mar<br />

quer d'un signe objectif ostensible les citoyens qui ont accompli<br />

leurs devoirs de façon particulièrement distinguée, pour les citer<br />

en exemple plus que pour flatter leur vanité personnelle, bien<br />

que les bénéficiaires puissent en avoir une légitime fierté. Bona<br />

parte ne pouvait manquer de remplacer les élites qui avaient<br />

disparu dans la tourmente révolutionnaire et de les marquer d'un<br />

signe objectif.<br />

Il organisa primitivement la Légion en cohortes, lui donna des<br />

cadres et une réglementation rigoureuse et surtout ne'la décerna<br />

qu'au mérite, et c'est sous son règne que notre ordre national<br />

jouit d'un prestige incomparable. Sous les gouvernements qui sui<br />

virent, la Restauration, le règne de Louis-Philippe, la Deuxième<br />

République, le Second Empire et la Troisième République, la<br />

Légion d'honneur subit parfois et malencontreusement les vicis<br />

situdes de la politique.<br />

Depuis une cinquantaine d'années, elle eut à traverser des<br />

crises, parfois émaillées de scandales : sous le Président J Gré-<br />

vy, alors que son gendre, le Député Wilson, faisait le commerce


de la Légion d'honneur, à l'époque des « fiches » de triste mé<br />

moire, et, tout récemment, quand elle était devenue une monnaie<br />

électorale aux mains d'un Président du Conseil, Léon Blum, au<br />

teur du livre foncièrement amoral, Du mariage, et d'un Ministre<br />

de l'Education national, Jean Zay, insulteur du drapeau en temps<br />

de paix, déserteur en temps de guerre.<br />

Une réaction s'imposait et elle se fit surtout grâce à l'action<br />

persévérante de l'Association des membres de la Légion d'hon<br />

neur décorés au péril de leur vie. Par des lois, un tableau a été<br />

institué, pour les civils comme pour les militaires, tableau qui<br />

sera publié au mois de janvier pour les personnes susceptibles<br />

d'être décorées au mois de juillet ou de décembre de la même<br />

année, de façon à laisser un délai de six mois pour adresser à<br />

la Grande Chancellerie des requêtes contre des inscriptions abu<br />

sives. Le nombre des croix mises à la disposition de chaque dé<br />

partement ministériel a été sensiblement réduit. Le serment des<br />

Légionnaires -promus dans la Légion a été rétabli à peu près<br />

dans les mêmes termes où il était formulé jusqu'au décret du 5<br />

septembre 1870 qui l'avait supprimé. La loi du 1"<br />

septembre<br />

<strong>1941</strong> le formule ainsi : « Je jure de demeurer fidèle à l'honneur<br />

et à la Patrie, de me consacrer au bien de l'Etat, de n'apparte<br />

nir ni dans le présent ni dans l'avenir à aucune société interdite<br />

dans la loi et de «emplir tous les devoirs d'un brave et loyal Lé<br />

gionnaire. »<br />

Déjà épurée de membres indésirables, la Légion d'honneur re<br />

prendra, grâce à sa nouvelle réglementation, son prestige d'antan.<br />

Supprimez l'honneur dans la famille, dans la profession, dans<br />

la cité, dans le Gouvernement, dans les relations internationales,<br />

que restera-t-il aux citoyens ? Ils auront perdu leur étoile polai<br />

re et se promèneront dans la nuit; il ne leur restera que les vices<br />

qui conduisent les nations à leur perte et à leur radiation de la<br />

carte du monde.<br />

Rétablissez-y l'honneur, en l'honorant, et une nation vaincue<br />

et meurtrie comme la France, qui ne se résoudra jamais à la<br />

mutilation de son territoire, ni à la subordination, sous quelque<br />

forme que ce soit, de sa civilisation ancestrale et chrétienne à la<br />

kultur de l'ancien paganisme germain, ou d'une civilisation asia<br />

tique faite pour d'autres cieux, montrera au monde stupéfait,<br />

attardé à ses faux dieux, qu'elle est capable d'actes de foi et de<br />

volonté grâce auxquels elle se remettra à sa vraie place, à celle<br />

que son passé et sa situation géographique ont inscrite dans<br />

l'Histoire du monde.<br />

Faute de place, il nous est impossible de retracer en détail<br />

l'historique de la Légion d'honneur, de décrire ses insignes avec<br />

leurs<br />

modifications depuis sa création, son organisation et sa<br />

discipline. La conférence in extenso est publiée en une plaquette<br />

éditée par l'Imprimerie Baconnier, 4, rue de Constantine, à Al-<br />

et<br />

se trouve également en dépôt à la Librairie Chaix, rue<br />

d'Isly, n, à Alger.


iù<br />

L'Origine des Zenata<br />

par le Commandant CAUVET<br />

Les Zenata, prétendue race berbère, imaginée par les histo<br />

riens musulmans, n'étaient qu'une simple coalition, formée d'élé<br />

sous tous<br />

ments ethniques divers, aussi hétérogènes que possible _<br />

les rapports, tribus entières, fractions, familles, individualités<br />

isolées.<br />

Ils étaient unis momentanément par un même esprit d'indé<br />

pendance et leur haine commune de l'envahisseur musulman, de<br />

vant lequel ils fuyaient. Ils avaient pris le nom de la petite ville<br />

de Zana qui s'était sans doute fait remarquer à cette époque en<br />

essayant de résister. Ils disparurent aussi promptement qu'ils<br />

s'étaient formés.<br />

Je n'ai pas l'intention d'approfondir ici l'histoire des Zenata.<br />

Plusieurs volumes n'y suffiraient pas, et je ne pourrais que re<br />

copier d'une manière plus ou moins adroite les données que nous<br />

devons aux auteurs musulmans. N'ayant à notre disposition que<br />

leurs inventions pour la période qui concerne leur domination,<br />

nous sommes bien obligés, pour ne pas nous trouver suspendus<br />

dans le vide, de les utiliser et de parler gravement de Zenata,<br />

Sanhadsa et autres races.<br />

Malheureusement on en arrive de la sorte involontairement à<br />

croire à l'existence réelle de ces fantaisies de l'imagination ara<br />

bien que leur inexistence soit prouvée par les indications<br />

be,<br />

toutes différentes des auteurs anciens et par leurs contradic<br />

tions mêmes.<br />

Dès qu'on s'occupe de l'ethnologie des Berbères,<br />

on s'enlise<br />

aux premiers pas dans le fatras d'incroyables sottises amonce<br />

lées par la manie généalogique des Arabes. Ils avaient su d'ail<br />

leurs la communiquer pendant quelque temps aux tribus berbè<br />

res soumises, qui firent elles aussi de la généalogie tant et plus.<br />

Pour cela ils avaient fait complètement litière des renseigne<br />

ments recueillis par les Anciens sur les habitants du pays.<br />

Il faut faire comme eux et n'admettre de leurs élucubrations<br />

que ce qui se rapporte aux faits dont ils ont été témoins eux-<br />

mêmes. Encore sait-on ce que l'esprit de parti peut produire,<br />

même dans ce cas !<br />

Quoi qu'il en soit, je veux me borner à rechercher l'origine<br />

vraie des Zenata proprement dits et des tribus agrégées si c'est<br />

possible. Que sont devenues ces tribus qui ont rempli de leur<br />

nom les livres des anciens chroniqueurs musulmans ? Qu'étaientelles<br />

au juste ?


*<br />

* *<br />

Si nous nous adressons au grand historien des Berbères, Ibn<br />

Khaldoûn, nous trouvons sur les Zenata un passage célèbre (.1)<br />

qui nous mettra sur la voie à suivre. Il nous apprend, en effet,<br />

que leur nom est formé d'après celui de leur ancêtre Diana, que<br />

ce mot se prononce plutôt Zana, et qu'à son sens, les Zenata,<br />

loin d'être des Arabes comme ils essaient de le faire croire, sont<br />

de souche kananéenne, affirmation dont je vais montrer un peu<br />

plus loin le bien fondé.<br />

Il est vraisemblable d'ailleurs qu'Ibn Khaldoûn ne se doutait<br />

pas lui-même de l'inexactitude de sa proposition, car on était à<br />

son époque absolument ignorant de l'hydrographie de la Haute<br />

Asie qui est cependant si importante pour la connaissance des<br />

peuples qui viennent de cette région.<br />

En réalité, Djana,<br />

en dépit des belles généalogies des auteurs<br />

berbères, toutes différentes entre elles du reste, était une petite<br />

ville, Zana, dont les ruines existent encore à 80 kilomètres à vol<br />

d'oiseau de Constantine vers le Sud-Est. Elle est au bord d'un<br />

chott appelé le Chott Zana, et elle est dominée au Nord-Ouest<br />

par une montagne appelée le Djebel Zana (2).<br />

Les Romains, dans leur profonde indifférence pour leurs su<br />

jets africains, ne nous ont jamais parlé de cette petite cité qu'ils<br />

appelaient d'ailleurs Diana Veteranorum. Elle a repris son nom<br />

après leur départ. Les fouilles de Zana entreprises depuis plu<br />

sieurs années ont donné des résultats épigraphiques intéressants<br />

en ce qui concerne l'époque romaine. On se rend bien compte<br />

que les descendants de ces vétérans romanisés,<br />

11<br />

qui étaient peut-<br />

être nés dans la région ou s'y étaient alliés, formés au service<br />

des Romains,<br />

mélangés aux populations xénophobes du pays où<br />

ils vivaient, aient pu prendre, à un moment donné, l'initiative<br />

sinon la direction du mouvement de défensive contre les nou<br />

veaux envahisseurs et que l'ensemble des populations qui se dres<br />

sèrent à leur voix ait été connu sous le nom de Zenata.<br />

Les populations de cette région étaient farouchement indépen<br />

dantes et hostiles aux étrangers. Elles le sont encore parce qu'el<br />

les ont beaucoup de sang circassien. On sait qu'au Caucase, les<br />

Circassiens, plutôt que de se soumettre aux Russes, ont préféré<br />

s'expatrier et émigrer en Turquie d'Asie, où ils se sont fait dé<br />

tester aussitôt de tous leurs voisins. Cela nous a permis, en Sy<br />

rie, d'employer ceux que nous y avons trouvés pour faire la<br />

police du pays, seul moyen d'utiliser les gens de cette trempe.<br />

Il se passa sans doute un fait analogue à l'apparition des Ara<br />

bes, mais la xénophobie native des Zenata et de certains ele-<br />

(1) Ibn Khaldoûn. Histoire des Berbères. Traduction de Slane III, p.<br />

1 ftfl 1 RS<br />

N°<br />

Voir la feuille<br />

(2)<br />

27 de la carte de l'état-major au 200.000e de l'Al<br />

gérie.


12<br />

ments groupés autour d'eux fut contrebalancée, comme nous al<br />

lons le voir plus loin, par des dispositions toutes différentes d'au<br />

tres éléments agrégés.<br />

Il en est résulté d'une manière générale une ligne de conduite<br />

assez inexplicable de la part des prétendus Zenata et qui justi<br />

fie amplement ce que les auteurs arabes nous racontent de leurs<br />

apostasies et de leurs trahisons multiples.<br />

Certaines tribus dites Zënatiennes se sont jetées dans les bras<br />

des Arabes et les ont aidés à soumettre leurs compatriotes. D'au<br />

tres, au contraire, ont préféré s'enfuir au Soudan et au Nigeria<br />

où nous les retrouvons encore.<br />

#<br />

* *<br />

Le fait de la descendance circassienne des populations qui<br />

occupent le centre de la région du département de Constantine<br />

est la première chose à établir. Elle se reconnaît surtout aux<br />

noms qu'elles ont fidèlement conservés et à leur esprit xénopho<br />

be particulier qu'elles semblent avoir communiqué aux autres tri<br />

bus qui sont venues se fixer au milieu d'elles et se sont sans<br />

doute mélangées avec elles.-<br />

Zana représente le nom des Jana ou Jani des anciennes no<br />

menclatures caucasiennes. Klaproth cite chez les Abkhazes une<br />

petite tribu de ce nom d'origine circassienne qui venait d'être<br />

entièrement détruire depuis peu. Il écrivait en 1823 (1). En ou<br />

tre, une des huit tribus des Circassiens, dont sortaient sans dou<br />

te les précédents, portait ce même nom. En 1864, la majeure<br />

partie de ce peuple a émigré, comme je l'ai dit, en territoire turc,<br />

de sorte qu'il est possible que ce nom ait disparu complètement<br />

du Caucase.<br />

Au moyen âge on les connaissait sous le nom de Zannes ou<br />

Tzannes (2). Les anciens leur ont donné les noms de Sanni, Sanikhi,<br />

Zanikhi, Tsannoi, Sanige.s. Les variations et les altérations<br />

de ce nom sont des plus abondantes (3), comme c'est l'habitude<br />

dans la région caucasienne.<br />

On pense bien que cette seule-<br />

similitude ne suffirait pas à<br />

établir la descendance circassienne des Zana ou Zenata, mais<br />

on trouve précisément dans toute la région centrale du départe<br />

ment de Constantine et de la Tunisie d'autres noms fort signifi<br />

catifs qui viennent corroborer cette identification.<br />

C'est ainsi que le ksar ruiné de Bellezma, qui a donné son nom<br />

à une petite contrée située entre Zana et lui, correspond à l'exis-<br />

(1) Klaproth. Voyage au Mont Caucase, I p. 237, II -p. 377-381.<br />

(2) Charles Lebeau. Histoire du Bas-Empire, III, 132,, IV, 27.<br />

(3) Pour tous les noms caucasiens, se reporter à Chotard, Le Périple de<br />

la Mer Niore d'Arrien. —<br />

Alxandre Baschmakoff : Cinquante siècles d'évo<br />

lution ethnique autour — de la Mer Noire. Ayten<br />

— des Circassiens. Commandant Cauvet : Origines caucasiennes des Toua<br />

reg, B.S.G.A. 1924.<br />

Namitok : Les Origines


ience d'une autre tribu circassienne, les Belezmié ou Bélesnié.<br />

Les Bellezmas, disparus dans les luttes entre Berbères, furent,<br />

dit-on, de valeureux guerriers dont le souvenir s'est conservé<br />

dans les chroniques musulmanes.<br />

La principale tribu des Circassiens du Caucase,<br />

qui donna au<br />

trefois son nom à l'ensemble de ce peuple, était celle des Anighé<br />

ou Zighé.<br />

Les Zighés semblent avoir pris une part des plus importantes<br />

dans les migrations des Ibères et de tout le Caucase en Afrique<br />

et dans les autres parties du monde,<br />

13<br />

car on trouve un peu par<br />

tout leur nom, même porté par d'autres peuples qui s'en sont<br />

parés,<br />

mination,<br />

simplement pour avoir passé quelque temps sous leur do<br />

comme les célèbres Tsiganes.<br />

Pour ce qui est du département de Constantine, ils sont re<br />

présentés dans sa partie Nord par les Zouagha qui, de nos jours,<br />

fournissent un bon contingent à nos régiments de tirailleurs.<br />

Près de Cirta (Constantine) il , y avait un village de Sigus. Plus<br />

au Sud, autour de Zana, on trouve des noms de tribus comme<br />

les Seguène de Batna dont l'appellation est tirée de l'oued Se<br />

guin, les Segnia d'Aïn-Mlila, les Seggana du bordj Seggana de<br />

Barika,<br />

ainsi nommés d'après un oued du Hodna oriental et<br />

qui ont porté le nom de Lakhdar Halfaouia, peut-être aussi de<br />

multiples fractions de Zegagda, Zegagta, Zegagra, qu'on trouve<br />

dans les tableaux de commandement des tribus constantinoises.<br />

Plus à l'Est en Tunisie, la ville de Zaghouan s'appelait autre<br />

fois Zigga.<br />

*<br />

* *<br />

Il ne semble pas possible de contester que cette région ait<br />

reçu autrefois un apport de<br />

proto-circassiens dont l'esprit indé<br />

pendant et batailleur a toujours semé le trouble dans cette con<br />

trée. A l'époque romaine ce fut Jugurtha qui apparut le premier<br />

dans l'histoire,<br />

En l'an 6, Juba II,<br />

tout au moins dans l'histoire écrite.<br />

souverain de la Numidie, vit ses sujets<br />

se soulever contre lui et il dut faire réprimer leur révolte par<br />

le général romain Lucius Cornélius auquel ses exploits valurent<br />

le nom de Gétulicus. Quelques années plus tard, ce fut le tour<br />

de Tarfarinas. Bref, à cette époque, les Romains durent orga<br />

niser un territoire militaire sur le revers Nord de l'Aurès, à Te-<br />

bessa d'abord,<br />

Entre temps, la<br />

puis à Lambèze.<br />

prétexte à tous ces enragés :<br />

question religieuse avait servi d'arme et de<br />

catholicisme contre paganisme do-<br />

circoncellionisme contre les cathohques, puis khared-<br />

natisme et<br />

jisme et chiisme contre l'Islam orthodoxe qui ne reprit toute sa<br />

force que lors de l'apparition des Français.<br />

Contre les Turcs, comme l'a fait remarquer le colonel Rmn (1),<br />

-—rr-^îo^eTRinn : Histoire de l'insurrection de 1871 en Algérie, p. 471,<br />

'J (1) . i<br />

note.


14<br />

il en a été de même : révoltes en 1771 sous Salah-bey, en 1794<br />

sous Mostefa-Bey el Ouznadji, en 1811 sous Naaman-bey, en<br />

1818 sous Mohammed Tchakour-B-ey, sans compter leurs démê<br />

lés avec leurs chefs locaux de race arabe, les Bou-Aoun.<br />

On sait la résistance que nous opposa cette région après l'oc<br />

cupation de Constantine et en 1871. En 1879, nouvelle insurrec<br />

tion qui se produisit sans être motivée et appuyée par aucun évé<br />

nement extérieur et qui est intéressante parce qu'elle a montré<br />

que la xénophobie des Berbères de cette contrée l'emporte sur<br />

leur attachement à l'Islam. Ils massacrèrent en effet le fils d'un<br />

de leurs chefs religieux, Si Hassein ben bel Abbas, fait que je<br />

crois unique dans les annales algériennes.<br />

Sérieusement éprouvées à cette époque, les tribus de l'Aurès<br />

s'en souvinrent pendant la guerre de 1914, mais ce fut alors<br />

le tour de leurs voisins de l'Ouest qui vinrent assassiner traîtreu<br />

sement à Mac-Mahon (Aïn-Touta) le sous-préfet de Batna et<br />

l'administrateur d'Aïn-Touta (12 novembre 1916) alors que tou<br />

tes les populations de l'Algérie unissaient leurs efforts aux nô<br />

tres contre l'ennemi.<br />

On se rappelle enfin les révoltants massacres de Constantine<br />

d'août 1934 dont les auteurs principaux furent des bouchers de<br />

Taher. Ils appartenaient aux Irdjana, fraction des Beni-Iddour,<br />

et ce nom est significatif.<br />

Si je rappelle sommairement tous ces faits, c'est pour bien<br />

établir que les populations dont Zana est le centre et qui furent<br />

le noyau des Zenata, sont formées d'inexorables xénophobes,<br />

d'incoercibles séditieux et que les inventions des chroniqueurs<br />

musulmans qui nous représentent les Zenata comme dévoués<br />

aux intérêts de l'Islam, dès le début sont extravagantes, et que<br />

leur trouvaille d'une race Zenatienne n'a pas le sens commun.<br />

En recherchant au delà du Caucase l'origine des Jana, on est<br />

amené à reconnaître que suivant les coutumes des peuples de la<br />

Haute Asie, ils étaient issus de la vallée de la Tana, grand fleuve<br />

tributaire de l'Océan Glacial où il se jette un peu à l'Est de la<br />

Lena. C'est le cours d'eau le plus important que l'on trouve en<br />

tre la Lena et l'Indigirka.<br />

C'est de cette contrée que sont venus les Kananéens qui ti<br />

raient leur nom de celui de la rivière Kananeya, affluent de<br />

l'Océan Pacifique un peu au Nord et non loin de l'embouchure<br />

du fleuve Amour.<br />

Ce fait confirme les assertions d'Ibn Khaldoûn qui donne aux<br />

Zenata une origine kananéenne et repousse leurs prétentions à<br />

une descendance Himydrite.<br />

On doit se rappeler que les fictions généalogiques des Arabes<br />

ont été appliquées par eux au Nord-Est de l'Asie et les Kana<br />

néens doivent être compris parmi ces descendants d'Amour, fils


'<br />

de Soubil, fils de Jafet, fils de Noé que Maconds, dans ses Prai<br />

ries d'Or, nous représente comme arrivant jusqu'aux extrémi<br />

tés orientales du Nord de l'Asie (1).<br />

Le nom de la Jana se transcrit aussi suivant la phonétique<br />

_<br />

des peuples qui ont été en contact avec ses habitants : Iana,<br />

lama, Yama, Yape, Yava,<br />

et ces diverses formes que je n'ai pas<br />

à étudier ici ont servi à nommer des peuples divers. Cette vallée,<br />

vidée à un moment donné par l'exode de tous ceux qui y vivaient,<br />

a été repeuplée un peu plus tard par les Yakoutes, qui seraient<br />

venus du Sud et qui l'occupent encore.<br />

Un sous-affluent de l'Obi porte aussi le nom de Yana qui lui<br />

a été sans doute conféré par une migration des tribus de la ri<br />

vière précédemment nommée.<br />

On ne s'étonnera pas qu'en raison de la proximité du détroit<br />

de Behring, une certaine quantité de fractions sorties de la vallé<br />

-de la Jana ait pu gagner l'Amérique lors des formdiables exo<br />

des, qui sortaient de Sibérie.<br />

On trouve ainsi dans l'Amérique du Sud les Janaes,<br />

15<br />

ou Janaes<br />

Timbus, Chanas Timbues, Tsana Timbués ou Quilocas du Rio<br />

de la Plata. La phonétique espagnoles a transformé Jana en<br />

Chana et d'ailleurs on remarquera qu'Ibn Khaldoûn, qui était<br />

lui-même né en Espagne, emploie parfois cette graphie pour le<br />

prétendu ancêtre des Zenata. Les linguistes emploient l'ortho<br />

graphe savante Tsana.<br />

On trouve encore des Janaes Bequaes au Rio de la Plata, des<br />

Janaes Vequas à l'Uruguay, des Chanas, Chana, Chanaes, in<br />

diens Guadanis de l'Uruguay, du Paraguay, du Yucatan.<br />

Enfin, dans l'Amérique du Nord où sont passés tous ces émi-<br />

grants, il est resté chez les Apaches des Janos ou Janevos qui<br />

s'y<br />

sont attardés.<br />

Toutes ces tribus sont restées à peu près sauvages jusqu'à ce<br />

jour (2).<br />

*<br />

* *<br />

J'ai dit plus haut que les Zana d'Afrique y étaient venus en<br />

tant que membres du peuple des Circassiens qui s'appelaient au<br />

trefois Zyghe ou Adiche, et qui fuyaient le Caucase pour une<br />

cause que nous ne connaissons pas bien. Le récit d'Hérodote sur<br />

l'invasion des Scythes nous amène à une époque trop tardive<br />

et qui doit être l'épilogue d'événements ayant commence beau<br />

coup<br />

plus tôt. L'invasion des peuples de la mer des Annales<br />

égyptiennes qui a jeté en Afrique un millénaire plus tôt au bas<br />

mot des Quantités de Caucasiens et d'Asianiques, parait se rap<br />

procher beaucoup<br />

plus de la date exacte ou commencèrent ces<br />

"T^n^Indant Cauvet : Le Djebel Amour, B.S.G.A., 1934.<br />

p ces tribus américaines dont le nom figure dans le Diccionario<br />

^' americevno de Gabriel Vergara Martin, on peut se reporter à<br />

.fico<br />

.<br />

etnograf ,<br />

_ ^gg ina\en8 gans \e Chaco.<br />

Nordenskioia . ^


16<br />

troubles. Les égyptologues fixent la lutte soutenue par les Pha<br />

raons contre les nouveaux arrivants au XVIe siècle avant notre<br />

ère, et on doit admettre que pour se reconstituer sur la terre<br />

d'Afrique en corps de nations, il leur avait fallu un certain dé<br />

lai que nous devons fixer à environ un siècle. Ce serait donc dans<br />

la première moitié du second millénaire avant notre ère que<br />

commença l'exode des Zyghe et de leurs fractions, ainsi que celui<br />

des peuples voisins.<br />

*<br />

* *<br />

Mais nous sommes beaucoup plus exactement fixés sur la ma<br />

nière dont ils effectuèrent leurs migrations, car les côtes d'Afri<br />

que sont jalonnées de ports qui portent les mêmes noms que leurs<br />

points de départ des rivages asiatiques de la Mer Noire et de la<br />

Mer Egée, ou même que les villes de l'intérieur.<br />

Les plus remarquables sont Ma, située à l'embouchure du<br />

Phase et dont l'homonyme africaine fut la Tripoli actuelle. Plus<br />

important encore paraît avoir été le havre du promontoire de<br />

Leptès près de la ville actuelle de Sinope, car il eut deux homo<br />

nymes, l'un près d'JEa dans la Grande Syrte qui porta le nom de<br />

Leptis Magna, puis de Lemta, l'autre au Nord de la Petite Syrte<br />

que l'on appela Leptis Minor, puis Lemta (1).<br />

Le peuple des Zygh s'est réparti entre les deux Leptis; ceux<br />

qui ont débarqué dans la Grande Syrte sont devenus des Gara-<br />

mantes et plus tard des Touareg voilés; les autres qui arrivè<br />

rent en Numidie se sont fondus parmi les populations dites Ber<br />

bères. C'est parmi ces derniers que figuraient les Jana et les<br />

Bellezma avec un certain nombre de Zyghé.<br />

C'est aussi à Leptis Minor ou dans les ports voisins qu'abouti<br />

rent les habitants des deux villes de la Médie Madrassa et Barana<br />

dont les noms ont servi aux généalogistes arabes pour fabri<br />

quer les deux grandes branches des Madghes et Branes. Une<br />

troisième grande ville de la Médie, Chemakha, avait vu au con<br />

traire son nom transporté dans le Djebel Nefonça, où il a dis<br />

paru (2).<br />

*<br />

* *<br />

Je n'ai pas la prétention d'examiner ici toutes les tribus qui<br />

s'agrégèrent aux Zenata proprement dits, ni même d'en dondonner<br />

la nomenclature raisonnée. Un volume n'y suffirait pas.<br />

(1) Mentionnons encore, bien qu'ils n'aient pas d'importance pour notre<br />

sujet, les noms de Thapsus (Ras Dimas) et de Sousse que les Carthaginois<br />

appelaient Hadrumète, répliques des Thapascum et Soussa Kananéennes.<br />

(2) Le promontoire de Leptès (actuellement Indjeli Bouroun, près de Si<br />

nope) est signalé dans le Périple d'Arrien et me fait considérer comme er<br />

ronée l'identification que j'avais donnée dans les Origines Caucasiennes<br />

des Touareg —<br />

IV 1924 et I 1925 —<br />

B.S.G.A. avec Libda, localité de l'in<br />

térieur de la Géorgie. De même les noms de Madghès et de Branès, bien<br />

qu'ils semblent indiens d'origine, sont venus de la Médie ancienne.


Les listes des divers auteurs musulmans ne concordent pas en<br />

tre elles et diffèrent suivant l'époque où ils écrivaient, les cir<br />

constances politiques et le parti qui était alors au pouvoir (1).<br />

Beaucoup de ces noms ont d'ailleurs disparu sous l'influence<br />

dissolvante des coutumes arabes qui forment les noms des tri<br />

bus d'après des patronymes empruntés à des personnalités plus<br />

ou moins notoires, quelquefois à des appellations toponymiques<br />

transformées en noms propres.<br />

Les uns comptent comme Zenata des collectivités que d'autres<br />

appellent Sanhadsa, autre pseudo-race due également à l'ima<br />

gination arabe. Dans l'état actuel, je ne crois pas qu'il soit pos<br />

sible d'établir un classement satisfaisant des tributs dites Ze-<br />

natiennes.<br />

Je me contenterai donc d'en examiner quelques-unes des plus<br />

connues et des plus intéressantes.<br />

Ce sont principalement des montagnards venus de l'Est, du<br />

Djebel Nefonça, qui encercle la Grande Syrte depuis le golfe de<br />

Gabès jusqu'à hauteur de Tripoli. Ce furent les premiers qui<br />

s'enfuirent devant les envahisseurs venant de l'Orient.<br />

Les Maghraoua qui occupent la première place à tout point<br />

de vue dans l'histoire des Zenata tiraient, semble-t-il, leur nom<br />

de Magkrao, localité située, d'après M. de Slane, dans les mon<br />

Avec eux étaient les Béni Ifren<br />

tagnes du Sud de Tripoli . (2)<br />

et les Béni Demmer. Il y a encore dans le Djebel Nefonça un<br />

ksar d'Ifren et un Djebel Ifren, puis un Djebel Demmer. Par<br />

les soins des généalogistes musulmans, ces noms sont devenus<br />

ceux d'ancêtres pourvus de généalogies bien en règle. Il en est<br />

de même des Nefonça, mais ceux-ci, par une inconséquence bi<br />

zarre, ne font pas partie des Zenata, mais forment une bran<br />

che indépendance de la branche de Madgaes. Dans le même or<br />

dre d'idées, on notera que les Béni Ifren sont parfois considé<br />

rés comme Matmata et non comme Zenata qui en sont distincts.<br />

La région<br />

fonça en se<br />

montagneuse des Matmata fait suite au Djebel Ne<br />

redressant vers le Nord en Tunisie.<br />

La région synclinale et artésienne du Nefzaoua, qui s'étend à<br />

l'Ouest du Djebel Nefonça, et ses habitants, les Nefzaoua des<br />

cendants<br />

des Louata.<br />

prétendus d'un certain Nefzao, sont considères comme<br />

Les tribus zenatiennes<br />

reparaissent dans les montagnes de<br />

l'Aurès avec les Djeraoua et les Miknaca. Ces derniers, qui fori<br />

peuplaient alors le versant<br />

nt iSuftard Meknès au Maroc,<br />

-V^TpTr exemple Ibn el Ahmar : Rawdat el Nisrin. Traduction<br />

Ghamtsi Bou Ali et Georges Marçais,<br />

p. 47.<br />

(2) Ibn Khaldoûn : Histoire des Berbères,<br />

Maghrao de M. de Slane.<br />

1?<br />

traduction^e Slane. P-X.O.


18<br />

Sud de l'Aurès. Les Oudjana, dont on trouve des fractions dans<br />

les communes de Khenchela, de Sedrata et de l'Oued Cherf, sont<br />

comptés tantôt comme Ketama, tantôt comme Zenata. Cette opi<br />

nion paraît reposer sur leur nom que certains auteurs regardent<br />

comme signifiant fils de (ou) Djana. On ne voit pas bien pour<br />

quoi ils ne s'appelleraient pas Zenata comme les autres et je<br />

crois pour ma part que leur nom est venu tel quel de l'Inde (1)<br />

avec le stock des Chamba, Mandara, Nara, Sedrata, Rakçasa,<br />

Ter.nata, etc..<br />

Dans l'Aurès, les Auréba qui peuplaient la partie occidentale<br />

de cette montagne n'étaient pas Zenata et formaient une race à<br />

part rattachée à la souche des Bernés.<br />

Au Nord, dans la région accidentée du Tell, tes Zouagha et<br />

parfois aussi les Zouara étaient considérés comme Zenata et j'es<br />

time que c'est avec raison, leur nom étant une altération de Zi-<br />

ghis.<br />

*<br />

* *<br />

La comparaison de deux des principales tribus montagnardes<br />

que je viens de nommer, les Maghraoua du Djebel Nefouça, d'une<br />

part, et les Djeraoua de l'Aurès, va montrer combien sont diffé<br />

rentes entre elles ces prétendues tribus zenatiennes.<br />

A la bataille de Sbitla (647),<br />

où périt l'exarque Grégoire et où<br />

la domination Byzantine fut renversée, les Maghraoua, qui<br />

avaient déjà fuit leur pays, avaient amené un contingent de guer<br />

riers commandés par leur chef, Ouezmar ben Soulat. Celui-ci fut<br />

capturé et le vainqueur l'envoya au khalife Otsmane ben Affane.<br />

Peut-être que pour sauver sa vie, le seigneur des Maghraoua<br />

s'était d'avance engagé à se soumettre avec les siens à la loi de<br />

l'Islam. Il n'est même pas interdit de se demander si avant la<br />

bataille il n'y avait pas eu des tractations secrètes dans ce sens.<br />

Quoi qu'il en soit, le khalife reçut avec bienveillance la soumis<br />

sion d'<br />

Ouezmar et lui donna l'investiture qu'il demandait. Depuis<br />

lors, nous dit Ibn Khaldoûn (2), les Zenata, qui avaient au début<br />

opposé une vigoureuse résistance aux musulmans, leur furent<br />

entièrement dévoués.<br />

Cette volte-face eut une importance capitale, car 35 ans plus<br />

tard, lorsque le grand conquérant Otba ben Nafé, dans son raid<br />

fameux sur le Sous, se heurta aux Masmouda de l'Atlas, ce furent<br />

les Maghraoua qui vinrent à son secours et l'aidèrent à vaincre.<br />

On peut interpréter ce fait de deux manières. Dans leur fuite<br />

précipitée, les Maghraoua, quittant la Tripolitaine, seraient par*<br />

venus assez tôt au Maroc où Okba les trouva installés, ou bien<br />

(1) Commandant Cauvet : Les Origines orientales des Berbères, B.S.G.A.<br />

IP, 1927.<br />

(2) Ibn Khaldoûn, 1. c. I, p. 199.


encore, comme l'affirment certains chroniqueurs (1), les Béni<br />

Abdelouab, puissante fraction de cette tribu, avaient-ils accom<br />

pagné Okba comme auxiliaires dans son expédition.<br />

Ils furent récompensés de leur conduite, car ils purent créer<br />

une dynastie à Tlemcen et un peu plus tard, ayant essayé de<br />

revenir dans leur ancienne patrie, ils faillirent en instaurer à<br />

Tripoli une seconde, que l'arrivée des Hilaliens put seule faire<br />

disparaître (Béni Khazeroun).<br />

Actuellement, il reste encore des fractions de Maghraoua por<br />

tant ce nom et non celui de Zenata à Aïn-Bessem et au Guergour.<br />

Il y a aussi des Magra sans doute de même origine à Barika, à<br />

Lourmel, à Bou-Tlélis.<br />

Le fait qu'il y a de par le monde diverses rivières Magra, Ma-<br />

gro, etc. (2), semble indiquer pour ce peuple une origine primi<br />

tive touranienne. Et, de fait, je trouve dans le bassin de la Zena,<br />

c'est-à-dire dans la contrée d'où sortirent les Kananéens, une<br />

rivière Marara dont la graphie correspond précisément à celle<br />

qu'emploient les arabisants modernes pour transcrire le nom des<br />

Maghraoua : Marraoua.<br />

*<br />

* *<br />

En regard de ce peuple opportuniste, examinons le cas des<br />

Djeraoua, défenseurs opiniâtres de leur indépendance nationale<br />

et de leur foi. Ceux-là ne fondèrent pas de dynasties aux dépens<br />

des autres Berbères et ils combattirent vaillamment jusqu'à leur<br />

disparition. Ils préférèrent, en effet, s'enfuir au Soudan que de<br />

se soumettre. On trouve dans la Nigeria septentrionale (3) des<br />

tribus nommées Jarawa de la province de Bauchi, Jera de la pro<br />

vince d'Yola, Gerawa du Bauchi, qui paraissent bien être venues<br />

de l'Aurès, malgré l'état dégradé dans lequel elles se trouvent<br />

actuellement. Avec elle voisine une tribu de Narabunu, dont le<br />

nom semble indiquer un essaim sorti des Nara, leurs voisins ber<br />

bères.<br />

Chose encore plus étonnante, il y<br />

a dans leur voisinage en Ni<br />

geria un district de Nasarawa. Ce n'est pas là un nom nègre ni<br />

berbère ; c'est le nom arabe des sectateurs de Jésus de Nazareth.<br />

Il y aurait donc eu des chrétiens de l'Aurès qui se seraient enfuis<br />

dans le Sud avec les Djeraoua et Nara.<br />

A titre de curiosité,<br />

voici les noms des tribus de ces Nasara<br />

wa : Afo, Agatu, Aike, Ankwe, Arago, Aruchi, Ayu, Gwandara,<br />

Gwari, Ganagana, Gade, Igara, Jaba, Kagoma, Kagoro, Kaje,<br />

Kamberi, Kaninkwom, Koro, Mada, Marna, Moroa, Ninzam, Numana,<br />

Nungu, Rubu, Toni, Yeskwa. II serait intéressant de sa-<br />

(1) Ibn Khaldoûn, 1. c. III,<br />

p. 305.<br />

(2) Rivières Magra du Hodna, du golfe de la Spezzia en Italie, Magro<br />

d'Espagne, Maghera et Maghara d'Irlande.<br />

(3) C.-K. Meek : The Northern tribes of Nigeria, II,<br />

carte la et l'index de l'ouvrage.<br />

19<br />

p. 188. Voir aussi


20<br />

voir quelles sont celles de ces tribus auxquelle s'applique particu<br />

lièrement ce nom de Nasarawa, car il y a un grand enchevêtre<br />

ment de populations diverses dans cette contrée.<br />

D'autres Djeraoua se réfugièrent dans la région de la Molouia<br />

et y fondèrent même une ville portant leur nom à l'embou<br />

chure du Kiss,. Elle est actuellement en ruines et ses habitants<br />

se sont dispersés.<br />

D'autres fractions de Kabylie et du Tell qui portent le nom<br />

de Djerah à Palestro, à Berrouaghia, à la Soummam ou d'autres<br />

altérations plus sérieuses de ce même nom paraissent indiquer<br />

d'autres essaims de ce peuple vaillant.<br />

Les Djeraoua étaient venus sans aucun doute de Palestine (1).<br />

C'étaient des Kananéens, par conséquent, au sens qu'on donne<br />

habituellement à ce mot, mais je ne retrouve pas dans l'hydro<br />

graphie sibérienne la vallée dont ils ont pu sortir.<br />

On a cru voir dans les Djeraoua une tribu juive, ce qui ne pa<br />

raît pas exact : leur reine, la célèbre Kahena, faisait transporter<br />

devant elle, sur un dromadaire, une idole,<br />

ce qui est contraire<br />

aux principes essentiels du judaïsme. On connaît aussi l'adoption<br />

par elle d'un prisonnier jeune et beau, ce qui est un rite encore<br />

usité au Caucase, mais non chez les Israélites (2).<br />

On donne de ce rite une explication particulière qui semble<br />

bien s'appliquer au cas de la Kahena. Chez les Ossètes, le séduc<br />

teur d'une femme mariée avait un moyen d'échapper à la peine<br />

sévère qu'il avait encourue et à la vengeance de la famille et du vil<br />

lage offensés : c'était de se faire adopter par la femme qu'il avait<br />

séduite en prenant son sein dans sa bouche et en lui donnant le<br />

nom de mère . (3) Il jurait en même temps de la respecter comme<br />

telle et devenait son fils adoptif et un membre de sa famille. La<br />

Kahena, pour échapper aux critiques de son peuple, aurait eu<br />

recours à ce moyen de sauver son amant.<br />

J'ai mentionné plus haut les Miknaca du versant Sud de l'Au<br />

rès ; une de leurs fractions, les Immededren, des Touareg Aouelimminden,<br />

qui a fondé une dynastie à Sidjilmessa, au Sud du<br />

Maroc, sous le nom de Béni Midrar, se vantent d'être les auteurs<br />

du massacre du conquérant Okba ben Nafé, en 683, à Thouda,<br />

à l'Est de Biskra, lors de son retour du Maroc. Ils le connaissent<br />

sous le nom de Roktaboul Moustejab (4). On peut juger par ce<br />

trait du peu d'homogénéité des prétendus Zenata.<br />

A l'Ouest de l'Aurès, une autre grande tribu, celle des Ghamra,<br />

qui a laissé des ruines indiquant une certaine civilisation, dans<br />

le Djebel Bou Kahil, était aussi considérée comme zénatienne.<br />

(1) Autran : Phéniciens, p.<br />

113.'<br />

(2) Klaproth : Voyage au Mont Caucase, I, 359.<br />

(3) L'ethnographie, 15 décembre 1935, pp. 27.<br />

(4) Cortier : D'une rive à l'autre du Sahara, p. 379.


Je pense que c'était un démembrement des Ghomara du Rif et<br />

qu'ils étaient venus d'Europe par l'Espagne, car lorsque les Oulad<br />

Naïls les chassèrent de leur pays, ils gagnèrent l'Est où on<br />

les trouve encore, répartis entre l'Oued Rir où ils sont devenus<br />

nègres, le Zab Rharbi où ils ont des représentants chez les Amour<br />

de l'Est et les Arab Gheraba, et les communes de Bou-Tlélis, d'El-<br />

Ançor et d'Aïn-Touta. Je suppose que les Ghomera d'Aïn-Bessem<br />

et les Ghomeriane ou Ghoumeriane des communes d'Oued-Cherf,<br />

de Sefia, de Châteaudun-du-Rhumel, de Fedj-Mzala leur sont<br />

aussi apparentés.<br />

Les Ghomara (1) du Rif étaient rattachés par les généalogistes<br />

tantôt aux Azdadja ou aux Masmouda de la branche berbère des<br />

Branès, tantôt aux Zenata de la branche des Madghès.<br />

On comptait aussi comme Zenata tous les berbères qui s'étaient<br />

réfugiés au cours des âges dans les palmeraies du Sahara et on<br />

en avait formé les Zenata dits de la 2e<br />

tout à fait obscure.<br />

21<br />

race, dont l'évolution est<br />

Ghadamès, Ouargla, le Touat, l'Oued Draa étaient aussi peu<br />

plés de tribus zenatiennes devenues aussi noires de peau que les<br />

populations nègres qui les avaient précédées. Les généalogistes<br />

musulmans les considéraient comme issues d'un certain Ouacine<br />

dont nous ne savons absolument rien.<br />

Beaucoup de noms de ces tribus zenatiennes de la deuxième<br />

race sont composés avec le préfixe oua et il serait bien possible<br />

que dans certains cas il ne s'agisse pas du terme berbère ou<br />

(fils de) mais plutôt d'un préfixe propre à certaines races<br />

grès : oua.<br />

Les Béni Abdelouad donnent lieu à une remarque assez décon<br />

certante. Comment pouvaient-ils être porteurs d'un nom patro<br />

nymique théophore d'origine arabe, trente-cinq<br />

ans seulement<br />

après la première apparition des bandes musulmanes, c'està-dire<br />

avant qu'une nouvelle génération eût pu réellement s'ins<br />

taurer et prendre la tête de cette tribu ? Ce fait donne une idée<br />

de la méfiance que l'on doit conserver vis-à-vis des chroniqueurs<br />

musulmans de cette époque.<br />

J'ai montré plus haut qu'en réalité les Zenata proprement dits<br />

étaient caucasiens,<br />

mais diverses autres tribus ont assurément<br />

une autre origine ethnique; mais il serait trop long de les re<br />

chercher, bien que j'en ai déjà indiqué certaines dans divers<br />

travaux antérieurs.<br />

M. le Professeur E.-F. Gautier soutenait avec le talent qu'on<br />

lui connaît une thèse toute différente. Pour lui, les Zenata, d'ori<br />

gine inconnue, apparurent venant de l'Extrême-Sud. C'est à eux<br />

que l'on doit l'heureuse introduction du palmier et du chameau<br />

qui ont modifié les conditions de vie dans le Sahara (2).<br />

(1) Ibn Khaldoûn, 1. c. I, 176-185, III, 283.<br />

(2) E.-F. Gautier : Le Sahara, Les Siècles obscurs de l'Islam.


22<br />

Mais il n'apporte aucune preuve à l'appui de cette affirma<br />

tion; on sait que les principales tribus sont au contraire venues<br />

de l'Est.<br />

Pour ce qui est du palmier, il figurait déjà sur les monnaies<br />

de Carthage,<br />

c'est-à-dire bien avant l'arrivée prétendue des Ze<br />

nata. Pline parle longuement du palmier d'Afrique; enfin, on<br />

peut se reporter aux études de M. A. Chevalier qui affirme que<br />

le palmier a existé dans les déserts de l'Afrique depuis les temps<br />

les plus reculés et par conséquent bien avant l'époque des Ze<br />

nata (1).<br />

Il en est de même du chameau. Depuis 1921 (2) je n'ai cessé<br />

d'affirmer que le dromadaire d'Afrique, légèrement différent du<br />

dromadaire arabe d'Asie par sa dentition, sa mandibule inférieu<br />

re et diverses considérations d'autre sorte, était arrivé d'Europe<br />

avant que la Méditerranée n'eût recouvert son étendue actuelle<br />

et en tout cas bien avant l'arrivée des Arabes, seuls en question<br />

à cette époque.<br />

Cette manière de voir a été vérifiée tout récemment par les<br />

découvertes du docteur Roffo dans les sépultures préislamiques<br />

fouillées dans la région de l'Oued Itel.<br />

Enfin, M. L. Soleand n'a pas cessé d'affirmer que le chameau<br />

existe en Afrique depuis des temps fort anciens et je me conten<br />

terai de me référer à ses plus récents travaux (3).<br />

Les Zenata présentent-ils au moins, au point de vue anthropo<br />

logique, des caractères qui les différencient des autres Berbères ?<br />

Il y a au ksar d'EI-Goléa, dans la tribu des Chamba Mouadhi,<br />

une fraction sédentaire habitant l'oasis qui porte le nom officiel<br />

de Zenata et Harratine. J'étais là-bas en 1888, n'ayant rien d'au<br />

tre à faire en cet heureux temps que d'étudier mes administrés<br />

et de me faire voir d'eux. Je les eus vite comptés; il y<br />

tout 46 hommes adultes.<br />

avait en<br />

Quant aux Chamba nomades, ils étaient avec leurs troupeaux<br />

au Sahara, le plus loin possible de l'intrus nouvellement instal<br />

lé et dont ils n'escomptaient guère, avec raison, que des deman<br />

des de prestations pour l'établissement du poste.<br />

Il y<br />

avait en tout sept de ces sédentaires qui se disaient de<br />

provenance zénatienne, et cela parce qu'ils étaient venus du<br />

Touat depuis plusieurs générations, ce qui suffisait, d'après eux,<br />

pour établir leur qualité de Zenata, car ils ne pouvaient donner<br />

aucun autre détail. Seule la mère de l'un d'eux se disait origi<br />

naire des Tasil bou Henni (sic), anciens Zenata du pays dont<br />

(1) A. Chevalier : Le Sahara centre d'origine des plantes cultivées dans<br />

le recueil de la Socéité de Biogéographie : La vie dans la région déserti<br />

que nord-tropicale de l'ancien monde, p. 310.<br />

(2) Le Dromadaire d'Afrique, B.S.G.A. II, 1921.<br />

(3) L. Soleand : Histoire de la formation d'un désert, Paléographie du<br />

Sahara dans le recueil précédemment cité, p. 18, 33-34.


personne .d'autïe n'a entendu parler. Tous ces Touatiens étaient<br />

comme de juste des noirs orthognathes tout à fait analogues aux<br />

autres populations dites Harratine du Sahara.<br />

M. le Professeur Leblanc,<br />

qui a été en mission dans le Saha<br />

ra en 1934, a pu mensurer régulièrement une trentaine de ces<br />

prétendus Zenata, notamment des Touareg Kel Sokna ou Isoknaten<br />

(1). Ils tirent leur nom du ksar de Sokna en Tripolitaine.<br />

J'ai montré ailleurs l'origine touranienne des Sok, Souk, Sokna<br />

dont on a fait des Zenata. Il en est sans doute, de même des<br />

outres individus qu'il a examinés (2) .<br />

Son impression générale est que ces Zenata appartiennent à<br />

« un type berbère inférieur, moins dessiné, moins racé que celui<br />

des autres groupes, d'un produit bâtard en déchéance depuis<br />

longtemps par l'effet du métissage, du genre de vie, de tares pa<br />

thologiques peut-être ».<br />

Les populations du Sud, dit-il, méprisent assez les Zenata pré<br />

tendant qu'ils ne sont ni de sang berbère, ni de sang arabe pur.<br />

Elles leur attribuent le goût du sang et prétendent qu'ils aiment<br />

à exercer le métier de boucher. Us en donnent de curieux exem<br />

ples, auxquels nous ajouterons celui des bouchers de Constantine<br />

lors des troubles de 1934.<br />

Toutes ces fractions ou familles réfugiées dans le Sud sont<br />

restées dans le désert, à part certaines qui ont pu revenir dans<br />

le Tell un peu plus à l'Ouest, comme les Béni Mérine, et y pren<br />

dre la succession des autres dynasties dites Zenatiennes lorsque<br />

celles-ci furent épuisées par les luttes incessantes qu'elles eu<br />

rent à soutenir avec les populations chez lesquelles elles s'étaient<br />

établies.<br />

*<br />

* *<br />

Ibn Khaldoûn, en parlant de ces Zenata, dits de la seconde<br />

rase, nous a révélé qu'ils parlaient un langage à part, ce qui est<br />

un autre point à étudier.<br />

On sait que la seule unité de la Berbérie est celle de la langue,<br />

ou plutôt était, car la langue arabe et plus tardivement la langue<br />

française ont considérablement modifié cette situation. C'est le<br />

seul lien qui fasse un tout de cet amalgame de tant de débris de<br />

peuples différents d'origine et de mentalité.<br />

Les études nombreuses qui ont été faites sur les divers dialec<br />

tes (3)<br />

signalés comme offrant des particularités notables, ont<br />

montré qu'il existe moins de différences entre eux qu'entre les<br />

(1) Ils s'appellent aussi Tedjéhé n'Efis, sans doute d'après un ancien<br />

chef de cette tribu. C'étaient sans doute les Enipi de Pline.<br />

(2)<br />

Docteur E. Leblanc : Anthropométrie et Caractères morphologiques<br />

des Zenata sahariens. Revue anthropologique, 10-12 1934.<br />

(3) On peut se reporter aux nombreuses et savantes études de M. Êené<br />

Basset et de son école et comparer entre eux leurs travaux.<br />

23


24<br />

patois français. Il y a eu évidemment introduction de noms spé<br />

ciaux apportés par les divers éléments qui, lors de leur arrivée<br />

dans le pays, les ont introduits avec eux. Certains phonèmes<br />

étrangers, d'ailleurs assez rares, en sont le témoignage.<br />

* *<br />

Que reste-t-il maintenant de ce nom de Zenata ? Une vague<br />

appellation que l'on applique comme nous venons de le dire à<br />

toutes les populations du Sahara autres que les voilés et excep<br />

tionnellement à des populations telles que les Isoknaten. Mais<br />

cela n'empêche pas de les nommer par leur nom ethnique propre.<br />

Cependant, chez les Touareg je relève une tribu noble du nom<br />

d'Izenan. Il semble bien que ce soit un dérivé de Zana, Zenata.<br />

Ils appartiennent aux Kel Anigara qui dépendent eux-mêmes de<br />

la petite confédération des Kel Gueress de Tahoua. Us habitent<br />

donc dans le coin Sud-Est des parcours des peuples voilés. Ils<br />

sont arrivés dans cette contrée à une époque postérieure aux in<br />

vasions musulmanes, mais sans doute après une migration com<br />

pliquée.<br />

En Algérie, il n'existe, à ma connaissance, qu'une seule tribu<br />

qui se pare du nom de Zenata. Encore le doit-elle à une fantaisie<br />

administrative, car précédemment elle portait celui de Ghossel.<br />

C'est un décret rendu le 20 juin 1885, en vertu du Sénatus-Consute,<br />

qui a opéré cette substitution en transformant leur terri<br />

toire en douar-commune. On sait que les Ghossel ou Ghozz, sont<br />

des Asiatiques authentiques venus du Turkestan à la suite des<br />

bandes hilaliennes (1).<br />

Cette modification était due %. ce que ces étrangers s'étaient<br />

installés autrefois de force au milieu de diverses tribus appar<br />

tenant à la confédération zenatienne. Ils les avaient opprimées,<br />

mais en fin de compte s'étaient fondus avec elle.<br />

Outre la fraction des Zenata d'EI-Goléa dont j'ai parlée, on<br />

trouve encore sur le répertoire des tribus de l'Algérie une frac<br />

tion de Zenata aux Béni Zenthis de la commune mixte de Cassalgne<br />

(Oranie).<br />

Enfin, il y<br />

a une tribu de Zenatia qui tire son nom de l'Oued<br />

Zenati. Celui-ci est dans la région du Khroubs, c'est-à-dire non<br />

loin de la ville de Zana qui a donné son nom aux Zenata.<br />

En résumé, comme je le disais au début, cette prétendue race<br />

des Zenata était une création purement artificielle des chroni<br />

queurs et généalogistes musulmans et elle a disparu plus vite que<br />

leurs écrits.<br />

Commandant G. Cauvet.<br />

(1) Voir pour leur histoire Ibn Khaldoûn, 1. c. III, p. 400, 55,<br />

Grimaud : Monographie de la commune de Pont-de-l'Isser, p. 96.<br />

et Jean


ÙW$<br />

Quarante-huitième et quarante-neuvième Années Années 1943-1944 JM73<br />

BULLETIN PROVISOIRE<br />

'l f<br />

de la Ooci ociete<br />

de Ciéographïe d'Alger<br />

DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

ALGER — IMP. IMBERT


BULLETIN PROVISOIRE<br />

la Société de Géographie d'Alger<br />

Années 1943-1944<br />

ET DE L'AFRIQUE DU NORD.<br />

A NOS SOCIETAIRES<br />

N° 173<br />

Nous nous excusons auprès de nos sociétaires dû ralentisse<br />

ment qu'a dû subir ces derniers mois ^'activité de notre société,<br />

tant pour les conférences que pour le bulletin. Les graves évé<br />

nements que nous vivons en sont l'unique cause. Mais voici des<br />

jours meilleurs qui se lèvent,<br />

tôt notre existence normale.<br />

et nous espérons reprendre bien<br />

Nous remercions bien vivement nos amis de nous être restés<br />

fidèles,<br />

cette fidélité.<br />

et nous leur demandons de bien vouloir nous continuer<br />

Ces remerciements vont également aux nombreux souscrip<br />

teurs — autorités officielles et entreprises privées! — qui durant<br />

ces deux dernières années ont tenu par leur générosité à nous<br />

maintenir leur sympathie.<br />

Encore une fois, merci à tous !<br />

Grâce à eux, la Société de Géographie est toujours vivante.


Le Prince d'Annam.<br />

DECES<br />

MM. Lespes, professeur honoraire.<br />

Chaix.<br />

Bouchon, instituteur honoraire.<br />

Pechot Louis.<br />

Maury Eugène.<br />

Granger,<br />

préfet'<br />

honoraire.<br />

Geffroy Edmond, magistrat.<br />

Déroulède, avocat.<br />

Cohen Sylvain.<br />

Cuttoli Jules.<br />

Mme Combier.


Subventions perçues par la Société de Géographie<br />

1&43 1944<br />

Barciays Bank 75 » 75 »<br />

Société de Navigation Maritime 500 »<br />

Anonyme 100 ».<br />

Bon Marché 100 » 100 »<br />

Cie de Transports Maritimes 100 » 100 »<br />

Cie Transatlantique 100 »<br />

Banque de l'Algérie 1.000 » 1.000 »<br />

Cie Algérienne 100 » 100 »<br />

Chambre de Commerce d'Alger 270 » 300 ■»<br />

Société Générale 100 » 100 »<br />

Commune de Sidi-Bel-Abbès 499 50 500 »<br />

Chambre de Commerce de Bône 100 » 500 »<br />

Protectorat du Maroe 999 » 999 »<br />

Département d'Alger 899 50<br />

Société Marseillaise 100 » 100 »<br />

Crédit Foncier 100 »<br />

Chambre de Commerce d'Oran 500 »<br />

Don de M. Elwall L74 50<br />

Société Algérienne de Navigation 1.000 »<br />

M. Coudray 100 »<br />

Département d'Oran „ 499 50<br />

Ville de Miliana 99 50<br />

Gouvernement Général de l'Algérie 2.500 »<br />

— — 3.500<br />

— — 5.000<br />

»<br />

»<br />

Ville de Mascara 1.000 »<br />

Chambre de Commerce de Mascara 1.000 »<br />

5.817 50 18.573 »


5 —<br />

Histoire du Sud Constantinois<br />

par le Lieutenant -Colonel CANDAU<br />

de l'Infanterie Coloniale<br />

CHAPITRE I<br />

ETUDE SOMMAIRE DU MILIEU PHYSIQUE<br />

GENERALITES. —<br />

Un massif montagneux, l'Atlas Saharien;<br />

assure, au point de vue -géographique, une certaine unité à la<br />

région étudiée.<br />

Les Monts du Zab et du Hodna délimitent la dépression du<br />

Hodna, tandis que le massif de l'Aurès représente un véritable<br />

bastion.<br />

L'Atlas saharien est rompu aux seuils de Biskra et de El-<br />

Kantara après avoir été enfoncé à la suite de mouvements oro<br />

géniques d'une amplitude extraordinaire.<br />

Au bas des pentes de l'Atlas saharien du Zab et de l'Aurès,<br />

se sont accumulés les débris arrachés aux pentes de massif,<br />

soumis pendant des millénaires aux effets de l'érosion éolienne<br />

et du ruissellement.<br />

Le climat est de caractère saharien, cependant les pluies ren<br />

dent les pistes rapidement inutilisables et dangereux les dépla<br />

cements de troupes en mauvaise saison (crues).<br />

Les populations se rassemblent dans les oasis, M'Doukal,<br />

Tolga, El-Kantara, Biskra, M'Chounèche, Rouffi ou bien, ayant<br />

adopté la vie nomade, transhument régulièrement chaque an<br />

née au cours de ce coloré et pittoresque exode qu'est l'Achaba.<br />

Du point de vue politique et militaire,<br />

nous remarquons que<br />

la plaine qui longe le pied de l'Aurès, la brèche de Biskra et<br />

les chaînons de l'Atlas Saharien, c'est-à-dire les monts du Zab,<br />

jalonnent une voie de pénétration suivie par les invasions et<br />

que E. F. Gauthier caractérise ainsi :<br />

« Malheureusement cette artère unique est trop longue et<br />

trop mince, elle s'engorge et elle se coupe, la circulation se<br />

fait mal et la conquête si bien commencée reste une ébauche<br />

fragile » .<br />

Cette définition du point de vue géographique peut être<br />

adoptée pour caractériser politiquement les succès sans lende<br />

main des maîtres successifs du pays.<br />

Cette région est formée de terres maigres, d'un climat sec<br />

et d'un peuplement faible.


— — 6<br />

La population est plus généralement groupée dans les oasis,<br />

mais certaines tribus nomades ont conservé leurs moeurs pas<br />

torales. Les principaux centres nous sont connus ; il n'est pas<br />

inutile cependant de trouver dans le passé la preuve que l'im<br />

portance de ces agglomérations leur crée des titres à une cita-;<br />

tion particulière. Nous reproduisons ci-dessous les descriptions<br />

qu'a faites El Bekri de Biskra, Tchouda, Badès, Bentious dans sa<br />

« Relation des bourgs qui se trouvent sur la route qui conduit<br />

de l'Egypte au Maghreb ».<br />

— BISKRA. « Biskra est un canton situé à quatre journées<br />

de Baghaï (N.O. Kenchella). Il renferme un grand nombre de<br />

bourgs dont la métropole s'appelle aussi Biskra. Cette grande<br />

ville possède beaucoup de dattiers, d'oliviers et d'arbres frui<br />

tiers de diverses espèces. Elle est environnée d'un fossé et<br />

d'un mur et possède un « Djammé », plusieurs mosquées et<br />

quelques bains. Les alentours sont remplis de jardins qui for<br />

ment un bocage de six mille d'étendue. On trouve à Biskra<br />

toutes les variétés de dattes. Les faubourgs sont situés en dehors<br />

du fossé et entourent la ville de tous côtés. Une des portes de<br />

Biskrka s'appelle Bab-El-Mogbera, porte du cimetière ; une<br />

autre Bab-El-Hamman. La population de cette ville appartient<br />

à une race mélangée. »<br />

TEHOUDA. —<br />

«<br />

La ville de Tehouda est aussi appelée « Mé<br />

dina Es Sihr », ou ville de la magie. Ce grand centre de popu<br />

lation est entouré de champs cultivés, de dattiers, d'arbres<br />

fruitiers. Téhouda est de construction antique. Elle est bâtie<br />

en pierres, possède de grandes richesses. Dans l'intérieur de<br />

la ville on voit un beau Djammé et plusieurs mosquées, bazars<br />

et caravansérails. Du côté du Nord, elle reçoit une rivière qui<br />

descend du mont Aurès. Dans l'intérieur de la ville il y a un<br />

puits qui ne tarit jamais et dont la construction remonte à la<br />

plus haute "antiquité.- Autour de la ville se trouve un grand nom<br />

bre de jardins et dans les environs, on compte plus de 20 bour<br />

gades. »<br />

BADES. —<br />

« Parti de Téhouda, on arrive à Badès après une<br />

journée de marche. Cette ville se compose de deux forteresses<br />

qui possèdent de vastes plaines et des champs magnifiques en<br />

plein rapport. On y fait deux récoltes d'orge chaque année<br />

grâce aux nombreux canaux qui arrosent le sol. »<br />

BENTIOUS (Ex-Gemellae). —<br />

« Les villes de Bentious sont<br />

au nombre de trois et assez rapprochées les unes des autres.<br />

Chaque ville possède un Djammé. Deux de ces édifices appar<br />

tiennent aux musulmans orthodoxes, l'autre sert aux schismatiques.<br />

Une de ces villes est habitée par des gens d'origine per<br />

sane. A l'occident coule une rivière qui vient du Nord. La<br />

seconde de ces villes est habitée par une peuplade de sang<br />

mêlé. La troisième est occupée par des Berbères. Ces villes.<br />

situées dans une plaine vaste et fertile sont entourées de murs<br />

et de fossés.


« A l'occident s'étend le Sahara ou désert de Bantious dans<br />

lequel la rivière que nous venons de mentionner répand le tiers<br />

de ses eaux. »<br />

Dans les environs se trouve un grand nombre de bourgades.<br />

Tola, située au nord -de Bentious se compose de trois villas<br />

entourées chacune de murailles de briques et d'un fossé.<br />

Nous allons maintenant étudier successivement du point de<br />

vue géographique les Zibans, le Hodna, et l'Aurès.<br />

— LE HODNA. Cette^région<br />

se présente sous la forme d'une<br />

vaste dépression bordée de massifs assez élevés, parmi lesquels<br />

nous remarquons : le Belezma, qui renferme le massif de Mestaoua<br />

(1.648 m.), repaire habituel de tous les révoltés (en<br />

771 révolte contre Salah Bey, en 1794, révolte contre Mustapha<br />

Bey, en 1811 révolte contre Hamane, en 1918 révolte contre<br />

Mohamed Tchaker Bey).<br />

En particulier, le Metilli (1.495 mètres) est une véritable<br />

forteresse naturelle, c'est un massif isolé formé de rides paral<br />

lèles de 45 kilomètres de long et 15 mètres de large, bordé<br />

au nord par la route de Barika à Mac-Mahon. Deux oueds<br />

déversent leurs eaux dans la dépression occupée par le Chott<br />

El Hodna ; ce sont l'Oued Barika et l'Oued Bitan, à l'est coule<br />

l'Oued Tillatou qui devient l'Oued El Kantara et forme fron<br />

tière avec l'Aurès.<br />

LES ZIBANS. —<br />

Les<br />

mont de Zab font partie de la chaîne<br />

saharienne des Haut-Plateaux qui s'abaisse et se rétrécit ; ils<br />

culminent à un millier de mètres. Un rameau se dirige vers<br />

El-Kantara et délimite avec la chaîne principale un bassin<br />

fermé, la Darva de Sildjen qu plaine d'El-Outaya d'une altitude<br />

moyenne de 200 mètres.<br />

C'est le réservoir naturel des Oasis des Zibans, ce qui expli<br />

que la présence d'un chapelet d'Oasis entre ces monts et l'Oued<br />

Djerid (Groupe des Oasis de Tolga, M'iili, Oumache, etc..)<br />

La route de Bou-Saada à Biskra franchit la chaîne à Sadouri<br />

(vestiges d'un fort romain ou aboutissait le « Limas » de Dou-<br />

cen). La route de Barika à M'iili par M'Doukal passe au<br />

Kheneg Salzou.<br />

Les Zibans (Zab ! au singulier, signifie région)<br />

de quatre pays :<br />

1"<br />

se compose<br />

Groupe •: Zab de Biskra : Oasis de 'Biskra, Chetma, Droh,<br />

Sériana, Sidi-Okba, Aïn-Naga ;<br />

2me Groupe : Zab Chergui : Oasis de Zéribet, El-Oued, Sidi-<br />

Md Moussa ;<br />

3ra* Groupe : Zab Guébli : Oasis de Zab méridional, Oumach,<br />

M'iili, Ourlai, Ouled Djellal ;<br />

4me Groupe :.Zab Dahraoui : Zab septentrional, Oasis de Li-<br />

chana, Zaatcha, Tolga.


— — 8<br />

Les Zibans sont alimentés en eau par les nappes souterrai<br />

nes qui proviennent des cours d'eau descendant des « Aurès ».<br />

Ces Oueds au régime torrentiel roulent rarement à plein bord,<br />

ils ont des crues violentes et courtes et vont se perdre dans le<br />

Chott Melghir.<br />

Biskra, capitale des Zibans,<br />

malgré son rattachement arbi<br />

traire au Nord est du point de vue météorologique, saharienne.<br />

L'Oued Biskra et l'Oued Djedi sont les deux seuls cours d'eau<br />

des Zibans. L'Ouest Djedi ex « Nigris » des. Romains sert pra<br />

tiquement de frontière avec le Sahara proprement dit ; c'est<br />

là que les Romains ont établi leur frontière militaire ou Lime;?.<br />

— L'AURES. L'Aurès est compris dans le quadrilatère Batna,<br />

Biskra, Khanga Sidi Nadji, Khenchela. Il est précédé au Nord<br />

par une série d'avant-monts. Les limites de l'Aurès. proprement<br />

dit, sont marquées à l'Ouest :<br />

— par l'Oued El-Jantara,<br />

Lambiridi (El-Biar) Ad Piscinam (Biskra) ;<br />

— au<br />

Sud,<br />

suivi autrefois par la voie romaine<br />

par la zone désertique du Chott Melghir traver<br />

sée par la route de Biskra à Négrine par Zéribet El-Oued ;<br />

■— à l'Est, par l'Oued El-Arab, qui le sépare du Djebel Cherchar<br />

(monts des Cascades) et qui était suivi par la voie romaine<br />

de Badès à Khenchela (Mascula) ;<br />

-=- au Nord,<br />

par la plaine de Sebdka Djendeli.<br />

Il est à remarquer que, au -Nord et au Sud de l'Aurès se<br />

trouvent deux dépressions marquées par des bassins salins.<br />

L'Aurès culmine au Djebel Chélia (2.328 mètres) véritable<br />

château d'eau de l'Aurès. Quatre .grandes vallées creusent le<br />

massif, ce sont celles des oueds : El-Kantara, Abdi, El-Abiod,<br />

El-Arab.<br />

L'Oued El-Kantara descend de Chélia jusqu'aux ruines de<br />

« Lambiridi » où il prend le nom d'Oued Chaba, ensuite il forme<br />

l'Oued Ksour. La vallée est suivie par la route de Constantine<br />

à Biskra. Il prend le nom d'El-Kantara avant de franchir les<br />

gorges du même nom. Sur le versant Sud se trouve l'Oasis d'El-<br />

Kantara, ancienne « Calceus Herculis », poste militaire impor<br />

tant du temps des Romains. L'Oued prend le nom d'Oued Bis<br />

kra, pour traverser la plaine d'El-Outaya, qui a porté jadis<br />

plus de cent fermes. - Ce serait l'ancienne Mesar Felte, oasis<br />

malheureusement placée sur la route des invasions et souvent<br />

détruite.<br />

A El Mlaga (point de rencontre) conflue l'Oued Abdi. Com<br />

me affluents on peut encore noter : l'Oued Guebli ou Oued<br />

Fedhala, réunion de plusieurs torrents : l'Oued Bengatou qui<br />

arrose le territoire de Beni-Ferrah.<br />

L'Oued Abdi qui arrose les villages de Baali, Tletz, Haidous,<br />

Teniet-El-Habel, Médrouna, Chir, Ménaa, Ouarkha, Amentane,<br />

Beni-Souik, Djemorah.


— — 9<br />

L'Oued El-Abiod prend sa source au Chélia, arrose le terri<br />

toire des Béni B. Slimane. C'est un torrent qui traverse la plaine<br />

de Médina, clé de la domination de l'Aurès, car elle commande<br />

les têtes des vallées Oued Abdi El Abiod, Mellagou (Oued<br />

El-Arab) que commande le Chélia (le bouclier). L'Oued El-<br />

Abiod arrose Arris (terres blanches) El Hamrah (la rouge)<br />

Tabentout (les. femmse), Tighanimine (les roseaux).<br />

L'Oued El-Arab prend sa source à quelques kilomètres de<br />

Kenchela. Il reçoit les eaux de la partie orientale de l'Aurès<br />

par l'Oued Guechtane et l'Oued Mellagou.<br />

Le versant saharien de l'Aurès se subdivise en quatre zones<br />

successives :<br />

Le Sammer : C'est la zone qui borde le pied de l'Amar Khaddou,<br />

elle est constituée par des terres cultivables arrosées par<br />

de nombreuses sources.<br />

La Région des Forêts : Les contreforts se relevant en<br />

masses faiblement boisées, les terres de cultures deviennent<br />

rares et se localisent dans le fond des vallées. La limite Sud de<br />

cette zone est jalonnée par les villages de El-Baal, Roumane,<br />

Kébaïch, Ksar O. Youb, Oulach.<br />

Le Dekhla : Les montagnes se dénudent, se délitent et se<br />

décomposent en une terre argileuse, dangereuse en été par suite<br />

de la sécheresse excessive (éboulements), impraticable en<br />

tover (enlisement). C'est un véritable désert de montagne d'une<br />

largeur de 15 à 20 kilomètres.<br />

Le Guerguit : C'est la zone où les derniers contreforts de<br />

l'Aurès viennent se perdre dans la plaine, c'est-à-dire dans le<br />

Sahara. Les Tribus de l'Amar fchadou y possèdent une bande<br />

de culture d'hiver de largeur variable.<br />

Le versant Nord de l'Aurès est formé de plusieurs plateaux<br />

qui se divisent en plusieurs petits bassins dans lesquels se per<br />

dent les cours d'eaux suivants :<br />

— Oued El-Mahder qui passe à Lambèse et Batna.<br />

— Oued<br />

— OUed<br />

Chémora qui arrose Foum Toub.<br />

Baghaïa.<br />

Les deux principaux massifs de l'Aurès se trouvent dans la<br />

partie Nord. Ce sont le Djebel Chélia (2.328 mètres) et le Dje<br />

bel Mahmel (2.321 mètres) d'où divergent deux systèmes de<br />

plis. :<br />

Du Djebel Chélia partent la chane du Djebel Zellatou et<br />

celle de l'Amar Khaddou (1.925 mètres).<br />

Du Mahmel partent les chaînes de l'EI-Malou et du Mahmel<br />

proprement dit.<br />

L'Aurès,<br />

contraiarement à sa réputation, est aisément acces<br />

sible par ses vallées larges et nombreuses. Les communications<br />

entre des divers bassins ne sont difficiles qu'en mauvaise sai<br />

son,<br />

car les chutes abondantes de pluie et de neige rendent<br />

précaires les déplacements sur des pistes qui suivent très sou<br />

vent le fond des torrents.


— — 10<br />

LES HABITANTS<br />

CHAPITRE II<br />

— GENERALITES. Il n'est pas opportun dans une étude<br />

aussi limitée que celle-ci, de résumer les différentes hypothè<br />

ses qui ont été faites sur l'origine des Berbères autochtones.<br />

Quoi qu'il en soit, les Berbères, dont il est permis d'affirmer<br />

la stabilité des mœurs au travers des siècles obscurs ou non<br />

du Moghreb, ont résisté vaillamment aux invasions arabes.<br />

Ils n'ont pu cependant éviter d'être submergés par les vagues<br />

successives de populations arabes (invasion hilalienne) dévas<br />

tant et ruinant le pays. Quelques éléments ou lots seulement<br />

ont pu subsister, les autres ont dû fuir et émigrer vers .l'Ouest<br />

et ont disparu des horizons de l'histoire locale.<br />

Les étapes de la lutte sont illustrées par les résistances des<br />

champions de l'indépendance Berbère : Koceïla et la Kahina.<br />

Les tribus autochtones Zenata, Masmouda, Senhadja, Ma<br />

ghraoua, à la suite de ces luttes et de ces déplacements de<br />

populations n'ont laissé que quelques îlots témoins.<br />

Les Béni Oudjana (Aurès) seraient des Zenata, les Ma<br />

ghraoua ont laissé, de leur passage, une seule trace, le Djebel<br />

Maghraoua sur la route de Biskra à M'Doukal.<br />

Les Masmouda ont laissé comme témoin le nom d'un village<br />

des contreforts Sud de l'Aurès, Sidi-Masmoudi.<br />

L'invasion hilalienne a submergé littéralement le pays et sa<br />

prise de possession brutale a donné lieu à des métissage, que<br />

la conversion à l'islamisme a rendu encore plus étroite.<br />

Il a été cependant possible de déterminer à peu près exac<br />

tement l'origine Arabe ou Berbère plus ou moins pure de<br />

quelques-unes des tribus.<br />

REGION DE HODNA. —<br />

La<br />

population est pauvre et d'hu<br />

meur belliqueuse. Les principaux douars sont :<br />

Le douar Tillatou : On lui prête une origine juive. L'histoire<br />

nous dit en effet que des commerçants juifs originaires de- cette<br />

tribu et en relations d'affaires régulières avec Biskra furent à<br />

l'époque de Sidi-Okba, assaillis au « Col des Juifs », sur la<br />

route actuelle de Batna, et massacrés. Les vainqueurs se se<br />

raient mariés avec des femmes juives.<br />

Le Douar des Ouled Aouf : (Tribu des Ouled Soltane occu<br />

pant la région de N'gaous, est d'origine Berbère). Population<br />

belliqueuse qui a participé à toutes les dissidences politiques.


— — 11<br />

Les Ouled Dedjas : Toutes ces tribus en formant une sorte<br />

d'éphémère confédération ont participé à l'insurrection qui<br />

amena le siège de Zaatcha.<br />

Les Saharis : qui forment les douars de Bitan, M'Doukal El-<br />

Outaya et El-Kantara sont les adversaires des Ouled Ziane. Ils<br />

sont d'origine arabe pure.<br />

Les Zibans : Cette région placée sous l'autorité d'un seul<br />

chef indigène, le Cheikh El-Arab, est divisée administrative-<br />

ment en deux parties, l'enclave de la commune de plein exer<br />

cice de Biskra et la commune mixte dé Biskra (100.000 habi<br />

tants environs).<br />

La population est formée d'apports successifs de tribus ara<br />

bes qui ont constitué les principales tribus suivantes :<br />

— Les<br />

Ouled Saoula du Zab Chergui (dont sont originaires<br />

les Ben Chénouf)<br />

l'Aurès.<br />

— Les<br />

Ghomra.<br />

grande famille qui étend son influence sur<br />

— Les Ahl Ben Ali installés primitivement dans la région<br />

de Tobna (Sud de Barika).<br />

— Les<br />

- — Les<br />

Ghorfas fixés autour de Biskra.<br />

Ouled Sidi-Salah, originaires du Sud Marocain (tom<br />

beau de Sidi-Mohammed Moussa).<br />

— Les Bouazid et Ouled Zekri (ayant à sa tête le descen<br />

dant des Bou-Okkaz concurrents malheureux des Ben Gana).<br />

Ces populations sont agglomérées dans les Oasis, la production<br />

et le commerce des dattes leur assurant une large aisance.<br />

L'Aurès : L'Aurès est habité en grande partie par les Ber<br />

bères appelés « Chaouia », nom original qui veut dire « pasteur<br />

ou nomade ». Ils «ont en effet des bergers, des semi-»sédentaires<br />

qui ont bien leur village, mais qui passent leur vie en déplace<br />

ments successifs soit en allant l'hiver cultiver au loin, dans la<br />

zone Gerguitt, soit en suivant les troupeau dans la zone des<br />

parcours de la tribu.<br />

Les Chaouias sont généralement grands, vigoureux, de peau<br />

blanche, -quelquefois blonds. Ayant l'amour de l'indépendance,<br />

ils ne furent jamais réellement soumis, et n'ont jamais réussi à<br />

former une nation. De religion musulmane, mais peu fanati<br />

ques, ils ont gardé intacts les grands traits de leur organisation<br />

sociale et de leurs mœurs.<br />

Le village « Chaouia » s'accroche au flanc des montagnes<br />

pour des raisons de défense, il se compose de maisons construi<br />

tes de pierres non taillées, liées par un mortier de terre ; les<br />

toits sont plats. Non loin du village, une éminence, une butte<br />

facile à garder et à défendre, se trouvent les magasins ou<br />

dépôts ; ce sont les « guélaas » dont le pittoresque est grand.


— - 12<br />

Les Berbères n'ont jamais formé de confédération,<br />

nisation sociale est surtout municipale) chaque<br />

leur orga<br />

village a en<br />

effet ses lois, ses coutumes particulières. Il a sa « Djemaa » ou<br />

assemblée de notables — mais<br />

ment sans homogénéité.<br />

cette assemblée est générale<br />

Le çof qui existe d'ailleurs dans tout le pays musulman est<br />

une sorte de société d'assurance, rendue nécessaire par l'ab<br />

sence de gouvernement. Le çof s'étend de village en village, de<br />

tribu en tribu, les fonds nécessaires sont fournis par des contri<br />

butions volontaires. Les chefs du çof deviennent de véritables<br />

souverains qui n'ont, il est vrai, jamais fondé de royauté, mais<br />

dont le prestige, l'autorité sont considérables, et ils échappent<br />

trop souvent à notre vigilance. On arrive à être chef du çof par<br />

l'habileté, l'intrigue, par les influences de famille et par la<br />

richesse.<br />

Les Chaouias ont des mœurs simples, faciles. Le pays est pau<br />

vre, l'artisanat est inexistant.<br />

Les populations de l'Aurès sont groupées en Tribus d'origine<br />

dissemblables, les principales sont énumérées ci-dessous :<br />

TRIBUS ORIGINES DOUARS<br />

Lakdar Malfaouia Arabo-berbères. El-Ksour, Tillatou, Seggana.<br />

Ouled Fedhala. Métissée. Tahamet, Djebel Groiim.<br />

Be'ni-Ferrah Berbères. Aïn-Zatout.<br />

Saharis Arabes (belliqueux). El-Kantara.<br />

0. Ziane. Arabes marocains. Djemorah, Branis, Beni-Souik<br />

Guédila.<br />

0. Abdi. Berbères. 0. Taga, Chir Ménaa.<br />

0. Daoud.<br />

V. Oudjana.<br />

B. B. Slimane.<br />

Arabes (belliqueux).<br />

Berbères.<br />

Berbères.<br />

Ichmoul, Thiganimine.<br />

Chélia, Mellagou, Yabous.<br />

Zellatou.<br />

Rassira. Berbères. Tkout, Rassira, M'Chounèche.<br />

A. Keberch. Berbères. Kimmel.<br />

0. Youb.<br />

0. Slimane.<br />

Berbères.<br />

Berbères.<br />

Tadjmout.<br />

Oulach.<br />

Achach. Berbères. Oulach.<br />

Amanras. Arabo-berbères. 0. Tamza, 0. Ensiga.<br />

Oulach. Berbères. Oulach (Khenchela).


— — 13<br />

CHAPITRE III<br />

LES MILIEUX RELIGIEUX<br />

Toute étude sur un pays musulman se doit de tenir compte<br />

du facteur religieux qui conditionne la vie matérielle et spiri<br />

tuelle.<br />

On est naturellement porté à faire des comparaisons entre<br />

les résultats politiques, économiques ou militaires de la période<br />

romaine et la nôtre. On ne tient pas assez compte dans ce rap<br />

prochement d'un facteur important, absent lors de la conquête<br />

romaine : l'Islam. Cette religion régente toute l'organisation<br />

sociale et a présenté à notre venue l'obstacle le plus sérieux.-<br />

Le facteur religieux a joué et joue encore un rôle de pre<br />

mier plan dans le maintien de la sécurité ; il est donc inté<br />

ressant d'étudier ses caractères généraux, son organisation, ses<br />

incidences sur la, vie courante.<br />

D'une manière générale, les milieux religieux sont opposés<br />

à des degrés divers, aux transformations qu'impose l'introduc<br />

tion des réformes, ces réformes étant la conséquence même du<br />

développement de la civilisation dans, le milieu indigène.<br />

L'Islam est un phénomène d'origine arabe, basé sur la néces<br />

sité pour les croyants de poursuivre l'établissement du royau<br />

me d'Allah. Cette règle est devenue cependant moins impérieuse<br />

au cours des âges.<br />

L'Islam a gardé une force d'expansion extraordinaire en<br />

trouvant de nombreuses armes dans la civilisation occidentale.<br />

Le musulman est l'homme d'un livre, du Coran. Ce qui frappe<br />

en lui c'est l'ardeur de ses convictions, car le Coran renferme<br />

la loi politique, la loi civile, la loi criminelle, il suffit à tout,<br />

il dirige tout.<br />

La force d'expansion de l'Islam est de nos jours diverse dans<br />

ses manifestations car, celui-ci fait preuve d'une étonnante<br />

souplesse, d'une merveilleuse faculté d'adaptation, il sait en<br />

effet limiter ses progrès dès qu'il se heurte à un système cohé<br />

rent. C'est ainsi que dans l'Inde, se heurtant à l'Indouisme, il<br />

ne fait des progrès. que parmi les intouchables, rejetés impi<br />

toyablement par le Brahmanisme.<br />

Des mouvements puissants agitent à l'heure actuelle l'Isla<br />

misme, le mouvement nationaliste en est la forme la plus con<br />

nue. Pour les nationalistes, le secret de notre supériorité réside<br />

dans la connaissance des sciences exactes et des sciences poli<br />

tiques, de là sont nés d'une part, l'engouement des jeunesses<br />

musulmanes pour l'enseignement européen et d'autre part, pat-<br />

réaction, la tendance des milieux religieux à se réfugier dans<br />

la pureté des traditions religieuses, puis, insensiblement, à dé<br />

border ce cadre étroit pour se déplacer sur le plan politique<br />

(oulémas réformistes).<br />

D'une manière générale l'Islam algérien n'est pas homogène,


— U —<br />

le développement des confréries étant lié aux différences des<br />

milieux régionaux et aussi à l'influence des Cofs qui s'opposenl<br />

à l'idée de nation.<br />

L'action religieuse musulmane est exercée par trois catégo<br />

ries d'individus :<br />

— Le<br />

— Les<br />

— Les<br />

— Les<br />

Clergé musulman investi et salarié ;<br />

Marabouts locaux,<br />

Religieux congréganistes (Khouan),<br />

faux Chérifs.<br />

— LE CLERGE INVESTI. Les<br />

distingue parmi eux :<br />

membres en sont francisés, On<br />

Les Muphtis : Titre honorifique donné à des imans impor<br />

tants (chaque mosquée possède un iman).<br />

Les Moudderès : Ou professeurs qui dispensent l'enseigne<br />

ment religieux. Les mosquées de Biskra, El-Outaya, El-Kantara,<br />

sont les principaux établisse<br />

Tolga, Sidi-Okba, Oued Djellal,<br />

ments religieux de la région étudiée.<br />

Les Marabouts : Il y a lieu de distinguer le marabout pro<br />

priétaire d'une Zaouia qui peut être aussi bien défini par le<br />

mot « Monastère » que par celui de « lieu de réunions acci<br />

dentelles ou périodiques ».<br />

On est marabout par droit de naissance, les disciples font<br />

des offrandes ou « Ziaras », les autres revenus du marabout<br />

sont les offrandes ou « Ouard ».<br />

— LES ORDRES RELIGIEUX. C'est une sorte d'auto-défen<br />

se contre les fautes politiques ou les. altérations de la doctrine<br />

religieuse. Deux sectes sont à la base : les « Chittes » et les<br />

« Ouahabites » ou puritains de l'Islam ; ils recherchent tous<br />

deux la pureté morale.<br />

Aux preuves d'orthodoxie s'ajoute, la plupart du temps, l'au<br />

torité d'un enseignement écrit, la pratique des vertus et<br />

l'aus-*<br />

térité n'est réservée qu'à un nombre restreint, d'initiés. L'es<br />

sentiel de l'activité de ces ordres est de recruter des. adeptes<br />

que l'on cherche à ne pas effaroucher par la rigidité de la<br />

règle qui est cependant absolue sur les trois points suivants :<br />

— L'obéissance<br />

— Le<br />

— La<br />

au Cheikh.<br />

secret sur les affaires du Khouan,<br />

solidarité.<br />

Organisation intérieure : A la tête de l'ordre est placé le<br />

Cheikh ou Supérieur Général, ensuite on trouve les Moqqadem<br />

ou vicaires.<br />

Les Cheikhs sont des hommes supérieurs, cultivés, les Moqqadems<br />

sont également choisis avec beaucoup de soin.<br />

La masse des Khouans ou fidèles est soumise à une stricte<br />

discipline et à l'obligation de la « Ziara ».


— — te<br />

Les Quadryas, Rhàmanya, Chadélya, Cheikhla, forment de-<br />

nombreuses congrégations indépendantes qui ont de nombreu<br />

ses ramifications dans toute l'Algérie.<br />

Les Tidjanya, Moussya, Zianya, Karzazya ne forment qu'une<br />

seule congrégation.<br />

LES PRINCIPAUX — ORDRES RELIGIEUX. Ordre<br />

de Qua-<br />

dria : Son fondateur, originaire de Bagdad, était d'une grande<br />

sainteté. Sa doctrine s'inspira d'idées morales et philosophi<br />

ques, mais il a été surtout fondé dans un but humanitaire et<br />

philanthropique ; c'est un ordre largement ouvert. Au point<br />

de vue politique, il n'a jamais manifesté d'hostilité à notre<br />

égard. En 1879, dans l'Aurès, notre meilleur appui fut le Chef<br />

des Quadrias, le Caïd Mahmed Ben Abbès.<br />

Ordre des Chadelva : C'est surtout une école philosophique<br />

à doctrines égalitaires et rétrogrades, s'accommodant de nos<br />

méthodes de gouvernement.<br />

Un certain nombre de congrégations sont aux<br />

Chadelyas par des attaches plus ou moins secrètes. Une d'entre<br />

elles mérite quelques mots : les « Assaouas », organisation ma<br />

rocaine aux étranges pratiques qui cachent une exaltation et<br />

un mysticisme aigus. Les pratiques sont à base de sobriété.<br />

d'abstinence, de mortifications physiques. Dans le Sud, ils rece<br />

vraient des offrandes des « Ouled Zekri » (Tribu des Zibans).<br />

Ordre de Tidjanya : Son fondateur est originaire du Djebel<br />

Amour (région de Laghouat), la maison mère est à Aïn-Mahdi.<br />

L'activité de l'ordre est devenue exclusivement saharienne.<br />

Depuis leur refus d'une aide à Abdel-Kader, les Tidjani ont<br />

toujours respecté une neutralité absolue (ex. en 1844, prise<br />

Aujourd'hui, il existe deux branches des Tidjanyas,<br />

celle d'Ain Mahdi et celle de Temacine.<br />

de Biskra) .<br />

Les Rahmanyas ". Ils forment un ordre d'origine kabyle qui<br />

s'est divisé en un certain -nombre de branches rivales ; l'une<br />

d'entre elles a été fondée par un originaire d'-El Bordj (Ziban)<br />

qui émigra à Nefta lors de la prise de Biskra et après avoir<br />

désigné cinq Moqqadems :<br />

— Si<br />

— Cheikh<br />

— Si<br />

— Si<br />

... Sidi<br />

Ali ben Amor (fondateur de la Zaouia de Tolga).<br />

El Moktar ben Khelife des Ouled Djellal.<br />

Embareck Ben Kouider.<br />

Saddqck ben Hadj (fondateur de la Zaouia de Sidi<br />

Masmondi, Sud de l'Aurès).<br />

Abd El Hadfi de Khanga Sidi Nadji.<br />

Les Snoussya : Le fondateur de cet ordre est algérien, né aux<br />

environs de Mostaganem en 1836. Sa doctrine puritaine impose<br />

le retour au Coran, aux rites, orthodoxes, reconnaît la nécessité<br />

de l'imanat ;<br />

sa discipline est rigoureuse. Ses membres affec<br />

tent de se tenir rigoureusement en dehors de toute action poli<br />

tique, mais leur influence est dangereuse, car ils visent la fédé<br />

ration de tous les ordres religieux orthodoxes, exclusifs, de toute


— — 16<br />

autorité séculière. Le chef-lieu de l'ordre est à Djaraboub (Tri-<br />

politaine) .<br />

— LES CONFRERIES. Ce sont des associations non ortho<br />

doxes, dont le caractère religieux est souvent contesté par les<br />

musulmans eux-mêmes. Elles se présentent sous la forme de<br />

corporations ambulantes (Musiciens, acrobates, danseurs) qui<br />

vivent d'aumônes. On remarque parmi ces confréries celles des :<br />

— Amar<br />

— Bou-Alya<br />

— Mekhalya<br />

Bou Sema (musiciens),<br />

à Biskra.<br />

(jongleurs et danseurs)<br />

adeptes.<br />

qui auraient eu une troupe<br />

n'ont que de rares<br />

: qui seraient d'origine marocaine (Sous). Ils<br />

forment une sorte de société de francs archers. C'est lors de la<br />

lutte des Marocains contre les Portugais que cette confrérie<br />

a vu le jour. Les membres se livrent à des exercices de tir et<br />

d'escrime, généralement le vendredi après la prière du Dahor.<br />

— Confrérie des Hamdaoua. Cette confrérie présente un<br />

intérêt particulier en ce sens que son activité s'exerce sous une<br />

formé originale, une partie importante de ses adeptes se re<br />

crute, en effet, dans l'Armée.<br />

La Zaouia des Hamdaoua se trouve à Zohra (Sud de Tlem-<br />

cen). Dérivant de la doctrine générale des Quadria, les prati<br />

ques religieuses des Hamadaoua ont pour but de chasser les<br />

esprits par l'extase en observant les règles préconisées par<br />

les pures doctrines soufistes. Les affiliés parviennent à cette<br />

extase par des chants et des danses agrémentées de coups sur<br />

la poitrine et la tête; l'initié reçoit un certificat délivré par le<br />

Cheikh.<br />

,<br />

Les lieux- de réunions sont variables : épicerie, marabout,<br />

café maure, plein air, etc., si elles peuvent avoir pour but la<br />

recherche de l'extase en commun, elles consistent souvent en<br />

séances de prestidigitation qui permettent au Cheikh d'af<br />

firmer son autorité sur ses auditeurs.<br />

S'il y a des adeptes civils, le nombre des adeptes militaires<br />

est par ailleurs considérable.<br />

.Lesconditions du recrutement sont simples puisque, seule,<br />

la qualité de bon musulman est exigée de même -évidemment<br />

qu'une obéissance passive.<br />

Il y<br />

a quelques années, le mouvement Hamdaoua avait pris<br />

une extension considérable, de nombreuses unités avaient leur<br />

clan Hamdaoua. L'organisation réalisée peut se comparer à<br />

celle conçue par les communistes : même hiérarchie, même<br />

obéissance, même autorité incontestée du moqqadem choisi,<br />

quel que soit son grade, même recherche permanente du ren<br />

seignement.<br />

LES FAUX CHERIFS. —-<br />

Ne<br />

qu'à l'époque des troubles^<br />

se sont rencontres dans le passé<br />

Lieutenant-Colonel CANDAU.


Quarante-huitième et quarante-neuvième Années Années 1943-1944<br />

BULLETIN PROVISOIRE<br />

de la Société<br />

y?? t?<br />

N° 173<br />

de Géographie d'Alger<br />

s<br />

DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

ALGER<br />

— IMP. IMBERT


BULLETIN PR0VI50IRE<br />

de la Société de Géographie d'Alger<br />

Années 1943-1944<br />

ET DE L'AFRIQUE DU NORD<br />

A NOS SOCIETAIRES<br />

N° 173<br />

Nous nous excusons auprès de nos sociétaires du ralentisse<br />

ment qu'a dû subir ces derniers mois l'activité de notre société,<br />

tant pour les conférences que pour le bulletin. Les graves évé<br />

nements que nous vivons en sont l'unique cause. Mais voici des<br />

jours meilleurs qui se lèvent,<br />

tôt notre existence normale.<br />

et nous espérons reprendre bien<br />

Nous remercions bien vivement nos amis de nous être restés<br />

s<br />

fidèles,<br />

cette fidélité.<br />

et nous leur demandons de bien vouloir nous continuer<br />

Ces remerciements vont également aux nombreux souscrip<br />

— teurs autorités officielles et entreprises privées — qui durant<br />

ces deux dernières années ont tenu par leur générosité à nous<br />

maintenir leur sympathie.<br />

Encore une fois, merci à tous !<br />

Grâce à eux, la Société de Géographie est toujours vivante.


Le Prince d'Annam.<br />

D E CE S<br />

MM. Lespes, professeur honoraire.<br />

Chaix.<br />

Bouchon, instituteur honoraire.<br />

Pechot Louis.<br />

Maury Eugène.<br />

Granger, préfet honoraire.<br />

Geffroy Edmond, magistrat.<br />

Déroulède, avocat.<br />

Cohen Sylvain.<br />

Cuttoli Jules.<br />

Mme Combier.


— — 4<br />

Subventions perçues par la Société de Géographie<br />

1943 1944<br />

Barciays Bank 75 » 75 »<br />

Société de Navigation Maritime..' 500 »<br />

Anonyme 100 »<br />

Bon Marché 100 » 100 »<br />

Cie de Transports Maritimes 100 » 100 »<br />

Cie Transatlantique 100 »<br />

Banque de l'Algérie 1.000 » 1.000 »<br />

Cie Algérienne 100 » 100 »<br />

Chambre de Commerce d'Alger 270 » 300 »<br />

Société Générale 100 » 100 »<br />

Commune de Sidi-Bel-Abbès 499 50 500 »<br />

Chambre de Commerce de Bône 100 » 500 »<br />

Protectorat du Maroc 999 » 999 ■»<br />

Département d'Alger 899 50<br />

Société Marseillaise 100 » 100 »<br />

Crédit Foncier 100 »<br />

Chambre de Commerce d'Oran 500 »<br />

Don de M. Elwall 174 50<br />

Société Algérienne de Navigation 1.000 »<br />

M. Coudray 100 »<br />

Département d'Oran , 499 50<br />

Ville de Miliana 99 50<br />

Gouvernement Général de l'Algérie 2.500 »<br />

— — 3.500<br />

— —- 5.000<br />

»<br />

»<br />

Ville de Mascara 1.000 s><br />

Chambre de Commerce de Mascara 1.000 »<br />

5.817 50 18.573 »


— - 5<br />

Histoire du Sud Constantinois<br />

par le Lieutenant -Colonel<br />

de l'Infanterie Coloniale<br />

CHAPITRE I<br />

CANDAU'<br />

ETUDE SOMMAIRE DU MILIEU PHYSIQUE<br />

GENERALITES1. —<br />

Un massif montagneux, l'Atlas Saharien,<br />

assure, au point de vue géographique, une certaine unité à la<br />

région étudiée.<br />

Les Monts du Zab et du Hodna délimitent la dépression du<br />

Hodna, tandis que le massif de l'Aurès représente un véritable<br />

bastion.<br />

L'Atlas saharien est rompu aux seuils de Biskra et de El-<br />

Kantara après avoir été enfoncé à la suite de mouvements oro<br />

géniques d'une amplitude extraordinaire.<br />

Au bas dés pentes de l'Atlas saharien du Zab et de l'Aurès,<br />

se sont accumulés les débris arrachés aux pentes de massif,<br />

soumis pendant des millénaires aux effets de l'érosion éolienne<br />

et du ruissellement.<br />

Le climat est de caractère saharien, cependant les pluies ren<br />

dent les pistes rapidement inutilisables et dangereux les dépla<br />

cements de troupes en mauvaise saison (crues).<br />

Les populations se rassemblent dans les oasis, M'Doukal,<br />

Tolga, El-Kantara, Biskra, M'Chounèche, Rouffi ou bien, ayant<br />

adopté, la vie nomade, transhument régulièrement chaque an<br />

née au cours de ce coloré et pittoresque exode qu'est l'Achaba.<br />

Du point de vue politique et militaire, nous remarquons que<br />

la plaine qui longe le pied de l'Aurès, la brèche de Biskra et<br />

les chaînons de l'Atlas Saharien, c'est-à-dire les monts du Zab,<br />

jalonnent une voie de pénétration suivie par les invasions et<br />

que E. F. Gauthier caractérise ainsi :<br />

« Malheureusement cette artère unique est trop longue et<br />

trop mince, elle s'engorge et elle se coupe, la circulation se<br />

fait mal et la conquête si bien commencée reste une ébauche<br />

fragile ».<br />

Cette définition du point de vue géographique peut être<br />

adoptée pour<br />

caractériser politiquement les succès sans lende<br />

main des maîtres successifs du pays.<br />

Cette région est formée de terres maigres, d'un climat sec<br />

et d'un peuplement faible.


— — 6<br />

La population est plus généralement groupée dans les oasis,<br />

mais certaines tribus nomades ont conservé leurs mœurs pas<br />

torales. Les principaux centres nous sont connus ; il n'est pas<br />

inutile cependant de trouver dans le- passé la preuve que l'im<br />

portance de ces agglomérations leur crée des titres à une cita<br />

tion particulière. Nous reproduisons ci-dessous les descriptions<br />

qu'a faites El Bekri de Biskra, Tchouda, Badès, Bentious dans sa<br />

« Relation des bourgs qui se trouvent sur la route qui conduit<br />

de l'Egypte au Maghreb ».<br />

BISKRA. —<br />

« Biskra est un canton situé à quatre journées<br />

de Baghaï (N.O. Kenchella). Il renferme un grand nombre de<br />

bourgs dqnt la métropole s'appelle aussi Biskra. Cette grande<br />

ville possède beaucoup de dattiers, d'oliviers et d'arbres frui<br />

tiers de diverses espèces. Elle est environnée d'un fossé et<br />

d'un mur et possède un « Djammé »,<br />

plusieurs mosquées et<br />

quelques bains. Les alentours sont remplis de jardins qui for<br />

ment un bocage de six mille d'étendue. On trouve à Biskra<br />

toutes les variétés de dattes. Les faubourgs sont situés en dehors<br />

du fossé et entourent la ville de tous côtés. Une des portes de<br />

Biskrka s'appelle Bab-El-Mogbera, porte du cimetière ; une<br />

autre Bab-El-Hamman. La population de cette ville appartient<br />

à une race mélangée. »<br />

TEHOUDA. —<br />

« La ville de Téhouda est aussi appelée « Mé<br />

dina Es Sihr », ou ville de la magie. Ce grand centre de popu<br />

lation est entouré de champs cultivés, de dattiers, d'arbres<br />

fruitiers. Téhouda est de construction antique. Elle est bâtie<br />

en pierres, possède de grandes richesses. Dans'<br />

l'intérieur de<br />

la ville on voit un beau Djammé et plusieurs mosquées, bazars<br />

et caravansérails. Du 'côté du Nord, elle reçoit une rivière qui<br />

descend du mont Aurès. Dans l'intérieur de la ville il y a un<br />

puits qui ne tarit jamais et dont la construction remonte à la<br />

plus haute antiquité. Autour de la ville se trouve un grand nom<br />

bre de jardins et dans les environs, on compte plus de 20 bour<br />

gades. »<br />

BADES. —<br />

« Parti de Téhouda, on arrive à Badès après une<br />

journée de marche. Cette ville se compose de deux forteresses<br />

qui possèdent de vastes plaines et des champs magnifiques en<br />

plein rapport. On y fait deux récoltes d'orge chaque année<br />

grâce aux nombreux canaux qui arrosent le sol. »<br />

BENTIOUS (Ex-Gemeilae). —<br />

« Les villes de Bentious sont<br />

au nombre de trois et assez rapprochées les unes des autres.<br />

Chaque ville possède un Djammé. Deux de ces édifices appar<br />

tiennent aux musulmans orthodoxes, l'autre sert aux schismatiques.<br />

Une de ces villes est habitée par des gens d'origine per<br />

sane. A l'occident coule une rivière qui vient du Nord. La<br />

seconde de ces villes est habitée par une peuplade de sang<br />

mêlé. La troisième est occupée par des Berbères. Ces villes,<br />

situées dans une plaine vaste et fertile sont entourées de murs<br />

et de fossés.


—<br />

— 7<br />

« A l'occident s'étend le Sahara ou désert de Bantious dans<br />

-lequel la rivière que nous venons de mentionner répand le tiers<br />

de ses eaux. »<br />

Dans les environs se trouve un grand nombre de bourgades.<br />

Tela, située au nord de Bentious se compose de trois villes<br />

entourées chacune de murailles de briques et d'un fossé.<br />

Nous allons maintenant étudier successivement du point de<br />

vie géographique les Zibans, le Hodna, et l'Aurès.<br />

LE HODNA. —<br />

Cette<br />

région se présente sous la forme d'une<br />

vaste dépression bordée de massifs assez élevés, parmi lesquels<br />

nous remarquons : le Belézma, qui renferme le massif de Mestaoua<br />

(1.648 m.), repaire habituel de tous les révoltés - (en<br />

771 révolte contré Salah Bey, en 1794, révolte contre Mustapha<br />

Bey, en 1811 révolte contre Hamane,<br />

Mohamed Tchaker Bey).<br />

en 1918 révolte contre<br />

En particulier, le Metilli (1.495 mètres) est une véritable<br />

forteresse naturelle, c'est un massif isolé formé de rides paral<br />

lèles de 45 kilomètres de long et 15 mètres de large, bordé<br />

au nord par la route de Barika à Mac-Mahon. Deux oueds<br />

déversent leurs eaux dans la dépression occupée par le Chott<br />

El Hodna ; ce sont l'Oued Barika et l'Oued Bitan, à l'est coule<br />

l'Oued Tillatou qui devient l'Oued El Kantara et forme fron<br />

tière avec l'Aurès.<br />

LES ZIBANS. —<br />

Les<br />

mont de Zab font partie de la chaîne<br />

saharienne des Haut-Plateaux qui s'abaisse et se rétrécit ; ils<br />

culminent à un millier de mètres. Un rameau se dirige vers<br />

El-Kantara et délimite avec la chaîne principale un bassin.<br />

fermé, la Darva de Sildjen ou plaine d'El-Outaya d'une altitude<br />

moyenne de 200 mètres.<br />

C'est le réservoir naturel des Oasis des Zibans, ce qui expli<br />

que la présence d'un chapelet d'Oasis entre ces monts et l'Oued<br />

Djerid (Groupe des Oasis de Tolga, M'iili, Oumache, etc..)<br />

La route de Bou-Saada à Biskra franchit la chaîne à Sadouri<br />

(vestiges d'un fort romain ou aboutissait le « Limas » de Dou-<br />

ceri). La route de Barika à M'iili par M'Doukal passe au<br />

Kheneg Salzou.<br />

Les Zibans (Zab au<br />

de quatre pays :<br />

1er<br />

signifie région)<br />

se compose<br />

Groupe : Zab de Biskra : Oasis de Biskra, Chetma, Droh,<br />

Aïn-Naga ;<br />

Sériana, Sidi-Okba,<br />

2* Groupe : Zab'Chergui : Oasis de Zéribet, El-Oued, Sidi-<br />

Md Moussa ;<br />

3m« Groupe : Zab Guébli : Oasis de Zab méridional, Oumach,<br />

M'iili, Ourlai, Ouled Djellal ;<br />

4 Groupe : Zab Dahraoui : Zab septentrional, Oasis de Li-<br />

chana, Zaatcha, Tolga.


— — 8<br />

Les Zibans sont alimentés en eau par les<br />

nappes souterrai<br />

nes qui proviennent des cours d'eau descendant des « Aures ».<br />

Ces Oueds au régime torrentiel roulent rarement à plein bord,<br />

ils ont des crues violentes et courtes et vont se perdre dans le<br />

Chott Melghir.<br />

Biskra,<br />

traire au Nord est du point de vue météorologique,<br />

capitale des Zibans, malgré son rattachement arbi<br />

L'Oued Biskra et l'Oued Djedi sont les deux seuls cours d'eau<br />

des Zibans. L'Ouest Djedi ex « Nigris » des, Romains sert pra<br />

tiquement de frontière avec le Sahara proprement dit ; c'est<br />

là que les Romains ont établi leur frontière militaire ou Limes.<br />

L'AURES. —<br />

L'Aurès<br />

Biskra, Khanga Sidi Nadji,<br />

est compris dans le quadrilatère Batna,<br />

Khenchela. Il est précédé au Nord<br />

par une série d'avant-monts. Les limites de l'Aurès proprement<br />

dit, sont marquées à l'Ouest :<br />

— par l'Oued El-Jantara,<br />

Lambiridi (El-Biar) Ad Piscinam (Biskra) ;<br />

— au<br />

Sud,<br />

suivi autrefois par la voie romaine<br />

par la zone désertique du Chott Melghir traver<br />

sée par la route de Biskra à Négrine par Zéribet El-Oued ;<br />

— à<br />

l'Est,<br />

par l'Oued El-Arab, qui le sépare du Djebel Cher-<br />

char (monts des Cascades)<br />

de Badès à Khenchela (Mascula) ;<br />

— au<br />

Nord,<br />

Il est à remarquer que,<br />

et qui était suivi par la voie romaine<br />

par la plaine de Sebdka Djendeli.<br />

au Nord et au Sud de l'Aurès se<br />

trouvent deux dépressions marquées par des bassins salins.<br />

L'Aurès culmine au Djebel Chélia (2.328 mètres) véritable<br />

château d'eau de l'Aurès. Quatre grandes vallées creusent le<br />

massif, ce sont celles des oueds : El-Kantara, Abdi, El-Abiod,<br />

El-Arab.<br />

L'Oued El-Kantara descend de Chélia jusqu'aux ruines de<br />

« Lambiridi » où il prend le nom d'Oued Chabâ, ensuite il forme<br />

l'Oued Ksour. La vallée est suivie par la route de Constantine<br />

à Biskra. Il prend le nom d'El-Kantara avant de franchir les<br />

gorges du même nom. Sur le versant Sud se trouve l'Oasis d'El-<br />

Kantara, ancienne « Calceus Herculis », poste militaire impor<br />

tant du temps des Romains. L'Oued prend le nom d'Oued Bis<br />

kra, pour traverser la plaine d'El-Outaya, qui a porté jadis<br />

plus de cent fermes. Ce serait l'ancienne Mesar Felte, oasis<br />

malheureusement placée sur la route des invasions et souvent<br />

détruite.<br />

A El Mlaga (point de rencontre) conflue l'Oued Abdi. Com<br />

me affluents on peut encore noter : l'Oued Guebli ou Oued<br />

Fedhala, réunion de plusieurs torrents : l'Oued Bengatou qui<br />

arrose le territoire de Beni-Ferrah. ,<br />

L'Oued Abdi qui arrose les villages de Baali, Tletz, Haidous,<br />

Teniet-El-Habel, Médrouna, Chir, Ménaa, Ouarkha, Amentane,<br />

Beni-Souik, Djemorah.


— — 9<br />

10d Prend sa source au<br />

toi h r»<br />

Chélia, arrose le terriê*<br />

M'a-<br />

B' Slimane. C'est un torrent qui traverse la plaine<br />

de la<br />

\Z t*t *î do>nation de l'Aurès, car elle commande<br />

vallées<br />

FIA Tl<br />

Oued Abdi El Abiod, Mellagou (Oued<br />

7^7bJ que commande le Chélia (le bouclier). L'Oued El-<br />

ADioa arrose Arris (terres blanches) El Hamrah (la rouge)<br />

îaoentout (les femmse), Tighanimine (les roseaux).<br />

L'Oued El-Arab prend sa source à quelques kilomètres de<br />

Kenchela. Il reçoit les eaux de la partie orientale de l'Aurès<br />

par 1 Oued Guechtane et l'Oued Mellagou.<br />

Le versant saharien de l'Aurès se subdivise en quatre zones<br />

successives :<br />

Le Sammer : C'est la zone qui borde le pied de l'Amar Khaddou,<br />

elle est constituée par des terres cultivables arrosées par<br />

de nombreuses sources.<br />

La Région des Forêts : Les contreforts se relevant en<br />

masses faiblement boisées, les terres de cultures deviennent<br />

rares et se localisent dans le fond des vallées. La limite Sud de<br />

cette zone est jalonnée par les villages de El-Baal, Roumane,<br />

Kébaïch, Ksar O. Youb, Oulach.<br />

Le Dekhla : Les montagnes se dénudent, se délitent et se<br />

décomposent en une terre argileuse, dangereuse en été par suite<br />

de la sécheresse excessive (éboulements), impraticable en<br />

faver (enlisement) .<br />

C'est un véritable désert de montagne d'une<br />

largeur de 15 à 20 kilomètres.<br />

Le Guerguit : C'est la zone où les derniers contreforts de<br />

l'Aurès viennent se perdre dans la plaine, c'est-à-dire dans le<br />

Sahara. Les Tribus de l'Amar Khadou y possèdent une bande<br />

de culture d'hiver de largeur variable.<br />

Le versant Nord de l'Aurès est formé de plusieurs plateaux<br />

qui se divisent en plusieurs petits bassins dans lesquels se per<br />

dent les cours d'eaux suivants :<br />

— Oued<br />

— Oued<br />

— Oued<br />

El-Mahder qui passe à Lambèse et Batna.<br />

Chémora qui arrose Foum Toub.<br />

Baghaïa.<br />

Les deux principaux massifs de l'Aurès se trouvent dans la<br />

partie Nord. Ce sont le Djebel Chélia (2.328 mètres) et le Dje<br />

bel Mahmel (2.321 mètres) d'où divergent deux systèmes de<br />

plis :<br />

Du Djebel Chélia partent la chane du Djebel Zellatou et<br />

celle de l'Amar Khaddou (1.925 mètres).<br />

Du Mahmel partent les chaînes de l'EI-Malou et du Mahmel<br />

proprement dit.<br />

L'Aurès.<br />

contraiarement à sa réputation, est aisément acces-<br />

siBle par ses vallées larges et<br />

nombreuses. Les communications<br />

entre des divers bassins ne sont difficiles qil'en mauvaise sai<br />

son car les chutes<br />

Précaires les<br />

vent le fond des torrents.<br />

abondantes de pluie et de neige rendent<br />

déplacements sur des pistes qui suivent très sou


— 10 r-<br />

LES HABITANTS<br />

CHAPITRE II<br />

— GENERALITES. Il n'est pas opportun dans une étude<br />

aussi limitée que celle-ci, de résumer les différentes hypothè<br />

ses qui ont été faites sur l'origine des Berbères autochtones.<br />

Quoi qu'il en soit, les Berbères, dont il est permis d'affirmer<br />

la stabilité des moeurs au travers des siècles obscurs ou non<br />

du Moghreb, ont résisté vaillamment aux invasions arabes.<br />

Ils n'ont pu cependant éviter d'être submergés par les vagues<br />

successives de populations arabes (invasion hilalienne) dévas<br />

tant et ruinant le pays. Quelques éléments ou lots seulement<br />

ont pu subsister, les autres ont dû fuir et émigrer vers l'Ouest<br />

et ont disparu des horizons de l'histoire locale.<br />

Les étapes de la lutte sont illustrées par les résistances des<br />

champions de l'indépendance Berbère : Koceïla et la Kahina.<br />

Les tribus autochtones Zenata, Masmouda, Senhadja, Ma<br />

ghraoua, à la suite de ces luttes et de ces déplacements de<br />

populations n'ont laissé que quelques îlots témoins.<br />

Les Béni Oudjana (Aurès) seraient des Zenata, les Ma<br />

ghraoua ont laissé, de leur passage, une seule trace, le Djebel<br />

Maghraoua sur la route de Biskra à M'Doukal.<br />

Les Masmouda ont laissé comme témoin le nom d'un village<br />

des contreforts Sud de l'Aurès, Sidi-Masmoudi.<br />

L'invasion hilalienne a submergé littéralement le pays et sa<br />

prise de possession brutale a donné lieu à des métissage, que<br />

la conversion à l'islamisme a rendu encore plus étroite.<br />

Il a été cependant possible de déterminer à peu près exac<br />

tement l'origine Arabe ou Berbère plus ou moins pure de<br />

quelques-unes des tribus.<br />

REGION DE HODNA. —<br />

Là<br />

population est pauvre et d'hu<br />

meur belliqueuse. Les principaux douars sont :<br />

Le douar Tillatou : On lui prête une origine juive. L'histoire<br />

nous dit en effet que des commerçants juifs originaires de cette<br />

tribu et en relations d'affaires régulières avec Biskra furent à<br />

l'époque de Sidi-Okba, assaillis au « Col des Juifs », sur la<br />

route actuelle de Batna, et massacrés. Les vainqueurs se se<br />

raient mariés avec des femmes juives.<br />

Le Douar des Ouled Aouf : (Tribu des Ouled Soltane occu<br />

pant la région de N'gaous, est d'origine Berbère). Population<br />

belliqueuse qui a participé à toutes les dissidences politiques.


A-é-nhâ<br />

11 —<br />

" Dedjas : Toutes ces tribus en formant une sorte<br />

oJ?„ i Gr- confedération ont participé à l'insurrection qui<br />

amena le siège de Zaatcha.<br />

Les Saharis : qui forment les douars de Bitan, M'Doukal El-<br />

Uutaya et El-Kantara sont les adversaires des Ouled Ziane. Ils<br />

sont d'origine arabe pure.<br />

Les Zibans : Cette région placée sous l'autorité d'un seul<br />

chef indigène, le Cheikh El-Arab, est divisée adnfinistrativement<br />

en deux parties, l'enclave de la commune de plein exer<br />

cice de Biskra et la commune mixte de Biskra (100.000 habi<br />

tants environs).<br />

La population est formée d'apports successifs de tribus ara<br />

bes qui ont constitué les principales tribus suivantes :<br />

— Les<br />

Ouled Saoula du Zab Chergui (dont sont originaires<br />

les Ben Chénouf)<br />

l'Aurès.<br />

— Les<br />

Ghomra.<br />

grande famille qui étend son influence sur<br />

— Les Ahl Ben Ali installés primitivement dans la région<br />

de Tobna (Sud de Barika).<br />

,<br />

— Les<br />

— Les<br />

Chorfas fixés autour de Biskra.<br />

Ouled Sidi-Salah, originaires du Sud Marocain (tom<br />

beau de Sidi-Mohammed Moussa).<br />

— Les Bouazid et Ouled Zekri (ayant à sa tête le descen<br />

dant des Bou-Okkaz concurrents malheureux des Bén Gana).<br />

Ces populations sont agglomérées dans les Oasis, la production<br />

et le commerce des dattes leur assurant une large aisance.<br />

L'Aurès : L'Aurès est habité en grande partie par les Ber<br />

bères appelés « Chaouia », nom original qui veut dire « pasteur<br />

ou nomade ». Ils sont en effet des bergers, des semi-sédentaires<br />

qui ont bien leur village, mais qui passent leur vie en déplace<br />

ments successifs soit en allant l'hiver cultiver au loin, dans- la<br />

zone Gerguitt, soit en suivant les troupeau dans la zone des<br />

parcours de la tribu.<br />

Les Chaouias sont généralement grands, vigoureux,<br />

blanche,<br />

de peau<br />

quelquefois blonds. Ayant l'amour de l'indépendance,<br />

ils ne furent jamais réellement soumis, et n'ont jamais réussi a<br />

former une nation. De religion musulmane,<br />

mais peu fanati<br />

ques, ils ont gardé intacts les grands traits de leur organisation<br />

sociale et de leurs mœurs.<br />

Le village « Chaouia » s'accroche au flanc des montagnes<br />

Lie vniagc « oiiduuici »<br />

construi-<br />

e de maisons<br />

pour des de défense il se composéeim.<br />

^<br />

tes de pierres non taillées, liées par uni<br />

, ,,<br />

tnitq *ont nlats Non loin du village,<br />

une emmence, une outre<br />

facfle à tarder et à défendre, se trouvent les magasins ou<br />

dépôts ; ce sont les « guélaas » dont le pittoresque est grand.


'12<br />

Les Berbères n'ont jamais formé de confédération, leur orga<br />

nisation sociale est surtout municipale, chaque village a en<br />

effet ses lois, ses coutumes particulières. Il a sa « Djemaa » ou<br />

assemblée de notables —<br />

ment sans homogénéité.<br />

mais cette assemblée est générale<br />

Le çof qui existe d'ailleurs dans tout le pays musulman est<br />

une sorte de société d'assurance, rendue nécessaire par l'ab<br />

sence de gouvernement. Le çof s'étend de village en village, de<br />

tribu en tribu, les fonds nécessaires sont fournis par des contri<br />

butions volontaires. Les chefs du çof deviennent de véritables<br />

souverains qui n'ont, il est vrai, jamais fondé de royauté, mais<br />

dont le prestige, l'autorité sont considérables, et ils échappent<br />

trop souvent à notre vigilance. On arrive à être chef du çof par<br />

l'habileté, l'intrigue, par les influences de famille et par la<br />

richesse.<br />

Les Chaouias ont des mœurs simples, faciles. Le pays est pau<br />

vre, l'artisanat est inexistant.<br />

Les populations de l'Aurès sont groupées en Tribus d'origine<br />

dissemblables, les principales sont énumérées ci-dessous :<br />

TRIBUS ORIGINES DOUARS<br />

Lakdar Malfaouia Arabo-berbères. El-Ksour, Tillatou, Seggana.<br />

Ouled Fedhala. Métissée. Tahamet, Djebel Groum.<br />

Beni-Ferrah Berbères. Aïn-Zatout.<br />

Saharis Arabes (belliqueux). El-Kantara.<br />

0. Ziane. Arabes marocains. Djemorah, Branis, Beni-Souik<br />

Guédila.<br />

0. Abdi. Berbères. 0. Taga, Chir Ménaa.<br />

0. Daoud.<br />

V. Oudjana.<br />

B. B. Slimane.<br />

Rassira.<br />

A. Keberch.<br />

0. Youb.<br />

0. Slimane.<br />

Arabes (belliqueux).<br />

Berbères.<br />

Berbères.<br />

Berbères.<br />

Berbères.<br />

Berbères.<br />

Berbères.<br />

Ichmoul, Thiganimine.<br />

Chélia, Mellagou, Yabous.<br />

Zellatoik<br />

Tkout, Rassira, M'Chounèche.<br />

Kimmel.<br />

Tadjmout.<br />

Oulach.<br />

Achach. Berbères. Oulach.<br />

Amanras.<br />

Oulach.<br />

Arabo-berbères.<br />

Berbères.<br />

0. Tamza, 0. Ensiga.<br />

Oulach (Khenchela).


13<br />

CHAPITRE III<br />

LES MILIEUX RELIGIEUX<br />

du^eur^LTeurn Pa7S sulman se doit de tenir compte<br />

rell^ieux Qui conditionne la vie<br />

tuelle<br />

matérielle et spiri-<br />

On est naturellement porté à faire des comparaisons entre<br />

les résultats politiques, économiques ou militaires de la période<br />

romaine et la notre. On ne tient pas assez compte dans ce rap<br />

prochement d un facteur important, absent lors de la conquête<br />

romaine : 1 Islam. Cette religion régente toute l'organisation<br />

sociale et a présente a notre venue l'obstacle le plus sérieux.<br />

Le facteur religieux a joiié et joue encore un rôle de pre<br />

mier plan dans le maintien de la sécurité ; il est donc inté<br />

ressant d'étudier ses caractères généraux, son organisation, ses<br />

incidences sur la vie courante.<br />

D'une manière générale, les milieux religieux sont opposés<br />

à des degrés divers, aux transformations qu'impose l'introduc<br />

tion des réformes, ces réformes étant la Conséquence même du<br />

développement de la civilisation dans le milieu indigène.<br />

LTslam est un phénomène d'origine arabe, basé sur la néces<br />

sité "pour les croyants de poursuivre l'établissement du royau<br />

me d'Allah. Cette règle est devenue cependant moins impérieuse<br />

au cours des âges.<br />

L'Islam a gardé une force d'expansion extraordinaire en<br />

trouvant de nombreuses armes dans la civilisation occidentale.<br />

Le musulman est l'homme d'un livre, du Coran. Ce qui frappe<br />

en lui c'est l'ardeur de ses convictions, car le Coran renferme<br />

la loi politique, la loi civile, la loi criminelle, il suffit à tout,<br />

il dirige tout.<br />

La force d'expansion deTlslam est de nos jours diverse dans<br />

ses manifestations car,<br />

celui-ci fait preuve d'une étonnante<br />

souplesse,- d'une merveilleuse faculté d'adaptation, il sait en<br />

Çffet limiter ses progrès dès qu'il se heurte à un système cohé<br />

rent. C'est ainsi que dans l'Inde, se heurtant à l'ïndouisme, il<br />

fait'<br />

ne des progrès que parmi les intouchables rejetés impi<br />

toyablement par le Brahmanisme.<br />

Des mouvements puissants agitent à l'heure actuelle l'Isla<br />

misme, le mouvement nationaliste en est la forme la plus con<br />

nue. Pour les nationalistes, le secret de notre supériorité réside<br />

dans la connaissance des sciences exactes et des sciences poli<br />

tiques/ de là sont nés d'une part, l'engouement des jeunesses<br />

musulmanes pour l'enseignement européen et d'autre part, par<br />

réaction, la tendance des milieux religieux à se réfugier dans<br />

la pureté des traditions religieuses, puis, insensiblement, à dé<br />

border -ce cadre étroit pour se déplacer sur le plan politique<br />

. (oulémas .<br />

réformistes)<br />

D'une manière générale l'Islam algérien n'est pas homogène,


— u —<br />

le développement des confréries étant lié aux différences des<br />

milieux régionaux et aussi à l'influence des Cofs qui s'opposent<br />

à l'idée de nation.<br />

L'action religieuse musulmane est exercée par trois catégo<br />

ries d'individus :<br />

— Le<br />

— Les<br />

— Les<br />

— Les<br />

Clergé musulman investi et salarié ;<br />

Marabouts locaux,<br />

Religieux congréganistes (Khouan),<br />

faux Chérifs.<br />

LE CLERGE INVESTI. —<br />

distingue parmi eux :<br />

Les<br />

membres en sont francisés, On<br />

Les Muphtis : Titre honorifique donné à des imans impc<br />

tants (chaque mosquée possède un iman).<br />

Les Moudderès : Ou professeurs qui dispensent l'enseigne<br />

ment religieux. Les mosquées de Biskra, El-Outaya, El-Kantara/<br />

Tolga, Sidi-Okba, Oued Djellal,<br />

sont les principaux établisse<br />

ments religieux de la région étudiée.<br />

Les Marabouts : y<br />

a lieu de distinguer le marabout pro<br />

priétaire d'une Zaouia qui peut être aussi bien défini par le<br />

mot « Monastère » que par celui de « lieu de réunions acci<br />

dentelles ou périodiques ».<br />

On est marabout par droit de naissance, les disciples font<br />

des offrandes ou « Ziaras », les autres revenusdu<br />

marabout<br />

sont les offrandes ou « Ouard ».<br />

LES ORDRES RELIGIEUX. —<br />

C'est<br />

une sorte d'auto-défen<br />

se contre les fautes politiques ou les altérations de la doctrine<br />

religieuse. Deux sectes sont à la base : les « Chittes » et les<br />

« Ouahabites » ou puritains de l'Islam ; ils recherchent tous<br />

deux la pureté morale.<br />

Aux preuves d'orthodoxie s'ajoute, la plupart du temps, l'au<br />

torité d'un enseignement écrit, la pratique des vertus et l'aus<br />

térité n'est réservée qu'à un nombre restreint d'initiés. L'es<br />

sentiel de l'activité de ces ordres est de recruter des adeptes<br />

que l'on cherche à ne pas effaroucher par la rigidité de la<br />

règle qui est cependant absolue sur les trois points suivants :<br />

— L'obéissance<br />

— Le<br />

— La<br />

au Cheikh.<br />

secret sur les affaires du Khouan,<br />

solidarité.<br />

Organisation intérieure : A la tête de l'ordre est placé le<br />

Cheikh ou Supérieur Général, ensuite on trouve les Moqqadem<br />

ou vicaires.<br />

Les Cheikhs sont des hommes supérieurs, cultivés, les Moqqadems<br />

sont également choisis avec beaucoup de soin.<br />

La masse deâ Khouans ou fidèles est soumise à une stricte<br />

discipline et- à l'obligation de la « Ziara ».


nombUQUadryas' Rhamanva><br />

«p«<br />

ses<br />

— — 15<br />

Chadélya, Cheikhla, forment de<br />

/rongrégations indépendantes qui ont de nombreu<br />

ramifications dans toute l'Algérie.<br />

.„,.,f TldJ&nya, Moussya, Zianya, Karzazya ne forment qu'une<br />

seule congrégation. <<br />

LES PRINCIPAUX ORDRES RELIGIEUX. —<br />

Ordre de Qua-<br />

dria : bon fondateur, originaire de Bagdad, était d'une grande<br />

sainteté. Sa doctrine s'inspira d'idées morales et philosophi<br />

ques, mais il a été surtout fondé dans un but humanitaire et<br />

Philanthropique ; c'est un ordre largement ouvert. Au point<br />

ivue politique, il n'a jamais manifesté d'hostilité à notre<br />

t<br />

égard. En 1879, dans l'Aurès, notre meilleur appui fut le Chef<br />

des Quadrias, le Caïd Mahmed Ben Abbès.<br />

Ordre des Chadelva : C'est surtout une école philosophique<br />

à doctrines égalitaires et rétrogrades, s'accommodant de nos<br />

méthodes de gouvernement.<br />

Un certain nombre de congrégations sont rattachées aux<br />

Chadelyas par des attaches plus ou moins secrètes. Une d'entre<br />

elles mérite quelques mots : les « Assaouas », organisation ma<br />

rocaine aux étranges pratiques qui cachent une exaltation et<br />

un mysticisme aigus. Les pratiques sont à base de sobriété.<br />

d'abstinence, de mortifications physiques. Dans le Sud; ils rece<br />

vraient des offrandesrdes « Ouled Zekri » (Tribu des Zibans).<br />

Ordre de Tidjanya : Son fondateur est originaire du Djebel<br />

Amour (région de Laghouat), la maison mère est à Aïn-Mahdi.<br />

L'activité de l'ordre est devenue exclusivement saharienne.<br />

Depuis leur refus d'une aide à Abdel-Kader, les Tidjani ont<br />

toujours respecté une neutralité absolue (ex. en 1844, prise<br />

de Biskra). Aujourd'hui, il existe deux branches des Tidjanyas,<br />

celle d'Ain Mahdi et celle de Temacine.<br />

Les Rahmanyas : Ils forment un ordre d'origine kabyle qui<br />

s'est divisé en un certain nombre de branches rivales ; l'une<br />

d'entre elles a été fondée par un originaire d'-El-Bordj (Ziban)<br />

qui émigra à Nefta lors de la prise de Biskra et après avoir<br />

désigné cinq<br />

Moqqadems :<br />

Si Ali ben Amor (fondateur de la Zaouia de Tolga).<br />

Cheikh El Moktar ben Khelife des Ouled Djellal.<br />

Si Embareck Ben Kouider.<br />

Si Saddock ben Hadj (fondateur, de la Zaouia de Sidi<br />

Masmondi, Sud de l'Aurès).<br />

Sidi Abd El Hadfi de Khanga Sidi Nadji.<br />

Les Snoussya : Le fondateur de cet ordre est algérien, né aux<br />

environs de Mostaganem en 1836. Sa doctrine puritaine impose<br />

le retour au Coran, aux rites orthodoxes, reconnaît la nécessité<br />

de l'imanat ; sa discipline est rigoureuse. Ses membres affec<br />

tent de se tenir rigoureusement en,dehors de toute action politi<br />

iue mais leur influence est dangereuse, car ils visent la fédé-<br />

ation de tous les ordres religieux orthodoxes, exclusifs de toute


— — 16<br />

autorité séculière. Le chef-lieu de l'ordre est à<br />

politaine).<br />

Djaraboub (Tn-<br />

LES CONFRERIES-' — Ce sont des associations non ortho<br />

doxes, dont le caractère religieux est souvent contesté par les<br />

musulmans eux-mêmes. Elles se présentent sous la forme de-<br />

corporations ambulantes (Musiciens, acrobates, danseurs) qui<br />

vivent d'aumônes. On remarque parmi ces confréries celles des:<br />

— Amar<br />

— Bou-Alya<br />

— Mekhalya<br />

Bou Sema (musiciens) ,<br />

à Biskra.<br />

qui auraient eu une troupe<br />

(jongleurs et danseurs) n'ont que de rarjn<br />

adeptes.<br />

: qui seraient d'origine marocaine (Sous) .<br />

forment une sorte de société de francs archers. C'est lors de<br />

lutte des Marocains contre les Portugais que cette confré<br />

a vu le jour. Les membres se livrent à des exercices de tir<br />

d'escrime, généralement le vendredi après la prière du Doh<br />

Confrérie des Hamdaoua. —<br />

Cette<br />

confrérie présente un<br />

intérêt particulier en ce sens que son activité s'exerce sous une<br />

forme originale, une partie importante de ses adeptes se re<br />

crute, en effet, dans l'Armée.<br />

La Zaouia des Hamdaoua se trouve à Zohra (Sud de Tlem-<br />

cen). Dérivant de la doctrine générale des Quadria, les prati<br />

ques religieuses des JHamadaoua ont pour but de chasster le?<br />

esprits par l'extase en observant les règles préconisées pa<br />

les pures doctrines soufistes. Les affiliés parviennent à cette<br />

extase par des chants et des danses agrémentées de coups sur<br />

la poitrine et la tête; l'initié reçoit un certificat délivré par le<br />

Cheikh.<br />

Les lieux de réunions sont variables : épicerie, marabout,<br />

café maure, plein air, etcC,<br />

si elles peuvent avoir pour but la<br />

recherche de l'extase en commun, elles consistent souvent en<br />

séances de prestidigitation qui permettent au Cheikh d'af<br />

firmer son autorité sur ses auditeurs.<br />

S'il y a des adeptes civils, le nombre des adeptes militaires<br />

est par ailleurs considérable.<br />

Les conditions du recrutement sont simples puisque, seule,<br />

la qualité de bon musulman est exigée de même évidemment<br />

qu'une obéissance passive.<br />

Il y a quelques années, le mouvement Hamdaoua avait pris<br />

une extension considérable, de nombreuses Unités avaient leur<br />

clan Hamdaoua. L'organisation réalisée peut se comparer à<br />

celle conçue par les communiste», : même hiérarchie,1<br />

même<br />

obéissance, même autorité incontestée du moqqadem choisi,<br />

quel que soit son grade, même recherche permanente du ren<br />

seignement.<br />

LES FAUX CHERIFS. —<br />

Ne<br />

qu'à l'époque des troubles.<br />

se sont rencontrés dans le passé<br />

Lieutenant-Colonel CANDAU.<br />


.!<br />

«-V-<br />

***

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