La Folie - MML Savin

Pouce ! 91
De grosses larmes, de vraies larmes, roulaient sur les joues
d’enfant. Grand Jacques désemparé essuie les larmes, appuie ses lèvres
sur les lèvres, au cou, aux seins, plus bas, aux hanches, au ventre, caresse
de ses cheveux l’entre-deux des seins, redresse son Ilsou, qui cherche
dans les yeux le secret des yeux, ne sait que faire, que dire, car les larmes
coulent toujours, lui presque aux larmes à cause du secret des larmes.
- Faut pas pleurer, Ilsette ou bien je pleure, et j’aurai l’air
de quoi si je pleure ? Tu ne voudrais plus de Jacques, s’il pleurait.
Bouche à bouche, le regard bleu dans le vert, elle regarde Jacques
et souries : « je ne pleure plus » dit-elle. Et elle pleure. Une buée de larmes
aux yeux de Jacques, une larme ! Elle boit cette larme ; elle dit :
- Tu m’aimes donc encore ?
Jacques de tout son poids sur elle :
- Idiote ! Parmi toutes les filles j’ai choisi, j’ai cru choisir.
Je ne voulais pas d’une fille comme les autres, une de ces filles qui pleurent.
Elle pleure aussi. Elle est idiote. Il faut croire qu’elles le sont toutes.
Tant pis ! J’aurai mon idiote à moi, mon Ilsou à moi.
- Tu m’as choisie ?
Elle se redressa d’elle-même. Elle ne pleurait plus. Elle ne souriait
pas.
- Alors, si tu m’as choisie, tu as dit Pouce.
- J’ai dit.
- Tu as dit que tu m’aimerais toujours ?
- J’ai dit Pouce.
- Qui dit Pouce accepte. Tu me dois un gage, celui que je
demande. Ne triche pas.
- Pourquoi tricherais-je ? Quel est ce gage ?
- Donne-moi ...
Elle hésitait. Il n’y avait plus une larme dans les yeux verts.
- Donne-moi ton poignet ... Il donna
- Pas le droit ! Le gauche, Jacques ! Le poignet du coeur ...
Si les filles sont idiotes, les garçons sont bêtes ... À quoi songent-ils ?
Très forts, très intelligents, mais bêtes : ils ne songent jamais qu’ils ont un
coeur. Le gauche !..
Il tendit le poignet gauche,
- Jacques, tu es distrait. C’est un jeu, et ce n’est pas un jeu.
Tu me tends le poignet du coeur, comme si c’était la moutarde ou le sel.
Sois à ce que tu fais.
- Je tends ...Je sais que je tends... Si seulement je savais
pourquoi ... Et le gage ?