25.06.2013 Views

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

90<br />

<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

- Prisonnier ! Pouce ! Dis Pouce, Jacques, ou je garde tes<br />

pieds pour moi ! Et je mangerai tes chevilles. Je te garderai tout. Je te<br />

mangerai tout.<br />

Et elle écrasait ses lèvres humides. Jacques ne se pressait point. Prisonnier<br />

? S’il le voulait bien.<br />

- Si je dis Pouce, cela m’engage à quoi ?<br />

<strong>La</strong> petite Ève releva son front. Elle ne riait plus. Le menton naïf<br />

tremblait un peu ; le front sérieux, qui l’était toujours, large et découvert,<br />

comme tiré en arrière par la masse des cheveux blonds. D’un mouvement<br />

vif, elle les jeta en arrière, offrant une gorge à ravir, mignonne, des seins<br />

à peine, haut placés, la place d’une tête entre les seins. C’était une Ève<br />

presque encore fillette, des oreilles d’enfant, un regard, un nez d’enfant ;<br />

de bonnes joues, comme à quatorze ans, fraîches et roses à désespérer les<br />

roses. Rien de régulier, ni les lèvres, qui étaient charnues et friandes, ni le<br />

nez qui n’était qu’un bout de nez un peu épaté au bout, ni les sourcils,<br />

l’un plus haut que l’autre ; le front solide, les tempes fortes, tout le bas du<br />

visage dans l’indécision de l’enfance ; la même franchise partout, celle<br />

des yeux verts, d’un vert de feuille nouvelle.<br />

- Tu ne veux pas dire Pouce ?<br />

Alors le prisonnier, d’un geste aisé, sans dire, souleva l’Ève de ses<br />

deux bras et, le temps de ne rien dire, tendre plus que grondeur, posa délicatement<br />

la chevelure blonde sur l’oreiller, Ève dans la chevelure, un<br />

drap, une couverture, et borda le tout, comme on borde les enfants. « Cela<br />

vous apprendra, Mam’selle. Qu’est-ce qu’il aurait dit, Herr Doctor, Professor,<br />

votre paternel, s’il vous avait vue à ma verrière dans une tenue<br />

aussi peu protocolaire ?»<br />

Puis il s’assit au bord du lit, prit le front sérieux entre ses mains ; à<br />

légers baisers, baisa le front, les joues, le nez, le menton, jouant à ne pas<br />

baiser les lèvres. « Pour vous punir, je vous confisque votre nez. Vous<br />

n’en aviez pas beaucoup. Vous n’en aurez plus du tout.» Et lui pinça le<br />

nez à deux doigts, comme on fait aux petits enfants, retirant vite et présentant<br />

le pouce entre l’index et le majeur.<br />

- Pouce ! cria-t-elle. C’est comme si tu disais Pouce !<br />

- Eh bien ! Si j’avais dit Pouce ? Mais je n’ai pas dit ...<br />

- Oh ! Que tu dises ou que tu ne dises pas ...<br />

Soudain grave, le sérieux du front sur tout le visage, elle baissa les<br />

paupières, un instant. Quand elle rouvrit les yeux, cette buée aux yeux, à<br />

n’en pas douter, était une buée de larmes.<br />

- Ilsou ! Ilsou ! Qu’est-ce qu’il y a ? Je dis Pouce ! Tu entends<br />

... J’ai dit Pouce.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!