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La Folie - MML Savin

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Voué au bleu 87<br />

du phare éclairaient assez, quand l’observateur n’aurait pas eu le génie de<br />

la <strong>La</strong>ngouste. Jacques ne regardait que la robe de soie, pardessus les<br />

branchages, et l’auréole plus que la soie. Et l’auréole (Eh bien, ça !), plus<br />

exactement les yeux entre les cils, avaient du regard pour la verrière, le<br />

veston, les écossaises, sinon pour le bleu de la salopette.<br />

<strong>La</strong> <strong>La</strong>ngouste se mit la main sur la bouche et se dit en confidence :<br />

« Le voilà tout perclus et engourdi, comme mon homme quand il a ses<br />

rhumatismes. C’est-i qu’il en tiendrait, parole de moi ! Et elle, qui fait la<br />

Madone à sa fenêtre, les yeux au ciel ! C’est peut-être qu’elle est amoureuse<br />

des hirondelles, comme M’sieur Jacques est amoureux des platanes...»<br />

S-E-N-0, elle s’octroyait la joie de voir et de savoir. « Ils ne bougeront<br />

plus ...Ah ! jeunesse ! J’ai connu ça, quand j’ai rencontré mon premier<br />

homme. » Elle aussi, volontiers, elle n’aurait plus bougé, à se souvenir,<br />

à sourire, à protéger, car elle ne blâmait pas les amours.<br />

Tout à coup, elle se déficela les bras, sortit sa tête de ses épaules,<br />

ébranla ses masses, agita les bras, hurla : « M’sieur Jacques ! Vos salopettes<br />

!» Elle n’aimait pas le mot, qu’elle jugeait indigne d’une<br />

concierge. Le mot réveilla Jacques qui disparut, qui reparut, et lança dans<br />

la cour un paquet bleu.<br />

En face, à <strong>La</strong> <strong>Folie</strong>, la fenêtre s’était refermée comme d’elle-même,<br />

sans aucun bruit. Il n’y avait personne derrière la fenêtre. <strong>La</strong> Madone,<br />

fenêtre fermée n’avait pas hésité entre ce tiroir-ci et les autres devant le<br />

petit secrétaire aux Sphinges, où la veille elle avait rangé lettres et carnets,<br />

tout ce qui n’attendait qu’un secrétaire. Du tiroir, ce papier, qui était<br />

un portrait. Signé J.L. Liliane avait remarqué la discrétion des initiales.<br />

Un autre aurait profité du papier pour écrire le nom et l’adresse. Même<br />

une pensionnaire de L’Espérance s’entend d’instinct à ces choses-là.<br />

C’était Jean ou Julien ou Jacques ou ... c’eût été Liliane aussi bien. Ce<br />

rêvant, Liliane s’était reproché son enfantillage, mais, un instant plus<br />

tard, elle avait regretté la discrétion des initiales. Le dessin aux doigts : «<br />

Je suis bien punie, se disait-elle, de toujours me monter la tête. Je rêve<br />

des romans en rêve ; d’autres en voyage. Il est vrai que ce Jacques en<br />

vis-à-vis, comme nous étions en voyage, on n’imaginerait pas mieux dans<br />

un roman ... Il ne lui laissa que ses initiales et se perdit dans la foule. Le<br />

lendemain, c’était lui, comme par hasard ... Quelle ineptie ! Peut-on rien<br />

inventer de plus plat ?»<br />

Elle considéra le dessin qui était aussi discret que la signature. Lignes<br />

légères, traits décidés, sans rien d’appuyé ni de vulgaire. « C’est là<br />

le pire ! Cela dessine agréablement, cela voyage en première ; on peut se

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