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La Folie - MML Savin

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Voué au bleu 85<br />

redressa, toute d’orgueil et de soie blanche. « Si j’avais un poignard, je<br />

n’aurais pas besoin de leçons pour m’en servir.» Et puis, revenant à plus<br />

de raison : « Je suis folle ! Me ferait-on confiance ? Ai-je reçu des ordres<br />

? Le Colonel-Vidame m’a bel et bien tenue à l’écart de ...» Elle ne savait<br />

comment dire. Même, à plus de raison, elle s’avouait qu’elle était tout à<br />

fait folle. Quel brouillamini de tout, de Monseigneur, de l’ogive, du gisant<br />

de pierre, de couloirs et d’escaliers, et cette porte qui s’ouvrait et se<br />

refermait, qui n’était peut-être qu’une portière de compartiment !<br />

Elle bondit a la muraille, ne vit rien qu’une muraille, sous une toile<br />

d’autrefois, il est vrai, bergers et bergères, mais nul pli sur la toile, nulle<br />

trace de fatigue, comme on n’aurait manqué de voir. Elle caressa le visage<br />

de la Sphinge, au secrétaire. <strong>La</strong> Sphinge sourit du même sourire,<br />

mais rien ne s’ouvrit. « J’aurai rêvé ! Sotte je suis. Si le Colonel portait<br />

monocle, aurait-il conté sans monocle l’histoire de la Chine et de Neptune<br />

? L’occa-sion était trop belle !» Elle aurait pu ajouter que la réception<br />

d’un prélat à la cochère du 13, même au plus simple, n’aurait pas été<br />

si simple. <strong>La</strong>ngouste, qui avait un regard à son carreau, aurait surgi, en<br />

camisole et bigoudis !<br />

« C’était bien la peine de mépriser les petits romans, qu’on nous<br />

permettait de lire, à L’Espérance ! Souterrains et cachots, complots, fadaises<br />

! Mes compagnes pleuraient. Moi, je riais. Un vrai complot, c’est<br />

autre chose. Je ne dis pas que Monseigneur ni mon grand-père soient indignes<br />

de ces grands projets. Mais les trois képis ? Seulement trois, et qui<br />

ne paraissent pas d’un si haut grade ! Un complot, ce sont des Maréchaux,<br />

des Amiraux, des Diplomates, des Vicomtesses !» À imaginer les<br />

plumes et les chamarrés, Liliane se mit à sauter d’un fauteuil à l’autre. «<br />

Mortifie-toi, Liliane. Tu as de l’auréole dans le caractère » comme disait<br />

la Mère. Elle mordit ses lèvres minces, pour se mordre et pour se juger. «<br />

Vous êtes au 9 rue du Château Mademoiselle, à l’arrière de l’arrière<br />

d’une cour qui n’a rien d’aristocratique, où du linge sèche aux fenêtres,<br />

naïvement. Où sécherait le linge ?»<br />

Toute droite, elle regardait la cour, les brassières, les camisoles,<br />

tout le séchez-moi-ça des ménages qui frissonnait d’or et de soleil. Ceux<br />

de la race éternelle des pauvres !<br />

Presque au ciel, au Quatrième, un veston de serge qui n’est pas de<br />

pauvre (qui voyagerait aussi bien en première), les bras ballants, les bras<br />

volant à l’espagnolette du Quatrième. Ici, Quatrième, ce n’est pas un<br />

étage à lingerie de ménage. Une verrière rit à vitres ouvertes. Robe blanche<br />

a vu le veston. Il y a tant et tant de vestons de par le monde, droits ou<br />

croisés ! Cela ne fait pas un semblant de raison pour croire ... Les chaus-

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