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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

toussait de temps en temps. Les trois képis regardaient le Colonel, ne regardaient<br />

que lui. <strong>La</strong> même obéissance des trois, le même oubli de soi. Le<br />

Colonel, illuminé, sans attendre davantage que le Roi revienne, n’était<br />

plus, ne pouvait plus être le Lieutenant-Colonel Saurin, du cadre territorial,<br />

mais Léonidas-Achille, Vidame de Pontaincourt, ce nom de Saurin<br />

pour mémoire, qu’ils avaient pris d’un hameau près de Carrouges quand<br />

le Vidame grand-père du grand-père se battait pour son Roi contre les<br />

bandits de la République. Il n’avait pas besoin d’un képi pour accomplir<br />

sa physionomie guerrière, ni d’un nombre déterminé de galons d’argent<br />

ou d’or, pour commander de par le Roi. Il était Mars au service du Roi,<br />

comme l’amiral, arrière grand-oncle ou cousin, était Neptune. Léonidas-<br />

Achille était loyauté, fidélité, ténacité, jusqu’à l’absurde, s’il le fallait ;<br />

mais de par le Roi ou pour le Roi, rien n’est absurde. Liliane, l’oeil à son<br />

trou (elle enrageait de ne pas entendre), éblouie de son grand-père, rien<br />

qu’à le voir, pâmait de gloire à en crier, même sans comprendre aussi<br />

bien que les képis qui n’approuvaient pas sans comprendre.<br />

On n’avait pu lui cacher le Pontaincourt ni le Vidame, à<br />

1’Espérance, où cela flattait, et même on laissait apparaître que cela flattait.<br />

Vidame ou chevalier, cela peut être plus que Comte, mais il faut<br />

connaître sa France, car tout dépend de la durée et de l’origine. Or il y<br />

avait un Pontaincourt à la première Croisade, et de ce Pontaincourt à tous<br />

les autres, les noms et les dates ...<br />

À l’un des pique-nique, comme on les fait au mois de Juin, un peu<br />

avant la visite de Monseigneur, les Soeurs avaient eu l’idée de mener<br />

leurs demoiselles aux ruines d’une abbaye fort ancienne, à trois ou quatre<br />

lieues de Carrouges. De l’abbaye, il ne restait qu’une nef où chantait le<br />

vent. Même, la nef chantait toujours quand il n’y avait pas de vent autour.<br />

Des piliers et des arcs qui montaient, à s’en renverser le nez. <strong>La</strong> chapelle<br />

de 1’Espérance qui était plus vaste qu’une église, n’était qu’une chapelle<br />

auprès de l’abbaye du vent. On pique-niqua, on visita. C’était mêler des<br />

joies innocentes à d’autres, qui étaient plus sérieuses et profitables au salut<br />

de l’âme. On déjeuna dans une prairie, à côté des ruines. <strong>La</strong> Supérieure<br />

attendit les noisettes du dessert pour dire que cette prairie était jadis<br />

un cimetière. Au dessert, cela n’assombrit que les grandes.<br />

Liliane, qui devait aller sur ses dix ans, cueillait des ombelles dans<br />

la prairie. Aux explications de la Supérieure, elle se dit à soi, comme on<br />

se dit vers dix ans, que ces morts avaient de la chance d’être fleuris de si<br />

belles fleurs, surtout s’ils n’avaient pas de visiteurs. Elle avait un peu de

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