La Folie - MML Savin

Un Jacobin 75
l’avaient surnommé Double France, un portrait dans un surnom. Aurais-je
appris tout cela à L’Espérance ? Que sais-je des jeunes hommes ?
Je ne suis qu’une pensionnaire. Qu’il avait de force ! Que ce dessin qu’il
a donné a de douceur !»
Elle allongeait les jambes dans le reste du clair de lune. Il lui venait
des idées de fumer des cigarettes anglaises, en regardant le paysage. Mais
il n’y avait point de ces campagnes et de ces églises comme elles sont
dans le cadre de 1a fenêtre, pas même un talus. Un train qui passait ne fit
qu’un semblant de vacarme. La chambre des Amours aux dés n’était pas
un compartiment.
Hélas ! Le vrai devient un rêve s’il échappe comme font les rêves.
Mais non : il échappe ; il ne fut pas un rêve le dessin, qui est dans la valise,
n’est pas un rêve un dessin de tant de force et de douceur ; le papier
qui a sa marque en filigrane, son grain, qui témoigne pour le garçon, qui
doit avoir son bleu de brume toujours, et Double-France au filigrane. Il y
aurait moins de mélancolie au rêve. On se consolerait ; ce ne serait qu’un
rêve de veston croisé et de cigarettes.
Il avait dit : « La chance est contre moi.» Et quel air de mélancolie
entre deux rires! C’était avant l’orage, avant la nuit. Dans les romans, par
la complaisance de l’auteur, voici tout justement qu’elle et lui se retrouvent,
lui et elle. Ce ne sont que des romans. La vie n’est pas un roman,
quand on est la petite-fille d’un Colonel, quand on a pour mère de la
plume et de la soie sur un oiseau de cinéma, quand, toute droite à la balustrade,
on regarde la vie, qui n’est que deux platanes, un parterre de lys,
de la vapeur de lys et de nuit. Au moment de la nuit où la nuit frémit
comme une aile, Liliane avait la chance contre elle.
*