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La Folie - MML Savin

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Un Jacobin 71<br />

Était-ce un rêve ou le vrai du rêve ? Il avait dit, manière de dire, en<br />

son coin de compartiment, le journal déplié replié :<br />

- Bientôt, nous aurons la guerre.<br />

Elle, à son autre coin :<br />

- <strong>La</strong> guerre ?<br />

- Si nous l’avons, nous la ferons. reprit le veston croisé. Ils<br />

ont du métier, c’est leur métier : ils s’arrangeront pour la faire et nous la<br />

ferons.<br />

Depuis Le Mans, à la traction électrique, c’était un vacarme tel que<br />

les mots se perdaient dans le vacarme, un sur deux.<br />

- Auriez-vous peur de la guerre ? dit-elle.<br />

Elle se souvenait des paroles de Monseigneur, à sa visite la plus<br />

récente : « Eh quoi ? s’écriait Monseigneur, s’il s’agissait du salut de la<br />

France, âmes candides et pacifiques, auriez-vous peur ? Non ! Non !<br />

Comme dit Chrysostome, Dieu seul a le droit d’inspirer la peur, car il est<br />

Dieu. Si Dieu ordonne, ou si la France ordonne, ayez peur de désobéir.<br />

Cette peur est un devoir. Elle est magnifique et sacrée, comme le devoir,<br />

qui n’est que l’ordre de notre Dieu. Mais je vous ordonne, mes chères<br />

filles, au nom de Dieu, c’est-à-dire au nom de la France, de sécher vos<br />

larmes, de marcher sans peur, de pousser sans peur, semblables à ces<br />

femmes romaines, mères, soeurs, épouses, qui n’avaient plus de larmes,<br />

qui ne toléraient plus les larmes, au premier appel du clairon, au premier<br />

danger de la patrie! » Même la Soeur du parloir, qui ne comprenait pas<br />

tout, avait été soulevée d’enthousiasme par ces paroles. Jamais le verbe<br />

de Monseigneur n’avait sonné si haut, si clair. Ce n’était plus de<br />

l’éloquence. C’était le clairon, la fanfare de la patrie.<br />

- Je n’ai pas peur, dit le veston croisé. Ce n’est pas tout à<br />

fait cela. Je ne jure pas de ne jamais avoir peur. Il m’est arrivé d’avoir<br />

bien peur. À mon dernier accident de moto, tenez. Pas au moment de<br />

l’accident. On essaye d’éviter l’accident avant l’accident, et pendant ce<br />

n’est qu’un instant Ni tout de suite après. Aussitôt j’ai pensé à ma moto.<br />

Elle n’avait rien. C’était l’essentiel. Une moto pareille ! Non .. Un peu<br />

plus tard, chez le pharmacien qui me lavait mes écorchures et qui me faisait<br />

des discours. J’avais froid ; je tremblais ; il a fallu que je me tienne à<br />

la table. À cause des discours, peut-être, de l’odeur d’éther ; on se croirait<br />

à l’hôpital.<br />

Il riait en allongeant les jambes.<br />

- <strong>La</strong> nuit où je me suis écrasé contre un camion. Je me suis<br />

ouvert une cuisse, cassé un bras. Je n’ai pas eu peur. En arrivant contre,<br />

je me suis dit : si c’est un camion, je me tue. Contre, j’ai encore eu le

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