La Folie - MML Savin

L’Armée d’Afrique 7
- Chut ! On en verra de belles ! La guitare... c’est l’armée
d’Afrique Ils trouveront l’armée d’Afrique devant eux, s’ils y viennent.
Gonflée, tuméfiée, elle reconduisait jusqu’aux deux colonnes.
- Elles ne craignent rien, mes colonnes ... Vous pensez !
Une guitare, l’armée d’Afrique, un Colonel en tête. Et quel Colonel !
Ce que la Langouste ne disait pas : elle avait reçu la visite du
Commissaire, celui du boulevard Garibaldi, un petit homme tout brun, à
peu près Corse, qui se grattait un nez poilu tout en parlant. D’une voix
douce, mais corse, il avait parlé de dates-limites, il avait fait retirer les
écriteaux : À louer.
- Il n’y a rien de vacant, Madame. Ce qui est vide est vide.
Vous partirez tous. Je suis venu en personne, et je suis Commissaire.
Vous m’entendez ?
Langouste avait entendu mais n’avait pas encore compris. Il est vrai
que le Commissaire avait entendu la guitare de l’armée d’Afrique et il
n’avait pas compris.
Pour tous les autres, du 13 ou du 11, si la guitare était d’Afrique, ce
n’était que pour évoquer le soleil, le parfum des nuits, les amours faciles.
L’amour chantait sur la guitare. C’était l’évidence même ! Il suffisait
d’avoir un visage de fille, d’ouvrir et de tendre les lèvres au bonheur, ou
de fermer les yeux et les lèvres ; on savait tout. Que l’été serait le plus bel
été, puisqu’on avait risqué la guerre à l’automne. Que le guitariste caché
ne célébrait que l’amour non pas le sien. Ainsi, le plus bel été, lorsqu’il
en est aux lys et aux glaïeuls, voit déjà se faner les roses... Il fallait être
Madame Langouste pour s’exalter militairement à la guitare !
*