La Folie - MML Savin

Chapitre X
Un Jacobin
Elle s’était endormie au parfum des lys, sans avoir eu le courage de
se déshabiller. On était si bien dans ce petit fauteuil d’autrefois, qui était
le plus proche des fenêtres, qui n’attendait qu’une rêveuse, semblait-il,
pour lui soutenir et lui protéger son rêve. Elle avait dégrafé le haut de son
costume épais de pensionnaire. Qu’elle était mince et fine, par-dessous,
exacte de proportions ; comme tout dans la chambre autour, qui était sa
chambre depuis quatre ans ; exact le fauteuil à rêver, exacts les deux autres
qui bavardaient, le secrétaire haut perché, le lit sans baldaquin, qui
avouait qu’il était un lit, non de parade, mais un lit. Assez bas, car il faut
que la dormeuse presque endormie, amoureuse ou rêveuse, puisse tomber
sur son lit, pour l’amour ou pour le rêve. Large au plus large ; si l’on
tombe, il faut qu’il soit aussi large que long. Il était. Il disait qu’on pouvait
tout lui dire, mais il n’avait pas de mémoire ; qu’il serait aveugle ;
qu’il serait sourd ; qu’il écouterait ; qu’il saurait ne pas entendre ; qu’il
était un lieu discret plus que sacré. Pourquoi sacré ? Il n’était pas le lit
des épousailles ; celui des amours seulement, où chacun, habile, moins
habile, fait comme il veut ou comme il sait l’amour et le destin. On devinait,
rien qu’à le voir, qu’il ignorait le poids d’un mort. Un mort qui fait
semblant de dormir, quel mensonge ! Ce n’était que le lit des mensonges
d’amour, qui sont d’une espèce à part, qui sont cruels à celui qui ment,
car il sait qu’il ment.