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La Folie - MML Savin

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Corpus domini nostri 65<br />

pline de la maison ; et la Supérieure n’accordait pas de dispenses, même<br />

aux plus jeunes.<br />

Cela se levait à cinq heures, l’hiver ou l’été ; cela dormait dans des<br />

dortoirs sans chauffage, où l’on ne refaisait les lits que le soir, avant la<br />

prière, fenêtres ouvertes tout le jour, lits ouverts, et quel ordre, quelle<br />

promptitude dans l’ordre ! Dans la science du pliage et du paquetage, les<br />

fillettes n’avaient rien à apprendre d’un adjudant de zouaves ou de chasseurs.<br />

<strong>La</strong> brume de la campagne pénétrait d’une eau invisible les couvertures,<br />

les habits, les draps. Les serviettes de toilette ne séchaient jamais. Il<br />

est vrai que la toilette était une opération conventionnelle, à qui se débarbouillerait<br />

le plus vite. Il y a du démon dans la toilette, même la plus nécessaire.<br />

<strong>La</strong> peur du démon et le froid de l’eau froide accéléraient les fillettes,<br />

qui ne se contrôlaient les unes les autres que les oreilles et le tour<br />

d’oreilles, car la Supérieure était irréductible là-dessus, quand on la croisait<br />

dans les couloirs. Un jour de félicitations trimestrielles, elle fit approcher<br />

la meilleure élève, après l’avoir félicitée lui inspecta les oreilles<br />

et lui dit : « Je ne félicite pas les oreilles.» Elle avait de ces mots qui vous<br />

broyaient l’âme.<br />

<strong>La</strong> seule joie de la toilette était de se brosser les dents avec fureur.<br />

Elles se brossaient les cheveux et se les chignonnaient à la hâte, se les<br />

tirant au-dessus des tempes à les arracher. Liliane avait beau tirer, natter,<br />

rouler, tasser, il lui restait toujours de l’auréole blonde. <strong>La</strong> Supérieure : «<br />

Il y a de la révolte dans vos cheveux, Mademoiselle.» Et comme Liliane<br />

protestait qu’elle avait tiré et noué le plus fort possible : « Alors, c’est<br />

encore plus grave. Il y a quelque chose de rebelle dans votre nature. Méfiez-vous<br />

de votre nature, Mademoiselle.» À l’époque où la Supérieure<br />

prononçait ainsi, souverainement, Liliane ne devait pas avoir plus d’âge<br />

que l’autre petite demoiselle que son grand-père l’Amiral emmenait dîner<br />

à la Chine.<br />

<strong>La</strong> Supérieure avait noté sans doute la rébellion des cheveux,<br />

comme elle notait tout. Quand ce fut le jour de la visite de Monseigneur,<br />

une Soeur tout exprès vint coiffer Liliane. <strong>La</strong> Soeur tira, lissa, tira, à faire<br />

un peu crier. « Ma Soeur ! Vous me faites mal ..» <strong>La</strong> Soeur eut pitié de la<br />

petite, mais il restait encore de l’auréole.<br />

Huit jours à l’avance, il fallait que tout soit aussi propre, aussi luisant<br />

que les dents et les oreilles. On suspendait le cours des classes ordinaires<br />

Ce n’était plus que des leçons à réciter à Monseigneur ... ou des<br />

copies à présenter si .. une pause à l’arithmétique ; un effort à la poésie,<br />

la dramatique et la lyrique ; l’éloquence sacrée d’abord, cela s’imposait.<br />

À la visite la plus récente, celle des derniers lys, les frères de ces<br />

mêmes lys sous la fenêtre de Liliane, une grande avait déclamé toute une

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