La Folie - MML Savin

Chapitre IX
Corpus Domini Nostri
Chaque année cette même odeur sacramentelle, à la mi-juin, quand
Monseigneur l’archevêque-évêque, qui avait promis de venir, s’en venait,
vers le nid, comme il disait, de ses pensionnaires les mieux instruites.
Étaitce le parfum de Monseigneur, ce parfum ou la puissante odeur de la
saison ? « Ce n’est que le parfum des lys » aurait murmuré Monseigneur.
Monseigneur, qui avait été le prélat le plus jeune, le plus près rasé
de la Chrétienté, ne songeait qu’aux desseins de Dieu. Il était l’un des
premiers, parmi les pontifes, à s’être souvenu, par doctrine, de l’utilité de
la pompe et de la gloire. Les évêques prédécesseurs, qui avaient leurs
tombeaux au déambulatoire de la cathédrale, avaient cru bon de restreindre
la pompe et la traîne. Ils avaient leur crosse et leur mitre de campagne.
Autant dire Monsieur le Curé de la paroisse quand ils s’en venaient,
dans le presque noir de leur soutane. De peu d’effet ! Quand on est le
successeur directement des Apôtres, il ne faut être si ladre sur la traîne et
sur le camail. Le jeune Monseigneur des haras ne fut point ladre. Il avait
trop d’entente et de combinaison.
On disait même, ce qui n’était pas indigne de Saint Eloi, qu’il avait
béni les pouliches entre le pâté de volaille et le salmis d’agneau potagère,
un jour qu’il déjeunait à Carrouges, les pouliches poulichant, à deux pas,
dans la cour d’auberge. « Je ne suis là que pour consacrer », aurait dit
l’évêque consacrant, que ce soit pouliches ou Pensionnaires de
L’Espérance. C’était beaucoup d’honneur pour les Demoiselles. Toutes
ces jeunes pensionnaires, les plus jeunes surtout, touchaient beaucoup
Monseigneur. C’est que Monseigneur n’ignorait rien de l’antique disci-