25.06.2013 Views

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

60<br />

<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

Ce fut au moment du rêve où les jambes si haut, si follement dansèrent,<br />

qu’elles démontrèrent, parmi la danse, l’imperturbable d’un nombril.<br />

Le nombril avait du rapport au couvent, par la fille. Une voix de quatorze<br />

ans s’écria : « C’est le nombril de ma mère ! ce nombril qui danse...» Une<br />

voix qui avait bien plus de quatorze, par l’orgueil et la résistance. « Liliane<br />

Saurin de Pontaincourt.» Ce ne fut qu’un réflexe administratif, Mme<br />

la Supérieure directrice ayant un nom à chaque voix ; mais elle suspendit<br />

ou n’eut le temps de dire, toutes les autres, de quatorze ou quinze, quel<br />

scandale ! reprenant en choeur : « Qu’il est beau !» Et presque aussitôt : «<br />

Le nôtre est encore plus beau !» <strong>La</strong> Supérieure vit un Jésus, le bras levé,<br />

comme au Jugement : « Malheur à celle ou celui par qui le scandale arrive<br />

!» Liliane ni ses compagnes n’avaient senti le scandale. Elles chantaient,<br />

comme en extase, sur l’air du Tantum Ergo : « O Saint Ignace, O<br />

Jésus-Christ ! quoi de plus simple, quoi de plus beau que nos nombrils ? »<br />

Sur quoi, la Mère Supérieure se réveilla, transie, louant Dieu, le remerciant<br />

que ce ne fût qu’un rêve.<br />

Au courrier du matin, le lendemain, elle reçut un dossier confidentiel,<br />

qui ne confirmaient point les événements du rêve mais leur principe<br />

(Dieu soit loué !) <strong>La</strong> Veuve du Héros-Capitaine, qui s’était vendue au<br />

Diable, c’est-à-dire au cinéma, avait signé des engagements condamnables,<br />

et sans même changer de nom ! Partout, son nom, ses jambes, sur les<br />

journaux, sur les affiches. Des chroniqueurs stipendiés, des suppôts de<br />

Satan, osaient dire que rien n’avait plus d’esprit ni de talent que ces jambes<br />

!<br />

On pense bien ce que la Supérieure écrivit à Monseigneur, qui répondit<br />

: De grâce, que Dieu vous inspire ! Différons, je le veux, en ce qui<br />

concerne le cinéma. Mais souvenez-vous que la Providence a des voies<br />

plus obscures que les salles abominables où s’entassent les foules. Cette<br />

Mme S de P., dont je ne souhaite du tout admirer les jambes, et dont<br />

j’eusse spontanément rendu la fille au Colonel son grand-père, me fait<br />

tenir un chèque de trois millions (je dis : trois) pour la restauration de la<br />

cathédrale. Voici donc que le temple de Dieu plaide contre notre ressentiment.<br />

Au demeurant, ma chère soeur en Jésus-Christ, vous savez que je<br />

vous laisse libre de juger et d’agir, comme c’est la coutume en notre<br />

Église, car rien de plus libre au monde que le lien de notre communion,<br />

qui ne serait pas un lien s’il n’était pas libre.<br />

C’était la manière de ce pontife, qui avait du blason partout. Un<br />

post-scriptum conseillait d’abaisser l’orgueil, qui n’était que naturel chez<br />

une très jeune fille, et de tenir à l’écart, dans la solitude et l’obéissance.<br />

À la date du lendemain (Monseigneur avait dû relire sa lettre) :

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!