La Folie - MML Savin

Les nombrils 57
part que faisait la Supérieure, par toute une masse de replis d’étoffe et de
cornette.
- Prions, pria la Supérieure. Liliane, ma fille, prions.
- Je veux bien prier, je prie.
- Vous arrive-t-il de ne point vouloir ?
- Cela m’arrive.
- Âme impure et fermée ! Pitié pour elle, Vierge de L’Espérance
!..
Liliane prosternée, l’auréole des cheveux à la cire du parquet : « Je
ne suis pas impure. Mon âme n’est pas fermée. Bonne Vierge de
L’Espérance, je ne suis qu’un peu d’espérance. Toutefois, s’il faut me
repentir, dites-moi de quoi !» Elle répéta : « De quoi ? De quoi ? » non
plus agenouillée, mais vautrée. Et des sanglots à pleins sanglots, comme
si la Supérieure lui avait dit : «Votre mère est morte.» Un moment de ces
sanglots d’enfant, puis des gémissements, des plaintes, après la crise de
sanglots. Par l’intercession de la Vierge l’orgueil de Liliane était vaincu,
enfin vaincu !... Madame la Supérieure caressa les cheveux de la fillette.
Bénédiction plus que caresse.
- Ma chère fille Liliane, quelle que soit votre force d’âme,
tout l’honneur, toute la bravoure, qui vous peuvent venir de votre nom et
de votre famille, vous ne pourrez tenir contre Dieu, qui est votre Dieu !
Les héros sont grands, je l’avoue ; mais les saints, comme nous enseigne
l’Église, ont plus de grandeur que les héros. Le héros s’élève ; mais le
saint se ravale et s’humilie. La patrie, dont vous parlez (serait-elle notre
patrie bien-aimée, la France), est-ce qu’elle compte, est-ce qu’elle est si
peu que ce soit, auprès de Notre Saint Père le Pape, ou même de notre
Evêque-Archevêque, bientôt Cardinal, de qui nous viennent la parole et
la lumière ?
Liliane se redressa à demi. C’était le moment, elle le devinait, de la
sentence. La Supérieure impassible laissa retomber son chapelet et joignit
les mains.
- Je joins les mains, dit-elle, tant j’ai de compassion pour
les misères de la créature.
Cette confession avait trop de vague pour être autre chose qu’un
préambule. Liliane redressée était encore à genoux devant la statue de la
Vierge. La Supérieure ne pouvait voir le jeune visage, qui ne pleurait
plus.
- C’est bien, ma fille, dit-elle ; gardez cette attitude modeste
et pénitente. Regardez le sourire de la Vierge. Souriez, vous aussi,
et pleurez, tout en m’écoutant. Je dois vous parler. Je répugnais à le faire,