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La Folie - MML Savin

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Chapitre VIII<br />

Les nombrils<br />

C’était l’heure des lys. On peut croire jusqu’au crépuscule qu’ils<br />

n’ont que de l’orgueil dans l’âme, au qu’ils n’ont pas d’âme, qu’ils ne<br />

sont rien que des emblèmes, qu’ils ne vivent que par gloire, pour témoigner<br />

de la continuité et de la pureté de leur race. On les salue, on les<br />

contemple. Ils sont comme des rois en visite. L’idée ne viendrait pas de<br />

leur adresser la parole, de leur débiter des fadaises, comme on fait aux<br />

roses, ni de les cueillir (ô régicide !) comme on cueille la violette dès<br />

qu’on l’aperçoit. Si l’on cueillait un lys, ce serait un seul, pour le rapporter<br />

en grande pompe, lui chanter des hymnes, dans une sorte d’apothéose.<br />

Ou bien c’est au Dieu des dieux que l’on offre des lys, des brassées de<br />

lys, parce que les gloires de la terre ne sont que de l’herbe et de la terre à<br />

les comparer à la gloire de Dieu. Mais à l’heure du crépuscule, aux dernières<br />

nuits de juin, il semble que ce soit le lys qui appelle ; c’est une âme<br />

en peine qui déborde de confidences, qui succombe à son parfum trop<br />

lourd. Par chance, ceux de la petite plate-bande avaient été protégés de<br />

l’orage par les platanes mieux que les roses de l’autre façade par les tilleuls.<br />

Les orages ont de ces fantaisies inexplicables.<br />

Cet orage, qui suivait un temps de sécheresse, avait ruisselé en<br />

mille ruisseaux sur la terre sans la pénétrer. Les deux platanes qui se<br />

liaient l’un à l’autre par le haut des branches formaient comme une salle<br />

saturée de vapeurs où se mêlaient des senteurs d’écorce ou de feuillage à<br />

l’odeur noire de la terre. Le parfum des lys peu à peu dominait.<br />

Liliane, à l’une des fenêtres de gauche, respirait les lys, s’enivrait<br />

des lys. Le Colonel, faisant faire le tour du Colonel-propriétaire, avait dit

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