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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

Jumièges dans son cabinet travaille toujours. Comme il passerait<br />

toute une nuit sur un trottoir, par jalousie, à surveiller la lumière d’une<br />

fenêtre, Marka surveille.<br />

« Moi aussi je suis responsable. À force de compliquer le vrai par<br />

le vrai et par le moins vrai, si XXX ne me croît qu’à demi, c’est une faute<br />

qui est ma faute. Je voulais alerter les protecteurs, mais ce fut de façon si<br />

maladroite que j’ai dû les rassurer et les voilà trop rassurés. Merveilleux<br />

protecteurs ! Quand je monterais la garde toutes les nuits sous les fenêtres<br />

de Jumièges, je ne serais pas encore quitte. Je pourrais même avoir des<br />

remords. Mais un lion n’a pas de remords ! Quand je me suis glissé parmi<br />

les amis de la SPEH je n’avais pas le coeur très pur. Une espèce de pari<br />

que j’avais décidé de gagner. Si j’avais des remords, ils ne viendraient<br />

pas d’être entré, mais d’avoir cru, avant d’entrer, que des hommes comme<br />

Jumièges n’étaient pas possibles. Ils ne sont pas tous Jumièges. Ils ont des<br />

degrés, des ellipses, un plus ou moins de sommeil, mais ont tous, la même<br />

admiration pour Jumièges et le même souvenir du fondateur. Quand Lebuhotel<br />

m’a dit un jour, dans un nuage de pipe plus nuage que celui dont<br />

s’entourait Moïse, que Jumièges désirait me voir et que c’était de la part<br />

du pousse-wagon, j’avais donc gagné mon pari. Je me suis demandé s’il<br />

n’était pas plus loyal de disparaître. J’ai l’art de disparaître, et même disparaître<br />

sans inquiéter ! J’aurais pu dire : Être protecteur tu as trop envie...<br />

Il m’était arrivé d’avoir envie d’un Renoir, non pour avoir un Renoir,<br />

mais pour avoir celui-là, l’avoir près de moi, une toile comme un<br />

piquet, le nez au mur ; on ne la montre à personne ; ou bien on la montre<br />

à Blanchonval : Crétin de Blanchonval, tu n’y comprends rien ! C’était<br />

ainsi que j’avais envie. Je me croyais bien libre parce que je méprisais les<br />

titres. Eux, les protecteurs, faisaient mieux ; ils les ignoraient. Avoir, ne<br />

pas avoir, c’était tout un ! Quand Jumièges parle du Collège on pourrait<br />

croire qu’il est professeur de collège. Fournier, le plus écouté, le plus respecté,<br />

n’avait pas un titre. Le plus beau ; il n’était pas surpris d’être écouté,<br />

d’être conseil et d’être juge, parmi ceux qui en avaient de si nombreux<br />

et de si rares. Membre de la Société Protectrice de l’Espèce Humaine, la<br />

SPEH ! Quel titre quand on est un lion ! Un titre qui efface les titres, ou<br />

qui suppose qu’on les efface, car les titres ne protègent guère ni l’espèce,<br />

ni ceux qui les portent. »<br />

<strong>La</strong> lampe de travail brille toujours. <strong>La</strong> rue Perceval, ce couloir<br />

d’ombre, serait-elle depuis un moment un peu moins mal éclairée ? Non ;<br />

c’est l’aube d’avant l’aube. C’est déjà l’aube.<br />

« Dès que Jumièges apercevra l’aube, il prendra son sécateur et<br />

descendra cueillir des roses. Il ne faut pas qu’il m’aperçoive. Eh quoi ? Il<br />

m’aura donc été donné de veiller toute une nuit sur le travail du grand<br />

Jumièges ? Un pur bonheur d’amitié ! Un secret qui restera secret. L’ai-je

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