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La Folie - MML Savin

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488<br />

<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

réduire l’inévitable sottise, Marka avait une méthode, il couchait aussitôt,<br />

la possession étant moins sotte, jugeait-il, que le désir. Mais après vingtcinq<br />

ans d’usage, il reconnaissait que la méthode qui avait du bon, ne préservait<br />

pas du tout de la sottise ; car, du souvenir de la possession, renaît<br />

le désir, la sottise avec. Le plus prudent eut été de se vouer au libertinage,<br />

si Marka avait pu, mais il baillait d’ennui à la seule idée de coucheries<br />

sans amour et redoutait d’être encore plus sot par l’ennui que par l’amour.<br />

Il fallait donc supporter d’aimer et même d’aimer l’amour, du plaisir à le<br />

faire, du plaisir à le défaire.<br />

« Tout est double, concluait Marka. Il faut être deux et le plus fort,<br />

ou le moins sot, est celui des deux qui sait être deux même à deux. Sous<br />

ma peau de lion, fourreur et fourrure, je cache le lion que je suis, car je<br />

suis lion, ma peau ne trompe pas, mais je ne suis pas le lion que l’on<br />

croit. »<br />

Dans ce monologue ininterrompu de Marka à Marka, dès que Marka<br />

est seul comme on dit, Marka revient au principe et juge Marka<br />

d’après les principes. Au fumoir rouge et or, chez XXX, il lui arrive de<br />

parler à haute voix son monologue et ses principes. Chez Jumièges aussi,<br />

comme il aime le trouver à sa lampe de travailleur ou sur l’échelle du jardinier.<br />

Il abrège d’avantage chez Jumièges, et ni chez l’un ni chez l’autre,<br />

il ne va jusqu’à certains principes, qui sont la source et le Principe. XXX<br />

peut entendre sans s’émouvoir que mentir est le principe des principes, si<br />

l’on soutient la prétention d’être un homme, mais Marka dérobe le principe<br />

sous le brillant des paradoxes.<br />

- Dites-vous quelquefois : je vous aime ? demande Marka,<br />

sans attendre la réponse, car il sait qu’un petit rire fera la réponse.<br />

J’avoue que je le dis. Le lion le plus lion est obligé de dire, non seulement<br />

par politesse mais par amour. Mais qu’est-ce donc que je dis ? Si je le dis<br />

par politesse, c’est plus clair. Je sais pourquoi je dis et ce que c’est que la<br />

politesse. Je ne suis pas dupe. Je ne me mens pas. Si je dis : je vous aime,<br />

parce que j’aime, je suis l’oiseau qui piaille d’amour ou qui chante et qui<br />

ne sait pas mieux que vous et moi ce que c’est que piailler, ce que c’est<br />

qu’aimer. Piailler cela fait partie de la chose. Ce n’est pas une pensée, ce<br />

n’est ni vrai ni faux. Je me roule à ses pieds, je lui jure que je l’adore et<br />

que rien n’est plus sincère que mon serment. Sincère, je veux bien. Si tout<br />

à l’heure je l’étrangle, la même sincérité à l’étrangler qu’à l’adorer.<br />

- À ce compte, l’interrompait XXX, il n’y aurait de vérité<br />

que le mensonge !<br />

- Vos chers mathématiques, répliquait Marka sont un tissu<br />

de mensonges. Supposons un triangle... Et si je ne suppose pas ? <strong>La</strong> ligne<br />

droite où est-elle ? C’est un mensonge. Mais votre tissu est tissé d’un art<br />

admirable.

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