La Folie - MML Savin

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25.06.2013 Views

484 La Folie - Mon très cher Professeur, reprit Marka, d’une toute autre voix, onctueuse, presque pathétique. Il descendit quelques marches, dans la nuit de l’escalier, empêchant le Professeur d’allumer la lumière. - Qu’est-ce donc ? demanda Moser. Marka à voix basse : - Le secret ! Jurez-moi de garder le secret, même envers les autres protecteurs. - Sur l’honneur ! jura Moser. - Surveillez, autant que vous pouvez, La Folie et les gens de La Folie. Il se trame quelque chose dont le centre est à La Folie. J’ai des certitudes. D’autre part, je sais quelle affection Jumièges a pour vous. Une affection bien méritée. C’est une chance. Il vous écoutera peut-être. Il faut persuader Jumièges... Hélas ! Le persuaderez-vous ? - Le persuader de quoi ? - De quitter immédiatement Paris. Il y va de sa vie. Inventez. Plaidez. Ne plaidez pas trop. Ne considérez que le résultat. Et surtout pas un mot de moi ! Que dit Marka ? Marka n’a rien dit. Que fait Marka ? Marka ! Qui peut se vanter de savoir ce que fait Marka ? Marka prit la main du Professeur et la serra ; rapide et d’un pas si élastique que Moser n’entendit que le bruit de la cochère qu’on refermait. Moser, en service commandé. Aussitôt, il pensait à tout, et pensa donc à se composer d’abord un visage, avant de retrouver Jacques. Ce fut un Moser tout de bonhomie qui dit à Jacqus : - Encore une goutte de ce vin ? Il en reste deux gouttes ! Une pour moi, la dernière pour vous. Jacques vous vous marierez dans l’année...Mon complot matrimonial a de l’avenir ! - À votre santé, Monsieur Moser ! À la santé d’Ilse ! - Prosit ! dit le professeur, au garde à vous, le buste légèrement incliné, comme si, du vieil étudiant balafré aux jouvenceaux Ganymèdes, toute la jeunesse de Weimar allait entonner un choeur. Ilse ! reprit Moser, (ce nom, pour lui, contenant toute la musique...) J’allais vous parler d’elle, quand Marka est arrivé. Tenez ! vous lirez cette lettre. Ilse me dit : je n’ai pas le temps d’écrire à Jacques. Jacques regardant le timbre : - Portugal ? Ilse est donc au Portugal ? - Oui ! Le Portugal après l’Espagne. Leur tournée tourne au triomphe ! Elle ne sera pas de retour avant une quinzaine. Elle ne peut pas lâcher ses camarades... Mademoiselle Théa aurait dit : « Ilse ! Ilse ! que vous avez tort ! La musique est éternelle. Les camarades seront toujours des camarades. Le bonheur n’a que peu de jours ! Il se fane plus vite qu’une aquarelle.»

La dernière goutte 485 *

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

- Mon très cher Professeur, reprit Marka, d’une toute autre<br />

voix, onctueuse, presque pathétique. Il descendit quelques marches, dans<br />

la nuit de l’escalier, empêchant le Professeur d’allumer la lumière.<br />

- Qu’est-ce donc ? demanda Moser. Marka à voix basse :<br />

- Le secret ! Jurez-moi de garder le secret, même envers les<br />

autres protecteurs.<br />

- Sur l’honneur ! jura Moser.<br />

- Surveillez, autant que vous pouvez, <strong>La</strong> <strong>Folie</strong> et les gens<br />

de <strong>La</strong> <strong>Folie</strong>. Il se trame quelque chose dont le centre est à <strong>La</strong> <strong>Folie</strong>. J’ai<br />

des certitudes. D’autre part, je sais quelle affection Jumièges a pour vous.<br />

Une affection bien méritée. C’est une chance. Il vous écoutera peut-être.<br />

Il faut persuader Jumièges... Hélas ! Le persuaderez-vous ?<br />

- Le persuader de quoi ?<br />

- De quitter immédiatement Paris. Il y va de sa vie. Inventez.<br />

Plaidez. Ne plaidez pas trop. Ne considérez que le résultat. Et surtout<br />

pas un mot de moi ! Que dit Marka ? Marka n’a rien dit. Que fait Marka ?<br />

Marka ! Qui peut se vanter de savoir ce que fait Marka ?<br />

Marka prit la main du Professeur et la serra ; rapide et d’un pas si<br />

élastique que Moser n’entendit que le bruit de la cochère qu’on refermait.<br />

Moser, en service commandé. Aussitôt, il pensait à tout, et pensa<br />

donc à se composer d’abord un visage, avant de retrouver Jacques. Ce fut<br />

un Moser tout de bonhomie qui dit à Jacqus :<br />

- Encore une goutte de ce vin ? Il en reste deux gouttes !<br />

Une pour moi, la dernière pour vous. Jacques vous vous marierez dans<br />

l’année...Mon complot matrimonial a de l’avenir !<br />

- À votre santé, Monsieur Moser ! À la santé d’Ilse !<br />

- Prosit ! dit le professeur, au garde à vous, le buste légèrement<br />

incliné, comme si, du vieil étudiant balafré aux jouvenceaux Ganymèdes,<br />

toute la jeunesse de Weimar allait entonner un choeur. Ilse !<br />

reprit Moser, (ce nom, pour lui, contenant toute la musique...) J’allais<br />

vous parler d’elle, quand Marka est arrivé. Tenez ! vous lirez cette lettre.<br />

Ilse me dit : je n’ai pas le temps d’écrire à Jacques. Jacques regardant le<br />

timbre :<br />

- Portugal ? Ilse est donc au Portugal ?<br />

- Oui ! Le Portugal après l’Espagne. Leur tournée tourne<br />

au triomphe ! Elle ne sera pas de retour avant une quinzaine. Elle ne peut<br />

pas lâcher ses camarades...<br />

Mademoiselle Théa aurait dit : « Ilse ! Ilse ! que vous avez tort ! <strong>La</strong><br />

musique est éternelle. Les camarades seront toujours des camarades. Le<br />

bonheur n’a que peu de jours ! Il se fane plus vite qu’une aquarelle.»

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