La Folie - MML Savin

Chapitre XLVIII
La dernière goutte
Jacques, le soir, gara la 402 passage Alexandre, comme il avait déjà
l’habitude de la garer. À l’instant de sortir de la voiture, il se ravisa. Il
avait beau être l’invité d’honneur de tous les soirs, l’impromptu pouvait
surprendre le très illustre philologue qui, en l’absence de la fée Vermicelle,
risquait de mépriser l’horaire et le menu autant qu’il méprisait les
gens foutre du lycée Buffon. Sur la banquette arrière, de boutique en boutique,
Jacques avait accumulé tout le nécessaire d’un en-cas, friandises et
poulet froid, une variété de jambons crus, Auvergne ou Parme, olives et
cornichons, de quoi épuiser quatre ou cinq convives. Et comment se charger
à pleins bras depuis le passage Alexandre, dont les pavés boitaient
comme pavés du Roi ? « Plus simple de me garer devant chez moi..... Eh
quoi ? Aurais-je l’air de me cacher ? Je suis l’invité d’honneur. »
Devant le 13, la Langouste, Arthur dans son dos, attendait tout sans
rien attendre. Quand elle aperçut la 402, elle faillit tomber sur Arthur :
« C’est elle ! C’est lui ! Ne dis pas le contraire, Arthur ! » Arthur, au demeurant,
ne disait rien. Mais il avait dit que peut-être Monsieur Jacques
était parti, que c’était bien naturel puisque Serge racontait, que sans doute
il visitait ses châteaux et ses terres ; ou encore il était en Espagne, ou sur
un bateau de guerre, en manoeuvre de marine pour vingt-huit jours...
- Pourquoi vingt-huit demandait la Langouste.