La Folie - MML Savin

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La Folie
qu’il écrivait n’était pas tout-à-fait la même. Le chemin de ronde, derrière
les créneaux, s’y souvenait de celui de Senlis. Les protestations de politesse
avaient aussi de la tendresse. Ce regret, que disait Jacques, de ne
pouvoir aller le soir même (que de regrets ! quel contretemps !) était peutêtre
du regret, comme il était vrai que Jacques ne pouvait pas, le point
d’honneur ne le voulant pas. Bon pour un Demazure d’obéir au petit doigt
! De soi à soi, un conférencier n’a pas autant d’exigence qu’un Vicomte.
Promettre qu’on viendra demain, c’est déjà beaucoup céder et presque se
hâter de venir. « J’aurais dû signer : Jacques Lerrand, se dit Jacques. Ne
suis-je pas traître à la salopette ? » Il avait signé Jacques de La Châtelière,
d’un mouvement vif et naturel sans y songer. C’était la première
lettre qu’il signait ainsi, une double barre au-dessous comme signait Poliche.
Quand le notaire, à Sillé, lui avait tendu les actes à signer, Jacques
avait signé spontanément de cette signature qui était désormais la sienne
comme le nom était le sien. À chaque fois qu’il signerait, Jacques et Poliche,
inséparables. « Flûte ! se dit Jacques en relisant. J’ai écris que ce soir
j’était invité...» Le mensonge, seule faute selon le pacte de La Châtelière.
Même un mensonge de politesse, pourquoi mentir ? Jacques aurait sans
doute déchiré sa lettre. Il esquissait le geste, quand il vit Mademoiselle
Théa qui, de ses jolis yeux d’aquarelle, regardait ce petit parterre de quelques
enveloppes devant elle, cachets et timbres d’Espagne sur deux
d’entre elles. « Vous avez raison, lui dit Jacques. Sans vous, j’aurais oublié
que j’étais invité ce soir, puisque tous les jours, midi et soir, je suis
l’invité d’honneur de Gunther Amédé, Pa, Monsieur le Professeur. Il suffit
que je veuille, et je veux.»
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