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La Folie - MML Savin

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Chapitre XLVII<br />

L’invité d’honneur<br />

Chaque soir, dès le soir, on sentait venir l’orage. Il en est de l’orage<br />

comme de la guerre ou du meurtre. À force de se dire que l’éclair va partir,<br />

la guerre éclater, le révolver ou le poignard, on souhaite cela qu’on<br />

craint et qu’on désire. Ah ! Que la guerre éclate et que le poignard se lève<br />

! Que l’air noir se déchire ! Que le fleuve s’émeuve ! Paris attendait le<br />

premier éclair, chaque soir. Rares ceux qui attendaient et souhaitaient la<br />

guerre. Ce n’était que des journalistes, des bureaucrates et quelques fous.<br />

Juillet s’achevait dans une gloire qui n’était que gloire de juillet ; un nom<br />

pour une espèce de rose, si l’on voulait, une rose drue et sanglante, héroïque<br />

comme un panache, son blanc de signe trempé, éclaboussé de sang.<br />

Jacques, de ses fenêtres, regardait cette gloire sans aimer la gloire.<br />

Pour soigner et pour opérer tous ces vieux meubles de Poliche, il avait<br />

mis son bleu. Il n’était plus Monsieur le Vicomte, mais salopette, et, du<br />

matin au soir, chantait à pleine voix « je ne suis plus qu’une pauvre<br />

fille, » sans aller plus loin que la pauvre fille. À ce four de juillet, les roses,<br />

celles qui étaient blondes, et les rouges du plus rouge, et les blanches<br />

roses, roses de soie comme sont blanches les roses blanches, avaient séché<br />

comme il est dit que les herbes sèchent, dans un Cantique de Salomon.<br />

Ce n’était plus qu’un souvenir de robes et de roses, un peu plus de<br />

sagesse et moins de rage, même en attendant l’orage, fenêtres ouvertes.

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