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La Folie - MML Savin

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Sous verre 455<br />

Leur parfum n’était plus que le rêve et le parfum d’une robe de soie blanche,<br />

ou d’une Diane aux jambes longues.<br />

Jacques avait son brin de sagesse et le fit voir. <strong>La</strong> théière et les deux<br />

tasses, en matelot méticuleux, les lava et les rangea, puis réunit toutes les<br />

fleurs dans la chambre de Diane et de Poliche et s’installa dans sa chambre,<br />

puisqu’il avait sa chambre, la bibliothèque boudoir, où tout était de<br />

son enfance et que Liliane n’avait regardé que vaguement, hauteur ou<br />

myopie de Diane. Il mit du temps à s’endormir, mais put dormir : une<br />

belle preuve de sagesse chez un garçon fou. Et le lendemain, n’étant pas<br />

si fou, il se disait qu’à <strong>La</strong> Châtelière il n’aurait pas pu dormir. Revenir<br />

chez Poliche sans l’une ou l’autre blonde, c’était tricher. Poliche n’aimait<br />

point que l’on trichât ou bien il fallait avertir : « Triches si tu veux Poliche<br />

! Moi je triche ! » Le petit Jacques n’était pas toujours gagnant<br />

quand il trichait, mécontent parfois quand il était trop clair que Poliche<br />

n’avait pas triché, laissant la victoire aux tricheurs. « Ce n’est pas le jeu,<br />

tu peux tricher tu n’oses pas ! » Toute la vie de Poliche était dans ce mot<br />

de Jacques.<br />

On ne peut pas rester indéfiniment devant des tiroirs sans les ouvrir<br />

ou les tirer sans lire. Au début d’un carnet, cette note, qui était comme la<br />

voix de Poliche : « J’ai tout gardé pour que tu saches tout. Je ne dis pas :<br />

tu peux tout lire, mais je dis qu’il faut que tu lises tout. Lire, je veux dire :<br />

relire, jusqu’à ce que tu comprennes tout, jusqu’au jour où tu seras bien<br />

sûr de ne rien avoir retranché de ta tendresse. »<br />

C’était ce premier matin où Jacques se réveillait chez soi, allant et<br />

venant sous la bénédiction du notaire. Il lut le dedans du carnet, attentif<br />

comme un bon élève. Il ouvrit les tiroirs l’un après l’autre. Tout était<br />

classé année par année. Lettres ou carnets, tout en ordre, par une volonté<br />

de mettre en ordre, pour l’aîné et pour le cadet. Au crépuscule, Jacques<br />

lisait encore. Il y avait beaucoup à lire à la suite. Mais Jacques savait déjà<br />

qu’il ne retrancherait rien à sa tendresse. Au contraire ! De liasse en<br />

liasse, il se désespérait un peu plus, se disant qu’il aurait du témoigner<br />

davantage, dire comment il aimait.<br />

Ce n’était qu’un roman du plus banal, celui que les anciens de Sillé<br />

comptaient et les moins anciens parmi les anciens. Jacques de <strong>La</strong> Châtelière<br />

aimait, il était aimé. Quand on naît au bonheur d’aimer, on ne pense<br />

point à cette foudre stupide qu’est le malheur mais elle tombe. Et c’est<br />

ainsi que l’aimé ne fut jamais que le beau-frère que celle qu’il aimait.

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