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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

sertât d’un bahut ou d’une géométrie nouvelle, était encore attentif audelà,<br />

comme s’il percevait au-delà du fumoir, au-delà du parc et de la<br />

campagne. Il était sur une lunette mais on ne voyait ni l’océan ni le navire.<br />

On se moquait d’abord de ses fariboles d’astrologie. S’il disait toutà-coup<br />

: « la soirée n’est pas bonne, c’est la conjonction la plus redoutable<br />

de ces dix ans. » On écoutait par politesse, mais lui, directement, perçant<br />

les murs, observait Mars ou Vénus, et quand le téléphone sonnait, se<br />

ruait au téléphone, une sorte de lassitude ou de résignation, quand il reprenait<br />

sa tulipe ou sa pipe au fumoir : « je ne savais pas au juste quoi,<br />

mais je savais. » et du ton le plus uni il narrait l’attentat ou l’émeute. Puis<br />

il ajoutait : « nous sommes peut-être quitte envers les astres. Ou bien ce<br />

n’est qu’un début, un incident en guise de prologue, pour avertir. »<br />

Les esprits forts, s’il y en avait (la rencontre était assez rare) avait<br />

besoin de toute la force de leur esprit pour se réciter leur principe et ne<br />

point céder à une vague terreur qui était de la terreur. XXX cédait et ne<br />

cédait pas. Il avait un geste à lui, à ces moments-là, il se caressait la nuque<br />

et le tour d’oreille comme on caresserait un animal. Il massait, il dissipait<br />

le frisson animal qui lui montait jusqu’à la nuque et protégeait son<br />

crâne directorial des assauts suprêmes de toute terreur. Il accordait presque<br />

tout aux astres mais il défendait son poste ou ses privilèges envers et<br />

contre tous rivaux, fussent-ils célestes. C’était son devoir et son honneur.<br />

Les astres de la soirée étaient des astres bons enfants L’irritation de Jean-<br />

Luc n’était même pas de la colère. Jésuite, franc-maçon, les insultes les<br />

plus graves riaient du nez et de la mèche. Les enquêtes du Tout-Paris,<br />

toujours en quête, avaient établi, à l’évidence, qu’XXX n’était l’un ni<br />

l’autre ; de quoi chaque parti contraire lui savait gré. En somme, c’était<br />

un homme libre, dans le très peu de liberté qu’il se ménageait, vaille que<br />

vaille, dans l’empire des astres. Marka n’avait pas besoin d’enquête pour<br />

flairer et pour estimer cette liberté. En faveur d’XXX il plaida si bien<br />

qu’une trêve fut conclue. « Puisqu’on signe la paix, dit Jean-Luc, je vais<br />

donc chercher de la bière, sans qu’on le demande, j’y vais » et s’en alla.<br />

- Je ne connaissais pas Jean-Luc, fit Marka.<br />

L’humeur enjouée du jeune fusillé lui rappelait invinciblement celle<br />

d’un certain mousse qui n’était pas de la marine. XXX tira trois bouffées<br />

de sa pipe. Jamais il n’en tirait autant. Après la troisième : « Si l’on me<br />

tuait Jean-Luc... » un silence ; une bouffée ; on était en droit d’attendre<br />

une suite, qui ne fut qu’un regard vers Mars et Vénus, une autre bouffée<br />

dans du silence. Marka avait trop de jugement dans sa fourrure pour demander<br />

quel était ce tueur anonyme, assez cruel et fou pour vouloir tuer<br />

Jean-Luc. C’était le même qui frapperait à coups de crosse au septième<br />

étage, qui enfoncerait la porte, stupide et déconcerté de ne trouver que le<br />

dedans d’un navire, et pas même un mousse dans le navire. Un navire,

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