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La Folie - MML Savin

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Ni la mer ni Cannes 449<br />

coup de rouge et la Marseillaise ! » s’écriait Jean-Luc, et bondissait à la<br />

TSF, changer de poste. XXX grondait pour la forme :<br />

- Jean-Luc ! <strong>La</strong>isse-moi écouter les nouvelles...<br />

- Ce ne sont que les fausses, disait Jean-Luc, vous savez<br />

bien qu’elles sont fausses !<br />

- Les fausses ont plus d’importance que les vraies, murmurait<br />

l’imperturbable.<br />

Alors, Jean-Luc, d’un poste à l’autre, brouillait tout, jazz, météo et<br />

symphonie, et déclarait l’air ingénu : « J’ai perdu la patrie. Fusillez-moi<br />

! » puis il tombait à la renverse sur le divan de Sardanapal, les bras en<br />

croix. L’impromptu, comme on pense, n’avait pas à toutes les fois même<br />

succès. Non par la faute des deux acteurs, chacun si bien à son rôle qu’il<br />

était difficile de flairer la comédie. Cela servait d’épreuve, afin de classer<br />

les visiteurs, la franchise du rire, le volume et la couleur. En cas de rire<br />

citron (comme disait Jean-Luc) on augmentait un peu de musique la comédie.<br />

Jean-Luc fusillé ressuscitait de la fourrure funéraire et disparaissait<br />

en ressuscité. Quand on l’avait presque oublié (comme on oublie un<br />

fusillé), deux caissons de haut-parleur, l’un noir l’autre rouge, tonitruait<br />

sans fin une Marseillaise excessivement municipale, à peine relevée par<br />

Sambre et Meuse. Une invisible main, fusillée ou ressuscitée, changeait<br />

l’aiguille et ne changeait pas le disque.<br />

- Est-ce un peu trop de Marseillaise ? demandait<br />

l’imperturbable au visiteur qui riait citron et se défendait :<br />

- Jamais trop de Marseillaise...<br />

Un silence avant la masse des dix Brandebourgeois à la file ! Ce<br />

soir-là, un peu plus tard que le soir, aux dernières nouvelles, le mot de<br />

patrie, article ou discours, comme un tambour : c’était trop beau ! Marka,<br />

qui se trouvait là, tulipe de cognac au poing, ne connaissait pas la comédie.<br />

- On joue ? dit Jean-Luc regardant XXX.<br />

- On joue à quoi ? fit XXX<br />

- Jésuite ! Renégat ! Franc-maçon ! On ne jouera pas !<br />

Vous n’êtes pas digne ! et Jean-Luc, volubile, expliqua quel jeu, les rôles,<br />

la Marseillaise et les Brandebourgeois. Marka riait sans trace de<br />

jaune dans son rire de fauve. Il n’avait jamais vu Jean-Luc qu’endormi ou<br />

s’endormant. Aurait-on pu deviner quel diable était Jean-Luc, qui n’était<br />

soi qu’au plus vif, au plus éveillé du mouvement ? Alors il lui sortait des<br />

inventions et des drôleries à désarmer le diplomate le mieux cuirassé.<br />

Même celui qui jaune riait, riait, malgré soi, riait. XXX était le seul à ne<br />

pas rire, mais souriait, comme un officier de quart, qui certes n’oublierait<br />

point qu’il est de quart mais qui souriait. XXX, même en son fauteuil, le<br />

moins alarmé des hommes, le plus délié, attentif sans raideur, qu’on dis-

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