25.06.2013 Views

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

La Folie - MML Savin

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Un mendiant 417<br />

C’est plus prudent. Elle a besoin de mollir encore. Un peu de rage est nécessaire.»<br />

Et quand tout à sa rage contre Jacques ou contre soi elle les régalait<br />

de sa tirade sur les murs et sur les surfaces, ils songeaient que les bienheureuses<br />

surfaces n’étaient pas sans agrément et que les murs d’une<br />

chambre étaient souvent indispensables. Si Demazure avait su ce qu’ils<br />

savaient, il n’aurait été stupéfait ni du lamento ni du visage. Elle ne pouvait<br />

rien dire ni rien montrer qui fut plus personnel ni plus véritable. Le<br />

lamento disait : « Ce m’est un supplice que votre présence ; ce n’est que<br />

par une patience héroïque que j’ai supporté votre conférence. L’Île Saint-<br />

Louis ! J’ai passé l’après-midi d’hier à piétiner dans l’Île, pour tâcher de<br />

rencontrer Jacques ; la matinée d’aujourd’hui à lire tout ce qu’on a pu<br />

écrire sur l’Île. Je sais par coeur les dates, les plans et les architectes. Sans<br />

votre hâte à me surprendre je serais en ce moment dans les bras de Jacques.»<br />

Et le visage : « C’est mon vrai visage et je n’en ai point d’autres.<br />

Tous les autres sont mes visages menteurs. Je sais depuis deux jours que<br />

je ne suis Liliane que dans mon bonheur, et que l’amour est mon bonheur.<br />

Ami ! ce n’est pas pour vous l’ami ! Ni l’amour ! J’appelais Jacques,<br />

j’appelais l’amour et le bonheur, je vous préviens sans vous le dire tout<br />

m’est une arme contre vous ; et le visage de bonheur, sourire et larmes,<br />

mieux que les autres, qui vous séduisent et qui vous mentent. Et si par<br />

hasard vous êtes mon mari (tout est possible !) je n’aurai pas trop de toutes<br />

les armes pour me défendre ! »<br />

Demazure n’entendit que ce qu’il put. Ce qu’il entendait ne fit que<br />

le convaincre : un homme aimable est aussitôt un homme aimé. Il est aimé<br />

avant de savoir s’il voudrait l’être. Cela ne va point sans des complications<br />

où il est bon de garder une tête assez froide.<br />

Casimir-Didier devrait présentement compter, même à l’estimation<br />

la plus froide, trois ou quatre jeunes filles, d’Auteuil ou de Neuilly, qui,<br />

sans être aussi touchées que Liliane, le seraient encore plus s’il persévérait<br />

; le cas de Liliane est néanmoins le plus démonstratif. Certes la première<br />

rencontre avait du pittoresque ! C’était un début de roman. Les<br />

imaginations les mieux réglées ne sont pas à l’abri de s’y laisser prendre.<br />

Casimir qui tenait la sienne à la bride, avait permis qu’elle courût un peu.<br />

Il est vrai que la générosité de fantaisie contribue à rendre aimable, surtout<br />

si ce n’est que fantaisie. Liliane avait pu rêver sur ce début puisque<br />

Casimir-Didier l’aurait pu. Mais qui donc aurait pu prévoir que les choses<br />

dussent s’endiabler de la sorte ? Liliane avait un ton de réserve et presque<br />

de hauteur par tradition et par éducation, à ne pas donner à promettre. Il<br />

avait vu comme elle en usait. Elle n’avait pas dit deux paroles l’autre soir<br />

à ce jeune <strong>La</strong> Châtelière dont Monsieur de Pontaincourt faisait si ouvertement<br />

l’éloge. On aurait cru qu’il le désignait à Liliane, mais elle n’avait

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!