La Folie - MML Savin

Chapitre XLII
Un mendiant
- Que devient notre ami La Châtelière ? demande le Colonel.
Liliane, l’auréole un peu balancée, regarde comme à l’infini. Comment
? Tu n’as pas eu sa visite pendant mon absence ? Je ne lui avais pas
parlé de mon voyage. Mais je lui avais dit que ses visites nous feraient
toujours plaisir. J’avoue que je comptais un peu sur lui pour te sortir.
C’est un garçon parfait, La Châtelière. Que Diable ! Il faut être de son
temps. Nous ne sommes plus à l’époque où une jeune fille de ton âge ne
pouvait sortir sans une camériste. Pour ce que cela changeait ! Jacques a
une voiture : quand il t’aurait invité quelque part à Chantilly ou à Senlis,
je n’y auras vu aucun mal...
Nestor vient d’apporter un café turc. À pas d’ombre, à gestes de velours,
il va, il vient, sans entendre, sans se faire entendre. Liliane, les
yeux à l’infini, aperçoit enfin quelqu’un qui répond à ce nom de La Châtelière.
- Je ne savais pas qu’il eut une voiture, dit-elle.
- Une 402, dit le Colonel, une superbe voiture. Il bricole
cela lui-même. Je l’ai vu tout au plaisir de bricoler ; rien de plus naturel !
Nul n’avait le droit de toucher à mon cheval, jadis. Cela ébahissait mes
ordonnances. Dugesclin devait bouchonner son cheval. Jacques a raison :
le cambouis ne salit que les mains. Qu’est-ce que tu cherches Nestor ?
- Les cigares, mon Colonel.
Le Colonel revenant à son idée :