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La Folie - MML Savin

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404<br />

<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

heur ensemble, le même amour pacifique et secourable à Liliane, au Colonel,<br />

dans la même fidélité pour toujours. Il reprit sa garde dans l’ombre,<br />

derrière la cloison, à deux pas du lit de Liliane. Sans user de son privilège,<br />

il savait tout. Senlis, les roses blanches, les arbres du Quai, ce décor<br />

où tant d’autres, ce n’était jamais que le décor. Jacques même n’était que<br />

celui qu’elle devait regarder un jour, si les yeux du portrait se décidaient<br />

à vouloir regarder quelqu’un, et celui-là plutôt qu’un autre ! À choisir<br />

entre vert tendre et redingote, Nestor, sans hésiter, aurait désigné le vert<br />

tendre, quand ce n’aurait été que la couleur d’une salopette. Mais<br />

l’essentiel était le bonheur de Liliane, si c’était un bonheur, et la suite de<br />

ce bonheur, s’il y avait du bonheur à la suite.<br />

Liliane dormait-elle ? À travers la cloison, tout disait à Nestor que<br />

Liliane ne dormait point. Elle toussait comme toussait le Colonel quand il<br />

ne dormait pas. <strong>La</strong> chambre dans l’ombre, la fenêtre ouverte, Liliane se<br />

levait et se couchait ; elle resta plusieurs heures dans un fauteuil près de<br />

sa fenêtre. Elle ouvrait et fermait le secrétaire. Un jeu que de savoir tout<br />

cela ! Heureuse ou moins heureuse, il aurait fallu voir et revoir les yeux,<br />

le visage, tous les petits mouvements qui font un ensemble où l’on ne se<br />

trompe point. Vers le milieu de la nuit, Nestor s’était dit : « Je crois que je<br />

sais tout. Qu’est-ce que je sais ? Le sac et la robe, ce n’était peut-être que<br />

pour déposer la robe chez une couturière... Une promenade ! Une simple<br />

promenade... »<br />

Mais, à peine le milieu passé, Nestor avait entendu Liliane qui<br />

s’habillait sans lumière (Nestor avait vu un peu de lumière à une fente de<br />

la cloison vers la corniche) ; puis elle avait tourné la clé délicatement, elle<br />

était descendue de sa chambre, elle avait même entrouvert la porte enbas<br />

; au bout d’un moment, elle refermait, remontait, ne tournait pas sa<br />

clé, reprenait son fauteuil sans se déshabiller ; elle ne s’était remise au lit<br />

qu’à l’aube. Comme si Liliane avait dit elle-même : « Nestor vous savez<br />

tout ! »<br />

Les nuits suivantes un va-et-vient du fauteuil au lit, sans descendre.<br />

Mais le Colonel avait averti : jeudi ou vendredi, et qu’il ne fallait pas<br />

l’attendre. Il était plus prudent de l’attendre dès le jeudi. À imaginer la<br />

rentrée du Colonel, le Colonel frappant à la porte de Liliane et Liliane au<br />

quatrième, escalier D, chez Jacques, Nestor recevait la foudre de part en<br />

part. Du mercredi à la rentrée du Colonel, Liliane, seule avec Nestor dans<br />

<strong>La</strong> <strong>Folie</strong>, s’arrangea pour ne pas regarder une fois Nestor ; admirable<br />

d’aisan-ce et d’un peu de feinte gaieté, ne jugeant pas Nestor, Nestor par<br />

ci Nestor par là, approuvant les menus, deux phrases à la chaleur ou au<br />

retour possible du Colonel, allant même jusqu’à entraîner Nestor sous les<br />

tilleuls, à cause d’une branche qui menaçait, sa voix de tête, son air Pontaincourt,<br />

d’un fauteuil à l’autre comme sa mère, félicitant chaleureuse-

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