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La Folie - MML Savin

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402<br />

<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

encore au-dessous) qu’on était beaucoup plus bas que le commun des caves.<br />

Nestor était chez lui de la vraie cave à la dernière balustrade. Il<br />

avait le secret de toutes les ouvertures et de toutes les fermetures. Il entretenait,<br />

graissait, vérifiait, habile et silencieux comme un forçat. Depuis<br />

des années quand venait la nuit, il sentait le même bonheur à se dire qu’il<br />

allait huiler, frotter, attentif à la moindre menace de rouille, ouvrir et fermer,<br />

récapitulant le nombre de pas et de marches, circulant sans lumière<br />

pour augmenter le mystère et le bonheur. Il aurait subi les plus atroces<br />

tortures sans livrer aucun de tous ses secrets de portes, d’appartements et<br />

d’escaliers, car c’était sa gloire et son honneur que la possession des secrets<br />

de son domaine, la confiance totale du Colonel au plus secret de sa<br />

fidélité et de son amour. Quand le Colonel appelait Nestor de son ténor<br />

du front des troupes, la foudre de l’ordre traversant de part en part, Nestor<br />

ne sursautait pas de peur mais d’amour. S’il s’accordait d’aimer aussi<br />

Mademoiselle Liliane, c’était que Nestor aimait d’adoration tout ce qui<br />

était le Colonel. Qu’une partie du Colonel fut aussi jolie à voir que le portrait<br />

ou Liliane, cela ne faisait que mêler un peu d’une autre tendresse à<br />

son amour, sans diminuer son amour. Il n’avait pas eu besoin de vouloir<br />

et de réfléchir comme il aurait pu, pour savoir, avant le tonnerre, que le<br />

Colonel ne dormait pas, malgré un voyage la veille, ni que Liliane, depuis<br />

mercredi, n’avait pas du fermer les yeux beaucoup plus que son portrait<br />

sur le quart de queue. Le Colonel était parti, il était revenu avec la chose,<br />

qui était la serviette de cuir, il pensait donc à la chose ; quand il toussait «<br />

peuh ! » donc il toussait mais ne dormait pas. Mademoiselle Liliane<br />

dormait tout le jour depuis que, mercredi, Nestor qui trouvait tout quand<br />

il ne cherchait pas, l’avait vue dans le fond de la 402. S’il y avait du secret<br />

par là, c’était un secret qui s’ouvrait tout seul ! Elle avait dit : « Nestor,<br />

à midi je déjeunerai ou je ne déjeunerai pas. Passé midi ne m’attendez<br />

pas » , comme le Colonel avait dit, le mardi soir : « Nestor, jeudi ou vendredi,<br />

je rentrerai ou je ne rentrerai pas, si je ne rentre pas ne m’attendez<br />

pas. » Ce qui signifiait dans les deux cas : « Attendez-moi en silence aussi<br />

longtemps que je ne serai pas rentré. »<br />

Le silence n’allait pas sans la guitare. Ceux du 13 purent entendre la<br />

guitare tout le mercredi, Nestor seul à entendre ce que la guitare lui chantait<br />

: « Le portrait n’avait pas dit je t’aimerai, quand Nestor aimait le portrait.<br />

Un portrait se laisse aimer, caresser les cheveux, baiser les lèvres. Il<br />

ne regarde pas Nestor, mais il ne regarde personne.» Puis la guitare se<br />

taisait, elle ne voulait pas faire souffrir Nestor. « Puisque tu veux souffrir,<br />

reprenait la guitare, je te dirai ce que tu sais. Nestor a souffert dès qu’il a

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