La Folie - MML Savin
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400 La Folie cloison ou à la porte et réfléchir : à force d’écouter ou de réfléchir on finit par savoir comme si l’on voyait. Mais même sans écouter, Nestor peut savoir et presque voir ce que font ceux qu’il aime. Il lui suffit de vouloir et de réfléchir ; c’est un privilège qu’il tient d’un sorcier de sa famille ; un vieux sorcier qui avait de la tendresse de coeur pour ce gamin Nestor dont le visage et le crâne avaient de la raison et de l’équilibre comme un beau vase. - Nestor, avait dit un jour le sorcier, je suis sorcier ; ce que tu veux, je te le donne. Et le gamin avait répondu : - Fais que toujours je puisse voir, si je le veux, ce que font ceux que j’aime. Sinon voir, au moins savoir. - Cela n’est pas toujours bon de le voir ou de le savoir, petit Nestor ! - J’ai dit : si je le veux. Je peux vouloir ou ne pas vouloir. Alors le sorcier avait soufflé trois fois dans les narines de Nestor et lui avait dit : - Chaque fois que ton coeur voudra, et à condition que tu réfléchisses, tu pourras savoir et presque voir. C’était bien commode. Mais Nestor n’abusait pas. Il préférait coller son oreille, avoir plus de mal, et garder toute la puissance de son privilège, le réservant aux cas les plus rares. À La Folie il y avait plus à voir et plus de moyens de voir et de savoir qu’en ces maisons comme on les construit, où l’architecte se croit bien fin quand il a séparé l’escalier de service de celui des maîtres. Pour le plaisir futur de Nestor, l’architecte de La Folie avait construit deux maisons dans une. Dans l’une des deux, dont l’entrée était celle de La Folie, on pouvait habiter sa vie durant sans se douter qu’il y avait une autre Folie dans La Folie. Le Duc de, qui avait fait construire, avait parmi ses maximes celleci, qui lui était particulière, à laquelle il avait toujours obéi, qu’un homme de cour devait avoir deux maîtresses. La nécessité se comprenait dès qu’on envisageait les fins. Un judicieux mariage est certes nécessaire à l’éta-blissement, nom et fortune, mais ne suffit pas à se pousser. Il y faut pensait le Duc un supplément de maîtresses, l’une après l’autre, choisies selon les étapes d’une carrière et les fluctuations de la politique, l’une pour un long temps, l’autre pour un passage difficile. Ce n’était que les petits esprits qui ne prenaient des maîtresses que pour leur plaisir. Il convient de savoir prendre même sans plaisir afin de confirmer l’établissement. Ni l’âge ni le minois ne compte, mais les relations, l’intelligence, la fidélité des intérêts plus que celle du coeur ou des sens,
Voici l’orage 401 quand il s’agit de se déterminer à une sorte d’alliance dont l’importance à chaque fois est comparable à celle du premier établissement. Ce qu’on en fait est de l’ordre du devoir, sous la frivolité d’apparence. Cela concerne le lustre d’un nom, l’extension d’un domaine, de multiples combinaisons d’héritages, des prérogatives accrues, bref la promotion de toute une famille, qui demeure la légitime et la seule, les aînées pourvues, une fille abbesse à dix ans, une mitre à l’un des fils. Ce sont des plaisirs, mais nobles et relevés. C’est une maîtresse, mais reconnue et pour ainsi dire consacrée. Le Duc de n’avait jamais choisi sans soumettre le choix à l’approbation de son cher abbé, tant que l’abbé avait vécu. Cela valait de faire construire pour une lignée de ses maîtresses, et du plus beau, des carquois parmi les cimiers , et décorer d’un peu de folie tant d’abnégation et de sagesse. Le Duc était célèbre pour n’avoir qu’une maîtresse à la fois. Il était naturel qu’on célébra tant de mérite ; non moins naturel que le Duc récompensa lui-même son mérite par le délice d’une autre maîtresse, qu’il prenait où bon lui semblait, non pas d’après la considération de son état, nom et fortune, mais d’après les exigences de ses sens et de son coeur. La maîtresse de sa carrière était toujours une dame de trop d’embarras, son temps comme celui d’un ministre, pour s’en venir à La Folie autrement qu’en partie de campagne. Elle ne résidait pas. C’était des soirées exquises, un délassement comme champêtre dans le parc autour, de la musique, toutes les grâces de la conversation, des amis, car les amis sont nécessaires. Les soupers étaient parfois des conférences diplomatiques, où s’ébauchaient des pactes ou des traités, mais à demi mot, un sourire derrière l’éventail. Le pavillon et le parc, quel paradis de l’intimité, si la dame avait eu le loisir et la liberté ! Mais elle n’avait que si peu de loisir ! Le Duc de et son imposante maîtresse rêvaient l’un et l’autre à ce loisir d’intimité. C’était à peu près le tout de leur intimité dans la chambre aux petits amours. La maîtresse résidente disparaissait à l’arrivée des carrosses, reparaissait au départ du dernier, celui de la dame après les autres par bienséance. L’architecte avait tout prévu, même une dame de carrosse qui eut été jalouse, les retours à bride abattue, les expéditions indiscrètes. Il n’y avait qu’une porte à chaque chambre, afin de persuader la plus jalouse qu’à moins d’être oiseau on ne pouvait entrer ou sortir que par là ; mais toujours une autre porte, adroitement dissimulée, libérait l’oiseau. De cette porte et de toutes à des couloirs, à un réseau d’escaliers, pour aboutir le plus aisément du monde en dessous de La Folie, à des appartements qui n’étaient que la suite et le complément, autant d’élégance et d’agrément qu’au rez-de-chaussée et à l’étage. La résidente n’était pas en pénitence dans quelque cave. Rien ne rappelait en cette autre Folie de deux autres étages en dessous de La Folie (une vraie cave
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quand il s’agit de se déterminer à une sorte d’alliance dont l’importance à<br />
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fait est de l’ordre du devoir, sous la frivolité d’apparence. Cela concerne<br />
le lustre d’un nom, l’extension d’un domaine, de multiples combinaisons<br />
d’héritages, des prérogatives accrues, bref la promotion de toute une famille,<br />
qui demeure la légitime et la seule, les aînées pourvues, une fille<br />
abbesse à dix ans, une mitre à l’un des fils. Ce sont des plaisirs, mais nobles<br />
et relevés. C’est une maîtresse, mais reconnue et pour ainsi dire<br />
consacrée. Le Duc de n’avait jamais choisi sans soumettre le choix à<br />
l’approbation de son cher abbé, tant que l’abbé avait vécu. Cela valait de<br />
faire construire pour une lignée de ses maîtresses, et du plus beau, des<br />
carquois parmi les cimiers , et décorer d’un peu de folie tant d’abnégation<br />
et de sagesse. Le Duc était célèbre pour n’avoir qu’une maîtresse à la<br />
fois. Il était naturel qu’on célébra tant de mérite ; non moins naturel que<br />
le Duc récompensa lui-même son mérite par le délice d’une autre maîtresse,<br />
qu’il prenait où bon lui semblait, non pas d’après la considération<br />
de son état, nom et fortune, mais d’après les exigences de ses sens et de<br />
son coeur. <strong>La</strong> maîtresse de sa carrière était toujours une dame de trop<br />
d’embarras, son temps comme celui d’un ministre, pour s’en venir à <strong>La</strong><br />
<strong>Folie</strong> autrement qu’en partie de campagne. Elle ne résidait pas. C’était<br />
des soirées exquises, un délassement comme champêtre dans le parc autour,<br />
de la musique, toutes les grâces de la conversation, des amis, car les<br />
amis sont nécessaires. Les soupers étaient parfois des conférences diplomatiques,<br />
où s’ébauchaient des pactes ou des traités, mais à demi mot, un<br />
sourire derrière l’éventail. Le pavillon et le parc, quel paradis de<br />
l’intimité, si la dame avait eu le loisir et la liberté ! Mais elle n’avait que<br />
si peu de loisir ! Le Duc de et son imposante maîtresse rêvaient l’un et<br />
l’autre à ce loisir d’intimité. C’était à peu près le tout de leur intimité<br />
dans la chambre aux petits amours. <strong>La</strong> maîtresse résidente disparaissait à<br />
l’arrivée des carrosses, reparaissait au départ du dernier, celui de la dame<br />
après les autres par bienséance. L’architecte avait tout prévu, même une<br />
dame de carrosse qui eut été jalouse, les retours à bride abattue, les expéditions<br />
indiscrètes. Il n’y avait qu’une porte à chaque chambre, afin de<br />
persuader la plus jalouse qu’à moins d’être oiseau on ne pouvait entrer ou<br />
sortir que par là ; mais toujours une autre porte, adroitement dissimulée,<br />
libérait l’oiseau. De cette porte et de toutes à des couloirs, à un réseau<br />
d’escaliers, pour aboutir le plus aisément du monde en dessous de <strong>La</strong> <strong>Folie</strong>,<br />
à des appartements qui n’étaient que la suite et le complément, autant<br />
d’élégance et d’agrément qu’au rez-de-chaussée et à l’étage. <strong>La</strong> résidente<br />
n’était pas en pénitence dans quelque cave. Rien ne rappelait en cette autre<br />
<strong>Folie</strong> de deux autres étages en dessous de <strong>La</strong> <strong>Folie</strong> (une vraie cave