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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

cloison ou à la porte et réfléchir : à force d’écouter ou de réfléchir on finit<br />

par savoir comme si l’on voyait. Mais même sans écouter, Nestor peut<br />

savoir et presque voir ce que font ceux qu’il aime. Il lui suffit de vouloir<br />

et de réfléchir ; c’est un privilège qu’il tient d’un sorcier de sa famille ; un<br />

vieux sorcier qui avait de la tendresse de coeur pour ce gamin Nestor dont<br />

le visage et le crâne avaient de la raison et de l’équilibre comme un beau<br />

vase.<br />

- Nestor, avait dit un jour le sorcier, je suis sorcier ; ce que<br />

tu veux, je te le donne.<br />

Et le gamin avait répondu :<br />

- Fais que toujours je puisse voir, si je le veux, ce que font<br />

ceux que j’aime. Sinon voir, au moins savoir.<br />

- Cela n’est pas toujours bon de le voir ou de le savoir, petit<br />

Nestor !<br />

- J’ai dit : si je le veux. Je peux vouloir ou ne pas vouloir.<br />

Alors le sorcier avait soufflé trois fois dans les narines de Nestor et<br />

lui avait dit :<br />

- Chaque fois que ton coeur voudra, et à condition que tu<br />

réfléchisses, tu pourras savoir et presque voir.<br />

C’était bien commode. Mais Nestor n’abusait pas. Il préférait coller<br />

son oreille, avoir plus de mal, et garder toute la puissance de son privilège,<br />

le réservant aux cas les plus rares. À <strong>La</strong> <strong>Folie</strong> il y avait plus à voir et<br />

plus de moyens de voir et de savoir qu’en ces maisons comme on les<br />

construit, où l’architecte se croit bien fin quand il a séparé l’escalier de<br />

service de celui des maîtres.<br />

Pour le plaisir futur de Nestor, l’architecte de <strong>La</strong> <strong>Folie</strong> avait construit<br />

deux maisons dans une. Dans l’une des deux, dont l’entrée était celle<br />

de <strong>La</strong> <strong>Folie</strong>, on pouvait habiter sa vie durant sans se douter qu’il y avait<br />

une autre <strong>Folie</strong> dans <strong>La</strong> <strong>Folie</strong>.<br />

Le Duc de, qui avait fait construire, avait parmi ses maximes celleci,<br />

qui lui était particulière, à laquelle il avait toujours obéi, qu’un homme<br />

de cour devait avoir deux maîtresses. <strong>La</strong> nécessité se comprenait dès<br />

qu’on envisageait les fins. Un judicieux mariage est certes nécessaire à<br />

l’éta-blissement, nom et fortune, mais ne suffit pas à se pousser. Il y faut<br />

pensait le Duc un supplément de maîtresses, l’une après l’autre, choisies<br />

selon les étapes d’une carrière et les fluctuations de la politique, l’une<br />

pour un long temps, l’autre pour un passage difficile. Ce n’était que les<br />

petits esprits qui ne prenaient des maîtresses que pour leur plaisir. Il<br />

convient de savoir prendre même sans plaisir afin de confirmer<br />

l’établissement. Ni l’âge ni le minois ne compte, mais les relations,<br />

l’intelligence, la fidélité des intérêts plus que celle du coeur ou des sens,

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