La Folie - MML Savin

Chapitre XLI
Voici l’orage
Le plombier et le coiffeur ont rejoint Madame Arthur. Arthur dort :
c’est un sage. De Plaisance à Vaugirard, toutes les fenêtres se sont ouvertes,
qu’un coup de tonnerre avait fermées. Arthur n’ouvre jamais la
sienne et ne gaspille aucun temps de son sommeil ni à fermer ni à rouvrir.
Ceux qui gaspillent, qui maugréent contre la chaleur et contre la pluie, qui
se plaignent de ne pouvoir dormir, n’aiment pas leur sommeil autant que
l’aime Arthur. Ouvrir, fermer, ne sont que prétextes à ne pas dormir !
Bien avant le coup de tonnerre, Nestor a inspecté toutes les fenêtres
de La Folie. À la porte de son Colonel :
- Voici l’orage, Mon Colonel !
- Merci Nestor j’ai déjà fermé.
Même réponse de Liliane, de la même voix nette et claire, comme
la voix de quelqu’un qui écrirait ou qui lirait, sans songer à dormir. Nestor
ne se donnerait pas la comédie de bailler comme s’il avait sommeil. Il
ferme et rouvre ponctuellement, ce n’est pas un prétexte, c’est son office.
Quant au sommeil, il y a assez d’heures dans un jour pour ne pas être
obligé de dormir la nuit. Nestor la nuit est maître de La Folie. Il inspecte
tout, de haut en bas, dedans et dehors, par devoir, car inspecter est de son
office, mais par plaisir aussi, car son plus grand plaisir est de tout voir et
revoir. Le Colonel dans sa chambre, Mademoiselle dans la sienne, Nestor
prend possession de son domaine, ces deux chambres dans son domaine
s’il veut, car il sait si le Colonel travaille ou s’il rêve ou s’il dort, et le
saurait aussi de Mademoiselle. D’abord on peut coller une oreille à la