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La Folie - MML Savin

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Les squelettes 397<br />

je vous y pince là-haut à l’étage ! » si elle montait ; ou en bas, si elle descendait.<br />

En haut et en bas pinçant à vide quand elle arrivait. <strong>La</strong> chienne<br />

précédait, d’étage en étage, aboyant pour aboyer, chienne qui savait qu’il<br />

n’y avait rien à pincer ou à mordre dans les escaliers. Tous les escaliers<br />

visités, elle reprit son hurlement comme à la mort.<br />

« Les voilà de nouveau qui hurlent ! Cherche, disait Madame Arthur<br />

à sa chienne, cherche au lieu de hurler ! » Mais la chienne hurlait à la<br />

mort et ne cherchait pas. Soudain, à l’abris de sa pince, la <strong>La</strong>ngouste<br />

pouffa de terreur :<br />

« J’ai compris, je suis pas fine pour une concierge... Y a belle lurette<br />

que la chienne a compris. C’est pas des boches et c’est des boches.<br />

C’est du squelette sans en être. Elle hurle à la mort, le petit trésor, parce<br />

que c’est des morts. Des morts qui font l’amour. Est-ce qu’on ne fait plus<br />

l’amour quand on est mort ? Je me demande même comment je m’y prendrais<br />

avec mes dix hommes à la fois. Alors... puisque c’est creux jusqu’à<br />

Berlin, c’est tout simple, çà encore ils nous envoient leurs morts par les<br />

souterrains. Des squelettes c’est pas des morts, de vrais morts c’est encombrant<br />

ça se voit. Les vrais morts on ne les voit pas. On les sent ; on<br />

les entend ; on les pince pas. C’est avantageux : on en a tant qu’on en<br />

veut. Depuis qu’il y a des morts ! Et çà ne tient presque pas de place. Ils<br />

sont déjà des millions, passage Alexandre ; je le dis ! pas moyen de se<br />

défendre ; quand on serait l’armée d’Afrique. On ne les blesse pas. On ne<br />

les tue pas. À moins que la guitare de Nestor, ce soye pour tuer les morts<br />

!... Le Colonel a du y penser, il est si poli... »<br />

Elle glissa d’une pantoufle à l’autre jusqu’à la porte de sa loge. Les<br />

morts et la chienne hurlaient toujours, les uns d’amour l’autre à la mort.<br />

« Tiens ! fit Madame Arthur, un gloussement de rire dans sa terreur....<br />

Faut croire que les morts sont comme les coiffeurs ; c’est le lundi<br />

qu’ils font l’amour. Je me rappelle : mon quatrième était coiffeur. »<br />

Le coiffeur allait lui ouvrir ses bras, mais un coup de tonnerre la retourna.<br />

Le ciel rose, à son tour, fondait ; il se déversait en cataractes roses<br />

dans la cour.<br />

« Trésor ! Tu les entends qui galopent les morts ? Dans la cour, sur<br />

les toits, sur le trottoir. »<br />

Un beau silence après l’orage. Madame Arthur, quand elle eut reprit<br />

sa place au marécage, entre la vitre et son Arthur : « Si j’étais jeunette à<br />

Corbigny je brûlerais un cierge à ce tonnerre de la Vierge. Pour cette nuit,<br />

nous voilà délivrés des morts ! »

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