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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

On alluma les fenêtres. Une robe blanche fit une ombre blanche<br />

parmi les ombres des platanes.<br />

- Quoi que tu as, que tu aboies plus fort que la chienne ?<br />

demanda Arthur à la porte de la loge.<br />

- Je suis t’y une chienne ? répondit Madame Arthur. Tu rêves.<br />

Recouche-toi. C’est moi la concierge du 13.<br />

Entre la cour et l’entrée, un regard ou un soupçon à tout, à ce<br />

qu’elle voyait et savait, à ce qu’elle aurait voulu savoir et qu’elle<br />

n’ignorait pas tout à fait, elle exerçait magnifiquement sa magistrature.<br />

« Je ne rêve pas moi ! se disait-elle. Je n’ai pas pu rêver. Deux bols<br />

de café noir sans sucre !... Ils étaient là, contre le mur, lui et elle, à se fricasser<br />

et à s’écraser, qu’ils auraient gémi et soufflé jusqu’au matin, elle<br />

par lui, lui par elle. Je me suis précipitée vers ma cochère comme s’ils<br />

voulaient sortir par là... encore ce plombier qui me vidait la tête ! Ce<br />

qu’ils ont dû rire ! <strong>La</strong> porte du 13 n’ouvre pas sur des souterrains. Ils<br />

n’étaient pas entrés, ils ne sont pas sortis. Je parie qu’ils sont là, dans<br />

quelque coin, à l’entrée du souterrain d’où ils sont sortis, ou qu’ils sont<br />

rentrés. Ils ne sont pas entrés dans l’entrée parce qu’ils ont vu la porte<br />

ouverte, attendu qu’elle était fermée. Alors... pourquoi se fricasser devant<br />

ma loge sous ma vitre ? Je leur apprendrai à se moquer de la<br />

concierge !... »<br />

Sans Irma la chienne, Irma la concierge aurait faibli, tant était<br />

lourde la charge de concierge du 13. Mais le triomphe renouvelait les forces<br />

de la virtuose, et celle de la concierge par les vociférations de sa<br />

chienne. « Douceur ! Trésor, cria la concierge. Mange-les si tu les trouves<br />

et dis-leur qu’on les trouvera ! »<br />

Pour dire, la chienne disait ! Comme les aboiements par quinte ne<br />

disaient pas à son gré, la chienne se mit à hurler, le cou tendu et tordu, la<br />

croupe à terre, comme un chien hurle à la mort. Ce hurlement de mort<br />

réveilla les dormeurs de Vaugirard jusqu’à Plaisance. L’Irma en camisole,<br />

le cou tordu : « Hurle, ma doucette ! Si tu réveilles le Commissaire<br />

c’est son affaire. C’est tout creux. Quand tu aboies, on entend que c’est<br />

partout creux. Mais maintenant que tu hurles, on entend les amoureux : ils<br />

ne se contentent pas de soupirer, ils crient d’amour, ils hurlent. Mon<br />

plombier hurlait des fois. »<br />

Elle écouta pattes croisées, puis décroisant : « Même le Commissaire,<br />

qu’est-ce qu’il pourrait ? S’il n’y avait que les deux de l’entrée !<br />

Mais tu les entends trésor de chienne ! C’est parce que tu entends qu’ils<br />

sont des dix et des cents que tu hurles. Moi qui n’entendais pas ! À part<br />

toi et moi, Arthur qui dort et la Salette, tout fait l’amour au 13. »<br />

Elle monta l’escalier D, le C, le B, même le A, persuadée que les<br />

escaliers croulaient sous les amoureux ; à chaque étage elle criait : « que

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