La Folie - MML Savin

Chapitre XL
Les squelettes
« Vivement que je ne soye plus concierge ! » C’était au moins la
vingtième fois qu’elle adressait cette sorte de requête aux colonnes de la
cochère, aux trottoirs, à la rue en général, depuis qu’elle avait installé son
pliant sur le trottoir. Arthur à côté d’elle. Dès huit heures elle avait dit à
son Arthur : « Viens-t-en, qu’on respire la fraîcheur. » Si quelqu’un passait,
Nestor ou le beau Serge, garçon boucher, elle se fendillait de rire : «
Faut bien qu’on respire la fraîcheur pas vrai ? » On riait à son rire. La
chaleur de ce lundi soir était à peu près celle d’un four, si gluant que la
Langouste n’aurait pu séparer ses bras l’un de l’autre. Madame Arthur ne
se tortillait en se fendillant que parce qu’elle était encore concierge. Le
rire aux passants était une des attributions de la concierge. Mais aussitôt,
gluante et congestive, les bras collés, elle reprenait sa plainte ou sa requête.
- Et pourquoi que tu ne serais plus concierge ? demandait
Arthur.
- Je m’entends...
Arthur n’entendait pas d’autre réponse. Le beau Serge, qui de nouveau
passait :
- Alors ? On va pas se promener, Madame Arthur ?
La Langouste un regard à droite puis à gauche, le soupçon, la terreur
dans le regard :
- Me promener ? Faudrait voir ! Suis-je t’y folle ? Il y a
trop de danger partout à ce qu’on raconte. Je n’irais pas jusqu’à Pasteur