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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

espérer un Te Deum si nous réussissons. » Le Colonel glissa son petit<br />

cahier dans sa serviette comme un homme qui ne veut pas dire ce qu’il ne<br />

faut pas dire. Puis après un instant de méditation sur le cuir de la serviette<br />

: « Franchement, croyez-vous qu’on puisse le faire revenir sur une quelconque<br />

de ses décisions ?<br />

- Non, mon Colonel ! En toute franchise.<br />

- Voilà qui est franc ! Vous m’êtes très sympathique,<br />

Tananarive. J’obéirai comme vous, de la même stricte obéissance, quelle<br />

que soit sa décision. Cela c’est inutile de lui dire. Mais parlez-lui malgré<br />

tout des listes. Quand on promet l’obéissance, on ne peut promettre aussi<br />

le silence. Si le Roi était en France (et peut-être faudra-t-il un jour le rappeler)<br />

je lui devrais tout même le peu que j’ai d’intelligence. Cette loyauté,<br />

jadis, a fait la noblesse de la France.<br />

- Je lui parlerai des listes, dit simplement Tananarive.<br />

Le paquet d’enveloppes est pour vous. Ma mission est terminée. Il me<br />

reste à vous présenter mes respects.<br />

Avant de passer de la chambre 10 au 11 :<br />

- Il est cinq heures. Je me couche et je dors une heure.<br />

C’est assez pour que je démolisse un lit. Le garçon pourra jurer que j’ai<br />

dormi. Sa veste de lin sous le bras, il souriait du stratagème. <strong>La</strong> porte<br />

refermée sans aucun bruit.<br />

« On ne prend jamais trop de précaution » se disait le Colonel. Par<br />

précaution, Monsieur Vidame qui n’avait retenu la chambre 10 que pour<br />

deux jours, prolongea d’un jour puis de deux. Il se félicitait d’une découverte<br />

qu’il avait faite : le petit cahier plié tenait juste dans la poche intérieure<br />

du veston olympique. S’il avait su ! Il était libre de se promener à<br />

son aise, d’aller le soir à l’Opéra. Il fut récompensé du sacrifice de Rigoletto<br />

par la Traviata et par le Trouvère. On le voyait qui attendait<br />

l’autobus de Cannes ou celui de Villefranche. Il entendit, un soir d’Opéra,<br />

qu’on disait de lui : « C’est un compositeur célèbre qui est à<br />

l’Impératrice. Il est toujours seul parce qu’il compose en se promenant. »<br />

Nul ne s’avisait de lui demander ce qu’il pensait de Saint Flour, de Bellay<br />

ou de Riberac : on ne compose pas un opéra avec des noms de villes.<br />

Un après-midi, sur la plage de Cannes, se promenant ou composant<br />

(en ce temps-là, on pouvait se promener sur la plage de Cannes), il s’était<br />

arrêté à regarder de la jeunesse qui jouait, car rien n’inspire un compositeur<br />

autant que la jeunesse : de jeunes garçons qui se lançaient et se renvoyaient<br />

un ballon. Le compositeur malgré l’olympique de son veston, ne<br />

connaissait pas le nom du jeu ; ce n’était pas un jeu de sa jeunesse.<br />

Qu’importe un nom ? Les garçons qui jouaient faisaient comme un ballet<br />

: il n’y manquait qu’un peu de musique et un nom. Ils avaient des grâces<br />

naturelles, d’autres plus étudiées. Ils s’échangeaient des grâces et des ri-

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