La Folie - MML Savin
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376 La Folie vers la cuisine avec la théière, qui prenait en passant son sac, qu’elle avait confié à la garde des buissons de roses. Un sac pour faire du thé ? Peutêtre ne supporte t-elle qu’une certaine espèce de thé, dont elle transporte une provision dans son sac. Sac d’une main, théière de l’autre, elle bute à l’escalier avant la cuisine. Si la théière cassée, au bruit de la porcelaine cassée, ou si Liliane avait crié, au cri, Jacques se serait précipité. À quoi tiennent les projets les mieux combinés ? Liliane dans la cuisine a la retraite et le temps qu’il faut pour exécuter le projet. Une allumette au gaz, une casserole et de l’eau : ce sera le thé. Le thé, quel beau prétexte ! Liliane a rougi au prétexte. Elle se désespérait de l’absence de tout prétexte. Mais il fallait aussi de la retraite, comme est celle de la cuisine, où l’on soit à l’aise. Car le projet comporte que Liliane se mette à l’aise, et si bien s’y met que la voici toute nue, aussi nue qu’un lys dans la cuisine. Le couloir est un long couloir. Elle entendrait venir. Cette précaution élémentaire serait approuvée par la Supérieure, qui approuverait aussi les mules que Liliane tire de son sac, car c’est un commencement de costume, et plus encore la robe qui était au fond du sac ( et plus rien d’autre dans le sac !), car enfin c’est une robe, blanche, comme est celle qui est signée Rubis, mais longue jusqu’au mules et boutonnée tout au long du long jusqu’au cou, haut sur le cou. Quelle décence ! La Supérieure dirait en vain que c’est une robe de nuit. Une robe de nuit peut avoir plus de décence qu’une robe de promenade qui simplifie, au point qu’un croquis de la jeune fille dans sa robe serait aussi bien le nu sans la robe. L’étoffe Rubis comme une transparence. Mais la soie de celle-ci ! La soie n’était que belle, mais au plus beau de la soie belle, fastueuse, sans ornement, vraiment princière. Un peu de galbe au corsage, la taille comme Liliane l’avait, très particulière, à la Diane, les jambes d’une chasseresse à longues jambes, un rien d’enfance dans l’effacé des épaules et la hauteur de cou, c’était bien la robe de nuit de Liliane, mais qui n’était robe de nuit qu’à La Folie, qui attendait depuis deux siècles de sa fraîcheur intacte l’heure de sa jeunesse et de sa folie. Les amours qui jouaient, à l’arc ou à la marelle, même l’amour tailleur étaient restés dans la chambre de Liliane. Ils avaient soupirés d’amour, en voyant que Liliane avait pliait sa robe et la cachait au fond du sac. Ils étaient de trop petits amours pour avoir rien à lui apprendre. Ils admiraient autant qu’ils pouvaient, mais la robe méritait plus que leur admiration. Liliane ne devait pas la consacrer uniquement à leur plaisir de petits amours, à la renverse sur son lit ou debout devant les platanes. Porter une théière dans cette robe d’apparat, ne pas perdre les mules aux quelques marches, ce fut toute une affaire. Tout ce que prévoyait le projet avait été accompli. Le reste, à l’aventure ! Elle n’avait plus cette rougeur aux joues, comme en prenant sa valise. Toute de soie blanche,
Le fond du sac 377 presque pâle dans son auréole d’or. Fut-elle déçue de ne pas trouver Jacques au boudoir, fut-elle contente ? Jacques s’attardait dans la chambre du vicomte, le dos tourné, à caresser la tige d’un lys, la même complaisance à s’attarder qu’à la balustrade quand il voyait des corsages et des tabliers dans les prés et dans les collines, une sorte de regret ou de mélancolie en respirant le parfum d’ivresse, en caressant la soie de la courbure végétale. Il n’entendit point les mules de Liliane derrière lui; Liliane avançait sans avancer, à deux pas de Jacques, contre Jacques. Il sentit contre lui, flexible, caressant, une courbure comme d’un lys ou d’une robe. Les cheveux d’une auréole lui frôlèrent les épaules, se caressèrent à son cou, un frisson de lèvres sur son cou. Il respirait sans rien dire l’ivresse des lys. Puis deux bras l’étreignirent sous la soie d’une robe blanche, toute une longue robe blanche collée à lui, l’étreignant, le saisissant comme un vertige ; une soie de jadis, une robe de nuit ou d’amour du temps des panaches et des carquois. Il était le prisonnier de cette robe ou le prisonnier d’un lys, d’où lui venait une ivresse plus puissante que celle des lys. Alors il s’avoua vaincu ou prisonnier, sans même demander d’où sortait cette robe de magicienne ou d’amoureuse, de quel songe ou de quel sac. Pourquoi demander ? Ils n’avaient déjà plus leurs lèvres pour demander ni pour répondre. Le thé était froid depuis longtemps quand Jacques demanda : - Aimez-vous le thé froid ? Vous mourriez de soif ! - Je n’avais pas la moindre soif, répondit-elle. *
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Puis deux bras l’étreignirent sous la soie d’une robe blanche, toute une<br />
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