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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

que les deux coups à la sonnette et le petit bouquet. Comme il était vide,<br />

tout à coup, ce vestibule ; et ridicule le bouquet ! Jacques n’entendait plus<br />

que son coeur, un jeune coeur qui n’était pas un coeur fragile. Que<br />

n’avait-il apporté des fleurs et des fleurs pour en garnir tous les vases ;<br />

des gerbes de fleurs ! Poliche était ici partout, dans la lumière vivante,<br />

aussi clair qu’un rire clair, dans le bruissement des arbres et des rideaux,<br />

dans la soie coulante du fleuve coulant par derrière, dans l’éclat des bois<br />

précieux et des meubles rares, dans l’esprit de tout cela qui était plus<br />

qu’une lumière, qui était son esprit et sa tendresse partout.<br />

Aux visites qu’il fit, Quai de Béthune, les jours suivants, Jacques<br />

apporta des brassées de fleurs. C’était sa joie de laisser l’appartement<br />

plein de glaïeuls et de roses. Il n’avait pas encore ouvert les tiroirs, c’était<br />

encore chez Poliche. Ouvrait-il les tiroirs qui n’étaient pas les siens à <strong>La</strong><br />

Châtelière ? Ce n’était qu’un appartement qu’il fleurissait jusqu’à ce qu’il<br />

plut à Poliche d’y revenir. Le vestibule aussi était fleuri. Quand on entre<br />

dans un appartement fleuri, des fleurs dès le vestibule, on n’irait point se<br />

dire que c’est l’appartement d’une ombre, où l’on ne vit qu’en souvenir.<br />

- Que de fleurs ! s’écria Liliane dès le vestibule.<br />

Sur une console vénitienne c’était un buisson de roses pourpres, le<br />

coeur des roses au violet pourpre. Sans regarder les roses, Jacques dit que<br />

la console était probablement vénitienne. <strong>La</strong> salle à manger n’était que<br />

glaïeuls de toute couleur.<br />

- Ce n’est qu’une salle à manger très simple, fit Jacques.<br />

Deux chaises c’est assez dire qu’on ne souffre que le tête-à-tête. Le bonheur<br />

est un tête-à-tête n’est-ce pas ?<br />

Puis il distribua des dates et des origines aux chaises, à la desserte,<br />

à la table. « Du Louis XIII comme il convient à une salle à manger. Poliche<br />

était difficile sur le Louis XIII.»<br />

Et d’expliquer pourquoi ce Louis XIII était supportable, mais sans<br />

insister, comme on bavarderait entre amateurs, d’un ton au dessus de<br />

l’artisanal et même du professoral. « Et bien ma jeune douairière, se disait<br />

Jacques, suis-je assez de <strong>La</strong> Châtelière au grès de votre Pontaincourt ?<br />

Que ne prenez-vous votre face à main pour avoir l’air de vous y connaître<br />

? Suis-je encore votre chauffeur ? Si je me guinde à ce ton là, qui n’est<br />

pas celui d’une salopette, il faudra que vous desserriez les dents....» Mais<br />

elle ne les desserra que pour dire : « Vos glaïeuls sont admirables...» Elle<br />

le dit, comme elle les voit, sans face à main, et d’un ton qui n’est pas tellement<br />

Pontaincourt.<br />

Elle a laissé le sac et la bombe dans le vestibule sous la protection<br />

du buisson de roses. De ses mains libres elle délie les glaïeuls trop liés,<br />

donne plus d’ampleur et de liberté aux gerbes, du bouffant du retombant<br />

aux feuilles, plus de naturel aux courbures, ce qu’ajoute aux fleurs une

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