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La Folie - MML Savin

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Le fond du sac 367<br />

Liliane tiré de sa rêverie, car elle rêvait à demi (d’un sourire ou<br />

d’un baiser ?) :<br />

- Que voulez-vous dire ?<br />

- Hélas, dit Jacques de plus en plus navré, mais il sourit<br />

encore car il vaut mieux sourire. C’est aussi bête qu’un noeud à un mouchoir<br />

quand on oublie pourquoi. Panne sèche !<br />

Jacques funèbre et souriant. Il doit expliquer ce que signifient les<br />

mots funèbres.<br />

- Mais ce n’est pas si grave. Et d’abord en êtes-vous bien<br />

sûr ?<br />

- Plus une goutte d’essence, plus une ! Si la voiture n’était<br />

pas si lourde, à nous deux nous la pousserions jusqu’au pompiste le plus<br />

proche. Je me ferai remorquer : cela m’apprendra. À chaque pompe je<br />

m’avertissais : l’essence ! l’essence ! Un diable m’entraînait.<br />

Puis comme s’il sortait lui aussi d’un rêve (était-ce du rêve qu’il<br />

souriait ?) :<br />

- Et d’abord où sommes-nous ?<br />

- Comment vous ne savez pas où nous sommes ?<br />

- Et vous ?... Je vous ai dit ce matin, cette voiture est mon<br />

jouet. Je joue. Je continue. Quel besoin de savoir où l’on est si l’on joue ?<br />

On joue n’importe où !<br />

Liliane allait dire : « alors vous ne me rameniez pas chez mon<br />

grand-père ? Mais se retint au bord de dire. Jacques qui venait de descendre<br />

riait, criait, se démenant sur le trottoir.<br />

- Qu’est-ce encore ?<br />

- C’est trop fort ! C’est plus fort que tout ! Je crois à la divine<br />

providence ! Oui, je crois, et comment ne pas croire ? Je suis chez<br />

moi !<br />

- Chez vous ?<br />

- Pas sur le trottoir.... Mais au premier étage je suis chez<br />

moi. Chez Poliche, c’est-à-dire chez moi. Et moi qui me guidait que d’un<br />

doigt, qui laissait la 402 choisir son chemin à sa guise, eh bien ! Comme<br />

un cheval revient chez lui la 402 revenait chez elle et me conduisait chez<br />

moi. Et chez moi, j’ai toujours une jerrican plein d’essence, parce que je<br />

suis un garçon prudent ; mais elle reste là-haut où elle ne sert à rien parce<br />

que je suis un garçon distrait. Distrait ! Faut-il que je le sois pour demander<br />

où je suis quand je suis chez moi ! Les distractions du fils passent<br />

celles du père, et mon père est le plus grand distrait qui soit...<br />

Liliane, sans descendre, au plus abaissé de ses cils, regardait Jacques,<br />

dix questions à lui poser, résolue à n’en poser aucune. Elle ne pouvait<br />

dire : « Me ferez-vous croire ?» Que voulait-il faire croire ? N’avaitil<br />

pas reconnu le théâtre Sarah Bernhardt ? Qu’est-ce qui prouvait à Li-

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