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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

grâce qu’on en manquerait si l’on refusait. « S’il est réussi, je vous le<br />

donne.»<br />

Elle reconnaît le format du croquis. Ils pourraient dire tant de chose<br />

l’un et l’autre qu’ils ne disent rien. Il serait délicat de dire, par exemple,<br />

qu’une robe blanche, toute simple mais signée Rubis, n’est pas un rempart<br />

de pudeur et de doctrine entre la courbure et le regard ou, d’autre<br />

part, que le vert tendre et le velours vert des souliers ont une connivence<br />

ensemble que n’auraient pas des souliers de sport et un croisé bleu. Autant<br />

parler d’une valise-contrebasse à propos d’un sac de cuir d’élégance<br />

incontestable !<br />

Un premier croquis ; il ne vaut rien. Mais le second, une ligne sans<br />

l’interrompre (Liliane a senti cette ligne autour d’elle comme un lasso),<br />

ce n’est qu’une ligne onduleuse qui se courbe et qui se dresse, qui, en se<br />

refermant, prend une robe au lasso, Liliane avec, ou même sans robe, la<br />

courbure à peine courbée d’un lys, la gloire et la nudité flexible de la tige,<br />

fille ou fleur, les pétales encore serrés, le blanc de l’étendard royal. « Il<br />

est à vous » dit Jacques. Elle regarde de son regard entre les cils. « C’est<br />

moi ? dit-elle. Si l’on veut !...» Jacques sans dire : « Il suffirait de le vouloir,<br />

flexible et nue si je voulais.» C’est Jacques qui se trouble à son tour<br />

d’une sorte de vertige. Liliane, si elle osait, se passerait les mains tout au<br />

long du corps pour se délier de cette ligne qui soudain l’a prise, dont elle<br />

continue à se sentir prisonnière. Jacques s’est reculé afin de mieux voir<br />

toute la façade ; il le dit ; mais, sans dire : « Ouvrir l’oeil ! Jacques tu n’es<br />

pas un garçon que l’on enlève.» Mais il oublie qu’un Colonel, à tous<br />

moments, peut venir se promener sous les ombrages, ou méditer devant<br />

cette plaque qui rappelle, sur un nom, la victoire de Foch, et la barbarie<br />

allemande. Il a lu ces mots « barbarie allemande » gravés sur la plaque. Il<br />

a serré une lettre dans sa poche en lisant. Ce n’est pas une lettre, c’est la<br />

main d’une petite bavaroise, une main barbare assurément ! Quand il<br />

serre cette main-là, il n’a plus a craindre le vertige, serait-il enivré de lys<br />

à robe blanche. À Liliane qui l’a suivi (toujours cette ligne qui la lie à<br />

Jacques en prisonnière) : « Voilà qui vous concerne. Lisez la plaque. Un<br />

chef-d’oeuvre de l’éloquence d’état-major ! » Et l’horloge de la cathédrale<br />

chante la demi après trois heures.<br />

À ce chant la ligne se rompt, Liliane n’est plus prisonnière, malgré<br />

le respect qu’elle voue à l’État-major, ou peut-être à cause du respect, elle<br />

lit à la hâte, et, sans dissimuler qu’elle entend rejoindre immédiatement et<br />

sans délai, d’un pas de Colonel, elle se hâte vers la voiture. Au lieu de<br />

reprendre sa place au service cartographique, elle s’installe sur la banquette,<br />

flanquée de son sac. « Me voici donc chauffeur d’une douairière<br />

se dit Jacques. On ne m’accusera pas de privautés excessives. Au besoin<br />

je puis faire établir un constat, comme voulait le furieux de Daumesnil.

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