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La Folie - MML Savin

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<strong>La</strong> <strong>Folie</strong><br />

c’est entendu, trois cent mille têtes, je les ai comptées. Si l’on coupait<br />

seulement trois cent mille têtes, tout dans ce pays marcherait sur des roulettes.<br />

Ensuite, on pourrait réformer bonjour et bonsoir selon l’état hydrométrique,<br />

le baromètre et le thermomètre.<br />

Un petit homme s’avança, affable, les yeux rieurs, la bouche cerise.<br />

Rien qu’à le voir, on comprenait que c’était un ami des hommes. Ce ne<br />

pouvait pas être le même homme qui avait parlé de couper des têtes. Le<br />

portrait allait répéter son bonjour, mais c’était un tel vacarme dehors,<br />

tonnerre et grêle, un déluge, une tempête, que, pour souhaiter bonjour, il<br />

fallait avoir au coeur une espérance plus qu’humaine, comme aurait Mme<br />

la Supérieure. Au sourire de l’homme, elle sourit. Il avait un si bon sourire.<br />

Elle aurait presque ri, en voyant tout l’homme, mais elle se retint.<br />

Un thorax de foire, une tête de penseur, une main droite à trois fois le volume<br />

d’une main, le reste n’était là que pour la forme ; une concession au<br />

passé de l’espèce. <strong>La</strong> main, pour serrer les mains. Quand il apercevait une<br />

main à serrer, il levait sa main à hauteur de front, l’élargissait de tout son<br />

large, au diamètre d’une poêle à frire, hésitait un instant au-dessus de la<br />

vôtre, l’engluait de toutes parts et la possédait. <strong>La</strong> gauche, qui restait à la<br />

poche, n’était qu’une main pour la forme. Le plus bas que la ceinture<br />

n’existait pas. Mais la poitrine, mais la tête ! <strong>La</strong> tête avait un baquet à<br />

fiches, comme on dit, dedans, des fiches et des références, de quoi pleuvoir<br />

sur vous tout un hiver de polémique. À ce combat, on partait battu.<br />

Le bon sourire vous le disait : « N’insistez pas !» <strong>La</strong> poitrine, souffle et<br />

coeur, avaient de quoi soutenir de souffle indéfiniment cette voix dont on<br />

s’étonnait qu’elle ne fût que de sauterelle.<br />

- Ah ! pardon ! Je n’avais pas vu ! s’écria la sauterelle. Salut,<br />

camarade intellectuelle, c’est bien d’arriver la première.<br />

L’intelligence, avec nous ! Je sais ... <strong>La</strong> réunion est fixée à 18 h. Mais 18<br />

h., quand on n’est pas une intellectuelle, c’est l’heure de l’apéritif au bistrot.<br />

Je ne suis le responsable du local que depuis deux jours, mais j’ai<br />

fait le tour du quartier. Les conditions économiques sont la base de tout le<br />

reste. Si tu veux, camarade, nous irons rejoindre les camarades.<br />

Et l’immense main avançait vers la jeune demoiselle comme une<br />

poêle, à l’y frire. Elle s’excusa :<br />

- Je n’ai pas de camarade. Je voudrais savoir ... J’arrive.<br />

L’autre enchaîna :<br />

- Je vois bien que tu arrives, et la première ; je t’en félicite.<br />

Si tu n’as pas de camarades, tu en auras. Tous les adhérents sont des camarades,<br />

des purs, ceux qui ont leur carte. Et même chez les sympathi-

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