La Folie - MML Savin

L’Apocalypse 337
- Qu’est-ce donc qui tombe ? demanda le jeune homme au
géant de Norvège ?
- Dans leurs cercueils d’argent des hommes tombent. Ces
deux ou trois bulles blanches, des heureux qui ont pu sauter en parachute.
Les autres ! comptez ! on a le temps de compter, du ciel à la terre. Eux
aussi ont le temps. Le géant ferma les yeux comme s’il souffrait d’une
blessure. Des jeunes hommes, dit-il, ce qu’il y a de plus beau au monde.
Aux petites tables, la surprise épuisée, on se retrouvait de l’appétit
pour de la tarte ou du homard. Marka sans déguiser sa voix :
- Un jour, vous ne me verrez plus ! Un jour, qui sait, je serai
peut-être cette trace d’argent sur le ciel, au-dessus du Pecq ou de Saint
Germain, ce jouet de papier d’argent, si peu de choses, à mon humble
poste de radio ou de photographe plus haut que le mont Sémir, où les
lions ont leur tanière, plus dangereux qu’un lion ; aussi vulnérable qu’un
cerf-volant. Si je tombe ne vous souvenez pas de moi.
On revit un instant la bête et l’écuyère, le roi des belges, la lumière
en majesté, puis un grand triangle de toutes les couleurs avant le tourbillon
et le chaos des couleurs. Une voix seule, pour finir, si haut dans le
ciel, si pure qu’elle en était indifférente. Elle n’avait pas fini de chanter
que ce fut du tango-tango de toute part, en battant des mains. L’archiduc
le premier à réclamer tango-tango. Le géant roux la main pétrissant
l’épaule d’un pyjama froissé sur un torse d’ivoire rose :
- Patrick, disait le géant, un nom que j’adore ! C’est la
Norvège. Je me nomme Erick. Voulez-vous danser ? J’aime danser mais
je n’aime pas le tango ; c’est d’un vulgaire !... Quand on se nomme Patrick
ou Erick, on ne danse pas un tango. Venez plutôt chez moi Patrick.
J’ai du gin incomparable que je reçois directement de Norvège.
Au petit jour, Marka sur la couchette du navire, serrant éperdument
sa Catherine :
- Mon jardin à moi, ma colombe à moi, je n’ai jamais eu de
jardin, je n’ai jamais vu de colombe. Ce sont des mots pour moi. Et pourtant
c’est vrai que tu es mon jardin et ma colombe. Comment partirais-je
si je ne partais pas avec toi ?
Dans l’épaisseur de la fourrure il sentit des lèvres qui lui enfonçaient
les lèvres jusqu’à son coeur.