La Folie - MML Savin

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La Folie
rouge à dimensions de drapeau, la laissait pendre et l’avalait. La musique
commentait la dame et la bête, la langue ou le miroir, les jambes ou le roi
des belges, mystique quand il fallait, altière ou coquine ; évasive à cette
langue que la bête avait tirée, qui s’étalait comme une bannière, le rouge
largement timbré de la croix gammée. Et la bête qui ne se décidait pas à
ravaler sa langue et la croix ! Toujours cette langue pendante, sa majesté
sur son trône déclama comme un récitant.
- Je vous dis que c’est Marka, disait le jeune homme. Vous
reconnaissez sa voix....
- Malheur, malheur ! Voici l’heure ! Ceux du nord ont eu
chaud ; ceux du sud ont eu froid. Êtes-vous chauds ? Êtes-vous froids ?
Tièdes, je le crains. Les tièdes sont les pires. Froids ou chauds, il vous
faut choisir. La bête ne ravalera point sa langue. Je parle par image. C’est
une vieille habitude de famille. Excusez-moi. La bête celle de
l’Apocalypse ! Vous savez bien qui je veux dire... Ma famille aussi,
quand je dis ma famille.....
Le jeune homme touchant le coude du grand roux :
- N’avais-je pas raison ? Dieu, c’est Marka...
- Mais le feu n’est pas une image. La langue de la bête assombrira
le monde. Elle est feu. Attendrez-vous l’ardeur de ce feu ? Aurez-vous
le courage ou la pudeur de le porter contre la bête ? Que les prophètes
prophétisent ! Voici les nouveaux archanges cavaliers.
Sans aucune transition d’orchestre, tocsins, sirènes, le fracas des
torpilles et de l’écroulement ; sur les murs de la salle, d’Amérique, de
France ou d’Angleterre, les escadrilles ! Les derniers grignoteurs de tarte
en perdirent le goût de la tarte.
- Quel goujat ! dit l’archiduc, est-ce une façon de recevoir
? Un simple documentaire ! Du trucage ! J’ai vu tirer ce film, l’année
dernière, quand j’étais de service à l’état-major... S’il lui plaît de se déguiser
en dieu des armées, c’est son affaire ! Heureusement il y a des
amis de la paix, patience ! Quand il sera l’heure, comme il dit, ils décrocheront
leurs carabines et nous expédieront proprement ce fauve ... S’il ne
s’est pas sauvé de l’autre côté de la planète !... Pour quelques banquiers
interdits de séjour, quel vacarme ! Veut-il nous faire croire que
l’Allemagne est un repaire d’assassins ! J’ai plusieurs amis dans les jeunesses
hitlériennes. Je ne parle pas à la légère. Il nous faudrait beaucoup
de garçons comme cela dans notre pauvre France.
Les sirènes et les tocsins s’étaient tus. Sur les murs, on voyait des
escadrilles volant très haut au-dessus des campagnes tranquilles, des flocons,
comme un peu de la barbe de Dieu, autour des escadrilles. Parfois
une feuille d’argent se détachait de là-haut et tombait comme les feuilles
tombent.